Rapport intérimaire Université Laval Impact de l’essor minier et pétrolier sur le marché du travail et développement économique au Niger Saadatou SANGARE ALKASSOUM Youssoufou HAMADOU DAOUDA Mamane BOUKARI Fatimata OUSSEINI Septembre 2013 Mois Année (de publication) Impact de l’essor minier et pétrolier sur le marché du travail et développement économique au Niger Résumé Cette étude analyse l’impact de l’augmentation des ressources minières et pétrolières sur le développement de l’emploi via les choix de politiques d’allocation des dépenses publiques. Elle utilise un modèle en équilibre général calculable dynamique construit sur la base des développements récents produits par Boeters et Savard (2011) et Levy (2006) pour analyser l’impact de l’utilisation des ressources minières et pétrolières pour des investissements publics dirigés vers les secteurs intensifs en main d’œuvre. Le modèle prend en compte la question de la capacité d’absorption de l’économie très souvent évoquée dans les débats sur l’impact des apports extérieurs et qui peut constituer une contrainte aux effets escomptés. Abstract This paper analyses the impact of the increase in mineral and oil resources on the development of employment through public expenditure policies allocation’s choices. It uses a dynamic computable general equilibrium model close to models developed by Boeters and Savard (2011) and Levy (2006). It focuses on the impact of the use of mineral and petroleum resources for public investments targeted to labor force intensive sectors. The model takes into account the issue of absorptive capacity of the economy often mentioned in discussions of the impact of external inputs, which can be a constraint to the desired effect JEL: Mots clés: Ressources minières et pétrolières, MEGC, marché du travail, capacité d’absorption Keywords: Mineral and oil Resources, CGE, labor market, absorption capacity. ii Auteurs Saadatou SANGARE ALKASSOUM Economiste, Cellule d’Analyse et de Prospective en Développement (CAPED) Niamey, Niger [email protected] Youssoufou HAMADOU DAOUDA: Enseignant chercheur, Université de Tahoua / Niamey, Niger [email protected] Mamane BOUKARI Enseignant chercheur, Université de Tahoua / Niamey, Niger [email protected] Fatimata OUSSEINI Economiste, Ministère du Plan et de l’Aménagement du territoire Niamey, Niger [email protected] Remerciements Cette étude a bénéficié d’une assistance technique et financière du Partenariat pour les Politiques Économiques (PEP) (www.pep-net.org, financé par le Département du Développement International (DFID) du Royaume-Uni (UK ou Aid), et le gouvernement du Canada par l'entremise du Centre de Recherches pour le Développement International (CRDI). Les auteurs sont également reconnaissants à la personne X et Y pour l'appui technique et les conseils, ainsi qu’à la personne Z pour les précieux commentaires et suggestions. iii Table des matières 1 Introduction........................................................................................................................................ 1 1.1 Le secteur minier et pétrolier au Niger ............................................................................... 2 1.2 Le marché du travail nigérien .............................................................................................. 5 1.3 Questions de recherche et objectifs .................................................................................. 7 2 Revue de la littérature .................................................................................................................. 10 3 Les données et le cadre méthodologique d’analyse ........................................................ 15 3.1 Les données ............................................................................................................................. 15 3.2 Le cadre d’analyse ............................................................................................................... 20 4 Application et résultats ................................................................................................................. 22 5 Conclusions et implications politiques ..................................................................................... 22 Références ............................................................................................................................................... 22 Annexe ...................................................................................................................................................... 25 iv Liste des tableaux Table 1: Contribution du secteur minier et pétrolier aux recettes de l’État ............................ 2 Table 2: Quelques paramètres décrivant la structure de l’économie nigérienne ............. 17 Table 3: Répartition du revenu par groupe socio-économique .............................................. 19 Liste des figures v Liste des abréviations ANPE Agence National pour la Promotion de l’Emploi AREVA BEPC Brevet d’Etudes du Premier cycle CFEPD Certificat de Fin d’Etudes du Premier Degré ENBC Enquête Nationale Budget consommation FMI Fonds Monétaire International INS Institut National de la Statistique MCS Matrice de Comptabilité Sociale MEGC Modèle d’Équilibre Général Calculable PDES Plan de Développement Economique et Social PEP Partenariat for Economic Policy PIB Produit Intérieur Brut TCEI Tableau des Comptes Economiques Intégrés TRE Tableau Ressources Emplois vi 1 Introduction Au Niger, la main-d'œuvre connaît une augmentation rapide alors que les possibilités d'emploi évoluent à un rythme plus faible. L’Institut national de la Statistique (2010) indique que la population active croît à un rythme annuel moyen de 4,4% soit un accroissement nettement supérieur à celui de la population dans son ensemble (3,3%). Le chômage et le sous-emploi constituent de ce fait un défi majeur susceptible de perturber le processus de développement économique du pays. Sur le marché du travail, l’emploi dans le secteur primaire, et en particulier agricole, demeure le plus dominant. A titre illustratif, les données de l’enquête nationale sur le Budget et la consommation des ménages (ENBC) de 2008 montrent que ce secteur emploie 80% de la population active (INS, 2010). Toutefois, on constate un attrait de plus en plus grand vers les secteurs non agricoles. Par exemple, entre 2000-2009, les effectifs des salariés ont augmenté de 119% dans le secteur extractif (Cf. Annexe 1). Avec la mise en œuvre prochaine du projet d’exploitation de la mine d’Imourarem1, 1350 emplois nouveaux pourraient être crées selon les estimations du Ministère des Mines. Le nouveau boom des ressources minières et pétrolières au Niger présente de nouvelles opportunités et génère des ressources supplémentaires à l’Etat. Cette manne financière, lorsqu’elle est bien utilisée, peut contribuer à impulser une croissance économique sur le long terme. La présente recherche s’inscrit dans cette perspective, en considérant que les ressources minières et pétrolières au Niger peuvent être favorables au développement économique du pays et à la promotion de l’emploi. Après une présentation du contexte économique et social du pays en section 1, une revue de la littérature sur les débats théoriques et empiriques sur l’impact des rentes des ressources naturelles sur le développement économique est exposée dans une section 2. La section 3 décrit les 1 Le gisement d’uranium d’Imourarem, situé à 80 km au sud d'Arlit dans la commune rurale de Dannat et découvert en 1966, devrait entrer en production en fin 2014 (sauf nouveau retard). Ce gisement de 20 km2, mais de très faible teneur (0,08 %) qui est exploité à ciel ouvert par la société Imourarem devrait produire selon AREVA environ 5 000 tonnes d'uranium métal par an pendant 35 ans, faisant du Niger le 2e producteur mondial. 