Le role propre en question

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Promotion 2010-2013
U.E. 5.6 ; Mémoire de fin d’étude
Semestre 6
Sommaire
Introduction ................................................................................................................................ 3
1.
DE LA SITUATION DE DÉPART À LA QUESTION DE DÉPART ............................... 4
1.1
Description de la situation d’appel .............................................................................. 4
1.2
Le questionnement ....................................................................................................... 5
2.
L’identité professionnelle définitions ................................................................................. 6
3.
Construction de l’identité infirmière .................................................................................. 8
4.
Le role propre en question .................................................................................................. 9
5.
Une redéfintion du role propre ........................................................................................... 9
6.
Un bref rappel de l’évolution de la profession infirmière ................................................ 11
7.
Un volume horaire en baisse ............................................................................................ 12
8.
Le changement de 2009 et son paradigme........................................................................ 12
9.
La réflexivité..................................................................................................................... 13
10.
Mutations des organisations soignantes ........................................................................ 17
11.
Un groupe à part ? ......................................................................................................... 17
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U.E. 3.4 ; Note de recherche
Semestre 6
Manque la méthodo et la construction de l’objet de recherche et la présentation du plan de
l’exploration, présentation des soignants
Quelles sont les compétences du role propre fondamentales de l’infirmier en psychiatrie ?
Introduction
L’année 2009 a vu la mise en place d’un nouveau référentiel de formation en soins
infirmiers. Le volume horaire de formation en lien avec la santé mentale est de 80 heures de
théorie et au minimum 175 heures de stage clinique. Le plan de santé mentale de 2005 -2008
a mis en exergue la nécessité d’un approfondissement en santé mental suite à la disparition du
diplôme d’Infirmier de Secteur Psychiatrique (ISP) et l’arrivée d’infirmiers formés sur le
référentiel de 1992. Cet approfondissement fut nommé consolidation des savoirs. Cet
accompagnement se fit grâce à la fonction de tuteur ; fonction exercée par des ISP. Ce
dispositif permit aux nouveaux diplômés d’appréhender les spécificités du travail infirmier en
santé mentale. Actuellement les ISP commencent à être de moins en moins nombreux dans
les services intra hospitaliers: effet naturel de la pyramide des âges, changement de lieu
d’exercice (hôpital de jour), intégration dans le corps infirmier diplômé d’état et exercice
dans d’autres champs de la santé. Cette disparition fait craindre une perte de connaissance, de
savoirs faire et d’une vision du travail infirmier en psychiatrie.
Ma découverte de la psychiatrie se fit au cours du semestre 4 lors de stages en intra et
extra hospitalier. Les situations rencontrées lors de ces stages modifièrent mes représentations
d’étudiant en formation : soins sous contraintes, violence verbale voire physique. Ces
situations remirent en cause un modèle soignant que je faisais mien. Ce que je croyais être des
valeurs fondamentales telles que l’adhésion du patient, la bienveillance furent perturbées. Cet
accompagnement dans ce bouleversement se fit grâce au personnel infirmier du service. Il
faisait intervenir tout à la fois des remédiations immédiates, des apports théoriques. Je
constatais des échanges quotidiens sur leur exercice afin de toujours améliorer leur pratique
de soins. Ces analyses de pratique me permirent d’appréhender le soin sous un autre aspect
mais avec ces valeurs fondamentales toujours présentes.
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DE LA SITUATION DE DÉPART À LA QUESTION DE DÉPART
1.1 Description de la situation d’appel
Lieu : Service de psychiatrie intra hospitalier, chambre de la patiente et cabine de douche.
La patiente : Mme B, 51, est connue du service pour schizophrénie dysthimique,
diagnostiquée à l’âge de 19 ans. Elle est suivie par le CMP (Centre-Médico-Psychologique) et
fut déjà hospitalisée pour des états de catatonie. Elle est hospitalisée pour décompensation, en
soins psychiatrique sur demande d’un tiers. Elle arrive dans le service en état de catatonie
stuporeuse : mutique, amimique, clinophile, ne voulant pas s’alimenter, manifestant une
opposition « passive » lors des sollicitations pour effectuer les soins d’hygiène et pour
s’alimenter, avec une tendance à la potomanie. De plus Mme B urine dans son lit, ce qui
nécessite des soins d’hygiène fréquents.
La situation : Au début de son hospitalisation, Mme B consent à suivre les soignants pour
prendre sa douche et s’alimenter après plusieurs minutes de négociation. Elle manifeste une
opposition verbale par quelques « non », sans manifestation physique active. Lors de la
douche elle a besoin d’être guidée pour ses gestes d’hygiène et pour ne pas s’égarer dans le
service.
Une semaine après son entrée, Mme B commence à manifester une hostilité de manière plus
active, se débattant, criant et verbalisant des « foutez moi la paix, lâches moi ». Les soins
deviennent plus durs à effectuer et requièrent à certains moments deux, voire trois soignants
pour lui faire quitter son lit, l’amener à la douche. Les cabines de douches sont au nombre de
trois. Elles donnent sur le couloir du service et sont partagées avec les autres patients. La
cabine de douche est exigüe, elle mesure 2 mètres sur 1, séparée en deux par un rideau de
douche permettant de laisser un espace intime aux patients.
L’opposition de Mme B m’oblige à plusieurs reprises à la contenir physiquement pour la
maintenir dans la cabine de douche car elle veut en sortir nue, mouillée. La principale
difficulté dans ces situations de soins est pour moi d’accepter une modification dans le peu de
contact physique que j’ai avec la patiente. Ma représentation du toucher soignant se devant
d’être doux, enveloppant, signifiant mon empathie avec pour but d’apporter un (ré)confort au
patient est bouleversée. Dans cette situation, ma principale difficulté est d’avoir un toucher
ferme mais non violent, contenant pour la patiente et d’utiliser comme vecteur de l’expression
de ma volonté soignante, non pas le toucher, mais la parole ; Tout en ne sachant pas si mes
mots étaient correctement reçus par la patiente.
J’évoque mes questionnements avec l’équipe lors des transmissions et celle- ci me fait
part aussi de ses difficultés avec la patiente. La discussion porte sur les possibles origines de
ce changement de comportement, sur le déroulement des autres hospitalisations de Mme B.
Le reste du temps est consacré à l’expression des membres de l’équipe sur ces obstacles à la
prise en soin de Mme B et aux attitudes que nous pensons appropriées.
Cette situation me conduit à m’interroger sur différents aspects.
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1.2 Du questionnement à la question de départ
Quelle est la fonction d’une équipe dans un service de psychiatrie ?
Dans cette situation l’équipe, au delà de l’aspect formateur, me fit part aussi de ses
interrogations et surtout me fit comprendre que certes la contrainte existait mais qu’elle était à
mettre en lien avec mes valeurs professionnelles : devions nous laisser Mme B sans soins
d’hygiène ?
En quoi la communication avec les patients psychotiques est elle singulière ?
Un patient psychotique décompensé perd pied avec la réalité. Il reconstruit via son délire une
néo-réalité. Cette néo réalité peut altérer la communication avec autrui. Il en découle que les
relations avec un patient souffrant de troubles psychotiques peuvent être déstabilisantes pour
un infirmier débutant.
Comment concilier une perception positive de notre métier et des situations dans lesquels une
certaine violence est présente ? En quoi remet-elle en question la perception de nous mêmes ?
En effet, cette situation se déroule lors d’un stage du semestre 4, mon identité infirmière en
devenir me pousse à intégrer certaines valeurs professionnelles. Or lors de ces soins elles me
parurent remises en question.
En effet, l’abord de patients souffrant de pathologies mentales fait appel à des théories qui si
elles sont complémentaires peuvent être aussi en apparente opposition (vision
psychanalytique versus vision organiciste). Or tout le travail de l’infirmier en psychiatrie est
d’appréhender une réalité à travers des prismes théoriques différents. Cela nécessite un
constant aller retour entre la pratique et la théorie afin d’aboutir à la construction d’une vision
soignante particulière, structurante d’une identité professionnelle.
Ces questions mettent en lumière deux aspects :
Le premier sur une identité soignante spécifique à la psychiatrie et le deuxième sur place de la
réflexivité dans la construction de compétences spécifiques au travail en psychiatrie.
J’ai donc abouti à la question de départ :
En quoi la réflexivité sur les pratiques de soins infirmiers pour une patiente en service
fermé de psychiatrie participe à l émergence d’une identité professionnelle pour un
jeune diplômé ?
