Symbolisme de l`inceste et ésotérisme

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Symbolisme de l’inceste et ésotérisme :
Exégète chaote de l’inceste
par Christian Guillemet aka Mozhorus Tau solarass
(Evêque du Diocèse de Bruxelles de l’Eglise Gnostique Chaote)
AVANT PROPOS
Bonjour,
Je tiens avant toute chose à remercier Jean-Michel Devésa pour son invitation à
participer à cet événement en tant qu’artiste et en tant qu’ésotériste, et ce afin d’offrir
au sujet de l’inceste un éclairage symbolique particulier.
Avant de commencer cette exégèse, je voudrais que l’on se demande « ce qu’est un
ésotériste lambda et comment il fonctionne » ; cela afin qu’il ne puisse pas y avoir
d’incompréhension de mon propos sur ces deux points tendancieux que sont
l’interprétation de textes religieux et l’inceste.
Le petit Robert nous instruit que « [l]'ésotérisme est une doctrine suivant laquelle des
connaissances ne peuvent ou ne doivent pas être vulgarisées, mais communiquées
seulement à un petit nombre de disciples. »
L’ésotériste ferait donc partie de ce club fermé où l’on considèrerait que la connaissance
(de soi, de l’autre, du monde et accessoirement de dieu(x)) serait l’affaire de quelquesuns, aptes à l’entendement des secrets, et non des autres, pauvres ères inaptes à cette
compréhension.
Pour ma part, je crois que l’ésotériste, bien avant que de s’instruire à la source d’un
précieux et secret savoir, commence par interpréter, de manière instinctive, les symboles
qui l’accompagnent, et qui déterminent ou découlent de son propre environnement.
Comme l’explique l’ethnologue Alain Gheerbrant « la valeur symbolique s’actualise
différemment pour chacun, quand un rapport de type tensionnel et intentionnel unit le
signe qui stimule et le sujet qui perçoit.
Une voie de communication s’ouvre alors entre le sens caché et la réalité secrète d’une
attente.
Symboliser, c’est, à un certain niveau, vivre ensemble. »
Ainsi étudier ces symboles qui font partie du patrimoine de l’imaginaire collectif,
observer comment ils interagissent avec notre propre existence, et soupçonner entre eux
des corrélations quelque soit le paradigme dont ils sont issus, est une forme d’étude
sociologique permettant de se situer au sein de l’humanité, et d’interagir avec elle.
C’est sous ce postulat que j’entends vous faire part d’une exégèse chaote de l’inceste :
chaote car nourrie d’une liberté d’interprétation qui n’est pas étrangère à la pratique
du saut de paradigmes ; pratique que l’on retrouve notamment au sein de l’art magique
1
inspiré par l’artiste, occultiste et magicien anglais Austin Osman Spare, contemporain
d’Aleister Crowley.
INTRODUCTION
Commençons…
La plupart des sociétés réclame des monstres à sacrifier (« monstre » du latin monstrum,
« présage », comme l’étaient ces hermaphrodites que l’on jetait dans le Tibre à Rome
car ils étaient considérés comme des augures de grands troubles).
L’être commettant l’inceste, bien plus rarement médiatique de nos jours, que le
pédophile, que cela heurte ou non nos sensibilités, est perçu le plus souvent comme un
monstre qui doit être mis à l’index de la société.
Mais le monstre, qu’il soit sodomite, incestueux, communiste ou juif, selon les époques,
est avant tout un avatar nécessaire à la communauté car il incarne toute l’horreur
potentielle dont la société est capable à ce moment donné, telle une tumeur née de
l’impureté collective.
La société, en reconnaissant le monstre qui participe à sa corporalité, en le stigmatisant,
opère une sorte d’exorcisme de cette part constituante de son corps malade ; un
exorcisme permettant de ressouder les liens avec les autres individus qui le composent
en une communion avec la loi et en la célébration de leurs valeurs morales.