1 données utilisées et le cadre théorique d’analyse ; et enfin, les résultats d’analyse et les recommandations de politiques sont discutés en section 4. 1.1 Le secteur minier et pétrolier au Niger Le Niger connait, depuis 2007, l’amorce d’un boom de l’uranium2 supporté par la hausse des cours au niveau mondial et une intensification de l’exploration et l’exploitation de nouveaux gisements de pétrole depuis 2011. La contribution du secteur minier et pétrolier aux recettes budgétaires hors dons se situe autour de 12,9% en 20123. Quant aux exportations de minerais, elles représentent une part importante des exportations totales en valeur (75% et 62% respectivement en 2011 et 2012). L’uranium constitue la principale ressource minière en exploitation auquel il faut désormais ajouter le pétrole dont l’exploitation a démarré en novembre 2011. Table 1: Contribution du secteur minier et pétrolier aux recettes de l’État Rubriques Minerai 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Exportations en milliards de fcfa Uranium 136,6 198,2 195,1 228 317,4 338,3 0,026 109 10,4 12,9 Pétrole Contribution en % des recettes budgétaires hors dons Uranium 28,6 10,0 13,3 14,2 Pétrole Poids dans exportations totales les Uranium 10,8 63,8 62,6 64,0 61,0 74,8 Pétrole Contribution en % du PIB Source: Ensemble 62,5 20,1 4,4 6,0 6,4 7,2 7,5 10,8 FMI, 2011 et autorités nigériennes et calcul auteurs On note qu’entre 2006 et 2008, 126 permis de recherche pour l’uranium et le pétrole ont été octroyés à des compagnies étrangères et 125 permis pour l’or, les métaux et pierres précieux et métaux de base (Ministère des mines et de l’énergie, 2008). 3 La contribution du secteur uranium aux recettes budgétaires de l’Etat est estimée à 53264 millions de FCFA pour des recettes budgétaires hors dons s’élevant à 544 milliards de FCFA en 2012. 2 2 Entre 2006-2012, la valeur des exportations de minerais d’uranium a été multipliée par 4,2, passant de 80 milliards à 338 milliards. En volume, la production est passée de 3434 tonnes en 2006 à 4623 tonnes en 2012 (voir annexe II). En termes de recettes, les ressources budgétaires, la contribution du secteur de l’uranium s’est située à 70,4 milliards de FCFA en 2012, presque six fois (6) plus importante qu’en 2006 (12,1 milliards de FCFA). La contribution du pétrole aux recettes budgétaires hors dons est moins importante, 10,8% en 2012 pour un poids dans les exportations globales d’environ 20%. L’adoption d’une nouvelle loi minière en 2006 et d’un code pétrolier en 2007 offre à la fois un cadre incitatif aux investisseurs et des moyens qui permettent à l’Etat d’accroître ses recettes budgétaires. A ce titre, un rapport du Fonds Monétaire International stipule que les ressources minières et pétrolières atteindraient environ 258 milliards de FCFA en 2016 soit 175 milliards pour l’uranium et 82.5 milliards pour le pétrole (FMI, 2013). Comparé au niveau des ressources de 2012, cela représente une augmentation globale de 232 %4 soit 148.6% pour l’uranium et 39.8% pour le pétrole. Ainsi, la part des ressources minières et pétrolières dans le budget de l’Etat devrait passer de 10,4% en 2011 à 26,8 % en 2016 (annexe III). Par ailleurs, l’amélioration des recettes budgétaires a conduit à des ajustements salariaux5 dans le secteur public et des réformes fiscales ont été initiées pour assainir l’environnement des affaires. Les ressources escomptées du développement du secteur extractif, lorsqu’elles sont bien affectées, pourraient contribuer au développement du marché du travail et de l’emploi conformément à la déclaration de Politique du gouvernement qui prévoit la création de 50 000 emplois par an. La question sousjacente est de savoir quelle utilisation optimale des ressources minières et pétrolières permettrait de relever le taux de l’emploi dans le pays. Les ressources minières et pétrolières s’élèvent à 129.4 milliards en 2012 soit 70.4milliards pour l’uranium et 59 milliards pour le pétrole. 5 Ces ajustements salariaux se sont traduits en 2011 par une augmentation des salaires à la fonction publique de 10% et en 2010 à une modification de la grille salariale. Cette dernière modification a fait passer l’indice le plus élevé de 1000 à 1050. 4 3 Toutefois, la réponse à cette question n’est pas évidente. En effet, le lien entre les ressources naturelles et le développement de l’emploi sur le marché du travail reste ambiguë. Certains auteurs soutiennent que la présence de ressources naturelles réduit les incitations des agents publics et privés à accumuler du capital humain car ils considèrent que le capital naturel constitue leur principale source de richesse (Gylfason (2001), Birdsall, Pinckney et Sabot (2001))6. Stijns (2006)7 montre que la présence de ressources naturelles peut favoriser l’investissement éducatif notamment via les ressources financières qu’elle procure. Toutefois, Carbonnier (2012) soutient plutôt que la hausse des recettes d’exportations entraine une perte de compétitivité des autres secteurs de l’économie avec des faillites et des pertes d’emplois. C’est pourquoi, même si la rente naturelle procure aux Etats des ressources qui peuvent soutenir les investissements en faveur de la promotion de l’emploi, l’issu du développement va dépendre de la nature des politiques mises en œuvre. Dans le cas du Niger, il est important de rappeler que les politiques mises en œuvre lors du boom minier des années 70 ne semblaient pas avoir été suffisamment efficaces pour impulser un développement économique durable du pays. Le secteur des mines est resté une enclave économique sans lien efficace avec le reste de l’économie. De même, les réformes de l’Etat n’ont pas réussi à améliorer le climat des affaires et à atténuer les risques généralement associés au secteur des industries extractives. Ces risques concernent notamment la vulnérabilité à la demande internationale d'uranium ainsi que le spectre du syndrome hollandais en termes d'appréciation du taux de change réel entraînant la détérioration de la compétitivité internationale du Niger (FMI, 2012). Les conséquences pour le pays ont été multiples : polarisation des exportations sur les mines et incapacité pour l’État de convertir la rente minière à des fins de développement économique et social. Dans certains cas, la rente minière a accentué la corruption, les inégalités sociales, et le laxisme administratif et fiscal. 