le défi posé par la pénurie de main-d`oeuvre

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Edition du 1er octobre 2012
Démographie –
le défi posé par la pénurie de main-d’œuvre
Le principal problème que pose le vieillissement de la population n’est pas le financement
des œuvres sociales, mais plutôt la future pénurie de main-d’œuvre. Travail.Suisse invite la
politique à agir. Améliorer les conditions de travail et l’infrastructure pour la conciliation
(vie familiale et activité professionnelle) sont au cœur du problème, afin qu’il y ait suffisamment de travailleurs et travailleuses en Suisse à l’avenir pour répondre aux besoins
fondamentaux de la société.
Susanne Blank, responsable de la politique économique, Travail.Suisse
Lorsqu’il est question du vieillissement de la population en Suisse, on pense automatiquement à la
prévoyance vieillesse et l’on s’inquiète des possibilités de financement à l’avenir. C’est une vision à
trop court terme. Le principal problème que pose la démographie n’est pas le financement des
œuvres sociales, mais le marché du travail, ou plus précisément la pénurie de main-d’œuvre.
En 2030, 400'000 travailleurs qualifiés manqueront à l’appel sur le marché suisse du travail
Selon une étude menée en 2011 par le Bureau BASS, mandaté par Travail.Suisse, jusqu’à
400'000 travailleurs et travailleuses feront défaut en 2030 en Suisse. En 2020, près de 30'000 enseignants et enseignantes manqueront à l’école obligatoire, d’ici à 2030 il manquera 190'000 personnes dans le secteur des soins et des thérapies, mais on aura également besoin de milliers
d’artisans et artisanes et d’ingénieurs et ingénieures, de conducteurs et conductrices de locomotives et de cars postaux, de policiers et policières, etc. Nous avons besoin de cette main-d’œuvre
pour faire fonctionner l’économie, mais aussi pour satisfaire les besoins fondamentaux de la société: à titre d’exemple, l’accompagnement et les soins aux personnes âgées, la formation de nos
écoliers, le maintien de la sécurité publique ou l’exploitation des transports publics. Ces prestations
sont nécessaires pour que notre pays continue d’être très attrayant et stable. Il ne reste plus beaucoup de temps à la politique et à l’économie pour agir.
Améliorer les conditions de travail et l’infrastructure pour la conciliation
Travail.Suisse a identifié les axes suivants, auxquels il faut s’attaquer pour lutter efficacement
contre la menace d’une pénurie de main-d’œuvre dans un proche avenir.
Maintenir les travailleurs et travailleuses d’un certain âge dans la vie active jusqu’à l’âge normal de
la retraite
Cela ne sert à rien de vouloir relever l’âge de la retraite. C’est un fait, aujourd’hui seuls 55 pour
cent de toutes les personnes âgées de 63 ans continuent de mener une vie professionnelle. Près
de 40 pour cent de toutes les retraites anticipées sont prises pour raison de santé, de nombreux
actifs âgés tombent à la charge de l’assurance invalidité ou de l’assurance chômage. Par conséquent, pour de nombreuses personnes, relever l’âge de la retraite équivaudrait à faire baisser froidement leur rente. Lors de votations populaires, de telles questions ne recueillent plus guère de
majorité au sein de la population vieillissante. De toute façon, qui accepterait déjà de plein gré une
baisse de sa rente?
L’objectif visé doit consister en un maintien des travailleurs et travailleuses dans le marché de
l’emploi jusqu’à l’âge légal de la retraite. Pour atteindre cet objectif, il faut améliorer les conditions
de travail tout au long de la vie active. Il y a lieu de corriger les mauvaises incitations qui font que
des personnes gagnant bien leur vie quittent prématurément la vie active. Les entreprises sont
invitées à offrir à leurs actifs d’un certain âge des modèles de travail innovateurs.