Manque annonce de plan
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L’identité professionnelle définitions
La notion d’identité renvoie à ce qui permet de caractériser un individu, un groupe. La
principale problématique est sur la définition de ces caractéristiques. Quant à la profession,
cela revient à accepter qualifier une activité exercée comme fondement d’un processus de
caractérisation. Pour DUBAR une identité est : « le résultat à la fois stable et provisoire,
individuel et collectif, subjectif et objectif, biographique et structurel, des divers processus de
socialisation qui, conjointement, construisent les individus et définissent les institutions ».1
2002. Cette identité est donc le résultat d’interactions entre des individus, des groupes. Les
individus pouvant modifier le groupe et réciproquement. Ce plus cette identité n’est pas figée
mais dynamique, elle change en fonction des périodes, des personnes constituant les groupes.
Parler d’identité professionnelle revient à mêler une activité codifiée, régie par des règles
imposées à la personne, à une perception de soi dans son exercice professionnel et le regard
que l’ensemble de la société porte sur un groupe professionnel. Ce même groupe pouvant ne
pas être homogènes dans sa propre perception de ce qui fait ses caractéristiques identitaires.
La notion d’identité professionnelle est une notion sociologique française. Les anglo saxons
par lent de role, de missions, définissent les métiers en occupation.
Différentes écoles sociologiques ont établis des critères permettant de caractériser des
professions. Nous travail s’effectuant dans un cadre français avec comme objet d’étude une
population française il nous paraît important de retenir une définition française définissant un
groupe professionnel identifié et identifiable :
Groupe professionnel : « ensemble des travailleurs exerçant une activité ayant le même nom
et par conséquent dotés d’une visibilité sociale, bénéficiant d’une identification et d’une
reconnaissance, occupant une place différenciée dans la division sociale du travail, et
caractérisés par une légitimité symbolique »2 ( demazière, gadéa) 2009, page 20)
Une approche dite fonctionnaliste qui caractérise l’individu par le rôle et le statut que lui
donne l’ensemble de la société. A chaque statut (avocat, médecin, infirmier) est associé non
seulement des compétences, des savoirs mais aussi des attributs, un rôle. Ce rôle est un
ensemble de comportements attendus de la part d’une personne par la société. Toute la société
pousse chaque personne à intégrer un rôle, des comportements attendus. Dans cette vision
c’est la culture commune, la société qui va permettre la construction d’une identité. La limite
de cette approche est que l’individu ne fait que se conformer à une norme. Il n’a de choix que
dans l’acceptation des attributs que ceux que la société lui confère. En parlant des infirmières,
FERONI en 2000 dit qu’elles refusent « d’être appréciées en fonction de qualités attendues
1
DUBAR (C.), La socialisation. Construction des identités sociales et professionnelles. Armand
Colin, Paris, 1991.p 111
2
BLIN (J.F.), Représentations, pratiques et identités professionnelles, Collection : Action et savoir, L'Harmattan,
1997, p20
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comme le dévouement ou la gentillesse, elles ne veulent plus être considérées comme des
subordonnés et réclament une réelle acceptation de leur professionnalité ».3
Jean françois BLIN dans son ouvrage sur les représentations professionnelles et identité
reprend 3 dimensions spécifiques du rôle professionnel mêlant normes sociales et valeurs
culturelles définies par PARSONS4 :
Un savoir pratique qui articule une double compétence celle fondée sur le savoir théorique initial et
celle qui s’appuie sur la pratique acquise par l’expérience.
Une compétence spécialisée reposant sur spécificité technique qui limite et légitime le professionnel
sur ce domaine de spécialité.
Les professions forment des communautés unies autour des mêmes valeurs et de la même éthique et
leur statut professionnel se fonde sur un savoir scientifique et pas seulement pratique.
Une des limites à ce modèle est celui d’une unicité de valeurs, d’une union autour de valeurs
communes. Cette unicité est-elle artificielle, imposée par une norme sociale ou réelle,
partagée par tous ? Le groupe va créer un système lui permettant de s’identifier. Chaque
profession désigne socialement la réalisation d’activités spécifiques non réductibles à un
poste et à partir desquelles les professionnels se reconnaissent entre eux. page 15 jf blin. il est
à noter que cet auteur parle à la fois de savoirs théoriques mais aussi de savoirs acquis par
l’expérience.
L’approche organisationnelle, quant à elle va s’intéresser à la construction des modèles
professionnels en tant que groupe, leur rapport entre eux et sur l’influence que cette
construction a sur les personnes.
Pour le sociologue LIPIANSKY l’identité collective possède 5 dimensions5 :
Subjectivement vécue et perçue par les membres du groupe
Résulte de la conscience d’appartenance à ce groupe
Se définit d’abord par opposition et différence avec d’autres
Ensemble de représentations où s’opposent traits négatifs et positifs
Attitudes et images s’expriment dans un discours révélant un système d’idées
Au delà des aspects subjectifs et caractéristiques, la partie qui me semble la plus intéressante
est celle de la définition qui se fait surtout non pas en soi mais en rapport avec les autres et
surtout en opposition. Elle sera à ne pas négliger lors des entretiens exploratoires.
Définir une identité professionnelle revient à tenter de trouver ce qui caractérise une
profession. Ces caractéristiques sont le fruit d’une vision en propre et d’une vision issue du
groupe lui même lui servant à se reconnaître ce que DUBAR décrit « ce n est pas seulement
leur diplôme ou leur formation initiale qui sert à les définir mais leur apprentissage pratique
par l expérience professionnelle et leur appartenance à un groupe professionnelle qui est bien
autre chose qu’une catégorie statistique ou un niveau de formation. il s agit, en fait, d’une
identification à une activité et à ceux qui l’exercent, à un autre mode de socialisation que
l ‘école, à un apprentissage qui ne repose pas sur une qualification juridique attestée par la
3
CARRICABURU (D.), MENORET (M.) ,Sociologie de la santé : Institutions, professions et
maladies ,armandcolin,2004,collection U sociologie 236 pages, p82
4
BLIN (J.F.), Représentations, pratiques et identités professionnelles, Collection : Action et savoir, L'Harmattan,
1997, p50-51
5
BLIN (J.F.), Représentations, pratiques et identités professionnelles, Collection : Action et savoir, L'Harmattan,
1997, p181
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possession d’un titre scolaire mais sur la compétence acquise par l’exercice d’un métier mais
aussi par le rattachement à un groupe professionnel où à une institution dotée d’une forte
visibilité symbolique. »6.
Notre travail s’effectuant dans un cadre français avec comme objet d’étude une population
française il nous paraît important de retenir une définition française définissant un groupe
professionnel identifié et identifiable.
Groupe professionnel « ensemble des travailleurs exerçant une activité ayant le même nom et
par conséquent dotés d’une visibilité sociale, bénéficiant d’une identification et d’une
reconnaissance, occupant une place différenciée dans la division sociale du travail, et
caractérisés par une légitimité symbolique ( demazière, gadéa, 2009, page 20).
Nous sommes donc bien dans un processus d’identification à un modèle issu du groupe lui
même. Ce processus permet que les professionnels se reconnaissent entre eux et donc par
conséquent qu’ils se reconnaissent chez l’autre une partie de soi. Ce processus prend en
compte l’apprentissage par l’expérience. Cet apprentissage peut être inconscient, au sens de
non désiré, mais il peut être aussi voulu.
Une identité professionnelle est donc basée sur des caractéristiques individuelles propres qui
sont influencées par des caractéristiques du groupe d’appartenance : système de valeurs,
rhétorique, représentations du travail, définition de soi par rapport aux autres corps
professionnels. Cette définition multifactorielle repose en partie sur les questionnements que
nous nous posons sur notre travail et sa validation par soi même ou ses pairs. La réflexivité
nous permet de passer un cap, qui est celui de la validation par d’autres, au travers de
validations factuelles, d’une manière de faire dans un système de valeurs, de connaissances
mutuelles.
Un autre point commun à dégager entre ces auteurs est l’utilisation du terme de compétence ;
terme qui a fait son apparition dans le milieu professionnel dans les années 80-90. Définir la
compétence
Construction de l’identité infirmière
La construction de l’identité professionnelle pour les étudiants en soins infirmiers est décrite
par le sociologue F DAVIS en 1958. Il la présente en 6 étapes :
L innocence initiale qui est la phase durant laquelle l’étudiant est rempli de ses certitudes
La reconnaissance de l’incongruité : choc avec la réalité et la confrontation entre leurs
représentations et les attentes du monde professionnel
Le déclic : prise de conscience des attentes et comment répondre aux mieux à ses attentes
La simulation du rôle : la mise en œuvre du rôle attendu avec une « aliénation de soi »,
l’étudiant répond aux attentes du groupe et plus il joue à l’infirmier moins il a conscience de
jouer un rôle, il se persuade de son authenticité.
L’intériorisation provisoire: l’intériorisation provisoire se caractérise par des périodes de
doutes sur les capacités, avec deux pivots essentiels à l intériorisation stable qui sont la
rhétorique professionnelle et l’émergence de modèles de référence infirmiers.
L’Intériorisation stable consiste à ignorer certains aspects de soi au profit sa nouvelle identité.
Donc le passage d’une identité à une autre est donc le conflit entre une représentation et la
conformation à une autre identité, pour pouvoir être accepté par le groupe auquel l’étudiant
6
DUBAR (C.), La socialisation. Construction des identités sociales et professionnelles. Armand
Colin, Paris, 1991.p145
8
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aspire. D’après cet enchainement il y a un passage d’un état pré infirmier à un état de comme
un infirmier, or dans la situation, il y a un autre « déclic », qui correspond à la découverte de
valeurs soignantes, de références culturelles qui pour l’étudiant que j’étais comme un
« déclic » de plus. Nous pouvons supposer que cet double déclic correspond à « la prise de
conscience de nouvelles attentes ». Si nouveau déclic il y a nouvelle identité il y a. Cependant
l’identité infirmière en tant que telle est une notion en débat puisque nous sommes une
profession para médical, c’est à dire à coté du médical avec un système de valeurs qui se veut
différent, des savoirs différents et des modèles théoriques différents dans un monde qui lui
aussi évolue.
Pour obtenir une profession para médicale possédant les caractéristiques d’une profession
autonome Une profession paramédicale peut atteindre le degré d’autonomie d’une profession
à la condition de contrôler un domaine d’activité disjoint qui peut être isolé du champ global
de la médecine et où la pratique n’exige pas le contact quotidien avec le médecin ni le
recours à leur autorité p 82 sociologie de la santé
Cette citation met en lumière la question du rôle propre infirmier, les limites de son champ
d’action,
Le role propre en question
En 1978, le métier infirmier accède à une part d’autonomie avec la reconnaissance d’un rôle
propre. Ce rôle propre est un passage d’un métier à celui de profession.il permet une
autonomie de décisions, d’actions et donc d’évaluation de ses actions à l’infirmier. Il est ainsi
défini dans sa dernière mouture :
Article R. 4311-3 du code de la santé publique (CSP) : « Relèvent du rôle propre de
l'infirmier ou de l'infirmière les soins liés aux fonctions d'entretien et de continuité de la vie et
visant à compenser partiellement ou totalement un manque ou une diminution d'autonomie
d'une personne ou d'un groupe de personnes. Dans ce cadre, l'infirmier ou l'infirmière a
compétence pour prendre les initiatives et accomplir les soins qu'il juge nécessaires
conformément aux dispositions des articles R. 4311-5 et R. 4311-6. Il identifie les besoins de
la personne, pose un diagnostic infirmier, formule des objectifs de soins, met en œuvre les
actions appropriées et les évalue. Il peut élaborer, avec la participation des membres de
l'équipe soignante, des protocoles de soins infirmiers relevant de son initiative. Il est chargé
de la conception, de l'utilisation et de la gestion du dossier de soins infirmiers. »
Nous pouvons distinguer deux champs d’actions dans cette définition : un champ centré
directement sur la personne et un autre plus administratif avec la gestion du dossier de soins
Les actes du role propre en santé mentale sont définis dans l’article R. 4311-6 du CSP:
1.
2.
3.
4.
Entretien d'accueil du patient et de son entourage ;
Activités à visée sociothérapeutique individuelle ou de groupe ;
Surveillance des personnes en chambre d'isolement ;
Surveillance et évaluation des engagements thérapeutiques qui associent le médecin,
l'infirmier ou l'infirmière et le patient.
Une redéfintion du role propre
Cette reproduction est nécessaire. L’évolution des pratiques dans les milieux de soins
quelqu’ils soient fait qu’une majeure partie de ces soins du role propre sont aujourd’hui
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assurés par des aides soignants sous la responsabilité d’un infirmier. Soins d’hygiène,
alimentation, positionnement. Les autres soins sont des actes médico-techniques (alimentation
parentérale ou des surveillances d’actes prescrits. Cette évolution est quel que soit
l’appréciation que l’on porte dessus est un phénomène décrit par HUGES. Chaque profession
possède des activités jugées comme peu valorisantes car non ou mal perçues par l’extérieur.
Ce que HUGES qualifie de dirty work ou littéralement« sale boulot ». Ce sale boulot est
délaissé au profit de taches jugées comme plus valorisantes et plus porteuses de
reconnaissance sociale Les infirmiers n’ont pas échappé à ce mouvement, une grande part des
soins du rôle propre est réalisée par les aides soignants. « Elle délègue le « sale boulot »,
c’est à dire à déprécier la qualification de garde malade qui leur vient de florence
NIGHTINGALE et à en céder les fonctions aux petits personnels, pour se consacrer aux
travaux d’administration.»7. il est intéressant de lire le chapitre de sociologie des métiers de la
santé inspirés des travaux de AM ARBORIO intitulé quand « e sale boulot fait métier ». Ce
phénomène de délégation de taches infirmières y est décrit.8 Face à cette perte d’autonomie de
pratique du rôle propre la France a tété cherché dans les pays anglo-saxons, notamment au
Canada un nouveau modèle professionnel, à la recherche de nouveaux attributs
professionnels : démarche de soins, diagnostics infirmiers, création des sciences infirmières,
universitarisation du diplôme, malgré tout le rapport au corps médical reste toujours
problématique dans la définition d’un nouveau corpus théorique, de valeurs, de technicité. Il
est à noter que les infirmières sont elles aussi prises dans ce mouvement de délégation de
taches jugées comme peu valorisante par le corps médical : renouvellement de la pilule
contraceptive9 en mai 2011, prescription de certains dispositifs médicaux à domicile pour les
infirmières libérales10.
Ce mouvement de déplacement de taches est fondamental dans la définition d’une identité
professionnelle puisqu’elle est définie par un champ d’exercice, de compétences en perpétuel
mouvement : « Chaque groupe professionnel connaît des problèmes de frontières par rapport
à d ‘autres, de compétition aux frontières, de lutte de classement qui relèvent des politiques
d’emploi autant que des actions collectives de leurs membres, chaque groupe est inséré dans
des organisations qui possèdent des règles , des branches professionnelles qui produisent des
normes. »
Cette question de l’identité professionnelle n’est pas nouvelle car dès les années soixante dix
une hésitation a lieu entre une « infirmière technicienne ou travailleuse sociale »11.
« Si elles investissent le champ médical cela ne sera qu’en partie et elles seront de fait encore
plus subordonnées au pouvoir médical. Si elles se recentrent sur le modèle de florence
NIGHTINGALE elles risquent de se voir priver de toute valorisation sociale. La rhétorique
infirmière revendique la possession ou l’accès à l’ensemble des traits qui caractérisent les
7
CARRICABURU (D.), MENORET (M.) ,Sociologie de la santé : Institutions, professions et
maladies ,armandcolin,2004,collection U sociologie 236 pages, p81
8
CARRICABURU (D.), MENORET (M.) ,Sociologie de la santé : Institutions, professions et
maladies ,armandcolin,2004,collection U sociologie 236 pages, p84-85
9
le 4ème alinéa de l’article L. 4311-1 du Code de la Santé Publique « L’infirmière ou l’infirmier est autorisé à
renouveler les prescriptions, datant de moins d’un an, de médicaments contraceptifs oraux, sauf s’ils figurent
sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de la santé, sur proposition de l’Agence française de sécurité
sanitaire des produits de santé, pour une durée maximale de six mois, non renouvelable.
10
Décret n° 2007-551 du 13 avril 2007 relatif à la prise en charge des dispositifs médicaux prescrits par les
infirmiers ou adaptés par les opticiens-lunetiers et modifiant l'article R. 165-1 du code de la sécurité
sociale
11
Ibid p CARRICABURU (D.), MENORET (M.) ,Sociologie de la santé : Institutions, professions et
maladies ,armandcolin,2004,collection U sociologie 236 pages, p84-85
10
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professions établies : forte autonomie, corpus de savoirs théoriques élaborés par des activités
de recherche et transmis à l’université, déontologie professionnelle »12.
Si changement d’identité il y a , changement de compétences il doit y avoir
Un bref rappel de l’évolution de la profession infirmière
Historique de la profession
Historiquement l’infirmière est une interface entre le patient et le médecin : on subordonne la
pratique infirmière à des savoirs médicaux, scientifiques et techniques, extérieurs à la
profession naissante et enseignée par des hommes médecins. L’infirmière devient une
traductrice, médiatrice entre le monde (masculin) de la science médicale et le public à la fois
ignorant et profane. Les savoirs d’expérience issus de la pratique sont dévalorisés face aux
savoirs scientifiques provenant des laboratoires de recherche13. Donc à l’origine l’infirmière
est une exécutante au service dont les savoirs ne sont pas produits par elles mêmes.
Dans un premier temps la profession est exercée par des religieuses et donc les valeurs du
soin sont empreintes de notions religieuses, au milieu du XX siècle, des modèles soignants
font leur apparition. Florence Nightingale avec une alliance de compétences techniques et de
qualité humaines issues des religieuses. En France au début du XX siécle Léonie Chaptal va
s’inspirer du modèle anglo-saxon tout en transformant les valeurs religieuses en valeurs
morales constitutives d’une morale professionnelle avec un approche globale du patient :
« l’infirmière doit savoir tout du malade, non pas tout de la maladie : la maladie, c’est la
science du médecin, le malade, c’est l’art de l infirmière ». Il est à noter qu’elle ne situe pas
dans le même champ puisqu’elle détache une pratique, médicale, scientifique d’une pratique
infirmière « artistique ». La pratique artistique étant aux antipodes d’une pratique scientifique.
Au cours du xx siècle la profession accède à un diplôme reconnu, à des niveaux d ‘entrée en
formation, à la mise en place d’un rôle propre. Ces faits font partie de la reconnaissance
institutionnelle d’une profession. Un ordre Infirmier, encore contesté ce jour par une partie de
la profession est un autre aspect de cette reconnaissance.
Une histoire de la profession infirmière en psychiatrie (infirmiers com)
L’histoire du travail en psychiatrie est lui aussi en prise direct avec le monde dans lequel il
évolue, puisque ses fonctions, ses missions lui sont données par la société pour laquelle il
travaille dans une optique de mission de service public.
La première rupture a lieu avec l ‘apparition de personnel « qualifié » par ESQUIROL et
PINEL, ces deux médecins s’appuyant sur le surveillant PUSSIN dans une prise en compte de
la personne. En 1838 la profession se structure, avec la création de la sectorisation (1 structure
par département) et la nécessité de recourir à du personnel extérieur à l ‘établissement.
Dorénavant les soignants ne sont plus des anciens malades.
1877 : création des écoles infirmières d’asile. Formation théorique et pratique sur 1 an.
1907 : création du diplôme d infirmier psychiatrique départemental : la formation passe de 1
an à trois ans
1946 : définition légale et officielle de l’ide, pas d’infirmiers psychiatriques, qui sont
reconnus dans l ‘établissement de formation
1955 : formation professionnelle obligatoire pour travailler en psychiatrie
12
81
13
André Petitat, « La profession infirmière, un siècle de mutations », in : Pierre Aïach,
Didier Fassin, Les métiers de la santé. Enjeux de pouvoir et quête de légitimité,
Paris,
Anthropos, coll. : « Sociologiques », 1994, 364 pages, p. 227-259.
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1969 : création de l’infirmier en secteur de psychiatrie (ISP)
1970 : création de certificat de moniteur pour ISP
1992 : fin de l ISP, avec la fermeture des centres de formations spécifiques
2006 : circulaire relative à la mise en oeuvre du tutorat pour les nouveaux infirmiers
exerçant en psychiatrie
2009 : Mise en place d’un nouveau référentiel de formation
Un volume horaire en baisse
Un calcul effectué sur base du référentiel de formation de l’ISP,du programme de 1992 et
celui de 2009 donne les chiffres suivants pour un futur infirmier se destinant au champ de la
santé mentale :
(ISP) Les élèves infirmiers de secteur psychiatrique (ISP) suivent 400 heures d’enseignement
et deux stages de 200 heures en soins généraux. La psychiatrie est enseignée sur une base de
800 heures théoriques et 800 heures de stage auxquelles s’ajoutent trois stages
complémentaires de 160 heures chacun. Soit un total de 2280 heures.
Enseignement théorique 784 heures ; stages 1460 heures ;
Programme 1992
Sur une base d’un étudiant se destinant à exercer dans le champ de la santé mentale :
Enseignement théorique : 360 h obligatoires,
Approfondissement 80 heures,
Sans compter 80 heures de cours mêlant pédiatrie et pédo-psychiatrie, non pris en compte.
Stage obligatoire : 280 heures en santé mentale, 140 heures en pédo psy ou pédiatrie. 700
heures de stage étaient laissées à l’appréciation de l’équipe pédagogique. Si je prends la
moitié de ces heures soient 350 heures.
Programme de 2009
80 heures de théorie et un stage de 10 semaines et le stage optionnel de 5 semaines.
Un tableau récapitulatif
ISP
Programme 1992
Programme 2009
2280 heures
1210 heures
605 heures
Soit un rapport de 3.5 entre l’ISP et le référentiel de 2009. Certes quantité ne rime pas avec
qualité mais ces chiffres interrogent. Or une identité est comme, nous l’avons vu, est le fruit
de la formation initiale mais aussi de la formation continue et des apprentissages
expérientiels.
Le changement de 2009 et son paradigme
Le nouveau référentiel de formation a développé la logique de compétences. Cette logique de
compétences est à l’œuvre dans l’ensemble du monde du travail. Elle vise à mettre en avant
autant que des savoirs des capacités. La dynamique des compétences repose sur l’aptitude à
résoudre un problème. C’est à dire cerner une problématique, faire appel à une méthodologie
de résolutions de problèmes puis d’appliquer la solution trouvée. Cette dynamique de
résolution de problèmes est appelée réflexivité. Ce terme est introduit par Donald SCHÖN en
1983, son constat est que le praticien (celui qui pratique) possède un « savoir caché ». En
réfléchissant sur ses pratiques grâce à ses connaissances ou en cherchant des données des il y
12
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a une production de savoirs qui sont réinvestis dans les pratiques ultérieures. L’enjeu du
référentiel de 2009 est la formation d’infirmiers formés par et pour cette pratique. Avec à
terme objectif de formalisation scientifique des savoirs infirmiers par le biais de l’ouverture
de diplôme de niveau Master et à terme de niveau doctorat.
La réflexivité
Définition de la réflexivité :
La réflexivité est un processus dans lequel la personne s’engage à questionner une pratique. Il
s’agit de séquencer une activité, d’en dégager les problèmatiques de manière intuitive ou non,
de nourrir ce processus avec des connaissances. Puis de reconstruire son activité et d’en
évaluer le résultat opérationnel. La réflexion est donc un processus de changement. Ce
changement s’opère sur 3 niveaux :
Un niveau technique
La compréhension du sens de l’activité
Réflexion émancipatrice qui permet à la personne de critiquer ses pratiques et de libérer de ses
représentation. Représentations induites par sa personne et ce qui a permis sa construction tant
personnel que professionnel Taylor (2000), Taylor, B. (2000). Reflective Practice: A
Guide for Nurses and Midwives. London: Open
University Press
Pour schon il s’agit « une conversation avec la situation » 1994
. Avoir une « pratique réflexive »14 [290] . : être un sujet qui autoévalue en permanence sa
pratique, sans l’arrêter, au cours de l’acte même, en continu. Figari, G. (1994) Evaluer quel
référentiel ? Bruxelles : De Boeck.
2. Faire un retour réflexif : par exemple, sur la validité, l’efficacité du choix opérationnalisé :
se demander si le choix rencontre les intentions de départ, s’il constituera une solution
adéquate au problème que l’on cherche à solutionner et les bénéfices escomptés en justifient
les coûts ; analyser son implication : travail du double processus d’implication/distanciation
Site michel vial
Pour P PERENNOUD « la pratique réflexive représente, dans les métiers techniques, une
réhabilitation du bon sens et de l'intuition, elle devrait, dans les métiers de l'humain, prendre
la forme inverse d'une rationalité professionnelle mieux adossée à des savoirs partagés et
validés à propos des processus en jeu » 15 .Les savoirs ainsi crées se transmettent rendant
nécessaire une formalisation.
Dans cet article l’auteur y décrit la pratique réflexive comme :
15
PERENNOUD (P.), Adosser la pratique réflexive aux sciences sociales, condition de la professionnalisation,
Éducation Permanente, n° 160, septembre 2004, p.31
13
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« Comme les situations de travail forment des familles, la réflexion dans l’après-coup est
presque toujours, qu’on s’en rende compte ou non, une façon d’anticiper. Un praticien
réflexif vit dans un cycle sans fin dans lequel chaque moment de réflexion hors du feu de
l’action marie à la fois un retour sur ce qui s’est passé et la préparation à une éventuelle ou
inéluctable « prochaine fois ». On pourrait donc tenter de distinguer, dans l’après-coup, deux
mouvements qui n’ont pas le même sens :
- l’un est orienté primordialement vers l’action accomplie ;
- l’autre est orienté primordialement vers l’action ou les actions semblables à venir.
Mais rien ne permet d’affirmer que ces deux mouvements correspondent à deux phases
bien distinctes. Il paraît donc préférable de distinguer simplement deux fonctions de la
réflexion dans l’après-coup :
1. Une fonction de catharsis, clairement orientée vers la liquidation du passé ; l’être
humain a besoin de revenir sur ses actes pour (se) comprendre, construire du sens ou de la
cohérence a posteriori, intégrer ce qu’il a vécu, intellectuellement et émotionnellement, en
particulier lorsque l’expérience a été forte, empreinte de douleur, d’angoisse, d’excitation ou
de joie.
2. Une fonction d’apprentissage, qui peut, mais ce n’est pas son seul sens, préparer à
affronter des situations analogues. » 16Page 4
Il s’agit ici de faire émerger des schémas, sous tendant des actions, et ainsi prendre
conscience de phénomènes sous jacents dans notre fonctionnement professionnel
Ce que L’auteur définit par :
« On pourrait donc dire que le praticien réflexif, lorsqu’il analyse son action dans l’aprèscoup, s’interroge aussi sur l’analyse de la situation qu’il a menée sur le vif. Il cherche par
exemple à comprendre pourquoi il n’a pas perçu ou jugé pertinent tel élément dont, a
posteriori, l’importance lui paraît évidente : « Comment n’ai-je pas compris que cette
agressivité était un message de détresse ou que cette assurance cachait une faille ? » 17
Au delà d’un simple d’un retour sur une pratique, sur une situation, le défi est de
comprendre son propre fonctionnement en situation afin de le réguler.
Ce que confirme la lecture des 10 caractéristiques de la réflexion dans la pratique définies par
.Johns (2000, 2004),
Cet
auteur a décrit les dix «C» (ou caractéristiques) de la réflexion dans la pratique:
1. Compromis: accepter les responsabilités, être ouvert, avoir de la curiosité et de la
bonne volonté pour changer les voies normatives afin de répondre aux situations;
2. Contradiction: montrer et comprendre la contradiction entre la pratique désirable et
la pratique réelle;
3. Conflit: plus le conflit est relié à la contradiction, plus la personne adoptera une
action appropriée;
16
PERENNOUD (P.), Adosser la pratique réflexive aux sciences sociales, condition de la professionnalisation,
Éducation Permanente, n° 160, septembre 2004, p.31
17
Ibid p6
14
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4. Défi et appui (Challenge and support): en confrontant les attitudes normatives, les
croyances et les actions du praticien dans un sens où elles ne menacent pas le
praticien;
5. Catharsis: travaillé des sentiments négatifs;
6. Création: se déplacer au-delà de l’individu pour voir et comprendre de nouvelles
façons de voir et de répondre à la pratique;
7. Connexion: en mettant en lien de nouveaux insights dans le monde réel de la pratique
et en appréciant la temporalité de l’expérience en tout temps;
8. Caring: réaliser une pratique souhaitable dans la réalité de tous les jours;
9. Congruence: se voir soi-même afin de développer davantage le caring;
10. Construire un knowing personnel dans la pratique: tissage d’un savoir personnel avec
la théorie existante18 page 39 pilar
La catharsis peut être vue comme une libération symbolique de nos passions mais aussi dans
son sens freudien comme un rappel à la conscience d’une idée refoulée.
L’insight lui peut être défini comme la perception, la compréhension d’un phénomène de
manière subite.
Donc à travers ces deux éléments, nous pouvons supposer que la réflexivité permet de trouver
des solutions à des problématiques dont soit nous ignorions l’existence ou qui subitement
nous apparaissent.
La place de la réflexivité dans le soin
Pour pilar hidalgo
Le premier postulat est que les praticiens produisent des savoirs, le deuxième que cette
production est toujours le fruit de la réflexivité individuelle (projet réflexif de soi) et du
dialogue avec d’autres (réflexivité collective) et le troisième que cette production est
influencée par le contextepratique (micro contexte), institutionnel (règles et ressources) et
professionnel (autonomie professionnelle et identité infirmière).19
Le travail réflexif est donc le produit tout comme l’identité professionnelle d’un rapport à soi,
aux autres et à son contexte social
De plus il permet de faire émerger du sens
« Le fait que les praticiens soient capables de faire un compte rendu de leurs
pratiques, c’est-à-dire, qu’ils puissent communiquer aux autres ce qu’ils font et pourquoi ils
le font, constitue le premier pas vers la visibilité de ces savoirs pratiques » .20
ce sens est à orienter dans deux directions : le patient
« on pourrait affirmer que les infirmières, au moyen de la réflexivité individuelle et collective
(examen et révision constantes des pratiques), créent des savoirs pratiques nouveaux et
modifient les anciens si elles perçoivent une continuité dans leur propre identité. Toutefois,
18
Johns, C. (2000). Becoming a Reflective Practitioner. A reflective and holistic approach to
clinical nursing, practice development and clinical supervision. London: Blackwell
Science. Johns, C. (2004). Becoming a Reflective Practitioner. (2ème éd). Oxford: Blackwell
Publishing
19
DELGADO HITO (P.), Le processus de production de savoirs dans la pratique infirmière au moyen de la
réflexivité thèse de doctorat en sciences infirmières avril 2010, p.92
20
Ibid p70
15
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cette perception de continuité de l’identité est influencée par le sentiment de sécurité
ontologique et d’autonomie professionnelle. Les infirmières auront un sentiment de sécurité
ontologique si elles sentent que ce qu’elles font est préférable pour les patients à ce qu’elles
faisaient auparavant. »
et dans une direction d’amélioration des soins :
Ces incohérences entre ce que les infirmières pensent qu’elles font dans leur pratique et la
pratique observée par la chercheure, permettent de se rendre compte qu’il s’avère nécessaire
de passer par l’autoobservation de la pratique (se voir elles-mêmes) pour se rendre compte
de la véritable réalité de leur pratique et, en conséquence, pouvoir la modifier ».21
De plus elle replace cette perspective de création de savoirs et d’amélioration des pratiques dans une
dynamique d’affirmation d’une nouvelle identité crée par ses nouveaux savoirs :
En résumé, cette dernière étape du processus de production du savoir par la
réflexivité, soit la reconstruction émancipatoire du savoir, permet de mettre en évidence une
réflexivité davantage émancipatrice que compréhensive où les infirmières développent
progressivement un savoir qui tient compte de l’ensemble mais aussi un savoir intégré dans la
pratique, un savoir découlant d’un consensus parce qu’elles construisent conjointement une
approche sur laquelle elles s’entendent à travers même la diversité et un savoir plus
responsable car il est plus en accord avec l’idéal infirmier. De plus, ce processus
émancipatoire permet aux infirmières de développer un sentiment d’empowerment sur leur
capacité de modifier la pratique actuelle et leur contexte, une plus grande sécurité
ontologique puisqu’elles se sentent bien ; elles se sentent en accord avec ce qu’elles pensent
réellement du soin ; ça les rassure de voir qu’elles peuvent être ce qu’elles
aimeraient être. C’est ainsi qu’une identité infirmière renouvelée se produit22.
Voilà pourquoi les infirmières ont du mal à être reconnues et sont en perpétuelle quête
d’identité, un peu comme si elles n’avaient pas à leur disposition un contenu professionnel
perçu par elles-mêmes comme suffisamment riche et utile et qui pourrait leur apporter une
identité propre et être ainsi reconnues par la société. Pourtant, cette identité existe et il ne
faudrait pas agir seulement au niveau de la quête d’identité mais plutôt développer une
stratégie pour inculquer la valeur des soins infirmiers, et clarifier ainsi que réaffirmer
l’identité. »23
Véritable défi pour une profession qui aspire tout à la fois à une indépendance du corps médical et à
une reconnaissance de son expertise. Ces travaux sont pertinents car il se place dans une perspective
scientifique des savoirs infirmiers. Savoirs infirmiers dont la définition est « Ensemble des
connaissances élaborées à partir de la pratique infirmière, de certaines disciplines scientifiques et où
interviennent des facteurs socioculturels et des valeurs professionnelles ».24
Nous retrouvons dans cette définition, en filigrane la définition d’une construction réflexive à partir
d’un corpus fondant une identité professionnelle. Il nous apparaît donc que des situations durant
lesquelles les soignants ensemble s’interrogent sur leur pratiques en faisant appel à leur savoir
théorique sont innombrables en service de psychiatrie.