6 Cité par Louis-Marie Phillipot (2008), p 4. 7 Cité par Louis-Marie Phillipot (2008), p 4 4 Afin d’éviter que l’expansion des industries extractives ne puisse nuire à la compétitivité de l'économie nigérienne et avoir des effets néfastes sur le développement socioéconomique, il apparait impérieux d’éclairer les décideurs sur les moyens et mesures à mettre en œuvre pour atteindre leurs objectifs de croissance et de développement. La recherche d’une croissance forte, diversifiée, durable et créatrice d’emplois constitue un des axes stratégiques du Plan de Développement Economique et social (PDES8). 1.2 . Le marché du travail nigérien Le problème du chômage et du sous-emploi constitue une problématique majeure pour les pouvoirs publics nigériens. En 2012, la population âgée de 15 à 64ans est estimée à 8 millions de personnes et en considérant un taux d’activités de 61% (soit le taux de 2008, le dernier connu) on arrive à une population active d’environ 5 millions de personnes. Cette proportion représente 30% de la population totale qui est évaluée à plus de 17 millions d’habitants en 2012. Sangaré et al (2012) ont estimé à 130°000 le nombre annuel moyen d’arrivées nettes sur le marché de l’emploi entre 2005 et 2012. Sur le plan structurel, quatre personnes sur cinq travaillent dans l’agriculture où les emplois sont généralement peu ou non rémunérés. Les emplois salariés émanent du secteur public et du secteur privé et parapublic respectivement 40404 et 70608 personnes en 2010 selon les statistiques de l’Agence Nationale pour la promotion de l’emploi (ANPE)9. Dans le secteur privé et parapublic, 63% des emplois sont rattachés au secteur tertiaire contre seulement 34% pour le secteur secondaire pour la même année. Globalement, le taux de chômage est évalué en 2005 à près de 16% de la population. A titre illustratif, on note qu’en 2009, sur 21400 demandes d’emploi enregistrées à l’ANPE seules 5300 offres ont été reçues soit quatre fois moindres que les demandes (INS, 2010a). Par ailleurs, en termes d’offres, on dénombre 348 entreprises publiques et parapubliques et des entreprises privées parmi lesquelles 262 entreprises privées ont moins de 20 8 Cadre de référence des actions de politiques du gouvernement nigérien sur la période 2012-2015. Les statistiques de l’ANPE ne prennent en compte que les emplois formels enregistrés. Elles ne saisissent pas les emplois informels. 9 5 employés, 60 entreprises privées et deux entreprises publiques et parapubliques ont un effectif compris entre 20 et 99 salariés et 23 entreprises privées et une entreprise parapublique disposent d’un effectif compris entre 100 et 999 salariés. En définitive, la propension de l’économie à créer des emplois formels est faible10 au Niger. Le pays reste, en dehors des secteurs miniers et pétrolier, peu attractif pour les investissements privés étrangers. Cette situation a favorisé le développement des emplois informels, principalement dans le secteur tertiaire comme le montre la figure cidessous. En 2008, ces activités informelles représentent près de 80% de la valeur ajoutée du pays et on estime que neuf actifs occupés sur 10 relèvent de ce secteur (INS 2010). Figure I : Evolution des effectifs salariées du secteur privé et parapublique par secteur d’activités Source: Auteur à partir des données de l’Annuaire statistique2006-2010. INS Sur le marché du travail, les branches d’activités privées et parapubliques qui accueillent le plus de travailleurs sont représentées par les services sociaux, les services Le secteur secondaire est resté embryonnaire et les conditions rigoureuses du climat des affaires n’ont pas permis le développement des investissements dans ce secteur. La fonction publique est restée le plus grand pourvoyeur d’emploi. Au niveau des secteurs privé et parapublic, on constate une progression quasi-constante du nombre des salariés passant de 30600 en 2001 à plus 70600 en 2010 (cf. Annexe 1). 10 6 de commerce, restaurants et hôtels, et les services de transports, entrepôts et communications. Selon l’enquête réalisée par Tijdens and al. (2012), la répartition des emplois formels se caractérise par une prédominance des emplois dans le secteur du commerce de gros et de détails (19%) suivi par les emplois dans l’éducation (17%) et les transports (14%). Le salaire horaire médian est d’environ 288.68 FCFA en 2010. Le rapport confirme que plus l’emploi est informel plus le salaire horaire net est bas. Les salaires les plus bas sont de 105 FCFA par heure tandis que les employés les plus bien rémunérés peuvent atteindre 699 FCFA par heure. 1.3 Questions de recherche et objectifs Le Plan de Développement Economique et Social identifie le secteur extractif comme le principal moteur du développement socio-économique du pays. En outre, étant donné la priorité accordée aux politiques de l’emploi dans ce plan, une étude sur l’impact des ressources naturelles sur le développement du marché du travail s’avère être d’une grande utilité. Cela est d’autant plus important que ce type de recherche est quasi inexistant au Niger. La présente recherche contribuera ainsi à la conception des politiques de développement. Les pouvoirs publics seront renseignés, en effet, sur les secteurs qu’il est nécessaire de privilégier pour promouvoir l’emploi. Elle a pour objectif d’étudier les changements structurels qui pourraient s’opérer sur le marché du travail à la suite de l’essor du secteur minier et pétrolier et d’identifier des actions à mettre en œuvre pour contribuer au développement du marché du travail. L’approche choisie permet de prendre en compte toutes les interrelations entre les différents secteurs de l’économie. Il s’agit d’une modélisation en équilibre général calculable. Cette modélisation est un outil qui permet de construire différents scénarii de projection de la rente minière et pétrolière, d’utilisation de cette rente et ainsi d’apprécier les répercussions des choix politiques en matière d’allocation des ressources sur l’emploi notamment. De plus, le fait que le modèle soit défini en dynamique permet d’anticiper les conséquences que pourraient avoir les mesures de politique définies dans le cadre du PDES. 7 D’une manière générale, deux types d’effets peuvent induire un changement sur le marché du travail: les effets directs de demande et les effets indirects. La demande travail peut s’adresser soit à des individus non qualifiés, soit à des individus qualifiés. Selon les données de l’enquête nationale budget consommation de 2008, 56,5% des chefs de ménage employés dans le secteur minier sont sans diplôme, 11% ont le CFEPD et 15% le BEPC (ENBC, 2008). La demande de travail résulte du développement du secteur minier entraînant une