Sommaire 1. L’identité professionnelle définitions ................................................................................. 3 2. Construction de l’identité infirmière .................................................................................. 5 3. Le role propre en question .................................................................................................. 6 4. Une redéfintion du role propre ........................................................................................... 6 5. Un bref rappel de l’évolution de la profession infirmière .................................................. 7 6. Un volume horaire en baisse .............................................................................................. 9 7. Le changement de 2009 et son paradigme.......................................................................... 9 8. La réflexivité..................................................................................................................... 10 9. Mutations des organisations soignantes ........................................................................... 13 10. Un groupe à part ? ......................................................................................................... 14 Manque la méthodo et la construction de l’objet de recherche et la présentation du plan de l’exploration, présentation des soignants Quelles sont les compétences du role propre fondamentales de l’infirmier en psychiatrie ? 1. L’identité professionnelle définitions La notion d’identité renvoie à ce qui permet de caractériser un individu, un groupe. La principale problématique est sur la définition de ces caractéristiques. Quant à la profession, cela revient à accepter qualifier une activité exercée comme fondement d’un processus de caractérisation. Pour DUBAR une identité est : « le résultat à la fois stable et provisoire, individuel et collectif, subjectif et objectif, biographique et structurel, des divers processus de socialisation qui, conjointement, construisent les individus et définissent les institutions ».1 2002. Cette identité est donc le résultat d’interactions entre des individus, des groupes. Les individus pouvant modifier le groupe et réciproquement. Ce plus cette identité n’est pas figée mais dynamique, elle change en fonction des périodes, des personnes constituant les groupes. Parler d’identité professionnelle revient à mêler une activité codifiée, régie par des règles imposées à la personne, à une perception de soi dans son exercice professionnel et le regard que l’ensemble de la société porte sur un groupe professionnel. Ce même groupe pouvant ne pas être homogènes dans sa propre perception de ce qui fait ses caractéristiques identitaires. La notion d’identité professionnelle est une notion sociologique française. Les anglo saxons par lent de role, de missions, définissent les métiers en occupation. Différentes écoles sociologiques ont établis des critères permettant de caractériser des professions. Nous travail s’effectuant dans un cadre français avec comme objet d’étude une population française il nous paraît important de retenir une définition française définissant un groupe professionnel identifié et identifiable. Groupe professionnel « ensemble des travailleurs exerçant une activité ayant le même nom et par conséquent dotés d’une visibilité sociale, bénéficiant d’une identification et d’une reconnaissance, occupant une place différenciée dans la division sociale du travail, et caractérisés par une légitimité symbolique ( demazière, gadéa, 2009, page 20) Une approche dite fonctionnaliste qui caractérise l’individu par le rôle et le statut que lui donne l’ensemble de la société. A chaque statut (avocat, médecin, infirmier) est associé non seulement des compétences, des savoirs mais aussi des attributs, un rôle. Ce rôle est un ensemble de comportements attendus de la part d’une personne par la société. Toute la société pousse chaque personne à intégrer un rôle, des comportements attendus. Dans cette vision c’est la culture commune, la société qui va permettre la construction d’une identité. La limite de cette approche est que l’individu ne fait que se conformer à une norme. Il n’a de choix que dans l’acceptation des attributs que ceux que la société lui confère. En parlant des infirmières, FERONI en 2000 dit qu’elles refusent « d’être appréciées en fonction de qualités attendues comme le dévouement ou la gentillesse, elles ne veulent plus être considérées comme des subordonnés et réclament une réelle acceptation de leur professionnalité ».2 Jean françois BLIN dans son ouvrage sur les représentations professionnelles et identité reprend 3 dimensions spécifiques du rôle professionnel mêlant normes sociales et valeurs culturelles définies par PARSONS3 : Un savoir pratique qui articule une double compétence celle fondée sur le savoir théorique initial et celle qui s’appuie sur la pratique acquise par l’expérience. 1 DUBAR (C.), La socialisation. Construction des identités sociales et professionnelles. Armand Colin, Paris, 1991.p 111 1. 2 CARRICABURU (D.), MENORET (M.) ,Sociologie de la santé : Institutions, professions et maladies ,armandcolin,2004,collection U sociologie 236 pages, p82 3 BLIN (J.F.), Représentations, pratiques et identités professionnelles, Collection : Action et savoir, L'Harmattan, 1997, p50-51 3 Une compétence spécialisée reposant sur spécificité technique qui limite et légitime le professionnel sur ce domaine de spécialité. Les professions forment des communautés unies autour des mêmes valeurs et de la même éthique et leur statut professionnel se fonde sur un savoir scientifique et pas seulement pratique. Une des limites à ce modèle est celui d’une unicité de valeurs, d’une union autour de valeurs communes. Cette unicité est-elle artificielle, imposée par une norme sociale ou réelle, partagée par tous ? Le groupe va créer un système lui permettant de s’identifier. Chaque profession désigne socialement la réalisation d’activités spécifiques non réductibles à un poste et à partir desquelles les professionnels se reconnaissent entre eux. page 15 jf blin. il est à noter que cet auteur parle à la fois de savoirs théoriques mais aussi de savoirs acquis par l’expérience. L’approche organisationnelle, quant à elle va s’intéresser à la construction des modèles professionnels en tant que groupe, leur rapport entre eux et sur l’influence que cette construction a sur les personnes. Pour le sociologue LIPIANSKY l’identité collective possède 5 dimensions4 : Subjectivement vécue et perçue par les membres du groupe Résulte de la conscience d’appartenance à ce groupe Se définit d’abord par opposition et différence avec d’autres Ensemble de représentations où s’opposent traits négatifs et positifs Attitudes et images s’expriment dans un discours révélant un système d’idées Au delà des aspects subjectifs et caractéristiques, la partie qui me semble la plus intéressante est celle de la définition