Il suffit de constater récemment l’émoi collectif qu’a causé le cas de l’incestueux Josef
F. à Amstetten en Autriche, pour s’apercevoir de l’effet fédérateur universel que
présente le rejet de l’inceste.
Ce qui horrifie la société en l’incestueux, ce n’est pas une aberration physique telle que
celle des Hermaphrodites Romains, mais plutôt ce qui est généralement considéré
comme une aberration morale, une corruption de l’âme, car quel être est-il plus
pernicieux, aux yeux de la société, que celui qui trompe la personne qu’il est censé
protéger et aimer comme son frère, sa mère, sa fille ?
C’est cette duplicité qui est révélatrice de la proximité de celui qui commet l’inceste
d’avec le reste de l’humanité, duplicité révélatrice également de la monstruosité que
nous portons chacun, potentiellement, en nos pulsions les moins raisonnées.
PROPOS
Comme dit précédemment, un autre archétype fut considéré comme monstre et puni en
tant que tel par la société : il s’agit de l’hermaphrodite qui, dans la vie « mondaine » si je
puis dire, s’est vu refusé son statut d’être divin, pour être affublé de celui d’aberration
de la nature.
2
L’étude symbolique de l’archétype de l’hermaphrodite nous permet de trouver des liens
avec un individu né de relation incestueuse, par nature donc un être créé de matière
spontanée, symboliquement à partir de son propre corps, de son propre sang.
En explication, nous lisons Genèse 1.27, au sixième jour : « Dieu créa l’homme à son
image, il le créa à l’image de Dieu, il créa l’homme et la femme. Dieu les bénit et Dieu leur
dit : soyez féconds, multipliez et remplissez la terre. »
Et, au septième jour seulement, le lendemain donc… « l’éternel Dieu forma une femme
de la côte qu’il avait prise de l’homme, et il l’amena vers l’homme. »
Ce passage pourrait également sous-tendre la naissance de Lilith mais nous ne
retiendrons ici que l’émanation d’un hermaphrodite primordial, fils du soleil et de la
lune dans la tradition Hermétique, Adam haRichon ou Adam haKadmon selon la
Kabbale.
Cet homme primordial donc, fait à l’image de dieu est un androgyne, bivalent et
autosuffisant comme l’indique ce « multipliez et remplissez la terre » ; un hermaphrodite
fertile dont le philosophe théologien Amaury de Bennes* professe au treizième siècle
« qu’à la fin du monde, les deux sexes seront réunis dans » cette « même personne, que
cette réunion avait commencé en Jésus Christ ; et que si l’homme était demeuré dans l’état
où Dieu l’avait produit, il n’y aurait eu nulle distinction des sexes »1.
Mais sans distinction de dieu, nulle humanité donc : l’homme céleste se devait d’être
séparé de dieu(x) afin de prendre connaissance de lui-même. Par cette hypothèse, la
source du péché originel serait cette dissociation sexuée d’un être hermaphrodite,
symboliquement parfait, en deux parties distinctes, mâle et femelle, et le bannissement
du jardin d’Eden ne serait qu’une conséquence de cette cause première : la distinction.
Il me semble que l’on peut considérer l’acte d’inceste dans le cadre divin (lorsque celuici se solde par une reproduction en tout cas), comme se rapprochant symboliquement de
cet être hermaphrodite capable, par sa prédisposition reproductive autosuffisante, de
s’offrir une descendance à partir de la matière même qui le forme, sans l’apport d’un
corps autre comme fertiliseur ou réceptacle du nouveau né.
A l’image de l’ouroboros, dont Alain Gheerbrantd souligne qu’il renferme l’idée
d’autofécondation et d’union des principes opposés (soit le ciel et la terre, le bien et le
1
.Amaury de Chartres ou Amaury de Bène (en latin, Amalricus de Bene, mort en 1209)
est un philosophe et théologien français du XIIe siècle.
Il professa une sorte de panthéisme mystique, dit du Libre-Esprit, qu’il avait puisé dans
les écrits de Jean Scot Erigène, qui le fit condamner en 1204 par le pape Innocent III et,
en 1215, par le IVe concile du Latran.