multiplication des activités de forages, d’exploration et d’exploitation de minerais. Entre 2005 et 2009, les effectifs des travailleurs salariés dans le secteur des mines ont doublé en passant de 2614 à 5209 individus selon les statistiques de l’ANPE. Etant donné le nouvel attrait du secteur extractif, consécutivement aux investissements qui y sont consacrés, il est attendu que la demande de travail dans ce secteur va s’accroître. Dans ce cas, l’Etat devrait accroître ses investissements dans l’éducation, notamment professionnelle afin d’accompagner la dynamique du secteur minier et pétrolier. Quant aux effets indirects, ils apparaitront du fait de l’émergence des activités connexes en amont et en aval du secteur minier et pétrolier. Il peut s’agir d’activités relatives à la fourniture de services ou d’activités commerciales associées. En outre, le troisième canal de transmission, le plus important, se dessinera à travers l’allocation des ressources additionnelles générées pour développer les autres secteurs de l’économie. Ces derniers pourraient, en effet, se révéler plus intensifs en main d’œuvre et avoir par conséquent plus d’effet sur l’emploi. Par exemple un développement du secteur manufacturier peut résulter en un accroissement de la demande de travail tandis que les investissements publics dans le secteur de l’éducation peuvent conduire non seulement à une augmentation des emplois par effet direct mais aussi à une amélioration du niveau d’éducation de l’offre de travail. Selon la loi des finances de 2013, la formation professionnelle et technique s’accapare de 1% du budget global dont les ¾ sont affectés aux investissements. En termes d’évolution, les montants nominaux sont en progression au cours du temps (Annexe V). 8 Dans cette optique de recherche, le raisonnement sous-jacent est que le développement du secteur minier et pétrolier génère des revenus supplémentaires à l’Etat qui peuvent lui permettre, grâce à ses investissements, de stimuler la création d’emploi. Pour rappel, l’un des objectifs des orientations de la politique du gouvernement est la création de 50 000 emplois chaque année. Au regard de la structure de l’économie nigérienne, il est attendu que la réalisation d’un tel objectif soit lié beaucoup plus aux effets indirects qu’aux effets directs de demande de travail. Le secteur des mines et du pétrole est peu intensif en main d’œuvre et emploie seulement 12% de la population active. Les prévisions du Ministère des mines estiment à près de 1500 le nombre de nouveaux emplois qui pourraient été créer dans ce secteur. Par contre, l’affectation de la manne minière et pétrolière au développement d’autres secteurs de l’économie peut favoriser la création de nouveaux emplois. La présente étude offrira l’opportunité sur la base de la matrice de comptabilité sociale de mettre en relation les décisions de politiques publiques (investissements dans l’éducation et le développement des infrastructures, etc.), le changement du marché du travail et d’en déduire les effets macroéconomiques. Les principales questions de recherches soulevées sont : quel est l’impact du développement du secteur extractif sur le marché du travail ? Comment les mesures de politiques d’affectation des dépenses publiques vont-elles influencées le développement de l’emploi ? Quels sont les groupes de travailleurs qui seront les plus touchées – les non qualifiés ou les qualifiés- les ruraux ou les urbains ? Quel sera l’impact de ces mesures sur l’emploi dans les autres secteurs. Le Niger a-t-il la capacité d’absorber effectivement les flux de revenu issu du boom des ressources naturelles sans sombrer dans un syndrome hollandais ? Ces questions de recherche sont assez pertinentes pour permettre d’évaluer la pertinence des actions de politiques définies susceptibles d’aboutir à un développement harmonieux et durable du pays. 9 2 Revue de la littérature D’importants travaux scientifiques se sont attelés à analyser les liens entre les ressources naturelles et le développement économique. Deux grandes thèses s’affrontent. D’une part, les tenants du syndrome hollandais (Dutch Desease) ou de la malédiction des ressources (Resource Curse) ; et d’autre part, ceux qui estiment que les ressources naturelles peuvent au contraire contribuer au développement économique d’un pays. Les premiers fondent leur raisonnement à partir du constat selon lequel bons nombre de pays dotés en ressources naturelles possèdent généralement de très faible niveau de développement. Ils trouvent que l’abondance et/ou la dépendance vis-à-vis des ressources naturelles a un effet négatif sur la croissance et le développement d’un pays (Matsuyama, 1992 ; Sachs et Warner, 1995, 2001 ; Grossman et Helpman, 1991, Gylfason, 2001 ; Atkinson et Hamilton, 2003). Fondamentalement, l’impact d’importants transferts de richesses naturelles peut résulter en deux effets pervers : un effet d’ordre économique, connu sous le nom de syndrome hollandais et un effet d’ordre social. Sur le plan économique, toute augmentation importante des prix internationaux des ressources naturelles entraîne un développement important de ce secteur en drainant vers lui une grande partie des capitaux et de la main d’œuvre au dépend des autres activités (Gacem, 2007). Il s’ensuit une perte de compétitivité des secteurs horsressources naturelles, entraînant le pays dans une dépendance commerciale vis-à-vis de l’étranger. Et puisque les cours des ressources naturelles sont particulièrement instables, il en résulte une instabilité du taux de change, des poussées inflationnistes11 et par conséquent une volatilité des recettes minières et pétrolières. Par ailleurs, les pays dotés en ressources naturelles ont tendance à adopter un comportement rentier en oubliant les bénéfices rattachés aux politiques de diversification, d’innovation ou d’esprit d’entreprise. Une telle situation prédispose, d’un Dans un régime de change fixe, l’appréciation réelle se réalise à travers l’inflation interne. Cette appréciation de la monnaie pourrait être atténuée si l’aide supplémentaire ne sert pas seulement à financer des dépenses nouvelles, mais aussi à réduire les impôts ou bien se substitue au financement interne du déficit. 