qui se fait surtout non pas en soi mais en rapport avec les autres et surtout en opposition. Elle sera à ne pas négliger lors des entretiens exploratoires. Définir une identité professionnelle revient à tenter de trouver ce qui caractérise une profession. Ces caractéristiques sont le fruit d’une vision en propre et d’une vision issue du groupe lui même lui servant à se reconnaître ce que DUBAR décrit « ce n est pas seulement leur diplôme ou leur formation initiale qui sert à les définir mais leur apprentissage pratique par l expérience professionnelle et leur appartenance à un groupe professionnelle qui est bien autre chose qu’une catégorie statistique ou un niveau de formation. il s agit, en fait, d’une identification à une activité et à ceux qui l’exercent, à un autre mode de socialisation que l ‘école, à un apprentissage qui ne repose pas sur une qualification juridique attestée par la possession d’un titre scolaire mais sur la compétence acquise par l’exercice d’un métier mais aussi par le rattachement à un groupe professionnel où à une institution dotée d’une forte visibilité symbolique. »5. Notre travail s’effectuant dans un cadre français avec comme objet d’étude une population française il nous paraît important de retenir une définition française définissant un groupe professionnel identifié et identifiable. Groupe professionnel « ensemble des travailleurs exerçant une activité ayant le même nom et par conséquent dotés d’une visibilité sociale, bénéficiant d’une identification et d’une reconnaissance, occupant une place différenciée dans la division sociale du travail, et caractérisés par une légitimité symbolique ( demazière, gadéa, 2009, page 20). 4 BLIN (J.F.), Représentations, pratiques et identités professionnelles, Collection : Action et savoir, L'Harmattan, 1997, p181 5 DUBAR (C.), La socialisation. Construction des identités sociales et professionnelles. Armand Colin, Paris, 1991.p145 4 Nous sommes donc bien dans un processus d’identification à un modèle issu du groupe lui même. Ce processus permet que les professionnels se reconnaissent entre eux et donc par conséquent qu’ils se reconnaissent chez l’autre une partie de soi. Ce processus prend en compte l’apprentissage par l’expérience. Cet apprentissage peut être inconscient, au sens de non désiré, mais il peut être aussi voulu. Une identité professionnelle est donc basée sur des caractéristiques individuelles propres qui sont influencées par des caractéristiques du groupe d’appartenance : système de valeurs, rhétorique, représentations du travail, définition de soi par rapport aux autres corps professionnels. Cette définition multifactorielle repose en partie sur les questionnements que nous nous posons sur notre travail et sa validation par soi même ou ses pairs. La réflexivité nous permet de passer un cap, qui est celui de la validation par d’autres, au travers de validations factuelles, d’une manière de faire dans un système de valeurs, de connaissances mutuelles. Un autre point commun à dégager entre ces auteurs est l’utilisation du terme de compétence ; terme qui a fait son apparition dans le milieu professionnel dans les années 80-90. Définir la compétence 2. Construction de l’identité infirmière La construction de l’identité professionnelle pour les étudiants en soins infirmiers est décrite par le sociologue F DAVIS en 1958. Il la présente en 6 étapes : L innocence initiale qui est la phase durant laquelle l’étudiant est rempli de ses certitudes La reconnaissance de l’incongruité : choc avec la réalité et la confrontation entre leurs représentations et les attentes du monde professionnel Le déclic : prise de conscience des attentes et comment répondre aux mieux à ses attentes La simulation du rôle : la mise en œuvre du rôle attendu avec une « aliénation de soi », l’étudiant répond aux attentes du groupe et plus il joue à l’infirmier moins il a conscience de jouer un rôle, il se persuade de son authenticité. L’intériorisation provisoire: l’intériorisation provisoire se caractérise par des périodes de doutes sur les capacités, avec deux pivots essentiels à l intériorisation stable qui sont la rhétorique professionnelle et l’émergence de modèles de référence infirmiers. L’Intériorisation stable consiste à ignorer certains aspects de soi au profit sa nouvelle identité. Donc le passage d’une identité à une autre est donc le conflit entre une représentation et la conformation à une autre identité, pour pouvoir être accepté par le groupe auquel l’étudiant aspire. D’après cet enchainement il y a un passage d’un état pré infirmier à un état de comme un infirmier, or dans la situation, il y a un autre « déclic », qui correspond à la découverte de valeurs soignantes, de références culturelles qui pour l’étudiant que j’étais comme un « déclic » de plus. Nous pouvons supposer que cet double déclic correspond à « la prise de conscience de nouvelles attentes ». Si nouveau déclic il y a nouvelle identité il y a. Cependant l’identité infirmière en tant que telle est une notion en débat puisque nous sommes une profession para médical, c’est à dire à coté du médical avec un système de valeurs qui se veut différent, des savoirs différents et des modèles théoriques différents dans un monde qui lui aussi évolue. Pour obtenir une profession para médicale possédant les caractéristiques d’une profession autonome Une profession paramédicale peut atteindre le degré d’autonomie d’une profession à la condition de contrôler un domaine d’activité disjoint qui peut être isolé du champ global 5 de la médecine et où la pratique n’exige pas le contact quotidien avec le médecin ni le recours à leur autorité p 82 sociologie de la santé Cette citation met en lumière la question du rôle propre infirmier, les limites de son champ d’action, 3. Le role propre en question En 1978, le métier infirmier accède à une part d’autonomie avec la reconnaissance d’un rôle propre. Ce rôle propre est un passage d’un métier à celui de profession.il permet une autonomie de décisions, d’actions et donc d’évaluation de ses actions à l’infirmier. Il est ainsi défini dans sa dernière mouture : Article R. 4311-3 du code de la santé publique (CSP) : « Relèvent du rôle propre de l'infirmier ou de l'infirmière les soins liés aux fonctions d'entretien et de continuité de la vie et visant à compenser partiellement ou totalement un manque ou une diminution d'autonomie d'une personne ou d'un groupe de personnes. Dans ce cadre, l'infirmier ou l'infirmière a compétence pour prendre les initiatives et accomplir les soins qu'il juge nécessaires conformément aux dispositions des articles R. 4311-5 et R. 4311-6. Il identifie les besoins de la personne, pose un diagnostic infirmier, formule des objectifs de soins, met en œuvre les actions appropriées et les évalue. Il peut élaborer, avec la participation des membres de l'équipe soignante, des protocoles de soins infirmiers relevant de son initiative. Il est chargé de la conception, de l'utilisation et de la gestion du dossier de soins infirmiers. » Nous pouvons distinguer deux champs d’actions dans cette définition : un champ centré directement sur la personne et un autre plus administratif avec la gestion du dossier de soins Les actes du role propre en santé mentale sont définis dans l’article R. 4311-6 du CSP: 1. 