Il enseigne la théologie et la philosophie à l’université de Paris. Il eut un grand nombre
de disciples, parmi lesquels on remarque David de Dinan. On nomme ceux-ci les
Amauriciens : un grand nombre d'entre eux furent jugés au cours d'un concile réuni à
Paris en 1210, et brûlés en dehors de Paris, au-delà de la porte des Champeaux, après
avoir été livrés à la justice royale alors qu’Amaury semble avoir préféré renier ses
propres propos afin d’éviter ce bucher.
3
mal, le jour et la nuit), l’inceste symbolique intervient à l’origine du monde et de
l’homme, mais cette expression sexuelle involutive signe également l’heure de la
création, de tendance évolutive, dynamique, propre à la réordination d’un monde ancien
à un autre modernisé.
Il s’agira ici du temps césure que l’on retrouve dans le chapitre I de la Genèse « Dieu
sépara la lumière d’avec les ténèbres, […] les eaux qui sont au dessous d’avec les eaux qui
sont au dessus, […] qu’il y ait des luminaires dans l’étendue du ciel, pour séparer le jour
d’avec la nuit ; que ce soient des signes pour marquer les époques, les jours, la nuit. »
Lao Tseu, de son côté, le rapporte ainsi (Chap. 34 du Tao-tö King) :
« Voici ce qui jadis parvint à l’unité.
Le ciel parvint à l’unité et devint pur.
La terre parvint à l’unité et devint tranquille.
Les esprits parvinrent à l’unité et devinrent efficients.
Les vallées parvinrent à l’unité et se remplirent.
Les êtres parvinrent à l’unité et se reproduisirent.
Les princes et seigneurs parvinrent à l’unité et devinrent l’exemple de l’univers.
Si le ciel n’était pas pur, il se déchirerait.
Si la terre n’était pas tranquille, elle se ruinerait.
Si les esprits n’étaient pas efficients, ils s’anéantiraient.
Si les vallées ne se remplissaient pas, elles se dessécheraient.
Si les êtres ne se reproduisaient pas, ils disparaîtraient.
Si les princes et seigneurs n’étaient pas exemplaires, ils seraient renversés. »
On peut observer cette systématique d’individualité issue de l’unité dans de nombreuses
cosmogonies. En effet, les événements qui construisent le monde mythique amènent
souvent les dieux et leurs créations à briser leurs contiguïtés et leurs similarités
primitives contre l’obtention, pour ces derniers, de nouveaux statuts d’individus
distingués.
Dans la cosmogonie Héliopolitaine, par exemple, Atoum, le créateur du monde, est lui
aussi un dieu autosuffisant et asexué, androgyne, lequel par masturbation, engendre les
concepts opposés qui définissent et limitent le monde.
Sa fille Tefnout (humidité/femme) et son fils Chou (air/mâle) de leur union incestueuse,
engendrent la déesse Nout (ciel/femelle) et son frère Geb (Terre/mâle), lesquels, par leur
propre union incestueuse, donnent naissance à Isis, Osiris, Seth et Nephtys.
A noter : une aberration généalogique permettant que Nout soit parfois petite fille, et
parfois mère d’Atoum, c’est-à-dire arrière grand-mère d’elle-même, soulignant par là, le
caractère exceptionnel de la nativité du divin, et le crée in illo tempore, instantané, de
l’univers.
Plus particulièrement pertinent il me semble, l’inceste de Seth et de son neveu Horus
dont les actes de sodomies mutuelles déterminent finalement la primauté du règne
d’Horus sur celui de son oncle.
4
Mais cette lutte comporte également le concept d’émasculation de Seth par son neveu
Horus, et l’on peut, là encore, trouver un lien symbolique pertinent avec l’inceste
puisque celle-ci intervient de manière coïncidente à ce temps de création de l’univers2.
