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Le voyage de Cabral
Depuis le début du XVème siècle les navigateurs portugais à l'initiative de la monarchie et
de marchands cherchent la route des Indes. Ils procèdent par étapes successives en lançant
des expéditions annuelles le long des côtes d'Afrique :
- en 1434 le cap BOJADOR est franchi,
- en 1470 le golfe de GUINÉE est reconnu.
- en 1487-88 voyage d'information de Pero da Covilha qui, d'Aden gagne I'Inde, visite Sofala et
se fixe en Ethiopie.
- en 1487 Bartolomé DIAS passe le Cap de BONNE ESPÉRANCE.
- en 1498 VASCO de GAMA atteint les Indes.
La route portugaise est tracée.
L'expédition de CABRAL se situe à la charnière de la période des découvertes et de celle de
l'exploitation : elle a pour mission d'élargir les découvertes de VASCO de GAMA, sans doute de
trouver une nouvelle étape dans I'ATLANTIQUE qui sera le BRESIL, de nouer des alliances en
INDE avec les souverains que les Portugais continuent à croire chrétiens. Surtout, l'importance
de I'armada (13 navires, 1500 hommes) indique qu'il s'agit d'une démonstration de force pour
éliminer la concurrence arabe. Enfin CABRAL, a pour mission de négocier et de rapporter
épices et métaux précieux. Des marchands florentins avaient fourni une cargaison de coraux,
de cuivre, de mercure, de draps de lin et de lunettes, des présents d’orfèvrerie à destination du
Samorin, le souverain de Calicut.
La flotte prend la mer le 9 mars 1500, c'est-à-dire à une date favorable pour doubler le cap de
Bonne Espérance avant l’hiver austral et embouquer le canal du Mozambique avant l’inversion
des courants.
Aux incertitudes de la navigation sur des routes déjà reconnues, la perte d'un vaisseau
au large des îles du Cap Vert en témoigne, le voyage de CABRAL ajoute les périls de
I'exploration.
Dès que l'expédition s'éloigne des côtes d'Afrique dans la direction du sud-ouest, elle se
déroule sous le signe de l'inconnu. La traversée vers le BRESIL se passe sans incident, mais
dans l'Atlantique sud l'ignorance des vents et des courants entraîne la catastrophe : un navire
égaré, quatre navires perdus corps et biens dont celui de BARTOLOME DIAS, le capitaine qui a
le premier doublé le Cap de BONNE ESPÉRANCE.
Le long des côtes d'Afrique Orientale, les Portugais retrouvent la route tracée par leurs
prédécesseurs et leur navigation est sans histoire : même un navire isolé comme celui de
DIEGO DIAS remonte jusqu'à la Mer Rouge. Dans cette partie du voyage, l'essentiel tient à
I'accueil des souverains locaux dont il faut s'assurer les bonnes grâces, nécessaires à la
sécurité des escales portugaises sur la route de I'Inde.
La dernière partie du trajet aller s'effectue sous la direction des pilotes arabes dont I'expérience
permet de franchir sans difficulté l'Océan Indien. Arrivée en vue des côtes de l'Inde, la flotte
atteint enfin au but principal de sa mission.
Au plan de la navigation, le cabotage d'un port à l'autre ne présente pas de problème.
Pour le retour, les navires empruntent la route traditionnelle qui est relativement sûre. Un
incendie détruit pourtant l'un d'eux, mais l'équipage peut être sauvé.
A l'arrivée à LISBONNE, d’après les chroniques, la flotte de CABRAL ne comporte plus que
quatre navires.
Sur les treize qui ont pris le départ: quatre ont fait naufrage. L'un a brûlé, deux se sont égarés,
deux enfin ont été chargés de missions particulières. Les pertes les plus lourdes, pendant ces
seize mois de navigation sont subies dans les mers inconnues des Portugais.
La découverte du Brésil de CABRAL prend une valeur symbolique comparable à celle de
COLOMB.
Est-ce une véritable découverte due au hasard?
Les chroniques le laissent penser, mais les pilotes ont peut-être délibérément étiré I'arc
de leur route pour trouver une nouvelle escale avant le Cap de BONNE ESPÉ RANCE. Divers
indices et en particulier le traité de TORDESILLAS (1494) qui repousse la ligne de partage
entre domaine espagnol et domaine portugais de 100 à 370 lieues à l'ouest des îles du Cap
Vert tendent à prouver que le BRÉSIL était déjà connu des navigateurs portugais. La
découverte de CABRAL serait plutôt une prise de possession.
CABRAL ne reste que dix jours à PORTO SEGURO, mais il entre en contact avec un
nouveau monde, celui des Indiens.