2. 3. 4. Entretien d'accueil du patient et de son entourage ; Activités à visée sociothérapeutique individuelle ou de groupe ; Surveillance des personnes en chambre d'isolement ; Surveillance et évaluation des engagements thérapeutiques qui associent le médecin, l'infirmier ou l'infirmière et le patient. 4. Une redéfintion du role propre Cette reproduction est nécessaire. L’évolution des pratiques dans les milieux de soins quelqu’ils soient fait qu’une majeure partie de ces soins du role propre sont aujourd’hui assurés par des aides soignants sous la responsabilité d’un infirmier. Soins d’hygiène, alimentation, positionnement. Les autres soins sont des actes médico-techniques (alimentation parentérale ou des surveillances d’actes prescrits. Cette évolution est quel que soit l’appréciation que l’on porte dessus est un phénomène décrit par HUGES. Chaque profession possède des activités jugées comme peu valorisantes car non ou mal perçues par l’extérieur. Ce que HUGES qualifie de dirty work ou littéralement« sale boulot ». Ce sale boulot est délaissé au profit de taches jugées comme plus valorisantes et plus porteuses de reconnaissance sociale Les infirmiers n’ont pas échappé à ce mouvement, une grande part des soins du rôle propre est réalisée par les aides soignants. « Elle délègue le « sale boulot », c’est à dire à déprécier la qualification de garde malade qui leur vient de florence NIGHTINGALE et à en céder les fonctions aux petits personnels, pour se consacrer aux 6 travaux d’administration.»6. il est intéressant de lire le chapitre de sociologie des métiers de la santé inspirés des travaux de AM ARBORIO intitulé quand « e sale boulot fait métier ». Ce phénomène de délégation de taches infirmières y est décrit.7 Face à cette perte d’autonomie de pratique du rôle propre la France a tété cherché dans les pays anglo-saxons, notamment au Canada un nouveau modèle professionnel, à la recherche de nouveaux attributs professionnels : démarche de soins, diagnostics infirmiers, création des sciences infirmières, universitarisation du diplôme, malgré tout le rapport au corps médical reste toujours problématique dans la définition d’un nouveau corpus théorique, de valeurs, de technicité. Il est à noter que les infirmières sont elles aussi prises dans ce mouvement de délégation de taches jugées comme peu valorisante par le corps médical : renouvellement de la pilule contraceptive8 en mai 2011, prescription de certains dispositifs médicaux à domicile pour les infirmières libérales9. Ce mouvement de déplacement de taches est fondamental dans la définition d’une identité professionnelle puisqu’elle est définie par un champ d’exercice, de compétences en perpétuel mouvement : « Chaque groupe professionnel connaît des problèmes de frontières par rapport à d ‘autres, de compétition aux frontières, de lutte de classement qui relèvent des politiques d’emploi autant que des actions collectives de leurs membres, chaque groupe est inséré dans des organisations qui possèdent des règles , des branches professionnelles qui produisent des normes. » Cette question de l’identité professionnelle n’est pas nouvelle car dès les années soixante dix une hésitation a lieu entre une « infirmière technicienne ou travailleuse sociale »10. « Si elles investissent le champ médical cela ne sera qu’en partie et elles seront de fait encore plus subordonnées au pouvoir médical. Si elles se recentrent sur le modèle de florence NIGHTINGALE elles risquent de se voir priver de toute valorisation sociale. La rhétorique infirmière revendique la possession ou l’accès à l’ensemble des traits qui caractérisent les professions établies : forte autonomie, corpus de savoirs théoriques élaborés par des activités de recherche et transmis à l’université, déontologie professionnelle »11. Si changement d’identité il y a , changement de compétences il doit y avoir 5. Un bref rappel de l’évolution de la profession infirmière Historique de la profession Historiquement l’infirmière est une interface entre le patient et le médecin : on subordonne la pratique infirmière à des savoirs médicaux, scientifiques et techniques, extérieurs à la profession naissante et enseignée par des hommes médecins. L’infirmière devient une 6 CARRICABURU (D.), MENORET (M.) ,Sociologie de la santé : Institutions, professions et maladies ,armandcolin,2004,collection U sociologie 236 pages, p81 7 CARRICABURU (D.), MENORET (M.) ,Sociologie de la santé : Institutions, professions et maladies ,armandcolin,2004,collection U sociologie 236 pages, p84-85 8 le 4ème alinéa de l’article L. 4311-1 du Code de la Santé Publique « L’infirmière ou l’infirmier est autorisé à renouveler les prescriptions, datant de moins d’un an, de médicaments contraceptifs oraux, sauf s’ils figurent sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de la santé, sur proposition de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, pour une durée maximale de six mois, non renouvelable. 9 Décret n° 2007-551 du 13 avril 2007 relatif à la prise en charge des dispositifs médicaux prescrits par les infirmiers ou adaptés par les opticiens-lunetiers et modifiant l'article R. 165-1 du code de la sécurité sociale 10 Ibid p CARRICABURU (D.), MENORET (M.) ,Sociologie de la santé : Institutions, professions et maladies ,armandcolin,2004,collection U sociologie 236 pages, p84-85 11 81 7 traductrice, médiatrice entre le monde (masculin) de la science médicale et le public à la fois ignorant et profane. Les savoirs d’expérience issus de la pratique sont dévalorisés face aux savoirs scientifiques provenant des laboratoires de recherche12. Donc à l’origine l’infirmière est une exécutante au service dont les savoirs ne sont pas produits par elles mêmes. Dans un premier temps la profession est exercée par des religieuses et donc les valeurs du soin sont empreintes de notions religieuses, au milieu du XX siècle, des modèles soignants font leur apparition. Florence Nightingale avec une alliance de compétences techniques et de qualité humaines issues des religieuses. En France au début du XX siécle Léonie Chaptal va s’inspirer du modèle anglo-saxon tout en transformant les valeurs religieuses en valeurs morales constitutives d’une morale professionnelle avec un approche globale du patient : « l’infirmière doit savoir tout du malade, non pas tout de la maladie : la maladie, c’est la science du médecin, le malade, c’est l’art de l infirmière ». Il est à noter qu’elle ne situe pas dans le même champ puisqu’elle détache une pratique, médicale, scientifique d’une pratique infirmière « artistique ». La pratique artistique étant aux antipodes d’une pratique scientifique. Au cours du xx siècle la