A ce sujet, Yves-Hiram Haesevoets auteur de « L'enfant victime d’inceste, de la
séduction traumatique à la violence sexuelle » nous apprend que :
Ce rapprochement sémantique entre l’inceste et la castration se vérifie de manière
symbolique lors de la scission de l’Hermaphrodite en êtres différenciés de dieu, lequel,
dans sa volonté d’émancipation, mutile en quelque sorte son créateur en lui ôtant ses
ornements reproductifs pour s’en emparer.
Cela se retrouve également dans le mythe d’Ouranos qui, présidant à une effervescence
chaotique et indifférenciée du monde, est émasculé par son fils Cronos d’un coup de
faucille, mettant ainsi fin à ses sécrétions indéfinies et permettant l’avènement d’un
monde organisé et ordonné3.
Ou bien encore dans la Torah, Genèse 9, immédiatement après le Déluge :
: Les aventures d’Horus et Seth dans le Papyrus Chester Beatty de Michèle
Broze, ou encore Chrétien de Troyes.
3
.André Virel, écrivain, entre autres qualités, définit ce processus en trois étapes.
La Cosmogénie : Où Ouranos préside à une effervescence chaotique et indifférenciée,
détruisant par son abondance tout ce qu’elle crée.
La Schizogénie : Où Cronos d’un coup de faucille tranche les organes de son père et met
fin à ses sécrétions indéfinies. C’est là l’aspect régulateur « qui bloque toute création de
l’univers… le nœud de l’onde stationnaire, le temps symétrique, le temps d’identités ».
Et l’Autogénie : Où Zeus voit son règne arriver et symbolise un nouveau départ,
organisé et ordonnée, et non plus anarchique et débondé.
2.SOURCE
5
« 20 Et Noé commença à être cultivateur* et il planta une vigne ;
21 et il but du vin, et il s’enivra et se découvrit au milieu de la tente.
22 Et Cham, père de Canaan, vit la nudité de son père, et le rapporta à ses deux frères,
dehors.
23 Et Sem et Japheth prirent le manteau et le mirent, les deux, sur leurs épaules et
marchèrent en arrière et couvrirent la nudité de leur père ; et leur visage était [tourné] en
arrière, et ils ne virent pas la nudité de leur père.
24 Et Noé se réveilla de son vin et sut ce que lui avait fait son plus jeune fils ; et il dit :
25 Maudit soit Canaan ! Il sera l’esclave* des esclaves de ses frères.
26 Et il dit : Béni soit l’Éternel, le Dieu de Sem, et que Canaan soit son* esclave !
27 Que Dieu élargisse Japheth*, et qu’il demeure dans les tentes de Sem, et que Canaan
soit son** esclave ! »
— v. 20 : litt.: homme du sol. — v. 25 : ailleurs : serviteur. — v. 26 : ou : leur, c. à d. de la race
de Sem. — v. 27* : élargissement. — v. 27** : ou : leur, c. à d. de la race de Japheth
Par trois fois, Noé condamne son petit fils Canaan à l’esclavage ; et à ceux qui se
demanderaient pourquoi punir Canaan plutôt que son père, (les rabbins R. Néhémia et
R. Judah) le Talmud hypothèse que, parce qu’il est écrit « Dieu bénit Noé et ses fils »
(Gen IX 21), et que la malédiction ne peut résider dans un endroit où règne la
bénédiction il est dit « maudit soit Canaan ». Rabbin Néhémia a expliqué également que
ce fut Canaan qui l’a vu le premier et les en a informés, en conséquence la malédiction
revient à celui qui a mal agi (Ber R 36,7).
Quoi qu’il en soit, cette malédiction a nourri de nombreuses controverses, dont l’une qui
concerne le déshonneur physique du patriarche (Talmud Babli-Sanh 70a) que
rapportent les propos de deux Rabbins Rav et Samuel, dont l’un affirme que Cham l’a
castré, et l’autre qu’il l’a sodomisé, le texte concluant que les deux affronts ont été
perpétrés4.