11 10 point de vue social, le pays à des risques de conflits, de rébellion armée, de dérive autocratique, de division sociale, d’affaiblissement des institutions, d’accentuation de la pauvreté et des inégalités, et de la corruption (Havro et al., 2008 ; Sala‐i‐Martin and Subramanian, 2003 ; Bannon et Collier, 2003 ; Collier et O’Connell, 2004). La thèse du syndrome hollandais est remise en question devant l’absence d’effets de syndrome dans cinq (5) pays (Ghana, Ethiopia, Mozambique, Tanzania and Uganda). Les auteurs comme Davis (1995), Ogun (1995), Nyoni (1998), Sackey (2001), Ouattara and Strobl (2004), Lederman and Maloney (2003), Li and Rowe (2006) trouvent des effets positifs à l’abondance des ressources notamment par rapport à la croissance économique via la dépréciation du taux de change réel. En effet, suite à l’accroissement des ressources, les gouvernements ont tendance à accroitre plus la dépense de biens non échangeables au niveau international et en rémunération de travail qualifié (à travers les salaires de la fonction publique) que celui de la dépense privée (hausse du prix des exportations ou une augmentation des investissements directs étrangers). Il en résulte une augmentation de la demande entrainant une hausse du prix relatif de ces biens et donc une appréciation du taux de change réel et une perte de compétitivité. L’appréciation réelle se manifeste par la hausse de la rémunération réelle du travail qualifié car ce dernier est un facteur de production rare dans les pays en développement. Selon Rajan et Subramanian (2005), cette situation a des répercussions particulièrement sur le secteur industriel ou de services utilisant une technologie moderne et demandeur de travail qualifié. Pourtant, le supplément d’aide aussi peut permettre d’accroître les capacités de production du secteur des biens non échangeables, contribuer à la formation professionnelle pour élever le nombre de travailleurs qualifiés, ce qui est un frein à la hausse des prix et du coût du travail ; elle peut aussi contribuer à augmenter la productivité du secteur des biens d’exportation ou de substitution à l’importation, ce qui peut compenser l’effet de l’appréciation réelle sur la compétitivité de l’économie. C’est pourquoi il convient que l’aide au développement ne soit pas affectée seulement aux secteurs sociaux mais aussi aux secteurs productifs (entreprises agricoles et 11 industrielles, infrastructures de communication, formation des travailleurs, diffusion de nouvelles technologies). Toutefois, il importe de préciser que le mal hollandais ne concerne pas seulement les ressources naturelles. L’apport de ressources supplémentaires peut provenir d’une augmentation de l’exploitation des ressources naturelles, d’une augmentation de l’aide publique au développement ou d’une augmentation des transferts des travailleurs migrants. Ces trois mécanismes peuvent apparaitre identiques étant donné qu’il s’agit toujours d’une injonction de fonds supplémentaires dans l’économie. Toutefois, si l’aide est octroyée sous certaines conditionnalités ou même fournie sous forme de crédit dans certains cas, il n’en est pas de même pour les deux autres sources. Dans la littérature théorique et empirique, il existe plusieurs investigations sur l’efficacité de l’aide publique au développement et leurs résultats peuvent aider à identifier les manières les plus optimales avec lesquelles l’Etat du Niger pourrait utiliser la rente minière et pétrolière. L’apport de ressources supplémentaires et le souci de leur efficacité pour l’économie a soulevé la question de la capacité d’absorption. Cette dernière fait référence à la capacité d’un pays à utiliser des ressources supplémentaires de manière à en tirer un bénéfice optimal. Cette capacité d’absorption est limitée dans les pays en développement à cause des contraintes quantitatives, macroéconomiques et institutionnelles. Les contraintes quantitatives sont liées à la capacité des économies à répondre à des facteurs spécifiques déterminants tels que l’existence de personnes qualifiées ou la présence des infrastructures. Les contraintes macroéconomiques sont liées à la distorsion des prix locaux drainée par l’afflux des ressources. A titre illustratif, l’accroissement des exportations entraine une entrée massive de devises et une réévaluation de la monnaie locale. Il en résulte un renchérissement des produits locaux et une distorsion des incitations à la production dans le pays. Enfin les contraintes institutionnelles mettent en jeu les principes de la gouvernance au sens large (déficit au niveau de la transparence et de la responsabilité du gouvernement ou de la gestion des dépenses publiques). Cette capacité d’absorption 12 constitue une contrainte à un impact positif des apports de ressources supplémentaires. Plus, elle est faible pour un pays, plus le bénéfice d’un afflux des ressources sera faible pour ce dernier. Elle peut toutefois être renforcée par des mesures visant à surmonter les contraintes qui la déterminent. Il s’agit par exemple de trouver une solution individuelle reposant sur l’analyse minutieuse des contraintes majeures des entraves à la croissance économique (Bourguignon et Sundberg, 2006). Sur le plan analytique, la littérature qui utilise le modèle d’équilibre général calculable pour analyser l’impact des ressources naturelles sur le marché du travail n’est pas très dense. Les champs d’analyse les plus usités sont la libéralisation des échanges commerciaux ou l’analyse des taxes. En ce qui concerne les ressources naturelles, les rares analyses utilisant le MEGC se focalisent essentiellement sur les impacts des variations de prix sur l’économie (McDonald et Van Schoor (2005), Essama-Nssah et al. (2007) et Fofana et al. (2007), cité par Maisonnave H., 2010, p8). Par exemple, en étudiant le rôle du taux de change réel dans les effets d'un boom sur l'offre d'exportation et la demande d'importation, Grégory (1976) met en évidence le fait que les opportunités de salaires dans le secteur industriel font que le secteur en boom capte l'essentiel des facteurs de production. Cela conduit à long terme à un affaiblissement du secteur des produits manufacturés d’autant plus que les ressources naturelles accroissent le pouvoir d’achat du pays et entrainent un accroissement des salaires et des biens importés, une flambée des prix internes et des coûts qui bloquent le développement des autres secteurs. Nakoumdé (2007) analyse l’impact qu’aura l’exploitation du pétrole sur l’économie au Tchad sous la problématique du syndrome hollandais. Il utilise un modèle d’équilibre général calculable et démontre qu’il se produira une contraction du secteur manufacturier, une croissance des secteurs des services et bâtiments, un développement d’une société de consommation au lien d’une société de production, avec pour conséquence une dépendance accrue des importations et enfin, un mouvement migratoire rural - urbain. Toutefois, le fait que le modèle construit soit statique ne permet pas de prendre en compte tous les effets des changements futurs 13 en termes d’augmentation des recettes ou alors les effets globaux des mesure de politiques. S’intéressant à la pertinence des politiques agricoles pour éviter le syndrome hollandais qui affecte maints pays en développement qui connaissent un boom des ressources naturelles, Lévy S. (2006) utilise un modèle d’équilibre général calculable calibré pour le Tchad. Elle étudie plus précisément l’impact de l’utilisation des recettes pétrolières annuelles pour des investissements publics, notamment le financement des infrastructures routières et d’irrigation. Le modèle prend en compte l’intégration des marchés et le processus de migration intra-régionale. L’auteur considère l’offre