ACTIVITE 1 : LA THEORIE DE LA DERIVE DES CONTINENTS : LA NAISSANCE D’UNE IDEE LIAISON AVEC LE PROGRAMME Niveau concerné : Partie du programme: 1S Thème 1 : La Terre dans l’univers, la vie et l’évolution du vivant Thème 1-B : La tectonique des plaques : l’histoire d’un modèle. PLACE DANS LA PROGRESSION Activité initiale après le rappel des acquis de 4ième. CONSTAT : La Théorie de Wegener est relativement récente. Elle fut initiée en 1912, mais ne s’imposa que dans les années 60… il y a 40 ans. PROBLEME A RESOUDRE Montrer comment au fil du temps, des progrès de la technique et des découvertes scientifiques s’ est construit le modèle scientifique de la tectonique des plaques. Comprendre comment Wegener a élaboré la théorie de la dérive des continents et expliquer les réactions de la communauté scientifique de l’époque. NOTIONS, COMPETENCES Dégager la notion de modèle scientifique en tant que construction hypothétique modifiable et Notions à valeur prédictive basée sur des données. Compétences Durée : 2H - Communiquer à l’écrit ; réaliser un document argumenté. Communiquer graphiquement ; Recenser, extraire, organiser des informations. Comprendre la nature provisoire, en devenir, du savoir scientifique ; Percevoir le lien entre sciences et techniques ; Montrer de l’intérêt pour les progrès scientifiques et techniques ; Manifester sens de l’observation, curiosité, esprit critique Coût : 0 Matériel et ressources : Documents dossier. Sites internet. ACTIVITE Sécurité : RAS Déroulement de l’activité: Jusqu’en 1915, la grande majorité des scientifiques cherchent à expliquer les phénomènes géologiques en supposant que les continents ont toujours été à la même place qu’aujourd’hui. En 1915, le scientifique allemand Alfred Wegener, frappé par la complémentarité des formes entre le continent américain et le continent africain, publie un livre où il expose sa « théorie de la dérive des continents » avec de nombreux arguments. En 1926, des scientifiques se réunissent à New York pour examiner cette théorie, finalement rejetée par la communauté scientifique de l’époque. Vous participez à ce colloque scientifique allant examiner la théorie de Wegener. vous êtes un groupe de géologues de l’équipe de Wegener et vous êtes chargés de présenter les arguments en faveur de cette théorie vous êtes un groupe de géologues s’opposant à la théorie de Wegener et vous êtes chargés de présenter des arguments contre cette théorie de Wegener. COMMUNICATION DES RESULTATS, OBSERVATIONS, RECHERCHES EVALUATIONS POSSIBLES COMMENTAIRES · une vue simplifié des continents depuis 200 millions d'années: http://geology.wr.usgs.gov/docs/usgsnps/animate/A08.gifune vue plus complète avec l'apparition des dorsales et la lithosphère océanique créée : http://www.scotese.com/sfsanim.htm Voici une animation plus précise sur l'ouverture de l'Atlantique Nord: http://www.scotese.com/natlanim.htm et une autre sur l'ouverture de l'Atlantique Sud: http://www.scotese.com/satlanim.htm Et pour finir, voici une animation qui va vous montrer ce qui va se passer dans les 250 millions d'années à venir: http://www.scotese.com/futanima.htm http://www.ggl.ulaval.ca/personnel/bourque/s1/derive.html et http://planet-terre.ens-lyon.fr/planetterre/XML/db/planetterre/metadata/LOM-derive-continents-wegener.xml http://annales.org/archives/cofrhigeo/wegener-lemoine.html Les conceptions des anciens Les Anciens avaient une conception toute fixiste de la surface de la terre: océans et continents ont toujours occupé une position fixe durant toute l’histoire de la planète. Depuis Aristote, on croyait que la terre s’était formée par une série de grandes catastrophes, en un laps de temps très court, et qu’elle avait ainsi acquis la physionomie qu’on lui connaît aujourd’hui. Les océans et les continents avaient été dessinés une fois pour toutes! Nous appelons cette vision de la formation de la terre par une série de grandes catastrophes, le catastrophisme, une théorie qui, avec une théorie satellite, le créationisme, va dominer les esprits jusqu’au 19e siècle… et même encore de nos jours! Bien qu’au 19e siècle, les géologues James Hutton et Charles Lyell aient tenté de montrer qu’en fait les processus géologiques sont beaucoup plus lents que ne le propose le catastrophisme et qu’il se fait de façon beaucoup plus uniforme (théorie