Dans quelle mesure les crises financières des 25 dernières années

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Dans quelle mesure les crises financières des 25 dernières années peuventelles être comparées à celle de 1929 ?
ESC – 2010
Introduction
 terme largement répandu dans les medias et la réflexion économique avec identification d’une double
logique historique : récurrence des crises financières dans la dynamique du capitalisme (bulbes de tulipes
en 1636), résurgence de logiques d’instabilité financière depuis les années 80
 place centrale de la crise de 1929 : couplage d’une crise financière majeure avec une dépression de
grande ampleur (Great Depression)
 question de la définition de la crise financière :
- première lecture : retournement à la baisse fort et brutal des principales variables financières (cours des titres financiers, taux de change, crédit bancaire, etc…)
- deuxième lecture : situation de cessation de paiement pour un grand nombre d’acteurs d’une
économie
- diversité des formes de la crise financière : crise boursière, crise bancaire, crise de change,
crise de la dette (en particulier publique)
 diversité des situations de crise concernées par le sujet :
krach boursier de 1987
dégonflement de la bulle japonaise 1990
crises de change du SME 1992 – 1993
crise mexicaine 1995
crise de l’Asie du Sud Est 1997
crise russe 1998
dégonflement de la bulle internet 2001
crise argentine 2001-02
crise des subprime 2007-08
crise des dettes publiques européennes 2010
A- Les crises financières reproduisent des schémas historiquement comparables (C. Kindelberger – Histoire mondiale de la spéculation financière : C.
Reihnhardt et K. Rogoff – This time is different)
1- La mise en place d’une bulle spéculative
 Mouvement de hausse des cours d’actifs (généralement à partir d’une vague d’innovation ou de
l’enclenchement d’une dynamique de croissance – exemples historiques) : « commerce des promesses » (P.
N. Giraud)
 Enclenchement d’une logique de bulle avec écart croissant de la valeur des titres par rapport aux « fondamentaux » : cf. variation des cours à Wall Street entre 26 et 29 parallèle à l’évolution des valeurs Internet à partir de 1996
 Débat autour des facteurs sous-jacents à l’enclenchement du processus : excès de crédit (thèse libérale),
asymétrie d’informations avec comportements rationnels d’acteurs (O. Blanchard), comportements mimétiques (A. Orléan), « paradoxe de la tranquillité » (H. Minsky)
2- Retournement et enclenchement de la crise
 Éclatement de la bulle lié à des facteurs variables (basculement des anticipations : modèles à équilibres
multiples – P. Artus) + localisation géographique du déclenchement (États-Unis, Japon, Thaïlande)
 Processus d’approfondissement de la crise : montée de la défiance (marché interbancaire en 2007),
paniques bancaires, ventes d’urgence (I. Fisher – déflation par la dette), blocage du crédit (credit crunch)
3- La diffusion de la crise à l’ensemble de l’économie
 Transmission de la crise à l’économie « réelle » : contraction de la consommation et de l’investissement,
mise en place de cercles vicieux de la déflation (en particulier autour des créances douteuses)
 Transmission d’autant plus forte que les agents sont fortement endettés et que l’endettement est de
type « Ponzi » (Minsky) : brokers en 1929, créances douteuses des banques japonaises dans les années 90,
propriétaires immobiliers en 2007
 Crise peut se transmettre à l’échelle internationale : impact des flux commerciaux (crise de 29, crise de
2008), mouvements spéculatifs (crise du printemps 1931, crise du Sud Est asiatique en 1997, contagion
de la crise des dettes publiques européennes en 2010)
 existence de différences entre les principales crises financières de la période actuelle et la crise de 29
mais reproduction du même type de schéma dans les origines, le déclenchement et les conséquences de la
crise
B- La période actuelle présente des traits particuliers en matière de crise financière
 constats à expliquer :
- récurrence des crises
- complexification des crises (crises doubles ou triples)
- diversité des économies touchées (économies émergentes)
- absence de crise économique mondiale
1- Les leçons tirées de la crise de 29 et de l’échec des politiques ont permis d’éviter
de reproduire un enchaînement déflationniste majeur