de travail totale fixe avec une mobilité des travailleurs entre les trois secteurs (agricole, informel et moderne) de l’économie tchadienne selon une fonction de migration à la Harris et Todaro (1970)12. Dans chaque secteur, elle détermine trois types de salaire : le salaire du secteur rural ou agricole, le salaire du secteur informel et le salaire du secteur moderne (industrie, commerce, culture de rente). Elle suppose finalement que le salaire du secteur moderne est fixe, et les salaires relatifs sont déterminés d’une manière endogène. Les résultats obtenus suggèrent que l'amélioration de l'accès à l'eau permettrait de réduire la dépendance du Tchad vis-à-vis de l'aide alimentaire et entraîner une amélioration substantielle du bien-être des ménages ruraux. Dans une démarche similaire, Bategeka L. et and J. M. Matovu al. (2011) utilisent un modèle d'équilibre général calculable dynamique pour analyser la façon dont les ressources pétrolières peuvent affecter la compétitivité du secteur des biens échangés en Ouganda. Les résultats suggèrent qu'il y aurait bien des gagnants et des perdants selon différents scénarios. Néanmoins, si l'augmentation des ressources du pétrole conduirait à une appréciation significative de la monnaie dans tous les scénarios, l’étude montre que la demande pour les biens non échangeables (principalement le secteur des services) augmente. Le résultat le plus important indique que les investissements dans l'agriculture, où la majeure partie de la population est employée, Le modèle de Harris et Todaro (1970) présente un modèle d’équilibre général simple d’une économie duale. Dans ce modèle l’équilibre de long terme est caractérisé par un chômage dans le secteur urbain. Depuis, le modèle a connu plusieurs extensions en intégrant d’autres éléments tels que : le salaire minimum, les effets d’agglomération, etc. 12 14 aboutiraient à des gains de productivité importants dans le secteur conduisant en une réduction significative de la pauvreté en milieu rural. De même, lorsque les ressources du pétrole sont utilisées pour les dépenses d'éducation et de santé, cela accroîtra la productivité du travail de la population urbaine et rurale. Toutefois, les auteurs estiment que les investissements dans les infrastructures pourraient renforcer les effets du syndrome hollandais compte tenu de ses effets importants sur l'appréciation du taux de change et les implications dans la hausse de la demande pour les biens non échangeables. Quand bien même un tel scénario pourrait être contrebalancé par les externalités positives générées dans d'autres secteurs ayant bénéficié de meilleurs investissements publics. La présente étude analyse l’impact de l’allocation des ressources naturelles dans les secteurs prioritaires que sont les infrastructures, l’agriculture et le secteur éducatif. Elle prend en compte les contraintes de capacité d’absorption qui sont très pertinentes dans les pays en développement. 3 Les données et le cadre méthodologique d’analyse 3.1 . Les données La Matrice de comptabilité sociale que nous utilisons, est construite en s’inspirant de la MCS macro 2012 de l’Institut National de la Statistique (INS). Cette dernière a été désagrégée pour distinguer les différentes branches d’activités ainsi que les différentes catégories de ménages. Cet exercice a été fait sur la base des informations fournies par les comptes nationaux, le tableau des ressources et emplois (TRE) de 2012 et le tableau des comptes économiques intégrés (TCEI) de 2012. Les comptes nationaux fournissent les informations de base de la comptabilité nationale, du commerce extérieur et de la balance des paiements et des finances publiques. Les informations sur la désagrégation du compte ménage ont été tirées de l’enquête nationale sur le budget et la 15 consommation des ménages (ENBC) de 2008 de l’INS (enquête auprès de 4000 ménages13). La MCS 2012 comprend vingt-neuf (29) comptes repartis entre les cinq (5) catégories que sont les facteurs (2), les unités institutionnelles (7), les branches d’activités (9), les comptes des biens et services (9) et les comptes d’accumulation (2). Elle offre des informations sur les salaires payés aux travailleurs, sur les ressources affectées par l’état aux différents secteurs. Dans les branches d’activités, le secteur de l’agriculture, dont la production est estimée à 1533 milliards en 2012, représente la plus importante production de l’économie. Il comprend tous les produits agricoles produites par les ménages comme les produits vivriers, les céréales, les cultures de rente. Il inclut aussi l’élevage des animaux (environ 38000 milliers de têtes d’animaux en 2010) et la production de poissons. En termes de valeur ajoutée, le secteur agricole représente 40,8% de la valeur ajouté totale, ce qui reflète bien la structure de la répartition du PIB qui se caractérise par une prédominance du secteur agricole. Le secteur des mines comptabilise la production issue des activités extractives. Le Niger exploite plusieurs minerais dont les plus importants sont l’uranium, le pétrole, le charbon. Selon les données de la MCS, la production de l’uranium s’élève à 328 milliards de FCFA. Les activités extractives (45,2%) constituent la composante principale du secteur secondaire qui représente 22% de la valeur ajoutée du pays. Ce secteur secondaire est à plus de 56% informel. Nous regroupons dans le secteur ‘industrie’ toutes les entreprises de fabrication principalement la fabrication des métaux, la fabrication chimique, 13 L’enquête ENBC (Enquête Nationale sur le Budget et la Consommation des ménages) a été réalisée en 2007/2008. Il s’agit d’une enquête à enjeux multiples, d’envergure nationale qui a porté sur un échantillon de 4000 ménages dont 2084 en milieu rural et 1916 en milieu urbain. Elle a pour objectif principal de mettre en place les bases d’un dispositif permanent de suivi et d’évaluation des conditions de vie des ménages en général et du programme de réduction de la pauvreté en particulier. Cette enquête offre des informations sur le niveau de vie des ménages et des membres du ménage et certains indicateurs de satisfaction de besoin de base. Elle offre également des données sur le revenu et les dépenses notamment les salaires, les revenus d'activité agricole ou non et les dépenses de consommation (les achats, l'autoconsommation, les dons et cadeaux) qui sont indispensables pour la présente recherche. 