Max Weber La rationalisation des activités sociales Max Weber, sa vie, son œuvre Max Weber (1864-1920) provient d’un milieu aisé. Il fait de brillantes études et obtient un doctorat de droit, puis devient professeur universitaire. Il est le fondateur de la Société Allemande de Sociologie. Ouvrages majeurs : l’Ethique protestante et l’Esprit du Capitalisme, 1904 ; L’Ethique économique des Religions universelles, 1915. Il meurt en 1920, laissant inachevé Économie et Société, publié à titre posthume en 1922. Weber refuse de donner un sens à l’Histoire. Sa sociologie se veut compréhensive de l’action des individus : il cherche à dépasser les préjugés pour étudier le comportement des gens. L’analyse de l’ethos capitaliste par Weber propose une réflexion sur les valeurs et les commandements des différentes religions. Selon lui, la rationalité occidentale est due à l’influence des préceptes puritains. Weber nous explique que l’essor du capitalisme est accompagné de l’apparition de nouveaux systèmes de socialisation autres que celui de l’éthique puritaine. Weber a également formalisé la neutralité axiologique, c’est-à-dire la suspension des convictions personnelles. I. La portée économique des valeurs puritaines A. Des valeurs puritaines au capitalisme Capitalisme : système économique caractérisé par la propriété privée des moyens de production ainsi que par l’accumulation du capital. Au Moyen-âge, la morale catho rejette le capitalisme (sa pratique n’est pas jugée légitime). Au contraire, les nouvelles valeurs des sectes puritaines s’accordent avec le début des activités capitalistes. La richesse est pour les puritains un signe de Dieu, donc les croyants cherchent l’enrichissement. Néanmoins, cette richesse ne doit pas être dépensée dans les plaisirs mais destinée à l’œuvre dont Dieu charge ses fidèles. Le travail n’est plus considéré comme une nécessité mais comme un moyen de se rapprocher de Dieu. Luther prône le travail : « Sois ferme dans ta besogne », cela explique la condamnation de la vie monastique chez les protestants et l’incitation à l’ascétisme (= mode de vie et doctrine fondés sur la satisfaction des seuls besoins élémentaires et sur le refus du luxe et du superflu). Calvin est partisan de la théorie de la prédestination : les hommes sont sur Terre pour améliorer la création divine en se livrant à un travail sans relâche. Les conséquences des valeurs protestantes apparaissent communes avec l’esprit capitaliste (sens du travail, ascétisme…). Weber met donc en rapport une attitude économique, l’esprit capitaliste, et les préceptes religieux du protestantisme. B. Sectes et relations d’affaires Obstacle au développement du capitalisme: incertitude quant aux comportements des partenaires commerciaux. L’organisation des églises puritaines en sectes permet de contrôler la vie des membres et de présumer la solidité de leurs principes moraux. Weber montre que beaucoup de rapports capitalistes se font entre membres de ces sectes, il se crée une sous-culture favorable à l’activité économique, au capitalisme. Le texte de Benjamin Franklin Conseils à un jeune Homme pour devenir riche est mis en relation avec l’Éthique protestante car les deux modèles reflètent l’esprit du capitalisme. Les conseils moraux de Franklin (ponctualité, assiduité au travail, équité, honnêteté, condamnation de la paresse) se retrouvent dans l’attitude prônée par l’Eglise protestante. II. Rationalité et action sociale A. La rationalité weberienne Le puritanisme prône un modèle de rapport au monde que Weber appelle rationalité → accomplir au mieux chaque tâche dont Dieu a doté ses fidèles. ● Rationalité en valeur: agir sans se préoccuper des conséquences de ses actes. ● Rationalité en finalité: action sociale qui ordonne les moyens en fonction d’une fin déterminée. Il existe plusieurs critères permettant d’approcher la notion de rationalité : - calculs et choix stratégiques (utilisation de techniques de comptabilité et de gestion) - autonomisation des fonctions, division du travail - universalisation et formalisation des activités sociales (dépersonnalisation des rapports sociaux; droit qui prend le pas sur des coutumes ou des relations humaines.) B. Le processus de rationalisation L’action rationnelle s’applique à touts les domaines de la vie sociale. Deux d’entre eux ont un rapport étroit avec le capitalisme : ● L’entreprise rationnelle s’organise autour de l’objectif du profit, de l’accumulation. ● La bureaucratie rationnelle est un mode d’organisation des tâches dans le but d’appliquer des règles générales et impersonnelles. Weber pense que la bureaucratie est l’ensemble le plus parfait de la rationalisation de l’administration et de la domination légale rationnelle. Les bureaucrates obéissent à des règles impersonnelles, et la bureaucratisation est un phénomène moderne irréversible qui apporte efficacité, rapidité et objectivité. Il existe toutefois un risque de routine et de refus de l’innovation. La bureaucratie est la forme nécessaire de l’administration moderne. L’homme politique doit s’imposer au bureaucrate. ; Le bureaucrate applique les règles mais il ne les change pas contrairement à l’homme politique. C. Ethos puritain et action sociale Ethos : certaine morale des affaires. La rationalité n’est pas spécifique au puritanisme et la valorisation de la richesse non plus (ex : culture tradi chinoise). Mais le puritanisme est le seul à associer cela à un commandement de transformation du monde. L’activité économique est une fin en soi, une tâche prescrite par Dieu. Dans Économie et Société, typologie des différentes actions sociales : - traditionnelle (on agit ainsi car cela s’est toujours fait) - affective (on agit en fonction de ses sentiments, émotions) - rationnelle en valeur (on compare diverses fins, on confronte moyens et fin, on analyse des conséquences, puis on choisit stratégiquement). Weber estime que la domination doit se baser sur la légitimité. Il décèle la réalité des rapports de domination derrière la proclamation des principes démocratiques. Il existe deux formes de dominations : - la domination par intérêts (propre à la sphère économique) - la domination par autorité (sphère politique), divisée en trois formes de légitimité : ● la légitimité légale rationnelle (croyance en la légalité des règlements et en le droit de donner des directives) ● la légitimité traditionnelle (sainteté des traditions) ● la légitimité charismatique (grâce personnelle et extraordinaire d’un individu). III. L’actualité de l’analyse weberienne A. Valeurs, réseaux et croyances Beaucoup de nos valeurs sont la laïcisation des préceptes puritains : travail premier déterminant de l’identité et de l’insertion sociale, enrichissement et succès économique sont hautement considérés. D’autres groupes que les sectes puritaines garantissent l’ethos économique de leurs membres. Ex : grandes écoles. La rationalité et le désenchantement du monde se sont imposés mais la pensée magique demeure dans les domaines où la rationalité n’a pas de répercussion. B. Les limites de l’organisation rationnelle du travail L’organisation du travail a longtemps été un domaine privilégié de la rationalisation (Taylorisme). L’OST suppose que les salariés s’adaptent en échange de salaires élevés. Or ce modèle rationnel cadre mal avec les véritables motivations : réalisation de soi et quête de reconnaissance. C’est pourquoi le taylorisme a été modifié pour répondre à ces motivations. Il y a une importance des relations humaines dans l’entreprise. C. Les cercles vicieux bureaucratiques Après Weber, d’autres études ont présentées la bureaucratie non pas comme un idéal mais comme un type de fonctionnement qui a des dysfonctionnements. Les règles destinées à produire de l’efficacité produisent de l’inefficacité (ex : les règles qui vont devenir un absolu). La bureaucratie rationnelle a montré une incontestable efficacité, elle accompagne le capitalisme qui suppose l’existence d’un système juridique et administratif rationnel, l’Etat de droit où les droits des individus sont garantis. Cependant, la bureaucratie rationnelle confirme les difficultés d’adapter les comportements humains à la rationalité : Crozier parle d’inefficacité bureaucratique et de cercle vicieux bureaucratique : - développement des règles impersonnelles qui paralysent l’administration (les fonctionnaires appliquent la règle même quand elle s’oppose à l’objectif poursuivit) - ces dysfonctionnements ne sont combattus que par le renforcement des hiérarchies et des règles qui génère de nouveaux dysfonctionnements. → cercle vicieux bureaucratique Crozier parle de nécessité de réformer ce système rigide. Pour Weber, la concurrence permet d’éviter les excès de la bureaucratie.