de l’uniformitarisme), les hommes de science continuaient à croire ferme à la pérennité des mers et des continents. Mais, au 17e siècle, les cartes géologiques de l’Atlantique étaient suffisamment précises pour que les esprits curieux et éveillés à la découverte remarquent un certain parallélisme dans le tracé des côtes de part et d’autre de l’Atlantique et tentent d’en trouver l’explication. *François Placet (1668): C’est dans un mémoire intitulé "la corruption du grand et du petit monde, où il est montré qu’avant le déluge, l’Amérique n’était point séparée des autres parties du monde ", que Placet propose qu’avant le déluge il n’y avait qu’un seul bloc continental et que c’est par effondrement au centre de ce bloc que l’Atlantique a été créé et qu’il en est résulté deux blocs séparés. *Antonio Snider-Pelligrini (1858): Deux siècles après Placet, le catastrophisme garde toujours ses droits. Snider-Pelligrini parle de séparation et de dérive dans son livre intitulé "La création et ses mystères dévoilés ". Selon lui les continents se sont formés avant le déluge (l’archétype de la catastrophe!), en un seul bloc, du même côté de la terre, à partir d’un bloc de roche en fusion. Le déluge a mis fin à l’état d’instabilité de ce bloc en le refroidissant. Une gigantesque rupture s’est alors produite, entraînant la séparation des Amériques et du Vieux Monde. *George Darwin (1879): Le second fils de Charles Darwin parle lui aussi de mobilité des continents tout en étant catastrophiste: à une époque très reculée, la lune a été arrachée à la terre, y laissant la gigantesque cicatrice du Pacifique. Ce grand vide a alors entraîné une fragmentation de la croûte granitique refroidie et un glissement latéral des masses continentales. *Frank B.Taylor (1910): Bien qu’on attribue la paternité du concept de la dérive des continents à Alfred Wegener, Frank Taylor fut le premier, en 1910, 5 ans avant Wegener, à formuler l’hypothèse que l’Atlantique a été formé par la séparation de deux masses continentales qui ont dérivé lentement l’une par rapport à l’autre. Mais la démonstration de Taylor est apparue trop compliquée et n’a pas réussi à convaincre ses contemporains. Fin du XIXe et début du XXe siècle ; avant l’intervention de Wegener Sur l’état des sciences de la Terre vers la fin du XIXe siècle, trois points essentiels sont à rappeler : (1) l’absence de véritable « communauté » de scientifiques concernés par les « sciences de la Terre », (2) le fait qu’étaient déjà acquises certaines connaissances sur la structure profonde du Globe, sur l’opposition continents-océans, et sur l’isostasie, enfin (3) le rôle de deux paradigmes, celui de la pomme et celui de la permanence, qui ont eu des sorts bien différents. 1. Chacun chez soi, chacun pour soi De la fin du XIXe siècle, et jusque vers la deuxième moitié du XXe siècle (années 70), on ne peut pas dire qu'il existait une « communauté » des sciences de la Terre. En réalité, les scientifiques qui avaient en charge la reconstitution de la structure de notre planète en surface (océans, continents, chaînes de montagnes) et en profondeur (croûte, manteau, noyau) ainsi que son histoire, étaient issus de deux formations universitaires étrangères l'une à l'autre. Les géophysiciens étaient d'abord des mathématiciens et des physiciens, tandis que géologues et paléontologues étaient issus de la filière des sciences naturelles. Dans la majorité des cas, et, à l'exception remarquable des industries minière et pétrolière (où l’on ne recherchait pas tellement la notoriété, mais plutôt des résultats concrets, c’est-à-dire des bénéfices financiers), ces scientifiques menaient leurs recherches en s'ignorant. Pas d’orchestre, pas de partition, ni de chef : chacun, dans son coin, jouait son air sans tenir compte de celui des voisins. 2. Quelques connaissances acquises sur la nature, la répartition et le comportement des masses rocheuses constituant notre planète Structure du Globe.- L’étude de la propagation des ondes sismiques avait déjà permis de connaître la structure de la Terre, en couches concentriques alors appelées, de l’extérieur vers l’intérieur : Sal ou Sial (silicium + aluminium : pour nous la croûte continentale), Sima (silicium + magnésium : le manteau), et Nife (Nickel + Fer : le noyau). Sial et Sima étaient réputés solides puisqu’ils transmettaient des ondes sismiques de cisaillement (ondes S) – et cela bien que ce fût en contradiction, au moins apparente, avec la notion d’isostasie. Isostasie.