Tritons et salamandres

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Tritons et salamandres
Les tritons et salamandres sont les
rois et les reines des étangs, des
lacs et des marais. Comme tous les
nobles, ils ont des modes de vie
bien variés, se permettent quelques
vacances aquatiques, des goûts de
luxe et de grandeur, comme la
salamandre géante, des moyens de
défense bien efficaces, des liens de
famille très tordus, des histoires
d’amour peu simples, mais aussi
une vie passionnante, que nous
vous invitons à découvrir. Bienvenue
au château !
Les espèces
Ils ont conquis la terre ferme il y a quelques centaines de millions
d’années, ils se sont divisés, ont donné naissance à nos petites bêtes :
plongez dans la fabuleuse famille des amphibiens !
Cousins des mares
Les tritons et les salamandres font partie de la classe des amphibiens. Au sein de cette immense classe
(mais qui ne contient que trois groupes), on trouve l’ordre Caudata, également appelé les urodèles. Deux
noms bien différents, pensez-vous ? Que nenni, ils signifient la même chose ! Caudata vient du latin
caudatus, « pourvu d’une queue », urodèle du grec : ouros (queue) et dêlos (visible). En effet, la plupart
des amphibiens n’ont une queue qu’au stade larvaire, alors que les urodèles la gardent toute leur vie
durant.
Cet ordre regroupe neuf familles, réparties en soixante-deux genres et trois cents quatre-vingt espèces. Les
livres grand public ne font guère plus de différence à partir de là : dix de ces genres sont alors
communément appelés « tritons », on parle des « salamandres » pour tous les autres, avec la petite
précision suivante : les tritons sont aquatiques et les salamandres terrestres.
On verra que cette dernière conclusion n’est pas toujours vraie. Quant au classement, on peut s’y tenir et
considérer comme synonymes « urodèles » et « salamandres et tritons ». Mais vous trouverez nos vrais
tritons et salamandres au sein de l’ordre des urodèles, dans la famille des salamandridés.
Le plus petit des urodèles est un plethodontidé qui vit au sud du Mexique et qui mesure 27 mm –la queue
de 14 mm comprise.
La plus grande espèce est la salamandre géante qui peut atteindre 1,80 m et peser soixante-cinq kilos.
Habitants du Nord
On trouve la plupart des urodèles dans l’hémisphère Nord. On les rencontre en Europe, en Aise centrale et
septentrionale, en Afrique du Nord, en Amérique du Nord et au Mexique.
Au Sud, on trouve tout de même une ou deux espèces : quelques membres de la famille des Hynobiidae et
Salamandridae (sud-est asiatique), d’autres peuvent se voir en Bolivie centrale et au Brésil méridionial. La
salamandre géante, elle, habite en Chine.
Les tritons et les salamandres se rencontrent aussi bien au niveau de la mer que jusqu’à environ 4500
mètres d’altitude où existe encore une humidité suffisante pendant une partie de l’année. On y remarque
une grande spécialisation : certains urodèles sont devenus arboricoles ou rupicoles (dans les rochers),
d’autres exploitent uniquement les eaux souterraines pour survivre.
Familles primitives…
Le sous-ordre des Cryptobranchoidae regroupe les espèces les plus primitives dont la fécondation est
externe. Il est divisé en deux familles : les cryptobranchidés et les hynobiidés, qui ne se ressemblent pas
beaucoup.
 Les cryptobranchidés : cette famille comprend les ménopomes et les salamandres géantes. Ils vivent
dans l’eau courante et respirent par leur peau formée de grands replis. Ils n’ont encore que des fentes
branchiales, leur métamorphose n’est pas tout à fait complète.
 Les hynobiidés : ils comptent trente-cinq espèces et neuf genres, dont la longueur n’excède jamais
vingt-cinq centimètres et qui vivent toutes en Asie, hormis la salamandre de Sibérie qui atteint l’ouest de la
Russie (Europe).
… et familles évoluées
Les sept familles évoluées (cinquante genres, trois cents cinquante espèces) sont regroupées dans le
sous-ordre des Salamandroidea. On observe chez ces espèces une fusion de l’os angulaire et du
préarticulaire à la mâchoire inférieure (les cryptobranchidea ont les deux os de la mâchoire inférieure
nettement séparés l’un de l’autre).
 Les sirènes : cette famille possède de nombreuses particularités, ce qui a poussé des scientifiques à
les placer dans un sous-ordre séparé, ou même dans un ordre différent. Elles gardent leurs branchies
toute leur vie, elles ont de petits yeux, pas de membres postérieurs, presque une forme d’anguille. Elles
vivent dans le sud-est des Etats-Unis ainsi qu’au Mexique.
 Les protéidés : on y trouve les protées et les nectures. Les premiers ont été nommés ainsi par le
naturaliste Laurenti par analogie à Protée, le dieu qui pouvait changer d’aspect à son gré. Leur découvreur
pensait qu’il s’agissait de la forme juvénile d’un dragon. Les nectures habitent aux Etats-Unis où, une
légende voulant qu’elles aboient, elles sont appelées chiens d’eau. Les protéidés ne perdent jamais leur
branchies et n’ont pas de paupières.
 Les ambystomatidés : les trente espèces vivent au sud de l’Alaska et au Canada.
 Les dicamptodontidés : les quatre espèces se localisent au nord-ouest des Etats-Unis.
 Les amphiumes : on pourrait prendre les trois espèces pour des anguilles – un corps long, une vie
enfouie dans la vase, fentes branchiales et branchies internes –, s’ils n’arboraient pas quatre minuscules
membres. On les trouve au sud-est des Etats-Unis, mais les apercevoir n’est pas facile.
 Les salamandridés : ce sont nos « vrais » salamandres et tritons ! Cette famille comprend une
soixantaine d’espèces en quatorze genres différents. Les espèces de dix genres sont appelés tritons, les
quatre autres sont nommées salamandres. Ils ont colonisé toutes sortes d’habitats – on les rencontre
d’ailleurs chez nous. On les reconnaît à leurs couleurs vives.
 Les pléthodontidés : il s’agit de la plus grande famille des Caudata. Les deux cents quarante espèces
connues, réparties en trente genres, vivent en Amérique du Nord, au centre de la Bolivie, à l’est du Brésil.
En Europe, on n’en rencontre que quelques-uns en Sardaigne et au sud-est de la France. Ils sont aussi
nommés salamandres sans poumons, puisqu’ils respirent par la peau.
Légendaire salamandre
Les salamandres ont été le sujet de nombreux contes et légendes et cela depuis bien longtemps. L’origine
de leur nom tient sa phonétique d’un mot arabo-persan qui signifiait « qui vit dans le feu ». Il n’y a pas si
longtemps, on pensait que la salamandre jaune et noire d’Europe pouvait traverser un mur de flammes
sans se brûler. En anglais, elle est d’ailleurs nommée fire salamander, en allemand Feuersalamander.
François 1er – le fameux roi français de la Renaissance auquel les salamandres doivent leur célébrité –
avait fait représenter sur ses armes une salamandre au milieu des flammes, et dont la devise était : « J’y vis
et je l’éteins ».
Cette association du feu et de la salamandre vient sans doute de la Forêt-Noire en Allemagne. Autrefois,
les bûches étaient empilées près des maisons, offrant des abris idéaux pour nos salamandres. En hiver,
lorsque le bois était introduit dans la maison et jeté dans la cheminée pour être brûlé, les salamandres,
sous l’effet de la chaleur, se réveillaient et tentaient de s’enfuir, comme si elles surgissaient des flammes.
En Egypte, la salamandre était le hiéroglyphe représentant l’homme mort de froid et plus tard, elle est
devenue un symbole chez les alchimistes.
Quant au triton, son nom vient de la mythologique gréco-romaine : Triton était le prénom que portait le fils
de Neptune et Amphitrite. C’était une créature bizarre qui avait le bas du corps en queue de poisson, mais
était humain à partir du ventre. Cela ne vous rappelle pas quelque chose ? Eh oui, Walt Disney s’en est
sûrement inspiré !
En mal d’ancêtres
Comment se portaient les salamandres il y a quelques millions d’années ?
Les scientifiques ont encore aujourd’hui bien du mal à apporter une réponse à cette question. Les premiers
fossiles remontent au jurassique supérieur, c’est-à-dire il y a cent cinquante millions d’années. Mais on
situe l’apparition des urodèles il y a de 63 à 3 millions d’années.
Il est néanmoins possible de retracer une partie de leur histoire en se projetant il y a 350 millions d’années.
C’est à peu près à cette époque que des poissons un peu plus évolués, qui vivaient près du bord dans les
bas-fonds des marais, ont conquis la terre ferme pour devenir des amphibiens. Mais ce n’était qu’une demiconquête, puisque ces batraciens ne sont jamais parvenus à se détacher complètement du milieu
aquatique, devant régulièrement retourner dans l’eau (reproduction…). On n’oublie d’ailleurs pas que leur
nom d’amphibien vient du grec : amphi signifie « double » et bios « vie ».
En 1726, on retrouva les fossiles d’une salamandre géante. M. Scheuchzer, chercheur suisse à qui l’on
attribua les mérites de la découverte, pensa qu’il s’agissait du corps d’un humain, « témoin du déluge »,
appelé Homo diluvii testis. Un siècle plus tard, on s’aperçut de l’erreur et notre amphibien fut correctement
nommé Andrias scheuchzeri.
Petit roi, petite reine
Certes, ils ne règnent pas et des prédateurs les guettent sans cesse,
mais ne trouvez-vous pas qu’ils ont une petite allure royale ? Reine du
feu et roi des mers s’allient pour vous donner un splendide spectacle.
Lézards sans écailles
Les urodèles ressemblent à priori à des lézards sans écailles. Linné, père de la taxonomie moderne
(science de la classification), a d’ailleurs pris, lors de ses premières observations, la salamandre pour un
lézard et a entrepris de placer toutes les nouvelles espèces de ce genre qu’il découvrirait avec les reptiles.
Le corps des salamandres sont lacertiformes. Leur tête – assez petite – est plus ou moins distincte de leur
corps, mise à part pour les espèces complètement aquatiques où la tête est allongée, comme une anguille
(dans ce cas, leurs membres sont très courts).
Leur queue est presque aplatie, munie d’une crête chez les espèces qui vivent le plus clair de leur temps
dans l’eau. Quant à celles qui vivent sur la terre, elles en possèdent une plutôt arrondie, parfois légèrement
comprimée. Quelques-unes d’entre elles ont même développé pour cet organe la faculté d’attraper quelque
chose, comme le ferait un éléphant avec sa trompe.
La queue des urodèles mesurent entre dix et vingt centimètres. Parfois, elles s’en séparent volontairement
et la régénèrent ensuite.
Multipeaux
Après leur maturité sexuelle, salamandres et tritons continuent à grandir, ce qui explique la perte périodique
de la couche superficielle cornée de leur peau. La mue diffère selon les espèces : la peau s’en va par
lambeaux ou tout d’un coup, jusqu’à une fois par semaine. L’exuvie est ensuite dévorée par son expropriétaire.
La peau des urodèles renferme trois types de glandes, réparties sur toute la surface du corps : il existe des
glandes muqueuses, séreuses et mixtes – ces dernières étant moitié muqueuses, moitié séreuses.
La peau recouverte de glandes muqueuses est homogène et collante. A terre, elle protège les animaux du
dessèchement et permet les échanges respiratoires. Dans l’eau, elle maintient la pression osmotique
interne (équilibre des sels et de l’eau dans les fluides du corps) et sert de lubrifiant pendant la nage : nos
amphibiens à la peau lisse sont ainsi à l’aise pour se déplacer dans le milieu aquatique.
Les glandes séreuses produisent une sécrétion granuleuse qui répand une odeur bien particulière. On les
trouve sur la partie supérieure de la tête, derrière les yeux, sur la queue et les côtés du dos.
Quant aux glandes mixtes, elles produisent à la fois des substances séreuses et muqueuses et sont
répandues sur toute la surface du corps.
Certains pléthodontidés, ambystomatidés et salamandridés possèdent encore une quatrième glande,
appelée hédonique, qui joue un rôle sexuel. La glande que le mâle arbore sur son menton est remarquable.
Les salamandres et les tritons n’ont pas toujours la peau lisse. Quelques fois, elle est même rugueuse ou
affiche un aspect verruqueux – cela est dû aux glandes venimeuses.
Les urodèles les plus aquatiques ont certes la peau lisse qu’on leur connaît. Mais dès que les espèces
gagnent la terre ferme, elle se fait rugueuse.
Les couleurs sont aussi diversifiées que les matières. On rencontres des salamandres et tritons brunâtres,
jaunes, gris, blanches, roses… Des dessins ornent leur peau. Les couleurs criardes sont le plus souvent
situées sur le dos et les flancs : chez des espèces, on les voit uniquement chez le mâle pendant la saison
de reproduction, chez d’autres, c’est toute l’année, et chez les deux sexes, que l’on peut les admirer.
Les tritons à taches rouges aiment que leur vie change de couleur ! Cette espèce, qui vit dans l’est des
Etats-Unis, passe deux à trois ans à terre sous une phase colorée de rouge, puis retourne à la vie
aquatique en revêtant une livrée verdâtre ornée de taches rouges de chaque côté du corps.
Un squelette souple
Le crâne des urodèles est d’abord formé de cartilages. Ils s’ossifieront durant la croissance. On y trouve
aussi des os de membrane. La forme et la disposition de ces os crâniens tiennent une place importante
pour la classification des espèces.
La colonne vertébrale est divisée en cinq régions : cervicale (une seule vertèbre), dorsale (de 11 à 63
vertèbres), sacrée (une vertèbres), sacrocaudale (2 à 4 vertèbres) et caudale (de 20 à 100 vertèbres pour
les os de la queue !).
La plupart des espèces ont quatre doigts aux membres antérieurs, cinq aux postérieurs.
Normalement, les urodèles ne possèdent pas d’ongles, mise à part deux espèces asiatiques où les orteils
se terminent par un étui corné, une petite griffe noire.
Drôle de bouche
Les salamandres et les tritons n’ont pas de glandes salivaires. Ceux et celles qui passent leur vie dans
l’eau ont une langue de type dit primaire : il s’agit d’un simple repli sur le fond de la bouche, sans muscles
et donc peu mobile.
Les espèces terrestres ont une langue bien plus développée, utilisée pour la capture des proies. Les dents
sont petites, implantées sur les bords des mâchoires supérieures et inférieures, mais aussi sur le plafond
Peau
de aussi
mue ont
d’un
de la bouche. Elles jouent parfois un rôle sexuel. Les
larves
de vraies dents, contrairement à
triton
celles des grenouilles.
Respirer à tout prix, à toute sorte
La respiration chez les urodèles est diversifiée. La plupart possède des poumons qui ont l’aspect de sacs.
Les pléthodontidés en sont dépourvus et les échanges gazeux ont lieu à travers la peau et les muqueuses
de la gorge et de la bouche. Les tritons, eux, utilisent le même système, mais doivent remonter
régulièrement à la surface pour respirer. Les salamandres géantes, en aquarium, viennent reprendre leur
souffle toutes les vingt-cinq à quarante minutes, mais on peut imaginer que dans les eaux vives, riches en
oxygènes, cette remontée est moins fréquente.
La respiration cutanée est aussi utilisée par des espèces qui connaissent le système pulmonaire, par
exemple lorsqu’elles hibernent dans l’eau.
Les larves ont des branchies et quelques salamandres les conservent une fois adultes. Les axolotls
mexicains ont des branchies externes qui sont en fait des touffes rouges accrochées sur la tête comme des
cheveux. Les amphiumes ont des branchies internes.
Un cœur pour la vie
Le cœur n’est qu’un seul ventricule où sangs artériels et veineux se mélangent partiellement. Les
amphiumes renferment d’ailleurs les plus grands globules rouges de tous les vertébrés. Leur nombre
s’accroît lorsque le sang n’est plus assez oxygéné.
Le cerveau est petit, le système nerveux assez simple. Les yeux sont grands. Il n’y a pas d’oreilles
externes. Les vibrations sont
ressentie à travers les
mâchoires ou les os voisins
du crâne. Mais les urodèles
arborent aussi des organes
sur la ligne latérale qui leur
permettent de détecter les
Les meilleures saisons pour observer les salamandres et les
changements de pression de
tritons sont le printemps – de février à avril – et l’automne, et bien
l’eau, les courants et les
évidemment pendant la nuit.
vibrations de basse
Dès février, nos batraciens se mettent à sortir à la quête d’un(e)
fréquence.
partenaire. Au mois de mai, ils se font déjà plus rares ; ils
Le cloaque est situé sous la
réapparaissent dès l’arrivée de l’automne (septembre). Lors des
base de la queue – il contient
nuits douces et pluvieuses, les femelles mettent bas, les
les organes reproducteurs,
retardataires s’accouplent.
mais aussi les orifices
En hiver, restez au chaud chez vous, et les urodèles feront de
urinaires.
même. Notez cependant que si vous vous trouvez en montagne
(dès 300 m d’altitude), vous aurez peut-être la chance d’assister
à un déplacement précoce des tritons qui, dès décembre, se
dirigent déjà vers des mares de reproduction.
Où les observer ?
Rester enfant
à jamais
Chez les amphibiens, il existe un phénomène bien connu des scientifiques : la néoténie. Il s’agit d’individus
qui atteignent leur maturité sexuelle, tout en conservant de nombreux traits caractéristiques des larves.
Il existe plusieurs formes de ce retardement puéril. La néoténie totale concerne les larves qui ne
grandissent jamais et ne pourront jamais se reproduire. La néoténie temporaire est une métamorphose
retardée : la salamandre est une immense larve. Enfin, la néoténie partielle, appelée aussi pædogenèse : la
maturité sexuelle apparaît dès le stade larvaire. Là aussi, plusieurs possibilités sont présentes : soit la
métamorphose ne peut être activée, ou bien elle peut l’être, mais sous traitement hormonal. Un exemple :
les axototls, urodèles aquatiques qui ne vivent que dans un seul lac du Mexique, ont souvent été élevés en
captivité. Lorsqu’on injecte aux néoténiens une hormone thyroïdienne, ils perdent leurs branchies et
deviennent terrestres.
Une autre anecdote court souvent à leur sujet : auparavant, on croyait les axolotls tous atteints de néoténie.
Un jour, un biologiste observa une larve d’axolotl se métamorphoser en une salamandre, dont on croyait
jusqu’à présent qu’elle faisait partie d’une autre famille !
Mais la pædogenèse facultative est courante : l’individu a l’étrange capacité de se reproduire en tant que
larve, mais atteindra ensuite son corps d’adulte.
La néoténie ne tombe pas toujours par hasard. Ainsi, des naturalistes ont observé 90% de cas de néoténie
chez les tritons palmés vivant dans le Caucase – alors que la proportion est bien plus basse ailleurs. A quoi
cela est-il dû ? Sans doute au fait que les mares qu’ils habitent ont un climat peu variable, sont riches en
potassium, bien pourvues en invertébrés et en végétaux, parfaitement oxygénées. Si on est bien dans
l’eau, pourquoi aller voir ailleurs ?
Silencieux amphibiens
Si les grenouilles et les crapauds sont réputés pour être bruyants, les tritons et les salamandres, eux,
n’émettent presque aucun son. Ils n’ont pas de larynx leur permettant de faire résonner des sons,
seulement un organe rudimentaire dépourvu de cordes vocales.
Lorsqu’ils sont dérangés, ils peuvent cependant faire entendre un couinement faible, voire un glapissement
pour les sirénidés ou un petit cri chez les pleurodèles.
L’odorat est l’un des sens les plus développés. Il est important à la fois pour la recherche de nourriture et
les interactions sociales.
L’eau, élément indispensable
Les urodèles ont besoin d’eau, certes, mais de façon bien différente selon les espèces. Si certaines
espèces terrestres s’en passent facilement quelques temps, il n’en est pas de même pour tous : les tritons
crêtés, malgré leurs escapades sur le sol, doivent toujours conserver leur peau humide. De nombreuses
salamandres disposent de sillons costaux qui maintiennent l’humidité sur tout le corps.
Les sirènes adorent les mares et les marais riches en végétation et au fond vaseux. Les protées privilégient
les eaux souterraines.
Lorsqu’il fait trop froid ou trop sec, nombres d’individus se réfugient sous la végétation pourrissante, où ils
trouvent l’eau vitale, ou s’enfoncent profondément sous des pierres, dans des crevasses de roche ou
même dans le sol, comme le font les sirénidés qui s’enveloppent dans un cocon de mucus, ne laissant
dépasser que le bout de leur nez.
Ils ne reprennent leurs activités que lorsque la situation a retrouvé un climat acceptable.
La vie nocturne
La majorité des urodèles sont actifs dès le crépuscule, activité qui se poursuivra durant toute la nuit.
Les tritons crêtés se cachent sur terre le jour et gagnent l’herbe humide dès le coucher du soleil.
La nuit est le moment idéal pour leur chasse. Carnivores invétérés, ils attrapent de petits invertébrés :
insectes, araignées, crustacés, mollusques et vers ravissent les plus petits de nos urodèles. Les plus gros
préfèrent s’attaquer à de petits vertébrés.
Quand il n’y a plus rien à se mettre sous la dent, ou trop peu, le cannibalisme est une solution à ne pas
dédaigner : il intervient aussi bien entre les larves qu’entre les adultes.
Les salamandres géantes ont un régime un peu plus vaste, du fait de leur taille. Elles attrapent ainsi
fréquemment des grenouilles et s’attaquent aux charognes abandonnées.
A terre, les urodèles repèrent leurs proies grâce à la vue. Dans l’eau, c’est un système sensoriel plus
complexe qui est mis en place : l’odorat joue un rôle important, tout comme les cellules de leurs flancs qui
détectent les vibrations. Les dents ne leur servent pas à mastiquer, mais à retenir les proies, souvent
glissantes et agiles, dans leur bouche.
La déglutition ne ressemble pas à celle des grenouilles, qui se servent de leurs pattes antérieures pour
pousser la nourriture dans leur gueule. Les tritons préfèrent avaler leur dîner à mouvements saccadés :
ainsi, les escargots ne sont pas mâchés, mais avalés tout rond, les larves de trichoptères ne sont pas
sorties de leur fourreau.
Proies à venin
La vie n’est pas sans dangers pour nos petits amphibiens. Ils sont les proies d’autres amphibiens, mais
aussi de tortues, de serpents (par ex. vipères), de lézards, de poissons, d’oiseaux (hérons, échassiers,
etc.), de mammifères et de grands invertébrés. Un biologiste a même fait part dans un livre d’une drôle
d’observation pour illustrer les dangers qui guettent ces amphibiens dès la ponte : « Nous avons observé,
au cours d’une nuit, dans une mare, une femelle de triton palmé pondant ses œufs, alors que derrière elle
un triton crêté les consommait systématiquement ! ». Il ajoute : « Il aurait pu également dévorer la femelle,
nettement plus petite que lui ». En effet, les œufs sont parfois détruits par les carpes qui broutent la
végétation et, une fois devenues larves, elles sont bien souvent les proies d’insectes aquatiques
(libellules…) ou de poissons, comme les truites, les brochets, les perches… Enfin, on a relevé la présence
de parasites sur des larves.
Malgré cette croulée d’arguments, ne les croyez pas si vulnérables qu’ils en auraient l’air ! Si on a le
malheur de les attaquer, ils sécrètent des substances toxiques ou gluantes. Certains tritons sont
redoutables : ainsi, ceux de Californie possèdent une substance très dangereuse, répartie dans la peau, les
muscles et dans le sang, mais aussi dans leurs œufs. Après analyse, on a remarqué qu’il s’agissait de
tétrodon-toxine. C’est un poison si violent qu’un centigramme suffit à tuer sept mille souris. Il est bien sûr
mortel pour l’homme.
Mais il ne faut pas se méfier qu’en Californie, car notre bonne vieille salamandre tachetée n’est pas
inoffensive non plus Si son venin – une douzaine de glandes dispersée sur la peau – peut tuer un petit
mammifère et intoxiquer un chien, il n’est pas rare qu’un être humain, après avoir manipulé une
salamandre, soit pris de vomissements s’il a porté la main à sa bouche ou qu’il devienne temporairement
aveugle s’il s’est frotté les yeux.
L’autotomie – la perte de la queue – est également une pratique courante.
Les postures de défense sont diverses : certaines salamandres arquent leur corps, la queue
perpendiculaire, exhibant leur ventre aux couleurs vives pour prévenir les prédateurs du venin qu’elles
renferment. Cette attitude est nommée unken reflex. Evidemment, ces colorations prévenantes typiques,
que les prédateurs ont appris à
reconnaître, profitent aux
imitateurs qui, sans être
venimeux, se parent de
couleurs qui les font croire
dangereux. Habile…
Enfin, ajoutons que si toutes les
salamandres ne sont pas
venimeuses, cela ne veut pas
dire pour autant qu’elles ne
La salamandre tachetée est sans doute celle que vous vous
soient pas dangereuses : les
représentez lorsque vous entendez son nom. Le mâle mesure
salamandres géantes ont la
dix-sept centimètres, dont sept de queue, la femelle, elle, peut en
mauvaise habitude de mordre
atteindre trente et un. Elle est présente dans toute l’Europe
qui les embête.
continentale et son aire de répartition s’étend même jusqu’au
Maghreb et au Proche-Orient.
Une forêt humide, une couche de feuilles mortes et un peu d’eau
à proximité : voilà tout ce qu’il faut à une salamandre. C’est
Les tritons et les salamandres
pourquoi on peut la rencontrer jusqu’à deux mille mètres
ont le sang froid, ce qui signifie
d’altitude dans les endroits les plus au sud. Elle ne rentre que
que leur température interne
rarement dans l’eau, et si elle s’y aventure, ce n’est que pour
dépend de la température
quelques minutes. La nuit, elle quitte son abri – racines d’un
externe.
arbre, souche, refuge souterrain – et s’en va à la chasse aux
De ce fait, plusieurs urodèles
escargots et aux limaces, qu’elle saisit entre ses mâchoires,
ne supportent pas la mauvaise
secoue violemment, puis avale.
saison et, dès son arrivée,
La salamandre tachetée doit son nom à ses taches, qui
économisent leur énergie et
préviennent les prédateurs qu’elle est venimeuse. Ses
hibernent. Le lieu de repos
glandes parotides sécrètent en effet un venin éjecté par
varie des profondeurs du lac à
des pores juste derrière les yeux. Si elle est capturée par
la fissure humide. Les tritons
un chien ou un chat, elle produira aussi un fluide laiteux,
creusent parfois dans le sol, ou
dont le goût est très désagréable : l’animal aura vite fait
s’abritent sous des pierres, ou
de la relâcher, en salivant abondamment pour diluer le
dans un tronc couché. Il n’est
venin. Petite précision : elle n’est pas immunisée contre
pas rare que ces amphibiens se
son propre poison !
rassemblent et s’agglutinent en
A la fin de l’hiver, après une longue hibernation, parfois à
boule, réduisant ainsi leur perte
plusieurs sous une pierre, elle s’éveille et s’accouple. Le
d’énergie et leur
mâle suit la femelle, la bouscule, essaie de la
déshydratation.
chevaucher. S’il n’y parvient pas après plusieurs
Il arrive parfois que des larves,
tentatives, il dépose alors un petit amas de sperme que
nées tardivement dans la
la femelle saisit elle-même et introduit dans son cloaque
saison, hibernent dans la mare
avec ses pattes postérieures. Les ovules fécondées vont
qui les a vues naître et ne se
ensuite rester plus de huit mois dans le ventre de sa
métamorphosent qu’au
mère ; au printemps suivant, notre madame salamandre
printemps suivant. Certaines
recherche une faible étendue d’eau puis y immerge son
survivent même au gel,
cloaque : en sortent alors trente à quarante petits qui
emprisonnées dans la glace.
s’éloignent vite fait de leur maman.
Dès que la température atteint
Trois mois plus tard, les larves sont devenues de petites
9°C, les urodèles sortent de
salamandres munies de poumons, quittant définitivement le
leur léthargie et s’en vont vers
milieu aquatique. Si elles y restaient, elles se noieraient : en effet,
elles sont incapables de nager, même en eau peu profonde.
La salamandre
tachetée
Dodo d’hiver
les milieux humides pour se reproduire…
Amour aquatique
Certains urodèles sont exclusivement aquatiques, d’autres exclusivement terrestres, d’autres encore
partagent leur vie entre les deux milieux. