OG EB CR Spébio 2 2009/2010 RAPPORT de la SORTIE GEOLOGIE 2009 : L’histoire des Alpes à partir d’éléments de terrain A la Paute et au Chenaillet INTRODUCTION : Lors de notre sortie géologie nous nous sommes intéressés aux données de terrain recueillies dans la zone Piémontaise des Alpes. En quoi la géologie de cette région nous a permis de retracer l’histoire des Alpes ? I- Les traces de l'ouverture d'un océan Notre premier arrêt, au village de la Paute, nous permet de constater la présence d'une couverture sédimentaire (entre les massifs du Taillefer et du Rochail), stratifiée d'une manière particulière. En effet, les strates n'ont pas une épaisseur constante : l'épaisseur décroît d'ouest en est. Nous en déduisons donc la présence de blocs basculés, formés par des failles listriques apparues dans un contexte d'extension de direction est-ouest. Ceci témoigne donc de la présence d'une ancienne marge passive. Figure 1 : Coupe Est-Ouest entre Grenoble et Bourg d’Oisans La datation des sédiments permet d'estimer le début de cette extension. En effet, les sédiments ante-rift (dont l’épaisseur des strates est constante), datent du Trias. Les sédiments synrift (en « éventail ») datent du Jurassique moyen et les sédiments post-rift (situé au niveau du Rochail), du Jurassique supérieur. Par conséquent, le rifting a commencé au Trias et s'est déroulé au Jurassique moyen. Au Jurassique supérieur, l'extension était terminée. Par ailleurs, nous retrouvons au Chenaillet plusieurs témoins de la présence ancienne d'un océan. En effet, nous pouvons noter la présence de roches sédimentaires telles que le marbre et les radiolarites, datant du Jurassique supérieur. Les radiolarites sont les premiers sédiments déposés sur une croûte océanique, elles sont issues du squelette siliceux des Radiolaires. Figure 2 : Echantillon de radiolarite De plus, à une altitude plus élevée, nous remarquons la présence de gabbros et de basaltes, deux roches de la croûte océanique. II- Un modèle de dorsale « lente » Les données relatées précédemment nous ont permit de conclure sur l'existence d'une dorsale, de direction est- ouest, qui a fonctionné entre le Trias et le Jurassique supérieur. D'autres données, recueillies sur le Chenaillet peuvent nous renseigner sur la nature de cette dorsale. Comme il a été dit précédemment, nous trouvons des gabbros et basaltes. Les basaltes sont soit en filons au niveau des gabbros, soit à une altitude un peu plus élevée, en coussins. Les filons de basaltes sont peu nombreux. Par ailleurs, on remarque que les gros minéraux de pyroxène sont situés au centre des filons, ce qui montre que le basalte s'est formé dans un gabbro froid. Gros minéraux de pyroxène Figure 3 : Filon de basalte Les basaltes en coussins se forment au contact d’une eau à environ -2°C (elle est encore liquide à cause de la forte pression régnant en profondeur) lors d’une remontée de magma à 1000°C. A partir d’une première remontée de magma, on observe la formation d’un coussin dont la surface se rompt lorsqu’elle a trop durci, il y a formation d’un second coussin de basalte. Sur un centimètre d’épaisseur on peut voir des cristaux d’albite à la surface du basalte. Or l’albite est riche en sodium, ce sodium provient du chlorure de sodium présent dans la mer. Figure 4 : Basaltes en coussins Figure 5 : schéma formation pillow lava L'épaisseur de roches de la croûte océanique observée est d'environ 200m, soit 40 fois moins que l'épaisseur observée au niveau d'une dorsale HOT. Figure 6 : Coupe des ophiolites On peut donc se demander d'où vient cette différence. Nous pouvons observer, à l'affleurement, des roches contenant de la serpentine, c'est à dire de l'ancienne olivine et d'anciens pyroxènes. Ce sont des serpentinites, roches dérivant de la péridotite. Ces roches présentent à la fois des clinopyroxènes et des orthopyroxènes. Elles appartenaient donc au type lherzolite. Or, la lherzolite, contrairement à l'harzburgite, résulte d’un faible taux de fusion partielle. La présence de la lherzolite explique le peu de d'épaisseur de roches magmatiques. En effet, ayant un faible taux de fusion partielle, la péridotite a été à l'origine de peu de magma et donc de peu de roches magmatiques. Par conséquent, cette dorsale était à extension lente. De plus, ceci explique la présence des gros minéraux de pyroxène au centre du filon de basalte et non au contact du gabbro qui a eu le temps de refroidir. (Voir figure 3) L'océan alpin a donc été ouvert au niveau d'une dorsale lente. L'extension de la croûte a eu lieu du Trias jusqu'au Jurassique moyen. Au Jurassique supérieur a commencé la mise en place de la croûte océanique (âge des radiolarites, premiers sédiments déposés). On n'observe pas de sédiments du crétacé moyen, ce qui témoigne de la fermeture de l'océan à cette date. Figure 7 : Coupe géologique du Chenaillet III- Les marques de la fermeture de l'océan Les roches retrouvées au Chenaillet sont des roches métamorphiques (marbres, metagabbros, serpentinites). Elles ont donc subies une subduction, qui a provoqué le métamorphisme, puis sont remontées à la surface lors de la collision, à l'origine des Alpes. Ce sont des ophiolites. On a aussi pu observer que les sédiments du Chenaillet se situent en dessous des restes de la croûte océanique, il s’agit du signe d’une collision entre deux plaques. De plus il existe une faille qui explique ce contact anormal. Comme il n'y a pas de sédiments datant du crétacé moyen, nous pouvons en déduire, que la subduction a eu lieu à ce moment là. Il y a ensuite eu subduction des plaques continentales européennes et africaines, ce qui a aboutit à la collision entre ces deux plaques. Nous avons pu observer, à la Paute, un marqueur de cette collision : en effet, nous pouvons remarquer la présence d'un pli affecté d'une schistosité verticale. C'est cette schistosité qui nous permet d'orienter les contraintes à l'origine du pli. Figure 8 : Pli antiforme de la Paute Figure 9 : Schéma du pli de la Paute Les roches affectées par le pli datant du Lias, nous pouvons donc en déduire qu'une compression est-ouest a eu lieu, à une période postérieure au Lias. CONCLUSION : Les observations de terrains à La Paute et au Chenaillet nous ont permis de conclure sur l’origine des Alpes : - Du Lias au Jurassique supérieur : Ouverture de l’Océan Alpin sous l’effet d’une dorsale estouest lente (extension de 2cm/an). - Du Jurassique supérieur au Crétacé supérieur : Dépôt des sédiments sur le fond océanique. - Au Crétacé supérieur : Subduction océanique aboutissant à la collision entre la plaque africaine et la plaque européenne. Cette collision n'est pas terminée à l'heure actuelle, on parle d'hypercollision.