La relâche des navires sur la côte brésilienne fut une
escale enchanteresse parmi des hommes et des femmes qui sortaient des bois peuplés de
perroquets, sans autre costume que les peintures qui couvraient leur peau, et que les Portugais
faisaient danser au son des cornemuses. Les hommes du XVI ème siècle y porteront un grand
intérêt : ainsi les Français qui tenteront une colonisation sans lendemain au milieu du siècle
prendront connaissance des mœurs, de l'organisation sociale, de la culture de ces Indiens. Un
voyageur français. THEVET livre dans ses ouvrages : Les singularités de la France antarctique
(1557) et la Cosmographie universelle (1575), une foule d'informations à caractère
ethnographique qui donneront naissance au mythe du bon sauvage. l’Histoire d’un voyage faict
en la terre de Brésil( 1578) de Jean de Léry, militant calviniste par vocation et ethnologue par
accident, livre un saisissant tableau d’une société amérindienne qu’il a côtoyée neuf mois
durant, dans une œuvre d’une étonnante modernité.
Dans leur périple autour de l'Afrique les Portugais cherchent à atteindre l'Inde,
pays d'épices dont CALICUT au centre de la côte de MALABAR est le marché principal. Les
négociants arabes se sont assurés depuis des siècles le monopole de ce commerce qui, par
l'Océan Indien, la Mer Rouge ou le Golfe Persique, se dirige vers la Méditerranée. L'objectif des
Portugais est d'évincer leurs concurrents arabes en les prenant à revers. Pour y parvenir, ils
cherchent des alliés, en particulier auprès des chrétiens de I'INDE (communautés anciennes
dont les Portugais s'exagèrent I'importance).
Lors de son premier voyage, VASCO de GAMA a rencontré des difficultés avec le roi de
CALICUT et les marchands arabes de la ville. Aussi, dès qu'il est en vue du port, CABRAL
commence-t-il par faire une démonstration d'artillerie... avant de faire au Samorin les présents
d'usage (tissus précieux, orfèvrerie), il lui remet aussi une lettre rédigée en arabe adressée par
dom Manuel à un roi que l’on croyait chrétien. Il obtient l'autorisation d'établir une factorerie
mais les rapports des Portugais avec le roi se détériorent, sans doute à la suite des intrigues
des commerçants arabes. En fait, la volonté portugaise d'interdire aux Arabes le commerce des
épices ne peut qu'amener l'épreuve de force. L’incident évoqué dans la narration anonyme a
été provoqué par une initiative imprudente de Cabral qui s’est emparé d’un vaisseau d’épices,
provoquant en retour la brutale réaction des habitants de Calicut ; en représailles au massacre
des quarante portugais de la factorerie, le port est mis par les Portugais à fogo e sangue puis
l’armada, rangée le long du rivage, bombarde la ville un jour durant, Ce dramatique épisode
sera prétexte à rancœurs pendant plusieurs décennies, ce dont témoigne peut-être le poème
en arabe de 1570. Les hostilités sont ouvertes à Calicut lorsque Cabral quitte la terre indienne
en 1501 après avoir fondé un comptoir à Cochin. Et ce, d’autant plus que l’usage de l’artillerie
réveille le souvenir des jonques chinoises, armées en guerre qui avaient menacé Calicut une
soixantaine d’années auparavant.
Après CABRAL cette politique se poursuit et prend une forme systématique avec
ALBUQUERQUE (1509-1515) qui, par la conquête militaire et la création de comptoirs
fortifiés (ORMUZ, GOA, MALACCA etc.), construit I'empire portugais de l'Océan Indien.
L’expédition de Cabral est fondée sur l’expérience de Vasco de Gama, elle est armée
par le roi et ceux qu’il a associés à l’exploitation de la route du cap de Bonne Espérance :
négociants, nobles. Autour de l’Inde retrouvée, les continents se mettent en place, dom Vasco a
relié des mondes dont on ne connaissait que des fragments : celui du sultan du Caire, celui
de Marco Polo, celui du Prêtre Jean. A l’automne de 1502, un agent du duc d’Este parvient à se
procurer à Lisbonne une carte de navigation. Ce précieux document conservé à Modène,
donne la première image de l’océan Indien qui marque la rupture avec les représentations
antiques et médiévales (voir planisphères). Ce planisphère dérobé a été réalisé à partir des
mesures rapportées par Vasco de Gama, l’Afrique est au centre, le dessin détaillé de ses côtes
s’oppose à une représentation plus sommaire de l’Asie : un triangle sommaire figure la
péninsule indienne où la côte de Malabar présente une densité toponymique remarquable ; le
rôle stratégique des Maldives est souligné. On a l’impression que ce schéma de l’Asie est prêt à
être perfectionné chaque fois que l’avance portugaise dans l’océan indien permettra d’acquérir
de nouvelles certitudes.
L’expédition de Cabral est à la fois un voyage de découverte, un voyage d’affaire et une
mission politique. En ces années où Christophe Colomb est en mer, on craint que les Castillans
ne parviennent à trouver par l’ouest, les îles des épices, aussi faut-il les gagner de vitesse.
Personne ne peut encore soupçonner l’existence du Pacifique.
Bibliographie sommaire :
- Geneviève Bouchon : Vasco de Gama. Paris, Fayard, 1997.
- Documentation photographique n° 6001, Paris 1972. « Navigateurs et négociants du XVIème
au XVIIIème siècles ».
- Sanjay Subrahmanyam : « Comment les Indiens ont découvert Vasco de Gama ? » L’Histoire
N°355
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