 ampleur de la dépression des années 30 peut être liée à des erreurs de politique économique (politique trop restrictive de la Fed. – M. Friedman, choix de politiques déflationnistes dans un premier temps,
politiques non coopératives : dévaluations – protectionnisme, échec de la conférence de Londres)
 évolution des politiques économiques : réaction forte des autorités lors des corrections boursières de
1987 et 2001, mise en œuvre de politiques de relance (automne 2008), mise en œuvre de garanties bancaires, jeu des stabilisateurs automatiques dans des économies où une part importante du revenu est socialisée
 faiblesse des réactions non coopératives : rôle du G 20 et du G7 en 2008 – 2009, faiblesse des mesures
protectionnistes (même si les discours sont présents et qu’on peut s’interroger sur l’existence d’une
guerre des changes)
2- Deux mutations majeures des années 80 : financiarisation et mondialisation qui
permettent d’expliquer à la fois la récurrence des crises et la diversification de
leurs formes
 selon certains auteurs, le mouvement de déréglementation et de financiarisation de l’économie initié
dans les années 80 accentue les risques de crise et leur donne une dimension systémique (M. Aglietta)
-
contre exemple des 30 Glorieuses marquées par une forte réglementation et la quasi absence
de crises financières
déréglementation facilite la prise de risque des acteurs (apparition d’instruments financiers
nouveaux)
 mondialisation des années 80 s’accompagne d’une forte croissance des flux financiers internationaux
(IDE + mouvements spéculatifs) :
-
accélération des processus de diffusion des crises financières
situation particulière des économies émergentes : rapidité des flux de capitaux avec un système financier et bancaire qui évolue peu (question de la résilience du système)
fort impact des crises complexes (en particulier lorsqu’elles touchent le secteur bancaire)
3- La crise des subprime : la nécessité de renouveler les explications ?
 interrogations sur la crise des subprime et surtout sur la difficulté à retrouver une croissance stable
dans les PDEM permettant de réduire le chômage et de rééquilibrer les comptes publics
-
interrogation sur les politiques (réapparition d’erreurs caractéristiques des années 30) avec
un poids excessif des politiques d’austérité en Europe (débat autour du multiplicateur budgétaire)
question de la régulation du système bancaire et de la maîtrise des risques financiers (logique
d’aléa moral)
capacité des principales économies à s’engager dans une logique coopérative (choix allemands et chinois)
 crise des subprime renverrait à des enjeux structurels et marquerait une rupture du capitalisme
-
infléchissement de la dynamique de consommation suite à la modification des conditions de
partage de la valeur ajoutée au détriment des salariés qui pousse à l’endettement des ménages
interrogations sur un essoufflement de la dynamique d’innovation et de productivité
interrogations sur une reprise « sans emplois »
mutation des rapport des force économiques mondiaux
Conclusion
Il existe indiscutablement des points communs entre les crises financières des 25 dernières années et la
crise de 1929. La séquences spéculation – krach – crise économique se reproduit dans ses grandes lignes.
On doit d’ailleurs noter que l’existence de ce type de logique n’est pas propre au 20 ème siècle mais est liée à
l’histoire du capitalisme depuis le 17ème siècle.
On ne peut cependant nier que la période actuelle est marquée par le double phénomène de financiarisation et de mondialisation qui donne des caractéristiques particulières aux crises financières récentes et
qui conduit à des trajectoires très diversifiées, une fois la crise déclenchée.
La crise des subprime peut de ce point de vue être considérée comme une étape majeure : son ampleur
mondiale, les difficultés à en sortir permettent de la considérer comme le résultat des mutations structurelles enclenchées dans les années 80, même si certaines réminiscences des années 30 se font jour à
l’heure actuelle, et non comme un simple accident. On doit alors aujourd’hui s’interroger sur la place
qu’elle tiendra dans l’histoire du capitalisme et qui sera liée aux conditions de sa sortie et aux mutations
structurelles qu’elle génèrera.
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