21
Ibid p114
Ibid p 182
23
Ibid p 205
24
MAGNON (R.), Dictionnaire des soins infirmiers, Masson; 3e édition revue et augmentée, 2005, p.176
22
16
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Mutations des organisations soignantes
Les mutations importantes des structures de soins induites par des nouvelles techniques de
soins, des restructurations de services, la mobilité professionnelle, des changements
d’approche dans le parcours de soins des patients obligent les professionnels à se réapproprier
en permanence leurs missions. Pour delgado « Les acteurs et les institutions (structures) ne
sont pas des phénomènes indépendants, ils s’imbriquent dans une relation complexe et
complémentaire. Il convient de voir les institutions non comme extérieures aux acteurs mais
plutôt comme un élément constitutif et engagé dans l’action des acteurs. Page 56 delgado
Si changement dans les missions il ya, de nouvelles approches sont à trouver. Ces nouvelles
approches peuvent être différentes d’une structure de soins à une autre mais peuvent aussi
servir d’exemples, de guides pour d’autres services. La formalisation des ces nouvelles
approches nécessitent pour bénéficier de la reconnaissance des pouvoirs publics, des
partenaires institutionnels, des autres professionnels d’un niveau de formalisation que nous
pouvons qualifier de scientifique, appliquant une méthodologie connue des lecteurs, avec une
analyse des résultats.
Le point de départ de toute recherche est le questionnement initial d’une situation, son
questionnement sur la base des connaissances, la formulation d’hypothèses puis l’application
d’un changement dans des procédures puis la validation ou non de ces changements sur des
critères objectivables.
Un groupe à part ?
Les infirmiers exerçant en psychiatrie forment ils un groupe professionnel à part dans le
monde soignant ? Poser cette question revient à passer en revue les attributs d’une identité
professionnelle au travers du prisme sociologique. Les Infirmiers en santé mentale possèdent
une rhétorique spécifique, des lieux communautaires d’échanges :
Forum spécifique sur infirmiers.com, site internet de partages de connaissances tel que
psychiatrieinfirmière et cerfpsy.org. , des revues professionnelles spécifiques. Des
mouvements sociaux de contestations tel que le collectif des 39 contre la nuit sécuritaire Donc
autant d’éléments fondant un groupe spécifique avec ses lieux de rencontres et de
reconnaissance mutuelle, ses éléments de langage.
De plus nous avons vu que la formation continue contribue aussi la formation de l’identité
professionnelle. Elle permet l’appropriation de valeurs culturelles, l’expérience permet de
dégrossir un travail entamé en formation initiale.
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Ce travail de formation continue est d’autant plus d’actualité qu’une génération de soignants
va quitter le monde soignant. Plus de 50% des professionnels aujourd’hui en activité seront à
la retraite en 2015. La problématique de gestion des compétences s’intensifie.25
Se pose avec encore plus d’acuité la problématique d’une transmission des savoirs issus de
pratique et donc la formalisation de ces savoirs. De plus les soignants actuels n’ont plus des
parcours professionnels linéaires, ils peuvent changer de lieu d’exercice, venir travailler en
psychiatrie et ensuite retourner au somatique.
Cette approche de transmissions des savoirs est une question récurrente depuis le référentiel
de 1992.
Spécificité du champ psychiatrique et formation
Accompagnement à l’arrivée en service
Le Plan psychiatrie et santé mentale de 2005 -2008 identifie un volet “formation continue”
visant une meilleure adaptation des nouveaux infirmiers exerçant en psychiatrie, et se
concrétise dans la circulaire du 16 janvier 2006 relative à la mise en œuvre du tutorat pour les
nouveaux infirmiers exerçant en psychiatrie26.
La difficulté fut de mettre en place un référentiel de savoirs théoriques et pratiques à apporter
tout en accompagnant ces nouveaux professionnels sur le terrain en vue d’une amélioration
des pratiques.
« La qualité de la pratique soignante psychiatrique est liée au savoir-être relationnel, qui
s’acquiert essentiellement avec la pratique de terrain, le travail d’équipe pluridisciplinaire et
le compagnonnage. »27
« Si la formation représente un puissant vecteur de la transmission des pratiques
professionnelles, elle est avant tout un levier primordial de l’amélioration de la qualité des
soins ».28
Selon TREGOUET S « Ce projet de formation est hautement complexe car même si la
clinique infirmière en psychiatrie est présente dans nos pratiques soignantes, elle reste
difficile à définir, donc à transmettre, car elle repose essentiellement sur l’implicite des
savoirs relationnels. En outre, la relation à un sujet en souffrance psychique est fondée sur
des interactions intersubjectives dans lesquelles affect etsavoir sont fortement imbriqués »29 .
L’auteur met en évidence que plus qu’un savoir spécifique il faut aussi se pencher sur le
soignant qui plus est si il est jeune diplomé : « En outre, le scénario psychique professionnel
de ces jeunes infirmier(e)s doit être assoupli car la formation initiale ne les prépare pas à ces
situations si différentes de l’idéal du bon comportement ou de la bonne conduite qui obéirait
à des objectifs rationnels. »30
25
GUERRAUD(S.), La pratique réflexive : un enjeu déterminant pour les professions
paramédicales, Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique, 2006, p.9
Banque de données en santé publique :
26
Circulaire DHOS/P2/O2DGS/6C n° 2006-21 du 16 janvier 2006
27
BARREAU (P.), GORIOT (E.), LEUWERS ( S.), RIAULT (T.), Compagnonnage et consolidation des
savoirs sur le terrain, soins psychiatrie, n° 253, décembre 2007, p.23-26
28
Ibid p X
29
TREGOUET (S.), Consolidation des savoirs infirmiers en psychiatrie et clinique infirmière, soins psychiatrie,
n°253, novembre/décembre 2007, page 32
30
Ibid page 35
18
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Et il poursuit « L’idée qui a animé chacun des formateurs ou formatrices était de transmettre
leurs propres savoirs afin d’aider les jeunes professionnels à se positionner dans un
processus d’acceptation du doute, de questionnement sur les soins infirmiers en psychiatrie,
au contraire d’une démarche d’apprentissage fondée sur les certitudes, la méthodologie et la
rationalisation, si présente dans la formation initiale. »31. Pour l’auteur la fonction première
de la formation en psychiatrie serait surtout d’apporter au soignant une culture du
questionnement et donc par conséquent du sens des actions de soins. Paradoxalement l’auteur
tout en misant sur une formation axée sur la pratique et le questionnement regrette que les
infirmiers écrivent peu :
« Les infirmiers en psychiatrie écrivent si peu que leur rapport à l’écriture a du mal à
s’inscrire dans cette dimension de la clinique et de l’éthique. N’y aurait-il pas un interdit à
écrire la clinique, à transmettre la dimension subjective de la rencontre à l’autre en lien avec
notre héritage ? »32, et l’auteur d’affirmer « La pratique infirmière risque de devenir
“enfermante” si le sens des pratiques et des situations de soins n’est pas élaboré en collectif
soignant. »33.
C’est à dire qu’elle la place pour des savoirs formalisés ou du moins à une production d’écrits
issus spécifiquement du soin infirmier.
De nouveau se repose la question du champ de compétence de l’infirmier et la
reconnaissance de ces savoirs par l’institution et la société.
« Le paradoxe de ces dispositifs de formation de consolidation des savoirs en psychiatrie est
de reconnaître la nécessité d’une formation complémentaire en psychiatrie sans aboutir à une
formation diplômante, véritable reconnaissance professionnelle. » page 35
« Cette formation sur la consolidation des savoirs ne risque-t-elle pas d’être l’arbre qui
cache la forêt d’une absence de spécialisation professionnelle ».
Pour certains la question d’un master en psychiatrie se pose avec en filigrane la question du
champ de compétences associées à ce nouveau diplôme.
« Nous soulignons l’intérêt de s’inscrire dans une démarche de, développement de notre
champ professionnel qui ne soit pas “par défaut”, comme un simple transfert ou glissement
d’actes médicaux délégués aux infirmiers, mais comme une position professionnelle toujours
en construction. »34
Il s’agirait de reconnaître des champs d’exercice où l’infirmier est souvent un intervenant de
première ligne , c’est à dire à amené à prendre des décisions dans des situations sans avoir
recours systématiquement à un médecin : primo consultation en CMP, consultation infirmière
à l’hôpital, activité socio thérapeutique.