16 pétrolière et autre à l’exception de la production et la distribution de l’eau, l’électricité et du gaz qui sont affectés au secteur ‘électricité’. Finalement, les services sont repartis dans 2 secteurs : les services publics et les services privés (38,6%). Les services publics ne sont pas marchands. Ils concernent généralement les services produits par les administrations publiques de l’Etat. Quant aux services privés, ils concernent les activités offertes par les petites unités privées ou les sociétés de prestations de services (transport, service à la personne, etc.). La répartition de la valeur ajoutée telle que reflétée dans la MCS corrobore la structure de l’économie nigérienne telle que décrite par la CN, notamment une proportion faible du secteur secondaire dans le PIB (22%) et l’emploi (23%). Table 2: Quelques paramètres décrivant la structure de l’économie nigérienne en 2012 Branches Intensivité en travail Intensivité en capital Coefficient de la VA à la production branche j Contribution de la branche au PIB Contribution de la branche à la masse salariale 5,7 Agriculture 0,5 0,5 0,86 40,8 Uranium 0,2 0,8 0,95 10,1 Pétrole 0,2 0,8 0,22 2,3 Autres extractions 0,2 0,8 0,60 1,8 Industrie 0,2 0,8 0,30 3,7 3,9 Electricité 0,5 0,5 0,39 1,2 2,7 Construction 0,4 0,6 0,16 2,7 5,2 Services privés 0,2 0,8 0,58 26,0 26,6 Services publics 0,6 0,4 0,68 11,4 44,9 10,9 Source: Calcul auteurs à partir de la MCS 2012 Les branches d’activités liées aux services publics ainsi que les branches agricoles et de la construction apparaissent comme les plus intensives en travail tandis que les branches minières et pétrolières sont plutôt intensives en capital (Tableau 2). En outre, les coefficients de la valeur ajoutée montrent que les branches qui consomment plus 17 de produits intermédiaires sont celles de la construction, du pétrole, des autres extractions et de l’industrie. En ce qui concerne les comptes ménages, les informations sur leurs sources de revenu sont fournies par l’enquête ENBC de 2007/2008 et nous posons l’hypothèse que la structure des sources de revenu des ménages est restée inchangée entre 2008 et 2012. Le revenu global inscrit pour chaque ménage est la somme des revenus perçus pour toutes les activités entreprises par le ménage. Le groupe socioéconomique du ménage est celui du chef du ménage considéré comme le principal contributeur de revenu. Quatre catégories de ménages ont été retenues à savoir : Les agriculteurs Les salariés du secteur public Les salariés du secteur privé moderne Les salariés du secteur privé informel14 Les agriculteurs regroupent l’ensemble des individus qui ont pour activité le travail de la terre mais aussi ceux dont l’activité est l’élevage, l’exploitation forestière ou la pêche. C’est le secteur qui emploie la plus grande part de la population (65% selon les données de l’ENBC 2008) et il est informel à plus de 95%. Les salariés publics représentent l’ensemble des individus dont l’employeur principal est le gouvernement ou le secteur parapublic tandis que les salariés privés formels et informels sont dans tous les secteurs d’activités (agriculture, mines, construction, transport, commerce, services, transformation, éducation, administration). Les salariés privés formels sont quant à eux essentiellement dans les services (25,5%) et l’agriculture (20%). Pour les salariés privés informels, les secteurs les plus attrayants sont l’agriculture (68,7%) et le commerce et vente (près de 50%)15. Il peut s’agir de petites unités d’exploitation ou des entreprises individuelles de prestations de service. Le caractère formel se justifie par l’existence d’une comptabilité régie par la réglementation en vigueur. Enfin, les ménages salariés informels se composent de tous les ménages qui exercent une activité pour leur propre 14 15 Il faut noter que le secteur informel représente ici toutes les activités non enregistrées non agricoles. Nous avons effectué à partir de l’enquête 2008 le croisement entre le groupe socioéconomique et le secteur d’activité. 18 compte ou alors disposent d’un emploi précaire non sécurisant. Ils constituent une frange importante de la population en activité (32%). L’analyse de la répartition du revenu global par groupe socioéconomique montre que les salariés informels sont ceux qui s’accaparent de la plus grande part du revenu global suivi par les salariés publics. Le revenu annuel des salariés informels s’élève à 66 milliards de FCFA. En termes d’effectifs, on observe que les agriculteurs représentent plus de 80% de la population active, ce qui est cohérent avec la structure de l’économie. Table 3: Répartition du revenu de la population active par groupe socio-économique Nombre personnes de Revenu annuel total (en milliards de Fcfa) Agriculteurs Salariés publics Salariés privés Informel Total 4694647 121215 60195 538971 5415028 39,8 61,1 7,3 66,0 174,2 Source: Auteurs à partir des données de l’ENBC 2008 Quant au compte ‘entreprise’, il regroupe toutes les grandes unités de production ou de transformation privées. Les six (6) comptes de l’Etat sont regroupés en un seul compte ‘gouvernement’ alors que le compte du reste du monde est maintenu. Les principales sources des revenus des agents (à l’exception du gouvernement) sont la rémunération des facteurs (travail et capital) et les transferts. Selon les données de la matrice, les ménages tirent 65% de leur revenu de la rémunération du facteur capital et 34% de la rémunération de leur force de travail. Une analyse plus fine montre que ce sont surtout les ménages relevant du formel et les ménages informels qui s’accaparent des 95% de la rémunération totale de la force de travail et 73% de la rémunération du capital. Cela s’explique par la prédominance des entreprises individuelles et familiales dans l’économie. Par ailleurs, cela confirme le fait que les ménages agricoles ne soient pas rémunérés pour leur force de travail, ou du moins que la comptabilité ne permet 19 pas de saisir cette rémunération. S’agissant des entreprises, ils tirent l’essentiel de leur revenu de la rémunération du facteur capital. En ce qui concerne le gouvernement, il tire ses ressources des recettes fiscales (75,2%), des revenus du capital (18,1%) et des transferts reçus du reste du monde (6,7%) qui comporte l’aide internationale et les intérêts. Les recettes fiscales se répartissent en impôts et taxes sur la production (19,5%), impôts sur les importations (56,2%), impôts sur les revenus et bénéfices (24,3%). Ce résultat est conforme à la configuration de l’économie dans laquelle les taxes indirectes représentent en moyenne le quart des recettes fiscales globales. Enfin la MCS produite distingue deux comptes d’accumulation : le compte d’épargne « investissement public » et le compte épargne « investissement privé ». Ces comptes retracent en ressource, l'épargne des différents agents publics ou privés et en emploi, la Formation Brute de Capital fixe pour les catégories d’agents. 