profession accède à un diplôme reconnu, à des niveaux d ‘entrée en formation, à la mise en place d’un rôle propre. Ces faits font partie de la reconnaissance institutionnelle d’une profession. Un ordre Infirmier, encore contesté ce jour par une partie de la profession est un autre aspect de cette reconnaissance. Une histoire de la profession infirmière en psychiatrie (infirmiers com) L’histoire du travail en psychiatrie est lui aussi en prise direct avec le monde dans lequel il évolue, puisque ses fonctions, ses missions lui sont données par la société pour laquelle il travaille dans une optique de mission de service public. La première rupture a lieu avec l ‘apparition de personnel « qualifié » par ESQUIROL et PINEL, ces deux médecins s’appuyant sur le surveillant PUSSIN dans une prise en compte de la personne. En 1838 la profession se structure, avec la création de la sectorisation (1 structure par département) et la nécessité de recourir à du personnel extérieur à l ‘établissement. Dorénavant les soignants ne sont plus des anciens malades. 1877 : création des écoles infirmières d’asile. Formation théorique et pratique sur 1 an. 1907 : création du diplôme d infirmier psychiatrique départemental : la formation passe de 1 an à trois ans 1946 : définition légale et officielle de l’ide, pas d’infirmiers psychiatriques, qui sont reconnus dans l ‘établissement de formation 1955 : formation professionnelle obligatoire pour travailler en psychiatrie 1969 : création de l’infirmier en secteur de psychiatrie (ISP) 1970 : création de certificat de moniteur pour ISP 1992 : fin de l ISP, avec la fermeture des centres de formations spécifiques 2006 : circulaire relative à la mise en oeuvre du tutorat pour les nouveaux infirmiers exerçant en psychiatrie 2009 : Mise en place d’un nouveau référentiel de formation 12 André Petitat, « La profession infirmière, un siècle de mutations », in : Pierre Aïach, Didier Fassin, Les métiers de la santé. Enjeux de pouvoir et quête de légitimité, Paris, Anthropos, coll. : « Sociologiques », 1994, 364 pages, p. 227-259. 8 6. Un volume horaire en baisse Un calcul effectué sur base du référentiel de formation de l’ISP,du programme de 1992 et celui de 2009 donne les chiffres suivants pour un futur infirmier se destinant au champ de la santé mentale : (ISP) Les élèves infirmiers de secteur psychiatrique (ISP) suivent 400 heures d’enseignement et deux stages de 200 heures en soins généraux. La psychiatrie est enseignée sur une base de 800 heures théoriques et 800 heures de stage auxquelles s’ajoutent trois stages complémentaires de 160 heures chacun. Soit un total de 2280 heures. Enseignement théorique 784 heures ; stages 1460 heures ; Programme 1992 Sur une base d’un étudiant se destinant à exercer dans le champ de la santé mentale : Enseignement théorique : 360 h obligatoires, Approfondissement 80 heures, Sans compter 80 heures de cours mêlant pédiatrie et pédo-psychiatrie, non pris en compte. Stage obligatoire : 280 heures en santé mentale, 140 heures en pédo psy ou pédiatrie. 700 heures de stage étaient laissées à l’appréciation de l’équipe pédagogique. Si je prends la moitié de ces heures soient 350 heures. Programme de 2009 80 heures de théorie et un stage de 10 semaines et le stage optionnel de 5 semaines. Un tableau récapitulatif ISP Programme 1992 Programme 2009 2280 heures 1210 heures 605 heures Soit un rapport de 3.5 entre l’ISP et le référentiel de 2009. Certes quantité ne rime pas avec qualité mais ces chiffres interrogent. Or une identité est comme, nous l’avons vu, est le fruit de la formation initiale mais aussi de la formation continue et des apprentissages expérientiels. 7. Le changement de 2009 et son paradigme Le nouveau référentiel de formation a développé la logique de compétences. Cette logique de compétences est à l’œuvre dans l’ensemble du monde du travail. Elle vise à mettre en avant autant que des savoirs des capacités. La dynamique des compétences repose sur l’aptitude à résoudre un problème. C’est à dire cerner une problématique, faire appel à une méthodologie de résolutions de problèmes puis d’appliquer la solution trouvée. Cette dynamique de résolution de problèmes est appelée réflexivité. Ce terme est introduit par Donald SCHÖN en 1983, son constat est que le praticien (celui qui pratique) possède un « savoir caché ». En réfléchissant sur ses pratiques grâce à ses connaissances ou en cherchant des données des il y a une production de savoirs qui sont réinvestis dans les pratiques ultérieures. L’enjeu du référentiel de 2009 est la formation d’infirmiers formés par et pour cette pratique. Avec à terme objectif de formalisation scientifique des savoirs infirmiers par le biais de l’ouverture de diplôme de niveau Master et à terme de niveau doctorat. 9 8. La réflexivité Définition de la réflexivité : La réflexivité est un processus dans lequel la personne s’engage à questionner une pratique. Il s’agit de séquencer une activité, d’en dégager les problèmatiques de manière intuitive ou non, de nourrir ce processus avec des connaissances. Puis de reconstruire son activité et d’en évaluer le résultat opérationnel. La réflexion est donc un processus de changement. Ce changement s’opère sur 3 niveaux : Un niveau technique La compréhension du sens de l’activité Réflexion émancipatrice qui permet à la personne de critiquer ses pratiques et de libérer de ses représentation. Représentations induites par sa personne et ce qui a permis sa construction tant personnel que professionnel Taylor (2000), Taylor, B. (2000). Reflective Practice: A Guide for Nurses and Midwives. London: Open University Press Pour schon il s’agit « une conversation avec la situation » 1994 . Avoir une « pratique réflexive »13 [290] . : être un sujet qui autoévalue en permanence sa pratique, sans l’arrêter, au cours de l’acte même, en continu. Figari, G. (1994) Evaluer quel référentiel ? Bruxelles : De Boeck. 2. Faire un retour réflexif : par exemple, sur la validité, l’efficacité du choix opérationnalisé : se demander si le choix rencontre les intentions de départ, s’il constituera une solution adéquate au problème que l’on cherche à solutionner et les bénéfices escomptés en justifient les coûts ; analyser son implication : travail du double processus d’implication/distanciation Site michel vial Pour P PERENNOUD « la pratique réflexive représente, dans les métiers techniques, une réhabilitation du bon sens et de l'intuition, elle devrait, dans les métiers de l'humain, prendre la forme inverse d'une rationalité professionnelle mieux adossée à des savoirs partagés et validés à propos des processus en jeu » 14 .Les savoirs ainsi crées se transmettent rendant nécessaire une formalisation. Dans cet article l’auteur y décrit la pratique réflexive comme : « Comme les situations de travail forment des familles, la réflexion dans l’après-coup est presque toujours, qu’on s’en rende compte ou non, une façon d’anticiper. Un praticien réflexif vit dans un cycle sans fin