Cet acte de rébellion, qu’il s’agisse de la sodomie ou de la castration du père, est
symboliquement une quête d’acquisition d’individualité, du même ordre que la division
de l’hermaphrodite. Mais cette démarche pour l’homme, naturelle et même
4.Source
: Ethiopiques, Revue trimestrielle de culture négro-africaine, Numéro 40-41,
Nouvelle série - 1er trimestre 1985 - volume III n°1-2. Auteur : Simone Bakchine
DUMONT.
Piste à explorer encore : Dans l’Évangile selon Thomas, verset 22, Jésus dit « Quand
pour vous le deux sera l’Unique, quand l’intérieur sera l’extérieur et le haut comme le
bas, afin de faire le mâle et la femelle en un seul, de sorte que le mâle ne soit pas mâle et
la femelle femelle, quand vous verrez des yeux à la place d'un œil, quand pour vous une
main sera une main, quand un pied sera un pied et une image une image, alors vous
entrerez dans le Royaume. »
La table d’Emeraude, d’Hermès, reprend de mémoire une formulation similaire, etc.
6
indispensable à une vie qui ne soit pas qu’une infinitude soumise au divin unique est
donc toujours retranscrite dans la Bible comme une faute d’une réversibilité impossible.
A cette occasion, l’inceste subit donc une sorte de glissement détruisant ces attributs que
Gheerbandt définit comme la célébration et l’exaltation de sa propre essence, la
découverte et la préservation du moi profond, pour ne devenir, dans la vie mondaine,
que l’expression d’une immoralité et d’une décadence proscrite par ces phrases du
Lévitique, chap 18:
« 6 Nul homme ne s’approchera de sa proche parente, pour découvrir sa nudité. Moi, je
suis l’Éternel.
7 Tu ne découvriras point la nudité de ton père, ni la nudité de ta mère : c’est ta mère ; tu
ne découvriras point sa nudité.
29 Car quiconque ne fera aucune de toutes ces abominations,… les âmes qui les
pratiqueront, seront retranchées du milieu de leur peuple.
30 Et vous garderez ce que j’ai ordonné de garder, en sorte que vous ne pratiquiez pas les
coutumes abominables qui se sont pratiquées avant vous ; et vous ne vous rendrez point
impurs par elles. Moi, je suis l’Éternel, votre Dieu. »
Cet homme distingué se voit taxé d’impureté, il est sommé de répondre aux exigences
hygiéniques de l’Éternel, et dans le cas contraire, on observera le courroux de Dieu venir
s’abattre sur l’humanité de manière systématique, soulignant encore le caractère
exceptionnel et l’importance de l’événement castration-inceste-émancipation de
l’homme.
La destruction de Sodome et Gomorrhe en est un exemple frappant puisqu’Abraham
obtient de l’Éternel qu’il épargne la ville si celui parvient à trouver dix justes parmi ses
habitants, dix justes non recensés puisque nous lisons dans le chap 19 de la Genèse :
« 24 Et l’Éternel fit pleuvoir des cieux sur Sodome et sur Gomorrhe du soufre et du feu, de
la part de l’Éternel ;
25 et il détruisit ces villes, et toute la plaine, et tous les habitants des villes, et les plantes de
la terre.
26 Et la femme de Lot* regarda en arrière, et elle devint une statue de sel. »
— v. 26 : litt.: sa femme.
« 27 Et Abraham se leva de bon matin, [et vint] au lieu où il s’était tenu devant l’Éternel.
28 Et il regarda du côté de Sodome et de Gomorrhe, et du côté de tout le pays de la plaine,
et il vit, et voici, la fumée de la terre montait comme la fumée d’une fournaise.
29 Et il arriva, lorsque Dieu détruisit les villes de la plaine, que Dieu se souvint d’Abraham
et renvoya Lot hors de la destruction, quand il détruisit les villes dans lesquelles Lot
habitait.
30 Et Lot monta de Tsoar, et habita dans la montagne, et ses deux filles avec lui ; car il eut
peur d’habiter dans Tsoar ; et il habita dans une caverne, lui et ses deux filles.
