TU ME REPONDS Deuxième Parole. Exode 20,3-6 3 Père, tu n'es pas un Dieu étranger en moi. Tu es l'Autre de mon intimité même, infiniment proche et infiniment Autre. La Voix dévoilée de ta Parole me pénètre au cœur. Je suis l'unique consolateur pour parler de toi dans ta profondeur insoupçonnée. Tu n'auras point de discours conservateur ou de comparaison pour parler de moi. Ma Parole s'ouvre et se démultiplie à l'infini. " Pauvre de cœur " (Mt 5,3) en ta présence, je n'ai que Toi. Je porte ma question comme un enfant, et poursuis ma démarche. Quelle séduction pourrait faire dévier mon regard et orienter faussement ma manière de voir ? Sur cette terre, je pense n'être sous l'emprise d'aucune image, d'aucune possession, d'aucune puissance ou valeur. Se sont-elles découragées ? Se sont-elles retirées ? Je ne les rencontre plus guère pour me torturer. Je n'ai pas plié les genoux devant elles, et ma bouche ne leur a pas donné de baisers. (1 R 19,18) Je n'ai d'autre absolu que Toi seul. Tu es l'Unique, celui qui s'impose par une présence ardente, même dans les nuits obscures de l'histoire humaine. L'idolâtre et le blasphémateur jouent sur la contrefaçon. Ils perdent la tête, et leur corps se fossilisera avec le temps. En ton Verbe, existent toutes les créatures du ciel et de la terre. Par convenance, par coutume, pour faire comme tout le monde, en toute tranquillité, il plus facile d'adorer ce que tous adorent. Les ordres d'une pensée unique close sur elle-même, et la tyrannie du regard fixé sur les modes prétendent assurer et garantir le bonheur dans le meilleur des mondes. Les dieux des autres, d'or ou d'argent (Ex 20,21), honorés par l'accumulation de biens ou de réussites matérielles, retardent le Bien à venir dans le monde. Leurs feux destructeurs provoquent des instabilités à n'en plus finir et des malheurs sans nombre. Quelle insouciance et quelle paresse de l'esprit ! Il n'y a rien de divinité en aucune chose du monde (Is 4,4-6). Seul le Feu véritable de ta Parole apporte la connaissance du fini et des infinis. Il embrase les cœurs en prière. Quelle prétention à parler en ton Nom sans ton Esprit pour l'écoute de ton Verbe, et prétendre à la pureté et à la sainteté ! Elle provoque désolation, désordre et catastrophe. 7 Seigneur, Toi seul es la Source de toute puissance. Je cherche ton Visage tout au fond de mon cœur. Toi, Silence, tu m'as parlé dans la détresse de ma nuit. Tu me réponds lorsque je t'appelle. Je ne t'abandonnerai pas. Étranger dans le pays des autres, étranger même dans mon propre pays, tu me fais habiter ta promesse. 4 Et si les hommes oubliaient totalement l'œuvre d'amour du Créateur et se constituaient eux-mêmes en divinité ? Ils ne tarderaient pas à aller chercher leurs dieux aux temples des abondances en bâtissant une société des biens de consommation. Déjà, des mégas autoroutes pour la conquête du bonheur, des loisirs et du plaisir s'ouvrent chaque jour. L'imitation des riches et des puissants et la course au bien-être personnel deviennent la norme de l'idéal à atteindre. Éloigne-toi de ces visages formatés et remodelés selon les normes de la beauté et de l'esthétique du moment, brillants et froids comme de la glace. Approche-toi avec pudeur de l'Union Invisible, au centre de ton être intérieur, pour la contemplation des merveilles. Tu resteras libre de toute emprise et de toute séduction risquant de t'écarter de mon Chemin. Rencontre-moi en cœur à cœur, de personne à personne, tu me connaîtras comme je te connais. 5 Que dire de ceux qui cherchent à s'approcher de " la Table de la Parole " avec la peur d'un jugement divin au ventre ? Ils se prosternent à distance de l'autel des offrandes avec effroi, en pensant aux raisons de leur indignité face au sacré et au divin. Sans cette crainte angoissée, seraient-ils si religieux, si soumis, si fidèles aux lois et aux obligations rituelles héritées de leur tradition ? Au Jugement final, leur diras-tu ? : « Je ne vous connais pas, écartez-vous de moi avec vos liturgies et vos prières ritualisées dans l'anxiété et la culpabilité.» Des convictions égarées, présentées comme du respect et de la vénération, suscitent et imposent la prosternation et la soumission comme au temps des esclavages. Tu n'as pas libéré ton Peuple de la servitude pour le conduire à une autre plus intériorisée, et pour l'obliger à s'aplatir devant une image de la toute puissance divine. J'entends ta voix : Tiens-toi debout en ma présence. Je te veux digne, fiers et libre. Ta dévotion et ton adoration, en ma présence, seront un temps d'ouverture et de vision sur l'Invisible de mon mystère d'Amour avec les hommes. (Lc 11,9 b) Pour que tes œuvres se manifestent en nous, que ne ferais-tu pas dans ta bonté ? (Jn 9,3) Ta Lumière brille dans les ténèbres. Combien de fois es-tu prêt à pardonner ? Jusqu'à sept fois ? Non ! Jusqu'à soixante dix fois sept fois. (Mt 18,22) Ta patience et ta miséricorde sont sans borne. Tu les accordes au-delà de toute mesure. Tu donnes toujours du temps au temps pour revenir à Toi. Autrement qui pourrait survivre et surmonter ses désespoirs ? (Lc 13,6-9) 8 Devant le refus violent de répondre à ton appel et le déversement d'infamies à ton égard, tu gardes ton jugement dans le secret de ton cœur de Père. 6 Qui peut sonder, évaluer et juger l'élan de ta bienveillance et de ton amour ? Personne ne peut savoir jusqu'où ton Souffle peut les porter. Tu gardes bien ton secret. Il est bon qu'il en soit ainsi. Nos raisonnements étroits et partisans sur cette question reflètent la misère de notre condition humaine trop encline à peser, à calculer, à juger, à condamner. Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font. (Lc 23,34) Dans cette ultime parole, tout est dit de Toi sur cette question des offenses et des trahisons à ton égard. Qui peut et veut te rejoindre pour ce rendez-vous ultime avec la profusion de ton Cœur ouvert ? Tu ne prends aucun plaisir à la mort de celui qui meurt. (Ez 18,32) Quelle promesse pour ceux qui t'aiment et gardent tes enseignements ? (Mt 5,2) Tu as donné ta réponse dans ce grand commandement de l'Amour, en mettant en œuvre la force de ta mesure au-delà de toute mesure. Ta bonté ne troublera que les calculateurs trop pointilleux et ceux qui jugent leur existence aux mouvements contrôlés d'une balance d'apothicaire. Joyeux, les bénis chanteront tes merveilles et te loueront pour tes actes de grande bonté. Tu donneras le même don de ta miséricorde aux uns et aux autres, au-delà de toutes nos pensées. Les uns les recevront en tremblant, les autres en dansant. Abbaye du Bec-Hellouin. Le 23 février 2011 M. F. A. 9