dans lequel chaque moment de réflexion hors du feu de l’action marie à la fois un retour sur ce qui s’est passé et la préparation à une éventuelle ou inéluctable « prochaine fois ». On pourrait donc tenter de distinguer, dans l’après-coup, deux mouvements qui n’ont pas le même sens : - l’un est orienté primordialement vers l’action accomplie ; 14 PERENNOUD (P.), Adosser la pratique réflexive aux sciences sociales, condition de la professionnalisation, Éducation Permanente, n° 160, septembre 2004, p.31 10 - l’autre est orienté primordialement vers l’action ou les actions semblables à venir. Mais rien ne permet d’affirmer que ces deux mouvements correspondent à deux phases bien distinctes. Il paraît donc préférable de distinguer simplement deux fonctions de la réflexion dans l’après-coup : 1. Une fonction de catharsis, clairement orientée vers la liquidation du passé ; l’être humain a besoin de revenir sur ses actes pour (se) comprendre, construire du sens ou de la cohérence a posteriori, intégrer ce qu’il a vécu, intellectuellement et émotionnellement, en particulier lorsque l’expérience a été forte, empreinte de douleur, d’angoisse, d’excitation ou de joie. 2. Une fonction d’apprentissage, qui peut, mais ce n’est pas son seul sens, préparer à affronter des situations analogues. » 15Page 4 Il s’agit ici de faire émerger des schémas, sous tendant des actions, et ainsi prendre conscience de phénomènes sous jacents dans notre fonctionnement professionnel Ce que L’auteur définit par : « On pourrait donc dire que le praticien réflexif, lorsqu’il analyse son action dans l’aprèscoup, s’interroge aussi sur l’analyse de la situation qu’il a menée sur le vif. Il cherche par exemple à comprendre pourquoi il n’a pas perçu ou jugé pertinent tel élément dont, a posteriori, l’importance lui paraît évidente : « Comment n’ai-je pas compris que cette agressivité était un message de détresse ou que cette assurance cachait une faille ? » 16 Au delà d’un simple d’un retour sur une pratique, sur une situation, le défi est de comprendre son propre fonctionnement en situation afin de le réguler. Ce que confirme la lecture des 10 caractéristiques de la réflexion dans la pratique définies par .Johns (2000, 2004), Cet auteur a décrit les dix «C» (ou caractéristiques) de la réflexion dans la pratique: 1. Compromis: accepter les responsabilités, être ouvert, avoir de la curiosité et de la bonne volonté pour changer les voies normatives afin de répondre aux situations; 2. Contradiction: montrer et comprendre la contradiction entre la pratique désirable et la pratique réelle; 3. Conflit: plus le conflit est relié à la contradiction, plus la personne adoptera une action appropriée; 4. Défi et appui (Challenge and support): en confrontant les attitudes normatives, les croyances et les actions du praticien dans un sens où elles ne menacent pas le praticien; 5. Catharsis: travaillé des sentiments négatifs; 6. Création: se déplacer au-delà de l’individu pour voir et comprendre de nouvelles façons de voir et de répondre à la pratique; 7. Connexion: en mettant en lien de nouveaux insights dans le monde réel de la pratique et en appréciant la temporalité de l’expérience en tout temps; 8. Caring: réaliser une pratique souhaitable dans la réalité de tous les jours; 15 PERENNOUD (P.), Adosser la pratique réflexive aux sciences sociales, condition de la professionnalisation, Éducation Permanente, n° 160, septembre 2004, p.31 16 Ibid p6 11 9. Congruence: se voir soi-même afin de développer davantage le caring; 10. Construire un knowing personnel dans la pratique: tissage d’un savoir personnel avec la théorie existante17 page 39 pilar La catharsis peut être vue comme une libération symbolique de nos passions mais aussi dans son sens freudien comme un rappel à la conscience d’une idée refoulée. L’insight lui peut être défini comme la perception, la compréhension d’un phénomène de manière subite. Donc à travers ces deux éléments, nous pouvons supposer que la réflexivité permet de trouver des solutions à des problématiques dont soit nous ignorions l’existence ou qui subitement nous apparaissent. La place de la réflexivité dans le soin Pour pilar hidalgo Le premier postulat est que les praticiens produisent des savoirs, le deuxième que cette production est toujours le fruit de la réflexivité individuelle (projet réflexif de soi) et du dialogue avec d’autres (réflexivité collective) et le troisième que cette production est influencée par le contextepratique (micro contexte), institutionnel (règles et ressources) et professionnel (autonomie professionnelle et identité infirmière).18 Le travail réfléxif est donc le produit tout comme l’identité professionnelle d’un rapport à soi, aux autres et à son contexte social De plus il permet de faire émerger du sens « Le fait que les praticiens soient capables de faire un compte rendu de leurs pratiques, c’est-à-dire, qu’ils puissent communiquer aux autres ce qu’ils font et pourquoi ils le font, constitue le premier pas vers la visibilité de ces savoirs pratiques » .19 ce sens est à orienter dans deux directions : le patient « on pourrait affirmer que les infirmières, au moyen de la réflexivité individuelle et collective (examen et révision constantes des pratiques), créent des savoirs pratiques nouveaux et modifient les anciens si elles perçoivent une continuité dans leur propre identité. Toutefois, cette perception de continuité de l’identité est influencée par le sentiment de sécurité ontologique et d’autonomie professionnelle. Les infirmières auront un sentiment de sécurité ontologique si elles sentent que ce qu’elles font est préférable pour les patients à ce qu’elles faisaient auparavant. » et dans une direction d’amélioration des soins : Ces incohérences entre ce que les infirmières pensent qu’elles font dans leur pratique et la pratique observée par la chercheure, permettent de se rendre compte qu’il s’avère nécessaire 17 Johns, C. (2000). Becoming a Reflective Practitioner. A reflective and holistic approach to clinical nursing, practice development and clinical supervision. London: Blackwell Science. Johns, C. (2004). Becoming a Reflective Practitioner. (2ème éd). Oxford: Blackwell Publishing 18 DELGADO HITO (P.), Le processus de production de savoirs dans la pratique infirmière au moyen de la réflexivité thèse de doctorat en sciences infirmières avril 2010, p.92 19 Ibid p70 12 de passer par l’autoobservation de la pratique (se voir elles-mêmes) pour se rendre compte de la véritable réalité de leur pratique et, en conséquence, pouvoir la modifier ».20 De plus elle replace cette perspective de création de savoirs et d’amélioration des pratiques dans une dynamique d’affirmation d’une nouvelle identité crée par ses nouveaux savoirs : En résumé, cette dernière étape du processus de production du savoir par la réflexivité, soit la reconstruction émancipatoire du savoir, permet de mettre en évidence une réflexivité davantage émancipatrice que compréhensive où les