D’autres se demandent si la création d’une spécialité ne reviendrait pas à créer un corps à
deux vitesses et quelle est la logique guidant la création de ce diplôme.
« La création d’infirmiers experts et/ou spécialisés en psychiatrie serait-elle susceptible
d’apporter une plus-value à ceux qui souffrent de maladies psychiatriques ? Que pourraient
31
Ibid page 35
TREGOUET (S.), Consolidation des savoirs infirmiers en psychiatrie et clinique infirmière, soins psychiatrie,
n°253, novembre/décembre 2007, page 33
33
Ibid op cité p34
34
TORTONÈSE (M.), Des pistes pour un master infirmier en psychiatrie, soins psychiatrie, n° 277 novembre/décembre 2011, p27
32
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attendre les patients de ces néo-soignants, que ne leur apporte pas ceux qui œuvrent
actuellement ? Peut-être est-ce lié au constat d’une formation insuffisante des actuels
infirmiers d’État dans le champ de la psychiatrie.
Autre hypothèse, ces infirmiers seraient amenés à assumer ce que font actuellement les
psychiatres, mais à moindre coût. De ce glissement, émanerait un arrangement pour faire
face aux restrictions budgétaires qui touchent certains établissements.
Il pourrait encore s’agir d’une stratégie politique visant la paix sociale avec une population
infirmière souvent malmenée dans les institutions, du fait du manque de personnel et des
contraintes qui s’imposent à elle de façon croissante. La possibilité d’une reconnaissance
institutionnelle et financière serait de nature à faire accepter le “difficilement
acceptable”. »35
Methodologies des entretiens
Choix des soignants :
Il m’est apparu intéressant de confronter deux points de vue. Celui de jeunes diplômés et celui
de diplômés plus anciens. Ceux ci afin de comparer leur vision du métier, ce qui a participé de
la construction de leurs savoirs et comment ils se perçoivent.
Les critères d’inclusion étaient l’ancienneté dans le champ de la pasyhciatrie : moins de deux
ans et plus de 10 ans. Le deuxième, qui n’a pas été respecté, est d’avoir des soigants ayant
bénéficié du dispositif du tutorat.
Les biais de la recherche:
La première difficulté fut de trouver des soignants. En effet je devais énoncer ma question
initiale. Le premier obstacle fut l’usage du mot réflexivité, peu de soignants en poste
connaissent ce mot, de plus l’identité professionnelle est elle aussi une notion qui peut
apparaître flou. Peut être mon questionnement initial est mal formulé voire abscond pour les
soignants qui sont centrés sur leurs pratiques quotidiennes. De plus le contexte de
réorganisation des services de psychiatrie dans lequel fut mené l’entretien pouvait influer sur
les réponses.
Choix de l outil :
Des entretiens semi directifs dont les thématiques sont :
L’identité professionnelle
La résolution de problèmes
Les soignants
Virginie : diplôme en 2001, elle a peu exercé en somatique, 6 mois à son début de carrière.
Elle a choisi initialement d’être en psychiatrie.
Eliane : diplôme 2002, elle a exercé 4 mois en somatique à son début de carrière puis est
venue à la psychiatrie par obligation et y est restée.
Nelly : diplôme en 2011, puis voulant être infirmière anesthésiste elle a passé 6 mois dans un
service d’urgence puis s’est réorientée vers la psychiatrie.
Antony : diplôme en 2011, 1 an dans des services somatiques en attente d’un poste dans un
service de psychiatrie.
35
TOUZET (P.), Infirmiers experts ou infirmiers spécialisés, un choix pour la psychiatrie,
soins psychiatrique, n° 277-novembre/décembre, 2011, p 30
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L’exercice à l’origine est volontaire pour 3 soignants sur 4, la quatrième y est restée car elle
s’y est plue.
2 soignants à la fois expérimenté et novices interrogés reconnaissent avoir une identité
particulière via leur compétence et leurs objectifs de soins
« Oui, dès qu’on parle d’une spécialité, il y a des spécificités, notamment en psychiatrie, la
relation thérapeutique, très spécifique à la psy, le gros du travail, la gestion de crise et
d’urgence lors des décompensations, c’est très spécifique à la psychiatrie, je pense que c’est
les deux choses les plus spécifiques de la psychiatrie.
« On ne recherche pas la même chose, en somatique on soigne voire on guéri tandis que dans
la psychiatrie on accompagne et on essaye d’alléger la souffrance psychologique des
patients. »
« au niveau compétence, c’est autre chose, au niveau de l’écoute de la relation à l’autre,
grâce à mon expérience j ai un peu plus de recul qu’a une infirmière en somatique et
encore…., »
Deux soignantes sont portées par des valeurs. Une par des valeurs qu’elle qualifie de
personnelles : « je pense que quand on choisit de travailler en psy, on a forcément des valeurs
différentes à la base en tant que personne déjà , plus de l’ordre du social, du rapport à
l’autre, plus établi sur la relation, l intérêt de la relation de l autre, de la communication et
des valeurs sociales de l intérêt qu’on peut porter à la différence et la maladie psy, ce sont des
valeurs personnelles. ». Pour l’autre on peut identifier des valeurs soignantes qu’elle estime
plus investies en psychiatrie : « Donc les urgences, les soins techniques et courir partout et
être frustrée dans mon travail infirmier. Ce n’était que des soins techniques et moi je ne
conçois pas le soin infirmier comme ça. Quand j ai eu une patiente qui avait fait une tentative
de suicide, qu’elle pleurait devant moi et que je n’avais pas le temps pour écouter sa douleur,
sa souffrance. Du coup je suis revenue en psychiatrie. »
Nous retrouvons dans ces deux extraits la problématique de l’identité professionnelle qui est à
la fois le produit de soi, comme dans le premier cas et aussi de valeurs que la personne pense
porter au travers de son métier.
Par contre, une autre même si elle pense être différente du fait de ses compétences, a les
mêmes valeurs soignantes : « j ai les mêmes valeurs qu’une infirmière en soins généraux, je
ne suis pas différente par contre au niveau compétence, c’est autre chose ».
Ce champ des compétences revient souvent : Mes compétences ont été développées dans ce
sens : communication, relation à l’autre, communication de crise…Oui, c’est particulier car
tous les soignants n’ont pas ces compétences. » ; « au niveau compétence, c’est autre chose,
au niveau de l’écoute de la relation à l’autre, grâce à mon expérience j ai un peu plus de
recul qu’a une infirmière en somatique et encore ».
« j avais la trouille, en fait je pensais ne pas avoir de compétences, de connaissances
suffisantes en psy pour y travailler »
Nous voyons bien qu’une situation d’exercice particulière crée donc des compétences
particulières, il s’agit donc bien des caractéristiques d’une identité professionnelle car le
métier, l’occupation produit un savoir spécifique. Donc par une approche par compétence
l’infirmier en psychiatrie occupe une place à part.
Si nous continuons notre analyse en se basant sur ce qui fait l’autonomie d’une profession
c’est à dire pour les infirmiers le rôle propre celui ci est plus investi non pas par une volonté
soignante de l’investir mais par les spécificités du lieu d’exercice
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U.E. 3.4 ; Note de recherche
Semestre 6
« Nursing, écoute, entretien, tout çà, plus ici que dans d’autres services » ;
« La relation, l’écoute oui, le nursing oui mais différemment car outre la problématique
psychique il y a le rapport au corps, vu l intérêt relationnel, elles sont menées différemment. »
« Beaucoup de rôle propre car moins de somatique car moins de somatique, nursing mais
aussi c’est tout l’accompagnement, les entretiens, les activités thérapeutiques, il y a plus
d’initiatives »
Toute la problématique infirmière du rôle propre est exprimée ici car le rôle propre est investi
si le lieu d’exercice permet à celui ci d’être exercé et non pas délégué au détriment du rôle
prescrit.
Par contre en termes de valeurs soignantes les infirmiers interrogés ne voient pas différence
fondamentales. Ce qui leur permet de s’inclure dans un groupe plus vaste qui est celui des
infirmiers en général.
« Non je ne me sens pas différente» et « Mis en avant différemment ».
Donc les infirmiers en psychiatrie formeraient un sous ensemble d’un groupe plus vaste.
À la question de savoir si ils se présentent comme infirmier ou comme infirmier en psy à des
gens qu’ils ne se connaissent pas les réponses sont partagées.
Pour 3 diplômés la réponse est nette « infirmier » mais il s’agit surtout du regard que porte la
société sur ce lieu d’exercice et l’imagerie qu’il véhicule encore qui les poussent à se
présenter comme infirmier. « AH ! Tu as choisis ?, c’est le regard des autres. »
« Les représentations son fortes »
« Cela dépend des gens ».