- Connue depuis 1850, l’isostasie prédit l’équilibre, lié à la poussée d’Archimède, de masses superficielles de Sial (léger) ou de Sima (lourd) sur un Sima plus profond et plus déformable (on peut aussi dire : un peu visqueux). Le Sima au fond des océans.- Enfin, considérant la vitesse des ondes sismiques, on subodorait déjà que le fond de l’océan était plutôt fait de Sima, s’opposant ainsi aux continents sialiques. Résultat qui était confirmé par l’isostasie, en vertu de laquelle le Sima, lourd, devait s’enfoncer plus que le Sial léger. (VOIR ensuite théorie fixiste) 3) Deux paradigmes dont l’un a rapidement été éliminé, l'autre ayant eu la vie dure A la fin du siècle dernier et au tout début de ce siècle, les explications de l'évolution géologique de la Terre étaient gouvernées par deux paradigmes qui expliquaient d'une part la « face de la Terre », c'est-à-dire la disposition des océans et des continents et l'organisation des chaînes de montagnes, et d'autre part son évolution, et notamment la genèse des plissements et des reliefs de ces chaînes. Le paradigme de la pomme qui se ride. Le grand géologue autrichien Eduard Suess était auteur d'un ouvrage fondamental, Das Antlitz der Erde (1885-1901), qui constituait alors, pour les géologues, une référence indispensable. Suess supposait que notre planète, en se refroidissant lentement, diminuait de volume, ce qui provoquait les plissements et les reliefs des chaînes de montagnes, comme une pomme qui se dessèche et diminue de volume : sa peau se ride. Il fut suivi en cela par de nombreux géologues qui étudiaient les chaînes de montagnes et notamment les Alpes, tel le Français Marcel Bertrand. C'était l'époque où le physicien Lord Kelvin avait calculé l'âge de la Terre en considérant son refroidissement : pour lui pas plus d'une centaine de millions d'années, au grand maximum, alors que nous savons maintenant que cet âge est d’environ 4 600 millions d'années. Mais ce paradigme de la pomme qui se ride, qui pourtant expliquait si élégamment la formation des chaînes de montagnes, dut être abandonné : en 1896, Henri Becquerel découvrait la radioactivité, phénomène qui génère de la chaleur. Et l’on s'est très vite aperçu que les roches du Sial et du Sima étaient riches en éléments radioactifs : potassium 40, uranium, thorium. Cela signifiait que la Terre, loin de se refroidir, est le siège d'une importante production de chaleur. La nécessaire évacuation de cette chaleur peut se faire par de lents courants de convection dans un Sima un peu visqueux : hypothèse proposée dès 1929, et reprise dans les années 60 lors de l’émergence de la tectonique des plaques. Exit donc, dès 1900-1910, le paradigme de la pomme. L'autre paradigme a eu la vie bien plus dure. Le paradigme fixiste, ou de la permanence des continents et des océans.- Au début du XXe siècle, tous, géologues, paléontologues, géophysiciens, considéraient que les océans et les continents actuels étaient immuables dans leur position et leurs contours généraux. Émile Haug géologue et paléontologue français, considère ainsi, en 1900, que les chaînes de montagnes se forment uniquement le long de bandes étroites (les géosynclinaux) intercalées entre des unités continentales stables. La déformation tectonique se confine donc dans des endroits précis du globe, ce qui formera plus tard une des bases de la théorie de la tectonique des plaques. Il donne des arguments géologiques mais aussi paléontologiques qui militent en faveur de l'existence de chaque unité continentale. Il justifie l'intérêt de l'étude de la répartition des faunes fossiles pour les reconstitutions paléogéographiques : « Il est bien rationnel d'admettre que chaque unité continentale a eu sa faune propre tant qu'elle est restée isolée, que des migrations se produisent chaque fois que des communications par terre s'établissent avec une unité voisine et que la faune la mieux organisée dans la lutte pour l'existence arrive à s'implanter et à refouler la faune autochtone dans les parties plus reculées du continent. Si plus tard l'unité continentale est morcelée par un effondrement partiel, les résidus de faunes permettront de rétablir par la pensée l'ancienne connexion. On voit quels services précieux peut nous rendre l'étude des faunes terrestres dans les essais de reconstitution des continents morcelés » (É. Haug, Les géosynclinaux et les aires continentales, Bulletin de la Société géologique de France, 3e série, 28, 617-711, 1900, p.642) Figure 5. Carte des aires continentales par Emile Haug Les ponts continentaux constituent donc une apparente nécessité… pour les paléontologues.