De la notation des accords en Jazz

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De la notation des accords en Jazz
Des notations abrégées en Musique :
Les jazzmen utilisent une notation abrégée des accords, qui évite
de mentionner toutes les notes de l’accord. C’est une sorte de
sténographie musicale. A une certaine époque, les musiciens
classiques utilisaient aussi une notation de ce genre pour les parties
d’accompagnement au clavecin (les basses chiffrées). Cet usage,
comme d’ailleurs celui de l’improvisation et de l’ornementation, s’est
perdu par la suite, quand les compositeurs classiques ont commencé à
vouloir noter tous les détails dans les partitions.
Les grilles du Jazz :
La partition utilisée en musique classique est souvent remplacée
en Jazz par une « grille d ‘accords », c’est à dire par un tableau qui
donne mesure par mesure les accords à jouer dans le morceau. Les
standards de Jazz ont en général une longueur limitée à 8 , 12 ,16 ou
32 mesures . La « grille » a donc 8, 12, 16 ou 32 cases qui contiennent
chacune un ou plusieurs accords. Voici un exemple de grille de 12
mesures :
C7
F7
G7
F7
F#0 7
G7
BLUE MONK
C7
G7
C
G7
C
C
C
C
C7
G7
Le morceau se joue « en boucle » , c’est à dire qu’on répète la
grille autant de fois qu’on le souhaite. Les instruments
d’accompagnement jouent les accords indiqués, et les solistes
improvisent une mélodie à leur fantaisie, à condition qu’elle sonne
convenablement avec les accords. On comprend donc l’intérêt qu’il y
a pour le soliste de connaître les accords, même s’il ne joue pas que
des notes appartenant à ces accords !
Les noms des notes :
La notation utilise de préférence les noms de notes anglo-saxons
« A,B,C,D,E,F,G » au lieu des noms « do ré mi fa sol la si do »
utilisés dans les pays de langues romanes. Les notes en anglais
commencent au la , par connséquent : A=la, B= si, etc … .Un jazzman
(ou une jazzwoman) devra apprendre par cœur ces
correspondances…..
Qu’est ce qu’un accord ?
Un accord est un ensemble de 3 ou 4 notes, parfois plus, jouées
simultanément, ou en arpège. L’espacement entre notes est le plus
souvent tierce par tierce.
Les accords de 3 notes :
L’accord le plus simple, dit accord parfait , est obtenu par la
succession d’une tierce majeure (par exemple do mi ) et d’une tierce
mineure (mi sol) ce qui donne par exemple do mi sol qui est l’accord
parfait de do (ou do majeur) , noté simplement Do ou C dans la
sténographie. La sténo n’indique pas l’ordre des notes. Le pianiste qui
voir une case « C » dans la grille pourra jouer « do mi sol » ou « mi
sol do » ou « sol do mi » : c’est ce qu’on appelle des renversements de
l’accord. Le soliste basera sa mélodie sur les notes de l’accord , et
pourra ajouter des « notes de passage » : il peut très bien jouer do ré
mi. Certaines notes sont cependant à éviter car elles sonnent mal
avec do mi sol : c’est le cas du fa et du si par exemple. On voit par là
l’intérêt des gammes pentatoniques comme do ré mi sol la .
Un accord mineur est un accord qui commence par un tierce
mineure, comme la do mi : la do = tierce mineure . Cet accord sera
noté La m ou Am ou A- C’est ici que l’on voit que la sténo du
Jazz n’est pas entièrement standardisée, chacun ayant ses propres
habitudes, comme de signaler le mineur par un m minuscule ou un
signe moins.
Quelles sont les notes d’un accord ?
Il est plus simple d’indiquer les notes de l’accord par leur degré.