3.2 Le cadre d’analyse La méthodologie adoptée dans le cadre de cette recherche est fondée sur la modélisation en équilibre générale calculable, qui est le cadre d’analyse approprié pour prendre en compte les interrelations entre tous les secteurs d’une économie. L’utilisation de ce modèle permet sur la base d’hypothèses d’accroissement des ressources publiques et d’affectation des ressources dans des secteurs clés, de déterminer le nombre d’emplois qui pourrait être créés dans les 10 ans à venir. Cela permet de faire une analyse pertinente des politiques économiques définies par le gouvernement. Nous convenons donc avec Heckman et al. (1999) qu’une telle méthodologie est nécessaire pour prendre en compte toutes les interrelations entre les différents secteurs d’une économie. Ce type de modèle décrit les mécanismes d'affectation des ressources dans une économie de marché, même en présence de rigidités de certaines variables de l’économie. Ainsi, leur intérêt par rapport à d’autres modèles 20 macro-économiques est leur faculté de représenter explicitement les canaux de transmission potentiels des chocs (Maraouni, 2002). L’analyse dynamique prend en compte l’effet des ressources minières sur la réallocation de l’investissement vers les secteurs économiques. Elle permet aussi d’incorporer des hypothèses sur la croissance de la population, de la force du travail, de la productivité totale des facteurs, des dépenses de l’Etat, et des transferts reçus du reste du monde. Le cadre d’analyse s’appuiera sur celui de Levy (2008) présenté plus haut auquel nous adjoignons des spécifications propres liés à l’économie nigérienne. De plus, outre l’analyse de la pertinence de l’utilisation des fonds miniers et pétrolier, nous intégrerions aussi la question de la capacité absorptive de l’économie. Nous utiliserons le modèle PEP1-t qui est représentatif d’un petit pays multisectoriel, qui n’influence pas les prix mondiaux. Ce modèle permet de décliner les effets directs sur l’économie nigérienne des changements sur le marché du travail mais aussi sur les autres variables de l’économie. Nous nous inspirerons des pistes proposées par Boeters et Savard (2011) pour modéliser le marché du travail dans le cadre d’un MEGC. Ainsi, le modèle distinguera deux facteurs de production de base que sont le capital et le travail. Par ailleurs, le marché du travail est segmenté en fonction de la catégorie socioéconomique du chef de ménage (agriculteur, privé formel, public formel et informel). L’idée sous-jacente est d’observer le groupe qui sera le plus affecté par l’essor du secteur extractif. L’équilibre sur chaque marché est atteint à travers les variations des prix relatifs. Le taux de change réel est fixe et est le numéraire du modèle. Le processus d’écriture du modèle se fera en 3 étapes : dans un premier temps, le MEGC statique qui permet de capter les déterminants des variables économiques comme la production, la consommation ou l’investissement est développé; ensuite le PEP 1-t est dressé pour décrire le comportement des variables au cours du temps. Cela suppose une mise à jour des paramètres sur la base des tendances exogènes et des variables endogènes. Enfin, la 3ème étape consistera à définir les différents scénarii d’allocation des ressources. 21 4 Application et résultats 5 Conclusions et implications de politiques Références Atkinson G. and Hamilton K. (2003): “Savings, growth and the resource curse hypothesis”, World Development 31, p. 1793-1807. BANNON, I. et P. COLLIER (2003), “Natural Resources and Violent Conflict: Actions and Options”, World Bank. 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Amsterdam Institute for Advanced Labor Studies (AIAS). www.wageindicator.org 24 Annexe Annexe I : Secteurs privé et parapublic - Effectifs salariés, selon la branche d'activité économique 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 1 400 1 623 1 438 1 154 1 166 1 170 1 268 1 506 1456 1855 2 381 2 157 2 285 2 545 2 661 2 674 4 281 4 860 5109 5209 Industries manufacturières Electricité, eau et gaz 2 702 2 546 3 069 3 962 3 431 3 434 4 273 5 235 5400 5324 2 890 2 583 3 789 3 566 5 883 5 885 6 442 6 486 3863 6995 Bâtiments et travaux publics Commerce, restaurants, hôtels Transports, entrepôts, communications Banques, assurances, aff. immob., servi. aux entrep. Services sociaux 3 239 4 284 5 232 4 215 4 321 4 423 5 068 5 453 8979 6711 4 895 4 621 5 904 6 690 6 724 7 212 8 039 8 740 4056 9744 4 844 5 243 5 338 6 853 6 598 6 614 7 924 9 289 7355 10112 1 518 1 594 2 198 2 845 3 228 3 232 3 254 3 989 3551 4783 6 763 6 489 7 707 12 425 12 894 12930 13461 17 656 21284 19875 30 632 34 194 36 962 44 255 46 906 47 574 54 010 63 214 61053 70608 Agriculture, chasse, sylviculture et pêche Industries extractives Total Source : Agence National pour la Promotion de l’emploi (ANPE) Annexe II: Production et exportations d’uranium au Niger (2000-2012) Années Production (en tonnes) Exportation (en tonnes) Exportations (en milliards de F.cfa) En % des recettes d’exportation En % des recettes budgétaires En % du PIB au prix courant 2000 2898 2950 64,0 45,9 58,1 5,4 2005 3093 3400 78,5 47,7 41,5 4,5 2006 3434 3160 79,6 55,3 32,2 4,2 2007 3153 3415 136,6 63,8 44,2 6,6 2008 3072 3181 201,0 63,5 45,5 8,4 2009 3245 3200 195,1 63,6 53,6 7,8 2010 3939 3939 227,9 61,0 59,1 9,0 2011 4264 4499 317,5 74,8 61,7 10,5 2012 4623 4623 338,3 62,5 62,2 9,8 Source : Annuaire statistique, Institut national de la statistique, 2010 et comptes nationaux 2013. 25 Annexe III: Contribution du secteur minier et pétrolier aux recettes prévisionnelles de l’Etat (en milliards Fcfa) 2012 2013 2014 2015 2016 Recettes ressources naturelles 129.4 162.6 188.4 237.3 257.7 Uranium 70.4 Pétrole 59.0 71.5 72.5 73.6 82.5 Total Recettes 654.1 693.0 771.0 870.0 963.2 % des ressources naturelles au budget de l’Etat 19.8 23,4 24,4 27,2 26,8 Source : FMI, 2012 et autorités nigériennes Annexe VI : Autres statistiques importantes Contribution du secteur de l’uranium à l'économie nationale Contribution aux recettes budgétaires Millions FCFA 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 12369 88475 44016 48517 54811 53264 70176 Contributions aux exportations % 5,00 28,61 9,96 13,37 14,21 10,4 12,9 Millions FCFA 198164 195121 227964 317464 338250 Contribution du secteur minier et pétrolier au PIB % 69 78,76 62,6 64,0 61,0 74,8 62,5 Millions FCFA 40440 90775 144399 162627 203462 226029 372830 % 2,1 4,42 5,97 6,38 7,2 7,5 10,8 Source : Auteur à partir des données de l’Annuaire statistique , 26 Matrice de Comptabilité Sociale (MCS) 2012 Activ. de productio n Activ. de produc. Biens et serv. Facteurs product. Entrepris es Biens et serv. Ménage Gouver neme. TVA Taxes import . taxes expor t RM Eparg ne/ Inv public Eparg ne/ Inv privé 2 460 680 474 775 856 980 349 430 826 072 3 078 728 3 109 551 19681 2 625 109 196906 782 606 442 931 40869 109 957 96 577 66 042 160 196 137 285 48 935 32 750 30 535 96 577 160 196 160 196 137 285 137 285 48 935 48 935 32 750 32 750 1 510 043 99 404 1430 7370 1 618 247 259 592 4 998 093 6 727 106 30 823 442 931 2 457 259 107 300 RM Epargne/ Inv public Epargne/ Inv privé TOTAL 4 998 093 1 759 169 TVA Taxes import. Taxes export. TOTAL Entre prises Impôts nets sur produc 4 998 093 Ménages Gouvern. Impôts sur rev. Impôts nets sur produc. Facteurs Produc. Impôt s sur rev. 6 727 106 269 589 132 464 3 109 551 442 931 2 625 109 89 838 513 857 782 606 96 577 160 196 137 285 48 935 349 430 915 910 32 750 1 618 247 349 430 915 910 Source: Auteurs à partir des comptes nationaux 2013, du TCEI et du TRI 2012. 27