- Les paléontologues ont toujours eu besoin d'expliquer pourquoi l'on rencontrait les mêmes espèces fossiles d’animaux ou végétaux terrestres, des escargots aux vertébrés, sur des continents séparés par les grands espaces océaniques actuels. Le paradigme mobiliste résout aisément le problème. Mais si l'on était fixiste, ce qui était le cas de presque tous avant 1960-70, il fallait alors imaginer l'existence de « ponts continentaux », c'est-à-dire de larges bandes continentales éphémères reliant les continents actuels, comme ce « continent afro-brésilien » qui, à certaines époques, aurait relié Afrique et Amérique du sud. Il fallait de plus imaginer que ces ponts n'étaient présents qu’aux moments opportuns et qu'ils devaient s'effondrer ensuite, dès qu’ils n’étaient plus indispensables, jusqu'à 4 ou 5 000 mètres de profondeur pour être recouverts par les eaux océaniques comme celles de l'Atlantique sud entre Afrique et Amérique du sud : bref, c'était le mythe de l'Atlantide. Ce modèle a été, par exemple, longtemps enseigné à l'université de Paris : l'auteur de ces lignes a lui-même été interrogé sur le sujet à l'oral de licence en 1948. Voir animation sur : http://www.svt.ac-versailles.fr/spip.php?article658 des ponts continentaux et prendre site 2. Ou sur google, taper théorie Malgré la publication des idées et des démonstrations proposées par Wegener dès 1912 puis en 1915, confortées et améliorées durant les années 20 et 30, force est de constater qu'à part quelques exceptions, ce paradigme a régné encore pendant un demi siècle. LES ARGUMENTS DE WEGENER Ni géologue, ni géophysicien, Alfred Wegener était donc météorologue. Et pourtant, curiosité intellectuelle aidant, il s'est intéressé à l'ensemble des sciences de la Terre. Une telle position, « hors du sérail », présentait à la fois des inconvénients et des avantages. Il n'a d'ailleurs pas été le seul dans ce cas : n'oublions pas que Louis Pasteur était chimiste. « Pour dévoiler les états antérieurs du Globe, toutes les sciences s'occupant des problèmes de la terre doivent être mises à contribution et ce n'est que par la réunion de tous les indices fournis par elles que l'on peut obtenir la vérité ; mais cette idée ne paraît toujours pas être suffisamment répandue parmi les chercheurs [...]. Nous sommes devant la terre comme un juge devant un accusé refusant toute réponse [...]. Quel accueil réserverions-nous au juge qui arriverait à sa conclusion en utilisant seulement une partie des indices à sa disposition ? » Il est évident qu'il prêchait alors dans le désert, car chacun, géophysicien, géologue ou paléontologue, menait alors ses recherches en ignorant les autres. Les spécialistes, les membres des différentes composantes de ce que l'on ne peut pas encore à cette époque appeler la « communauté » des sciences de la Terre, acceptaient mal qu'un non-spécialiste prétende se mêler de leurs affaires, et avaient tendance à refuser sans discussion l'idée peu orthodoxe, inattendue et même tout à fait révolutionnaire qu'il leur proposait. En 1912, Alfred Wegener écrit un article intitulé « La translation des continents » : ce scientifique suggère pour la première fois un déplacement horizontal des continents à la surface de la Terre. Il publiera un livre en 1915 intitulé « La génèse des continents et des océans » (Die Entstehung der Kontinente und Ozeane). - Wegener explique sur quelles bases il a conçu sa théorie de la dérive des continents : « La première idée des translations continentales me vint à l'esprit dès 1910. En considérant la carte du globe, je fus subitement frappé de la concordance des côtes de l'Atlantique, mais je ne m'y arrêtai point tout d'abord, parce que j'estimai de pareilles translations invraisemblables. En automne 1911, j'eus connaissance par hasard, en lisant une collection de rapports scientifiques, de conclusions