En effet on peut indiquer une note par son nom (Do ou C par exemple)
ou aussi par son rang dans la gamme. Si on est dans la tonalité de Do
majeur , Do est la première note, ré la deuxième , etc … on peut très
bien appeler les notes 1,2,3,4,5,6,7 ou I ,II, III, IV, V, VI, VII . Cette
méthode a l’avantage de désigner les notes par leur emplacement dans
la gamme et non pas par leur nom. Vous savez sans doute que les
notes d’une gamme ont un rôle qui dépend de leur emplacement dans
la gamme : la première (I) est la tonique, la quatrième (IV) est la sous
dominante, la cinquième (V) est la dominante, etc …. La notation V
ou 5 désigne donc toujours la dominante. Si on est en Do ce sera un
sol , si on est en Si bémol ce sera un Fa , etc …
On peut donc indique donc les notes de l’accord par leur degré,
avec la mention dièze ou bémol qui indique une note plus haute ou
plus basse d’un demi ton par rapport aux notes de la tonalité . Par
exemple l’accord mineur est égal à 1, b3, 5 . On en déduit que
l’accord de La mineur ou Am ou A- s’obtient à partir de la gamme de
La majeur en prenant la première note (la), la troisième (do #) et la
cinquième (mi) , et en rabaissant la troisième ce qui donne do bécarre.
L’accord est donc la do mi. C’est un peu compliqué, mais cette
notation met en évidence la tierce mineure entre la et do , notée b3 .
Quels accords utilise-t-on dans une tonalité ?
Nous prendrons l’exemple de do majeur, tonalité qui permet de
faire les accords de 3 notes suivants :
1)Do mi sol
2)Ré fa la
3)Mi sol si
4)Fa la do
5)Sol si ré
6)La do mi
7)Si ré fa
Les accords 1 4 et 5 sont majeurs . C’est eux qui seront les plus
utilisés , et c’est ce qui fait l’importance des degrés I, IV,V (tonique,
sous dominante, dominante). Les « cadences » I,IV ,V ,I, c’est à dire
les suites d’accords basés sur les degrés 1,4,5 ,1 : sont très utilisées à
la fin des symphonies classiques .
Les accords 2,3,6 sont mineurs.
L’accord 7 est constitué de 2 tierces mineures. La quinte si fa fait
3 tons au lieu de 3 tons et demi comme les autres. On l’appelle quinte
diminuée. Cet intervalle etait considéré comme horriblement
dissonant. On l’appelait « diabolus in musica » au Moyen Age. Depuis
on en a vu bien d’autres. Ces accords dits « diminués » sont utilisés
comme accords de passage . Ils sont notés « dim » ou « zéro » dans la
sténographie.
Les accords de 4 notes :
Claudio Monteverdi est le premier compositeur a avoir osé faire des
accords de 4 notes en rajoutant une troisième tierce. C’est ce qu’on
appelle des accords de septième. En do majeur on obtient les accords
suivants :
1) do mi sol si
2) ré fa la do
3) mi sol si ré
4) fa la do mi
5) sol si ré fa
6) la do mi sol
7) si ré fa la
Dans les accords 1 et 4 on remarque que la 4éme note de l’accord,
(qui est la septième de la gamme qui serait construite sur la première
note de l’accord) est à un demi ton de l’octave de la première note : sido pour le 1° et mi-fa pour le 3°. Ceci est assez dissonant, et ces
accords ne sont pas utilisés en musique classique ni en jazz classique.
Ils sont apparus avec le jazz moderne. C’est ce qu’on appelle des
septièmes majeures , notées maj7 ou Delta dans la sténo.
Le numéro 5, sol si ré fa, est par contre très agréable, malgré le
diabolus si-fa qui s’y cache. C’est lui le fameux septième de
dominante inventé par Monteverdi, et qui fit scandale à l’époque.