infirmières développent progressivement un savoir qui tient compte de l’ensemble mais aussi un savoir intégré dans la pratique, un savoir découlant d’un consensus parce qu’elles construisent conjointement une approche sur laquelle elles s’entendent à travers même la diversité et un savoir plus responsable car il est plus en accord avec l’idéal infirmier. De plus, ce processus émancipatoire permet aux infirmières de développer un sentiment d’empowerment sur leur capacité de modifier la pratique actuelle et leur contexte, une plus grande sécurité ontologique puisqu’elles se sentent bien ; elles se sentent en accord avec ce qu’elles pensent réellement du soin ; ça les rassure de voir qu’elles peuvent être ce qu’elles aimeraient être. C’est ainsi qu’une identité infirmière renouvelée se produit21. Voilà pourquoi les infirmières ont du mal à être reconnues et sont en perpétuelle quête d’identité, un peu comme si elles n’avaient pas à leur disposition un contenu professionnel perçu par elles-mêmes comme suffisamment riche et utile et qui pourrait leur apporter une identité propre et être ainsi reconnues par la société. Pourtant, cette identité existe et il ne faudrait pas agir seulement au niveau de la quête d’identité mais plutôt développer une stratégie pour inculquer la valeur des soins infirmiers, et clarifier ainsi que réaffirmer l’identité. »22 Véritable défi pour une profession qui aspire tout à la fois à une indépendance du corps médical et à une reconnaissance de son expertise. Ces travaux sont pertinents car il se place dans une perspective scientifique des savoirs infirmiers. Savoirs infirmiers dont la définition est « Ensemble des connaissances élaborées à partir de la pratique infirmière, de certaines disciplines scientifiques et où interviennent des facteurs socioculturels et des valeurs professionnelles ».23 Nous retrouvons dans cette définition, en filigrane la définition d’une construction réflexive à partir d’un corpus fondant une identité professionnelle. Il nous apparaît donc que des situations durant lesquelles les soignants ensemble s’interrogent sur leur pratiques en faisant appel à leur savoir théorique sont innombrables en service de psychiatrie. 9. Mutations des organisations soignantes Les mutations importantes des structures de soins induites par des nouvelles techniques de soins, des restructurations de services, la mobilité professionnelle, des changements d’approche dans le parcours de soins des patients obligent les professionnels à se réapproprier en permanence leurs missions. Pour delgado « Les acteurs et les institutions (structures) ne sont pas des phénomènes indépendants, ils s’imbriquent dans une relation complexe et 20 Ibid p114 Ibid p 182 22 Ibid p 205 23 MAGNON (R.), Dictionnaire des soins infirmiers, Masson; 3e édition revue et augmentée, 2005, p.176 21 13 complémentaire. Il convient de voir les institutions non comme extérieures aux acteurs mais plutôt comme un élément constitutif et engagé dans l’action des acteurs. Page 56 delgado Si changement dans les missions il ya, de nouvelles approches sont à trouver. Ces nouvelles approches peuvent être différentes d’une structure de soins à une autre mais peuvent aussi servir d’exemples, de guides pour d’autres services. La formalisation des ces nouvelles approches nécessitent pour bénéficier de la reconnaissance des pouvoirs publics, des partenaires institutionnels, des autres professionnels d’un niveau de formalisation que nous pouvons qualifier de scientifique, appliquant une méthodologie connue des lecteurs, avec une analyse des résultats. Le point de départ de toute recherche est le questionnement initial d’une situation, son questionnement sur la base des connaissances, la formulation d’hypothèses puis l’application d’un changement dans des procédures puis la validation ou non de ces changements sur des critères objectivables. 10. Un groupe à part ? Les infirmiers exerçant en psychiatrie forment ils un groupe professionnel à part dans le monde soignant ? Poser cette question revient à passer en revue les attributs d’une identité professionnelle au travers du prisme sociologique. Les Infirmiers en santé mentale possèdent une rhétorique spécifique, des lieux communautaires d’échanges : Forum spécifique sur infirmiers.com, site internet de partages de connaissances tel que psychiatrieinfirmière et cerfpsy.org. , des revues professionnelles spécifiques. Des mouvements sociaux de contestations tel que le collectif des 39 contre la nuit sécuritaire Donc autant d’éléments fondant un groupe spécifique avec ses lieux de rencontres et de reconnaissance mutuelle, ses éléments de langage. De plus nous avons vu que la formation continue contribue aussi la formation de l’identité professionnelle. Elle permet l’appropriation de valeurs culturelles, l’expérience permet de dégrossir un travail entamé en formation initiale. Ce travail de formation continue est d’autant plus d’actualité qu’une génération de soignants va quitter le monde soignant. Plus de 50% des professionnels aujourd’hui en activité seront à la retraite en 2015. La problématique de gestion des compétences s’intensifie.24 Se pose avec encore plus d’acuité la problématique d’une transmission des savoirs issus de pratique et donc la formalisation de ces savoirs. De plus les soignants actuels n’ont plus des 24 GUERRAUD(S.), La pratique réflexive : un enjeu déterminant pour les professions paramédicales, Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique, 2006, p.9 Banque de données en santé publique : 14 parcours professionnels linéaires, ils peuvent changer de lieu d’exercice, venir travailler en psychiatrie et ensuite retourner au somatique. Cette approche de transmissions des savoirs est une question récurrente depuis le référentiel de 1992. Spécificité du champ psychiatrique et formation Accompagnement à l’arrivée en service Le Plan psychiatrie et santé mentale de 2005 -2008 identifie un volet “formation continue” visant une meilleure adaptation des nouveaux infirmiers exerçant en psychiatrie, et se concrétise dans la circulaire du 16 janvier 2006 relative à la mise en œuvre du tutorat pour les nouveaux infirmiers exerçant en psychiatrie25. La difficulté fut de mettre en place un référentiel de savoirs théoriques et pratiques à apporter tout en accompagnant ces nouveaux professionnels sur le terrain en vue d’une amélioration des pratiques. « La qualité de la pratique soignante psychiatrique est liée au savoir-être relationnel, qui s’acquiert essentiellement avec la pratique de terrain, le travail d’équipe pluridisciplinaire et le compagnonnage. »26 « Si la formation représente un puissant vecteur de la transmission des pratiques professionnelles, elle est avant tout un levier primordial de l’amélioration de la qualité des soins ».27 Selon TREGOUET S « Ce projet de formation est hautement complexe car même si la clinique infirmière en psychiatrie est présente dans nos pratiques soignantes, elle reste difficile à définir, donc à transmettre, car elle repose essentiellement sur l’implicite des savoirs relationnels. En outre, la relation à un sujet en souffrance psychique est fondée sur des interactions intersubjectives dans lesquelles affect etsavoir sont fortement imbriqués »28 . L’auteur met en évidence que plus qu’un savoir spécifique il faut aussi se pencher sur le soignant qui plus est si il est jeune diplomé : « En outre, le scénario psychique professionnel de ces jeunes infirmier(e)s doit être assoupli car la formation initiale ne les prépare pas à ces situations si différentes de l’idéal du bon comportement ou de la bonne conduite qui obéirait à des objectifs rationnels. »29 Et il poursuit « L’idée qui a animé chacun des formateurs ou formatrices était de transmettre leurs propres savoirs afin d’aider les jeunes professionnels à se positionner dans un processus d’acceptation du doute, de questionnement sur les soins infirmiers en psychiatrie, au contraire d’une démarche d’apprentissage fondée sur les certitudes, la méthodologie et la rationalisation, si présente dans la formation initiale. »30. Pour l’auteur la fonction première de la formation en psychiatrie serait surtout d’apporter au soignant une culture du questionnement et donc par conséquent du sens des actions de soins. Paradoxalement l’auteur tout en misant sur une formation axée sur la pratique et le questionnement regrette que les infirmiers écrivent peu : 25 Circulaire DHOS/P2/O2DGS/6C n° 2006-21 du 16 janvier 2006 26 BARREAU (P.), GORIOT (E.), LEUWERS ( S.), RIAULT (T.), Compagnonnage et consolidation des savoirs sur le terrain, soins psychiatrie, n° 253, décembre 2007, p.23-26 27 Ibid p X 28 TREGOUET (S.), Consolidation des savoirs infirmiers en psychiatrie et clinique infirmière, soins psychiatrie, n°253, novembre/décembre 2007, page 32 29 Ibid page 35 30 Ibid page 35 15 « Les infirmiers en psychiatrie écrivent si peu que leur rapport à l’écriture a du mal à s’inscrire dans cette dimension de la clinique et de l’éthique. N’y aurait-il pas un interdit à écrire la clinique, à transmettre la dimension subjective de la rencontre à l’autre en lien avec notre héritage ? »31, et l’auteur d’affirmer « La pratique infirmière risque de devenir “enfermante” si le sens des pratiques et des situations de soins n’est pas élaboré en collectif soignant. »32. C’est à dire qu’elle la place pour des savoirs formalisés ou du moins à une production d’écrits issus spécifiquement du soin infirmier. De nouveau se repose la question du champ de compétence de l’infirmier et la reconnaissance de ces savoirs par l’institution et la société. « Le paradoxe de ces dispositifs de formation de consolidation des savoirs en psychiatrie est de reconnaître la nécessité d’une formation complémentaire en psychiatrie sans aboutir à une formation diplômante, véritable reconnaissance professionnelle. » page 35 « Cette formation sur la consolidation des savoirs ne risque-t-elle pas d’être l’arbre qui cache la forêt d’une absence de spécialisation professionnelle ». Pour certains la question d’un master en psychiatrie se pose avec en filigrane la question du champ de compétences associées à ce nouveau diplôme. « Nous soulignons l’intérêt de s’inscrire dans une démarche de, développement de notre champ professionnel qui ne soit pas “par défaut”, comme un simple transfert ou glissement d’actes médicaux délégués aux infirmiers, mais comme une position professionnelle toujours en construction. »33 Il s’agirait de reconnaître des champs d’excercice où l’infirmier est souvent un intervenant de première ligne , c’est à dire à amené à prendre des décisions dans des situations sans avoir recours systématiquement à un médecin : primo consultation en CMP, consultation infirmière à l’hopital, activité socio thérapeutique. D’autres se demandent si la création d’une spécialité ne reviendrait pas à créer un corps à deux vitesses et quelle est la logique guidant la création de ce diplome « La création d’infirmiers experts et/ou spécialisés en psychiatrie serait-elle susceptible d’apporter une plus-value à ceux qui souffrent de maladies psychiatriques ? Que pourraient attendre les patients de ces néo-soignants, que ne leur apporte pas ceux qui oeuvrent actuellement ? Peut-être est-ce lié au constat d’une formation insuffisante des actuels infirmiers d’État dans le champ de la psychiatrie. Autre hypothèse, ces infirmiers seraient amenés à assumer ce que font actuellement les psychiatres, mais à moindre coût. De ce glissement, émanerait un arrangement pour faire face aux restrictions budgétaires qui touchent certains établissements. Il pourrait encore s’agir d’une stratégie politique visant la paix sociale avec une population infirmière souvent malmenée dans les institutions, du fait du manque de personnel et des contraintes qui s’imposent à elle de façon croissante. La possibilité d’une reconnaissance 31 TREGOUET (S.), Consolidation des savoirs infirmiers en psychiatrie et clinique infirmière, soins psychiatrie, n°253, novembre/décembre 2007, page 33 32 Ibid op cité p34 33 TORTONÈSE (M.), Des pistes pour un master infirmier en psychiatrie, soins psychiatrie, n° 277 novembre/décembre 2011, p27 16 institutionnelle et financière serait de nature à faire accepter le “difficilement acceptable”. »34 Methodologies des entretiens Choix des soignants : Il m’est apparu intéressant de confronter deux points de vue. Celui de jeunes diplômés et celui de diplômés plus anciens. Ceux ci afin de comparer leur vision du métier, ce qui a participé de la construction de leurs savoirs et comment ils se perçoivent. Les critères d’inclusion étaient l’ancienneté dans le champ de la pasyhciatrie : moins de deux ans et plus de 10 ans. Le deuxième, qui n’a pas été respecté, est d’avoir des soigants ayant bénéficié du dispositif du tutorat. Les biais de la recherche: La première difficulté fut de trouver des soignants. En effet je devais énoncer ma question initiale. Le premier obstacle fut l’usage du mot réflexivité, peu de soignants en poste connaissent ce mot, de plus l’identité professionnelle est elle aussi une notion qui peut apparaître flou. Peut être mon questionnement initial est mal formulé voire abscond pour les soignants qui sont centrés sur leurs pratiques quotidiennes. De plus le contexte de réorganisation des services de psychiatrie dans lequel fut mené l’entretien pouvait influer sur les réponses. Choix de l outil : Des entretiens semi directifs dont les thématiques sont : L’identité professionnelle La résolution de problèmes Les soignants Virginie : diplôme en 2001, elle a peu exercé en somatique, 6 mois à son début de carrière. Elle a choisi initialement d’être en psychiatrie. Eliane : diplôme 2002, elle a exercé 4 mois en somatique à son début de carrière puis est venue à la psychiatrie par obligation et y est restée. Nelly : diplôme en 2011, puis voulant être infirmière anesthésiste elle a passé 6 mois dans un service d’urgence puis s’est réorientée vers la psychiatrie. Antony : diplôme en 2011, 1 an dans des services somatiques en attente d’un poste dans un service de psychiatrie. L’exercice à l’origine est volontaire pour 3 soignants sur 4, la quatrième y est restée car elle s’y est plue. 2 soignants à la fois expérimenté et novices interrogés reconnaissent avoir une identité particulière via leur compétence et leurs objectifs de soins « Oui, dès qu’on parle d’une spécialité, il y a des spécificités, notamment en psychiatrie, la relation thérapeutique, très spécifique à la psy, le gros du travail, la gestion de crise et d’urgence lors des décompensations, c’est très spécifique à la psychiatrie, je pense que c’est les deux choses les plus spécifiques de la psychiatrie. 34 TOUZET (P.), Infirmiers experts ou infirmiers spécialisés, un choix pour la psychiatrie, soins psychiatrique, n° 277-novembre/décembre, 2011, p 30 17 « On ne recherche pas la même chose, en somatique on soigne voire on guéri tandis que dans la psychiatrie on accompagne et on essaye d’alléger la souffrance psychologique des patients. » « au niveau compétence, c’est autre chose, au niveau de l’écoute de la relation à l’autre, grâce à mon expérience j ai un peu plus de recul qu’a une infirmière en somatique et encore…., » Deux soignantes sont portées par des valeurs. Une par des valeurs qu’elle qualifie de personnelles : « je pense que quand on choisit de travailler en psy, on a forcément des valeurs différentes à la base en tant que personne déjà , plus de l’ordre du social, du rapport à l’autre, plus établi sur la relation, l intérêt de la relation de l autre, de la communication et des valeurs sociales de l intérêt qu’on peut porter à la différence et la maladie psy, ce sont des valeurs personnelles. ». Pour l’autre on peut identifier des valeurs soignantes qu’elle estime plus investies en psychiatrie : « Donc les urgences, les soins techniques et courir partout et être frustrée dans mon travail infirmier. Ce n’était que des soins techniques et moi je ne conçois pas le soin infirmier comme ça. Quand j ai eu une patiente qui avait fait une tentative de suicide, qu’elle pleurait devant moi et que je n’avais pas le temps pour écouter sa douleur, sa souffrance. Du coup je suis revenue en psychiatrie. » Nous retrouvons dans ces deux extraits la problématique de l’identité professionnelle qui est à la fois le produit de soi, comme dans le premier cas et aussi de valeurs que la personne pense porter au travers de son métier. Par contre une autre même si elle pense être différente du fait de ses compétences a les mêmes valeurs soignantes : « j ai les mêmes valeurs qu’une infirmière en soins généraux, je ne suis pas différente par contre au niveau compétence, c’est autre chose ». Ce champ des compétences revient souvent : Mes compétences ont été développées dans ce sens : communication, relation à l’autre, communication de crise mais qui sont toujours en apprentissage, car on apprend toujours. Oui, c’est particulier car tous les soignants n’ont pas ces compétences. » ; « au niveau compétence, c’est autre chose, au niveau de l’écoute de la relation à l’autre, grâce à mon expérience j ai un peu plus de recul qu’a une infirmière en somatique et encore ». « j avais la trouille, en fait je pensais ne pas avoir de compétences, de connaissances suffisantes en psy pour y travailler » Nous voyons bien qu’une situation d’exercice particulière crée donc des compétences particulières, il s’agit donc bien des caractéristiques d’une identité professionnelle car le métier, l’occupation produit un savoir spécifique. Donc par une approche par compétence l’infirmier en psychiatrie occupe une place à part. Si nous continuons notre analyse en se basant sur ce qui fait l’autonomie d’une profession c’est à dire pour les infirmiers le rôle propre celui ci est plus investi non pas par une volonté soignante de l’investir mais par les spécificités du lieu d’exercice « Nursing, écoute, entretien, tout çà, plus ici que dans d’autres services » ; « La relation, l’écoute oui, le nursing oui mais différemment car outre la problématique psychique il y a le rapport au corps, vu l intérêt relationnel, elles sont menées différemment. » 18 « Beaucoup de rôle propre car moins de somatique car moins de somatique, nursing mais aussi c’est tout l’accompagnement, les entretiens , les activités thérapeutiques, il y a plus d’initiatives » Toute la problématique infirmière du rôle propre est exprimée ici car le rôle propre est investi si le lieu d’exercice permet à celui ci d’être investi et non pas délégué au détriment du rôle prescrit. Par contre en termes de valeurs soignantes les infirmiers interrogés ne voient pas différence fondamentales. Ce qui leur permet de s’inclure dans un groupe plus vaste qui est celui des infirmiers en général. « Non je ne me sens pas différente» et « Mis en avant différemment ». Donc les infirmiers en psychiatrie formeraient un sous ensemble d’un groupe plus vaste. À la question de savoir si ils se présentent comme infirmier ou comme infirmier en psy à des gens qu’ils ne se connaissent pas les réponses sont partagées. Pour 3 diplomés la réponse est nette « infirmier » mais il s’agit surtout du regard que porte la société sur ce lieu d’exercice et l’imagerie qu’il véhicule encore qui les poussent à se présenter comme infirmier. « AH ! Tu as choisis ?, c’est le regard des autres. », « Les représentations son fortes », « cela dépend des gens ». Un seule pense le dire car « le sens du travail n’est pas le même » Sur deux expertes une seule cite les ISP : « un puits de science je dirais, au niveau pratique professionnelle en psy , c’était des mines d’or, je me tournais souvent vers eux. » Ce qui revient à dire qu’avec le départ de ces professionnels, une perte de savoirs particuliers est craindre. Pour l’autre l’accompagnement permet surtout de cerner l’organisation spécifique et d’éviter de se perdre dans une organisation particulière et moins cadrante qu’en service de somatique : « Il y a des rapports à l’organisation, c’est compliqué à se repérer dans le temps, le temps forts de la semaine ou des patients. » », le « plus prédominant c’est la capacité à s’adapter ». Guide d’entretien Formaliser un guide d’entretien Définir les thématiques à aborder ne fut pas le plus difficile, par contre l ‘élaboration de questions ouvertes faisant sens pour les soignanst fut plus ardu. Pour eux le concept de l’identité professionnelle est flou et recouvre une réalité difficilenemnt apréendable. Comment faire la frontière entre le soi personnel et le soi professionnel. Des sous questions plus précises orientant les soignants furent rédigées afin de guider, sans influencer le soigant dans ses réponses furent écrites. Elles furent simples, sans double sens L identité professionnelle infirmière Avec comme question introductive Quelles son 19 Cela revient en psychiatrie à la fois à dévelloper une connaissance des autres mais aussi connaissance de soi, ce que le pourrai appeler une clinque du soignant. 20