paléontologiques, inconnues jusqu'alors pour moi, admettant l'existence d'une ancienne liaison terrestre entre le Brésil et l'Afrique. Cela m'engagea à faire un examen préalable et sommaire des résultats connexes au problème des translations, tant en Géologie qu'en Paléontologie. J'obtins tout de suite des confirmations assez importantes pour commencer à être convaincu de l'exactitude systématique de la théorie » ; l'idée de départ est donc la concordance des côtes de l'Atlantique - Wegener montre que sa théorie découle des incohérences des modèles précédents, les translations continentales réconcilient les preuves paléontologiques et les exigences de l'isostasie : « Si nous prenons comme base la théorie des translations, nous répondons à toutes les exigences justifiées, tant à celles de la loi des anciennes liaisons continentales qu'à celles de la permanence. Nous n'avons qu'à énoncer ces lois comme il suit : Ponts continentaux ? Oui, non pas grâce à des continents intermédiaires affaissés, mais à des socles continentaux jadis contigus. Permanence ? Oui, pas de chaque continent ou océan pris individuellement, mais permanence de la surface océanique totale et de la surface continentale totales prises en bloc » - En 1928, Alfred Wegener expose, fort habilement, dans son livre, La genèse des continents et des océans : « Nous assistons à un spectacle paradoxal ; il y a deux théories s’excluant réciproquement, sur l’aspect ancien de la face terrestre. […] Mais où donc est la vérité ? La terre ne peut avoir eu, à un moment, qu'une seule face. Y avait-il à l'époque des ponts, ou bien les continents étaient-ils séparés comme de nos jours par de larges océans ? Il est impossible d'écarter la nécessité de l'existence des anciennes jonctions terrestres, si nous ne voulons pas renoncer complètement à comprendre le développement de la vie sur le globe, et il est également impossible de se dérober aux arguments contraires à l'existence des continents intermédiaires émis par les partisans de la loi de la permanence. Il n'y a évidemment qu'une issue : les hypothèses admises comme évidentes doivent être viciées par des erreurs cachées. C’est ici qu’intervient la théorie des translations. » Les deux niveaux les plus fréquents de la surface de la Terre. Si la théorie contractioniste était exacte, on doit retrouver à la surface de la Terre une distribution « gaussienne » des altitudes avec l’essentiel de la surface terrestre autour d’une valeur moyenne d’altitude – 2500 mètres (distribution gaussienne). La statistique des altitudes de la croûte terrestre met en lumière, depuis la fin du XIXe siècle, que deux niveaux sont nettement privilégiés, tandis que les autres sont beaucoup plus rares. Le premier, situé à 100 m au-dessus du niveau de la mer, correspond aux plaines et plateaux qui forment la majorité de la surface des continents ; le second, situé à 4700 m sous le niveau de la mer, correspond aux fonds abyssaux. Wegener remarque que cette constatation ne peut être expliquée par la théorie de la contraction de la Terre, due à son refroidissement. Si, comme l'expliquent habituellement les géologues, les hauteurs sont dues à des soulèvements et les profondeurs à des affaissements, à partir d'un niveau initial commun, il serait alors naturel d'admettre que les fréquences soient d'autant plus petites que l'on s'éloigne du niveau initial. La loi des fréquences devrait être celle d'une courbe de Gauss( avec un seul maximum autour d’une valeur moyenne d’altitude – 2500 mètres). « Nous en concluons, dit Wegener, qu'il doit y avoir eu deux niveaux initiaux de départ et nous sommes conduits, inévitablement, à admettre que les continents et les sols sous-océaniques constituent deux couches distinctes de l'écorce terrestre qui se comportent – en grossissant un peu notre image – comme des icebergs tabulaires et l'eau qui les baigne ». Ce double niveau constitue ainsi une confirmation saisissante de la théorie de l'isostasie. Figure 10. Courbe des fréquences des altitudes sur Terre Distribution bimodale des altitudes Source : fig. 8 de A. Wegener, op. cit., p.35 Planche 1 : la répartition de certains fossiles datés de -240 à -260 Ma Source : Jourdan Eric Fiche 2 : la répartition des boucliers de roches archéennes et de certaines chaînes de montagnes paléozoïques La carte