Un seule pense le dire car « le sens du travail n’est pas le même ». Il s’agit d’une infirmière
expérimentée.
Sur deux expertes une seule cite les ISP : « un puits de science je dirais, au niveau pratique
professionnelle en psy , c’était des mines d’or, je me tournais souvent vers eux. »
Ce qui revient à dire qu’avec le départ de ces professionnels, une perte de savoirs particuliers
serait à redouter.
Pour l’autre l’accompagnement permet surtout de cerner l’organisation spécifique et d’éviter
de se perdre dans une organisation particulière et moins cadrante qu’en service de somatique :
« Il y a des rapports à l’organisation, c’est compliqué à se repérer dans le temps, le temps
forts de la semaine ou des patients. » »,
« Le plus prédominant c’est la capacité à s’adapter ».
Si je me place dans une perspective de changement par le biais des connaissances, je me dois
de tenter de trouver le vecteur de ce changement or il apparaît que le vecteur essentiel à ce
changement est l’équipe. Elle est pour les nouveaux soignants « essentiel », ce mode de
fonctionnement est clairement identifié :
« On en discute pas mal avec les collègues, »
« On fonctionne en équipe. »
« Éventuellement en staff.
« C ‘est entre nous. »
« On a cette force de travailler avec plusieurs infirmiers. »
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Cette transformation dans le cas des personnes interrogés est un mélange d’acquisition
d’expérience par la pratique et par une régulation s’effectuant non pas par une personne sur
elle même mais par l’équipe
« On fonctionne en équipe »
« On en discute pas mal avec les collègues »
« Je me tourne vers l’équipe »
Se repose bien sur la dynamique d’identification à un groupe et donc le besoin de se
conformer à une pratique soignante. Quelle est la part entre la fonction support de l’équipe et
le désir de se conformer à une pratique ?
Par contre la définition de l’équipe n’est pas unanime. Pour les deux néo-soignants et une
infirmière expérimentée il s’agit de l ‘équipe infirmière, pour virginie l’équipe est à
considérer au sens large, c’est à dire toute les personnes intervenants autour du patient : « si
le questionnement n’est qu’infirmier il ne sert pas à grand chose. la prise en charge en
psychiatrie est polymorphe. »
Les réponses élaborées sont réinvesties dans une pratique ultérieure avec la limite posée que
chaque situation est unique du fait de l’unicité de la personne.
« C’est sur ça aide si t’es confronté à problème que tu as déjà géré mais l’humain c’est
complexe »
« Mais pas de façons identiques, sur des grandes pistes oui, quand on sait que certaines
choses fonctionnent, »
Après avoir tenté de trouver le vecteur de communication des connaissances ou du moins
d’élaboration de réponses à une problématique. La question de productions de savoirs n’est
pas clairement exprimée par les soignants, peut être du fait de mes questions ? Par contre la
question du sens de l’action est principal avec comme piste une connaissance de soi, c’est à
dire que le soignant doit avoir des connaissances clinique sur les pathologies afin de
comprendre les situations mais aussi une clinique de soi même. Cette clinique permet de
penser la relation à l’autre et sert de guide aux actions.
« Il y a des pathologies que j’ai pointé qui me sont difficiles à prendre en charge donc après
c’est un travail sur soi, pourquoi ?!!! Pourquoi j ai du mal à travailler avec ces gens là. »
« On s’arme au fur et à mesure avec le temps. C’est la pratique au quotidien. »
« Quand on a quelque chose qui nous pèse, qui pose problème, ça nous permet d’avoir autre
regard sur la situation, de nous remettre en question en écoutant l’autre vision. »
« Ça ma permis de mieux appréhender mon travail au quotidien car mes connaissances
étaient plus fournies, énormément d’échanges, sa capacité à s’auto analyser, à critiquer son
travail, à réfléchir à comment faire au mieux et savoir se dire qu’on est dans l impasse. »
Cette clinique de soi même va conduire le soignant dans une posture réflexive. Les dix C de
JOHNS identifient des capacités à se remettre en question, à modifier ses représentations, à
créer un savoir de soi même, cf page de ce document
Les paroles des soignants sont ici sans équivoque :
« Je pouvais vite juger »
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« Je me pose beaucoup plus de questions qu’avant, avant j’étais beaucoup plus à terre à terre
mais ça m ‘arrangeait. »
« Sa capacité à s’auto analyser, à critiquer son travail, à réfléchir à comment faire au mieux
et savoir se dire qu’on est dans l impasse »
« C’est un travail sur soi »
« Ici on se remet beaucoup en question »
« Toujours en apprentissage, car on apprend toujours »
Si on questionne le changement professionnel qu’aurait pu subir ces professionnels cette
posture fondamentale apparaît.il y a une interaction entre des savoirs théoriques et des soi
même.
Finalement le plus important dans la réflexivité c’est le point de départ, la phase initiale qui
consiste à se poser des questions ou plus précisément à se mettre en disposition de se poser
des questions, d’être disponible afin de pouvoir affiner sa propre clinique.
Il a un aspect autonomie gagné par les professionnels débutants qui somme toute est la
conséquence logique d’une plus grande expérience acquise.
À compléter
Cependant une interrogation issue du discours apparait les plus expérimentés. Certes elles
reconnaissent avoir acquis de l’expérience ce qui leur permet d’être plus opérantes dans leur
fonction. Mais le champ des savoirs acquis, précisément défini, manque. Le discours fait bien
sur apparaître le mot de compétence mais mis en lien avec ce que l’on peut nommer des
attitudes, des qualités. Ces termes viennent qualifier la relation à l’autre : « il y a beaucoup
dans la façon d’être » « communication », « relation à l ‘autre » « communication de crise ».
ces qualités ou aptitudes seraient mise à disposition, accompagnées de « techniques ».
Après avoir exploré le champ théorique de ma question de départ et confronté ces apports à la
parole de soignants. Il m’apparaît que la construction de l’identité professionnelle pour un
infirmier en psychiatrie est un processus mêlant à la fois le registre personnel et professionnel,
avec un effet du groupe sur lui même. La différenciation supposée en terme d’identification
spécifique à la psychiatrie est lui plus sujet au doute. Les personnes interrogées s’intègrent
dans un groupe dépassant leur lieu d’exercice. Les valeurs soignantes sont les mêmes, preuve
que la formation initiale perdure dans le temps. Les 4 soignants sont issus du référentiel de
1992, faisant d’eux autant des infirmiers de somatique des infirmiers psychiatrique. Cette
stabilité leur permet ils de continuer à exercer, d’être en accord avec eux mêmes ? De donner
un sens à leur pratique quotidienne ? La question reste ouverte. Par contre, les infirmiers ont
tous adopté, sans savoir la nommer, une démarche réflexive, leur permettant de progresser,
d’acquérir de nouvelles compétences. Cette démarche est elle spécifique à la psychiatrie ?
L’affirmer serait réducteur, voire insultant pour les infirmiers de somatique. Cela scinderait la
profession en deux camps : les réfléchissants et les autres.
Par contre les compétences qu’elles n’ont pas détaillées en critères, comportements
observables, capacités interrogent. À l’heure de la mise en œuvre de cursus de formation
universitaire, de formation complémentaire, de réforme de la politique en santé mentale
(réforme des modalités d’hospitalisations, modification des organisations) il serait opportun
de se pencher sur ces savoirs et de pouvoir les formaliser afin de mettre en place des
référentiels de formation opérants et faisant consensus. De plus cette ingénierie de formation
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permettrait de dégager des éléments fondamentaux dans la prise en soin infirmière, faciliterait
la circulation des savoirs par la production d’écrits. Tout ceci pour toujours être à la recherche
de la prise en soin au plus près du patient. Ce qui m’amène à formuler la question de
recherche suivante :
Quels sont les éléments indentifiables de la compétence infirmière en psychiatrie ?
Une contradiction
Guide d’entretien
Formaliser un guide d’entretien
Définir les thématiques à aborder ne fut pas le plus difficile, par contre l ‘élaboration de
questions ouvertes faisant sens pour les soignanst fut plus ardu. Pour eux le concept de
l’identité professionnelle est flou et recouvre une réalité difficilenemnt apréendable. Comment
faire la frontière entre le soi personnel et le soi professionnel. Des sous questions plus
précises orientant les soignants furent rédigées afin de guider, sans influencer le soigant dans
ses réponses furent écrites. Elles furent simples, sans double sens
L identité professionnelle infirmière
Avec comme question introductive
Quelles son
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