31 Et l’aînée dit à la plus jeune : Notre père est vieux, et il n’y a pas d’homme sur la terre
pour venir vers nous selon la manière de toute la terre.
32 Viens, faisons boire du vin à notre père, et couchons avec lui, afin que nous
conservions* une semence de notre père.
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33 Et elles firent boire du vin à leur père cette nuit-là ; et l’aînée vint et coucha avec son
père ; et il ne s’aperçut ni quand elle se coucha, ni quand elle se leva.
34 Et il arriva, le lendemain, que l’aînée dit à la plus jeune : Voici, j’ai couché la nuit
passée avec mon père ; faisons-lui boire du vin encore cette nuit ; et va, couche avec lui, et
nous conserverons une semence de notre père.
35 Et elles firent boire du vin à leur père cette nuit-là aussi ; et la plus jeune se leva, et
coucha avec lui ; et il ne s’aperçut ni quand elle se coucha ni quand elle se leva.
36 Et les deux filles de Lot conçurent de leur père.
37 Et l’aînée enfanta un fils, et appela son nom Moab : lui, est le père de Moab, jusqu’à ce
jour.
38 Et la plus jeune, elle aussi, enfanta un fils, et appela son nom Ben-Ammi : lui, est le
père des fils d’Ammon, jusqu’à ce jour. »
— v. 32 : litt.: fassions vivre.
Chronologiquement, dans cet extrait comme dans celui du déluge, l’inceste intervient
immédiatement après que le courroux de Dieu ait assaini le monde.
On peut considérer que cela soit motivé par l’injonction de reproduction sous la menace
du péril de l’humanité toute entière mais que cela soit aussi synonyme d’une célébration
du moi de l’individu humain.
Quel que soit le sens que l’on décide d’offrir à ces faits, il s’agit dans les textes de
souligner le côté punitif, ainsi que le caractère originel et immanent du péché dans
l’homme, l’Eternel pouvant bien menacer et prétendre épargner quelques élus afin de
recréer un monde pur, il ne peut que constater l’échec de ses tentatives par
l’intervention de cette scission, de cet inceste originel toujours recommencé.
CONCLUSION
En conclusion, l’inceste divin relève d’abord à mes yeux du symbole de la création auto
suffisante.
Se produisant à l’heure de l’ordonnancement du monde, il permet de célébrer le
potentiel de vie et la capacité de survivance de l’espèce ; et par là même, la conscience
que les hommes ont d’eux-mêmes, de leurs civilisations, de leurs cultures.
Mais l’inceste non plus divin mais humain de Noé et Lot, tous deux abusés par leurs
progénitures, voire mutilés par elles, met également en exergue le caractère impur de la
race humaine et la gravité de leurs actes de désobéissance par leurs émancipations
originelles.
C’est le poids de cette faute, la division de l’unité primordiale, qui explique,
possiblement, l’universalité du tabou de l’inceste ; dans sa forme symbolique d’abord
puis, par glissement moral, au sein des sociétés humaines, exception faite toutefois aux
unions royales, qui tendent par ce biais à se rapprocher des dieux : je pense
singulièrement à la relation ambiguë même si non consommée entre la princesse Leïa et
son frère jumeau Luke Skywalker.
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Pour finalement revenir sur la nature de l’incestueux, parfois considéré par notre société
comme un monstre voire une aberration de la nature, je noterai uniquement que la
symbolique de l’inceste me semble se trouver à l’origine de l’espèce humaine même,
mais également à l’origine du monde.
On peut donc supposer que, dans un cadre mythologique, sans cette inceste divin, il n’y
aurait jamais eu de distinction de l’unité divine ni alors d’humanité.
Et c’est peut-être bien cela qui horrifie tant la société dans le masque de l’incestueux : de
reconnaître qu’il a le visage de l’humanité proprement dite, dans toute son originalité…
En vous remerciant.
© Tau SolarAss – 2008
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