ci-dessous montre la répartition des blocs continentaux (boucliers) plus vieux que 2 Ga (milliards d'années) selon la géographique actuelle. Les trois chaînes de montagnes, Appalaches (Est de l'Amérique du Nord), Mauritanides (nord-est de l'Afrique) et Calédonides (Iles Britanniques, Scandinavie), aujourd'hui séparées par l'Océan Atlantique, ont des structures géologiques identiques et elles se sont formées en même temps entre 470 et 350 Ma. Source : http://www2.ggl.ulaval.ca/personnel/bourque/s1/derive.html Fiche 3 : étude de la localisation des roches glaciaires On observe, sur certaines portions des continents actuels, des marques de glaciation datant d'il y a 250 millions d'années, indiquant que ces portions de continents ont été recouvertes par une calotte glaciaire. Source : http://www2.ggl.ulaval.ca/personnel/bourque/s1/derive.html LE MODELE DE LA DERIVE DES CONTINENTS PROPOSES PAR WEGENER EN 1912 « C'est comme si nous devions reconstituer une page de journal déchiré, en mettant les morceaux bord à bord, puis en vérifiant si les lignes imprimées correspondent. Si oui, on doit conclure que les morceaux étaient bien placés de cette façon à l'origine. Si ce test est positif pour une seule ligne, l'exactitude de la reconstitution est hautement probable, mais s'il l'est pour n lignes, la probabilité devient une certitude ! » A.Wegener -270 Ma -50 Ma Il manque cependant à cette théorie les forces permettant les déplacements des continents de sial dans le sima visqueux. Alfred Wegener en proposa plusieurs : la force répulsive des pôles (Eötvös, 1913) due à l’aplatissement de la Terre aux pôles ; la force des marées qui ralentirait la rotation des continents en surface par rapport à la rotation de la Terre profonde ; la force de gravité au niveau de renflements locaux (Daly, 1926), la force de précession, l’attraction directe entre les continents, la force de convection mantellique étudiée par plusieurs auteurs (Ampferer, 1906 ; Schwinner, 1919 ; Joly, 1925 ; Kirsch, 1928). Mais aucune ne le satisfaisait vraiment : « La théorie des translations n’a pas encore trouvé son Newton. On ne doit pas s’inquiéter de sa venue : la théorie n’est en effet qu’à ses débuts. […] Il est pourtant probable qu’un certain temps s’écoulera avant qu’on ait pu résoudre complètement la question des forces intervenant dans ces mouvements » (Wegener, 1929, p. 161). LE REJET DE LA THEORIE Les idées de Wegener ont été accueillies généralement avec hostilité. Des mesures géodésiques effectuées par Wegener semblaient indiquer une dérive du Groenland vers l'ouest par rapport à l'Europe (mesures obtenues par positionnement astronomique ou par différence des temps de transmission radio. En fait, on se rendra compte plus tard que ces mesures étaient fausses. Lambert 1921 : " Évidemment tout cela est pure spéculation : l'hypothèse fondamentale est celle de socles continentaux supportés par un magma qui serait un liquide visqueux, mais visqueux dans le sens de la théorie classique de la viscosité des fluides. D'après cette théorie, un liquide, quelle que soit sa viscosité, cédera à une force si petite soit-elle, pourvu que le temps de l'action de celle-ci soit suffisamment long… » Jeffreys 1924 : D’abord, l’hypothèse des « radeaux » de Sial flottant sur le Sima visqueux n'était pas acceptable car pour lui le Sima était solide puisqu'il transmettait les ondes sismiques S de cisaillement, que ne transmettaient pas les liquides. D’autre part, cette hypothèse du Sima visqueux était en contradiction avec le fait que le fond des océans, fait de Sima, devait être solide – là, Jeffreys avait raison. Quant aux forces supposées capables de mouvoir ces radeaux, un calcul simple montrait qu'elles étaient ridiculement faibles. " Une autre hypothèse impossible est fondée sur la conception que la Terre est dénuée de toute résistance à la déformation. » Cette hypothèse affirme qu'une petite force peut non seulement provoquer des mouvements indéfiniment grands, à condition qu'elle dispose d'une durée suffisante…La supposition selon laquelle la Terre pourrait être déformée indéfiniment par de petites forces à la seule condition que celles-ci agissent longtemps, est donc une supposition très dangereuse, qui peut conduire à des erreurs graves ". Jeffreys 1929 : " Il n'y a par conséquent pas la moindre raison de croire que des déplacements en bloc de continents à travers la lithosphère soient possibles… Les lois physiques ne permettent pas le déplacement des continents. Les forces invoquées par M. Wegener comme un changement de vitesse de rotation de la Terre due à l’attraction lunaire et ses conséquences comme les marées sont ridiculement inadéquates. Une dérive séculaire des continents, telle qu'elle a pu être soutenue par A. Wegener et autres, est hors de questions ". Termier en 1930 : Wegener énonce le fait que, lors du déplacement des continents, le sima fuit devant les continents de sial à la dérive et que le sial se déforme au niveau de sa « poupe », formant les chaînes de montagnes. Pierre Termier s’interroge alors sur les propriétés du sima : « Quel serait ce liquide sur lequel les continents flotteraient et dont la résistance, quand ils se meuvent, serait capable de plisser leur bord et de façonner un bourrelet saillant qui deviendrait une chaîne de montagne ? » (Termier, 1923, p. 140) ; « Comment peut-on accepter que, si la masse continentale bouge en rompant devant elle la croûte solide du fond de la mer, ce soit la masse continentale qui se plisse, qui se façonne en un bourrelet saillant, en une chaîne de montagnes, et non pas la croûte solide au fond de la mer ? » (Termier, 1923, p. 148). Il s’interroge également sur le devenir du sima qui se trouve en avant des continents en dérive : « Que deviennent, dans l’hypothèse de la mobilité, les débris de la pellicule sismique solide qui formait le fond de l’océan ? Ne devraient-ils pas s’accumuler, en un épais bourrelet de roches lourdes et noires sur la proue du grand navire ? Rien de semblable, cependant, n’apparaît » (Termier, 1924, p. 186). Il critique enfin le modèle d’orogenèse de Wegener : « Comment les plissements profonds du sal continental solide, sous la poussée du sima liquide, peuvent-ils se transformer, en montant vers la surface, et devenir ces plis et ces nappes que nous voyons dans nos montagnes et qui évoquent l’idée d’un ridement superficiel, bien plus que celle d’un trouble très profond, propagé en hauteur ? » (Termier, 1924, p. 186). " C'est un beau rêve, le rêve d'un grand poète. Mais essaye-t-on de l'étreindre, on s'aperçoit n'avoir dans les bras que de la vapeur, de la fumée. Elle attire, elle intéresse, elle amuse l'esprit, mais la solidité lui manque ". « Si nous croyons l’hypothèse de Wegener, nous devons oublier tout ce que nous avons appris dans les soixante-dix dernières années et retourner sur les bancs de l’école » R.T. CHAMBERLIN, 1928. Certains ont dit du géologue écossais Arthur Holmes qu’il était le plus grand géologue de son temps. Moins de dix ans après la découverte de la radioactivité par Becquerel et Marie Curie en 1896-98, dès que l’on s’est aperçu que les roches de la croûte et du manteau contenaient des éléments radioactifs comme uranium et thorium, il s'est intéressé à la radioactivité des roches terrestres. Ses recherches en la matière l'ont conduit sur deux voies principales, la première étant celle des datations des roches, qui s'avérera si féconde : un ouvrage sur le sujet fut publié par lui dès 1913. Mais la deuxième voie l'a conduit vers des idées encore plus originales : la présence dans les roches du Sial et du Sima d'éléments radioactifs, dont la désintégration génère de la chaleur, l'ont en effet conduit à reconsidérer le régime thermique de notre planète : contrairement à ce que l'on supposait jusqu'alors, la Terre ne se refroidit pas et une quantité énorme de chaleur doit être évacuée. Les roches étant très mauvaises conductrices de chaleur, la conduction, beaucoup trop lente, n’y suffirait pas. Holmes a donc été conduit à imaginer l'existence de lents courants de convection dans le manteau terrestre constitué de roches solides mais visqueuses, en associant cette idée à celles de l'expansion océanique et de la dérive des continents. Il a proposé et figuré ces courants dès 1929. Figure 3. La figure originale d'Arthur Holmes (in Oreskes, 1988) : des courants de convection dans le manteau figurés dès 1929. Ces courants divergent (A) à partir de l’axe de la dorsale, connue à l’époque en tant qu’élément topographique, mais interprétée par Holmes comme un reste continental : car on ne pouvait alors concevoir du Sima en équilibre à 