Mais depuis Jean Sebastien Bach, nos oreilles ont complètement
assimilé cet accord. En outre cet accord est cautionné par les
mathématiciens et les physiciens, car il correspond à l’ harmonique 7,
c’est à dire à une fréquence multipliée par 7 . Rappelons ici que la
fréquence double donne l’octave, la fréquence triple la quinte (en fait
la douzième qui est une quinte plus une octave) et la fréquence
quintuple donne la tierce. L’accord parfait s’explique par les
fréquences, mais l’accord de septième aussi bien!
Dans notre sténo , ces accords sont simplement signalés par le
chiffre 7. Attention, car Fa 7 ou F7 vaut fa la do mib et non pas fa la
do mi qui est un accord Fa Maj7. De même Do7 ou C7 vaut do mi sol
sib et non pas do mi sol si. Le jazz, et en particulier le Blues font un
usage immodéré de ces accords de septième de tonique et de septième
de sous dominante, accords que Monteverdi n’avait pas prévus ! Ces
accords, utilisés en Do majeur, introduisent des notes Mib et Sib
étrangères à la tonalité de do majeur. Ce sont les fameuses notes
bleues du Blues, qui contribuent grandement à l’ambiguité majeurmineur qui fait le charme de ce genre musical (on aura compris que
Mib et Sib font partie de la gamme de Do mineur . CQFD).
Les accords 2,3,6 sont des mineurs septième, notés m7 ou –7 .
Ces accords sonnent bien , et sont souvent utilisés dans les cadences
IIm, V ou IIm, V,I . par exemple la cadence Am7, D7, G dans
Summertime.
L’accord 7 est un accord diminué avec septième, noté m7b5 ou
–7b5 ou encore zéro barré. Cet accord est surtout utilisé dans les
tonalités mineures. En effet, en la mineur , l’accord si ré fa la est le
deuxième degré, et sert aux cadences II ,V, I en tonalité de la mineur.
Conclusion provisoire:
Nous avons fait le tour des accords les plus classiques . Pour le
néophyte tout cela peut paraître compliqué. Nous espérons néanmoins
que le lecteur aura compris qu’il y a quand même une certaine logique
dans la construction et l’utilisation des accords. Ceci dit l’invention
des compositeurs classiques un peu modernes (de Debussy à Bartok),
ainsi que celle des jazzmen, n’a pas de limites. D’ou des accords
bizarres (sus 4, altérés, augmentés, etc.. ) dont nous parlerons peut être
plus tard.
Il y a aussi bien d’autres choses à découvrir progressivement:
les gammes modales à utiliser pour l’improvisation (ionien, lydien,
etc…), les enchainements d’accords par quartes (à noter que la
cadence 2,5,1 progresse effectivement par quartes) , les positions pour
réaliser les accords au piano, etc… Tout cela est une autre histoire !
Le soliste de Jazz, contrairement au musicien classique qui se fie
aveuglément à une partition, a besoin de comprendre un peu comment
ça marche. Le Jazz étant une musique tonale et polyphonique, et le
soliste n’étant pas seul à jouer, un minimum de connaissance et de
compréhension des accords et de l’harmonie est utile pour lui, même
si son instrument ne peut pas faire d’accords. Les bases de l’harmonie
classique et de l’harmonie du Jazz sont heureusement les mêmes, et
sont issues de phénomènes physiques qui sont identiques pour toutes
les musiques. C’est pourquoi on peut trouver, en cherchant un peu,
une logique quasi mathématique dans l’harmonie. N’oublions pas que
l’inventeur de la gamme de 7 notes est Pythagore ; c’était un
mathématicien ! J’espère que ce petit exposé aura permis au lecteur de
mieux s’y retrouver. Ceci dit, la connaissance de la théorie peut aider,
mais rien ne remplace la pratique, l’instinct et la sensibilité. Les
nègres incultes qui ont inventé le Blues n’avaient aucune connaissance
de l’harmonique 7 : tout juste si ils connaissaient le nom des notes, et
encore. Cela ne les a pas empêchés de redécouvrir l’accord de
septième et d’en faire un usage génial qui n’avait pas été prévu en
musique classique.
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