En améliorant l’infrastructure pour la conciliation, on contribue à augmenter la participation des
femmes à la vie active
On ne cesse de parler du « dernier réservoir de main-d’œuvre qu’il s’agit d’utiliser, à savoir les
femmes ». C’est oublier que celles-ci représentent aujourd’hui déjà une forte participation à la vie
active, et que les mères font dix fois plus de temps partiel que les pères, mais le double de travail
domestique. Les exigences posées aux femmes sont immenses et ne sont vraisemblablement
guère réalisables: premièrement, elles devraient augmenter leur participation à la vie active et leur
taux d’activité afin de soulager la pénurie de main-d’œuvre. Deuxièmement, elles devraient devenir
mères et élever des enfants afin de freiner la dénatalité, et troisièmement, en leur qualité de filles,
elles devraient accompagner et soigner leurs (beaux-)parents vieillissants.
L’objectif visé consiste à faire en sorte que le projet « famille » ne soit plus le seul apanage des
femmes et de la sphère privée. À cet effet, la collaboration des hommes est nécessaire, ainsi que
le développement des prestations familiales accordées par le service public. Concrètement, il faut
pour la conciliation une infrastructure fiable, abordable, et organisée à l’échelle du pays, qui permette aux femmes d’augmenter leur activité professionnelle et leur taux d’activité.
La Suisse aura encore besoin de la main-d’œuvre étrangère à l’avenir
Il est notoire que la Suisse est un pays d’immigration, et elle devra le rester à l’avenir pour répondre au vieillissement de la population sur le marché du travail. À cet égard, il ne faut pas oublier
qu’à l’avenir, nous ne pourrons plus recruter aussi facilement de la main-d’œuvre en provenance
d’Etats de l’UE, car nos voisins européens ont à lutter contre les mêmes problèmes démographiques, problèmes parfois encore plus aigus que les nôtres. Au cours des prochaines décennies,
l’immigration de travailleurs et travailleuses en provenance d’Etats de l’UE se déplacera vraisemblablement plus fortement vers l’immigration en provenance d’Etats tiers.
L’objectif visé consiste pour la Suisse à rester attrayante pour la main-d’œuvre étrangère, à l’avenir
aussi. Pour cela, elle doit maintenir ses facteurs essentiels d’attractivité, en particulier sa qualité de
vie élevée, sa stabilité politique, son infrastructure performante, son bon climat social et son fort
pouvoir d’achat. En plus de travailleurs et travailleuses hautement qualifiés, la Suisse aura également besoin de personnel spécialisé dans le domaine de l’accompagnement et des soins. À cet
effet, il est nécessaire d’améliorer les conditions de travail et les salaires.
Investir afin de réussir à maîtriser le changement structurel
L’évolution démographique ressemble à un changement structurel économique du marché du travail qu’il s’agit de réussir à maîtriser. Pour ce faire, il faut des investissements adéquats en lieu et
place de simples plans d’austérité. Il nous faut être capables d’avoir, dans vingt ans également,
suffisamment de main-d’œuvre qualifiée qui contribue à satisfaire les besoins fondamentaux d’une
société vieillissante.
Le secteur des soins connaîtra une croissance de plus en plus forte, alors que les possibilités
d’augmenter sa productivité sont limitées. Il n’est guère possible de rationaliser l’encadrement des
enfants ou les soins aux personnes âgées, qui exigent certaines normes de qualité, ni de les organiser de manière à en augmenter l’efficacité. De plus, les salaires et les conditions de travail ne
sauraient stagner, encore moins se détériorer, dans le secteur des soins, faute de quoi on ne trouvera plus de travailleurs et travailleuses prêts à pratiquer ces activités. Le service public, qui doit
être redéfini, doit avoir pour tâche de rendre cette branche plus attrayante. La solution passe par
l’amélioration des conditions de travail et de bons salaires, versés par les pouvoirs publics pour le
bien de l’ensemble de la société vieillissante.
Travail.Suisse, Hopfenweg 21, 3001 Berne, tél. 031 370 21 11, [email protected],
www.travailsuisse.ch
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