2.500 m seulement. Ces courants, dans la figure de Holmes, sont clairement liés à l’ouverture d’un « new ocean » qui ressemble fort à l’Atlantique. En B et C, enfoncement (subduction, mais le mot, qui venait d’être créé par Ampferer – en allemand « Verschlukung » –, était encore peu utilisé) à la verticale. Si l'on a insisté ici sur la contribution de Holmes, c'est qu'elle fournissait, en avance de plus de trente ans sur la tectonique des plaques, la possibilité d'un nouveau paradigme : mais il était manifestement encore trop tôt... Jeffreys se contente d'affirmer en 1931 : « J'ai examiné assez longuement la théorie du professeur Holmes sur les courants de convection, et je n'ai trouvé aucun test qui pourrait l'appuyer ou la contredire. Autant que je peux voir, elle ne contient rien de fondamentalement impossible, mais l'association de conditions devant être réunies pour qu'elle puisse fonctionner appartient plutôt au domaine de l'extraordinaire » La controverse fait fureur et pendant une quinzaine d'années, le monde de la géologie est divisé en partisans et adversaires de la dérive continentale. Après la mort prématurée de Wegener dans une tempête de neige au Groenland, l'idée perd son plus ardent défenseur et la controverse s'atténue considérablement, avant de tomber dans l'oubli. La théorie permanentiste a encore de beaux jours devant elle. Fiche 4 : des mesures paléomagnétiques Paléomagnétisme : le paléomagnétisme désigne le champ magnétique terrestre passé. Au moment de la solidification d'une roche, les corps ferromagnétiques présents dans la roche s'orientent en fonction du champ magnétique terrestre de l'époque et conservent cette orientation. La carte ci-dessous présente une vue de l'hémisphère Nord centrée sur le pôle Nord magnétique, selon la géographie actuelle. Le trait rouge indique la trajectoire apparente du pôle nord magnétique terrestre établie à partir de plusieurs mesures du paléomagnétisme sur des échantillons datant de l'Éocène au Cambrien, prélevés sur le continent européen. En trait bleu, c'est la trajectoire établie à partir d'échantillons datant de l'Éocène au Silurien, prélevés sur le continent nord-américain. En trait vert, c'est la trajectoire établie à partir d'échantillons datant de l'Éocène au Jurassique, prélevés en Inde. E=Éocène (50 Ma); J=Jurassique (175 Ma); T=Trias (225 Ma); P=Permien (260 Ma); Ca=Carbonifère (320 Ma); S=Silurien (420 Ma); Cb=Cambrien (530 Ma). Les âges absolus (entre parenthèses) correspondent au milieu de la période mentionnée. source : http://www2.ggl.ulaval.ca/personnel/bourque/s1/magnetisme.terr.html Figure 14. La position des continents au cours des temps géologiques (modifié d’après Wegener, 1929, p. 18). Phénomènes observés Répartition des espèces actuelles et fossiles : des provinces fauniques identiques se trouvent actuellement interrompues par des océans et des provinces fauniques différentes sont juxtaposées de part et d’autre d’accidents tectoniques Mouvements tangentiels dans les orogènes Côtes coupant les orogènes à angle droit (ex. chaîne hercynienne coupée par l’Atlantique) Nature simique (silicium + magnésium) des océans et nature sialique (silicium + aluminium) des continents Répartition étroite des orogènes Découverte de la radioactivité dans le manteau (1900) Isostasie (Pratt et Airy, 1850s) Translation actuelle des continents (ex. : le Groenland s’éloigne de l’Europe) Concordance géographique et géologique des continentaux (ex. : côte ouest d’Afrique et côte est d’Amérique du sud, du Toit, 1927) Reconstitutions paléoclimatologiques à partir des témoins des climats passés Anciennes théories corroborées par ces phénomènes Effondrements continentaux dus à la contraction thermique et ponts continentaux Contraction thermique Effondrements continentaux dus à la contraction thermique Permanentisme Théories contredites par ces phénomènes Permanentisme Nouvelle théorie corroborée par ces phénomènes Dérive des continents Dérive des continents Dérive des continents Effondrements continentaux et ponts continentaux Dérive des continents Contraction thermique Contraction thermique Effondrements continentaux et ponts continentaux : le sial plus léger ne peut pas s’enfoncer dans le sima plus lourd Dérive des continents Dérive des continents Dérive des continents Dérive des continents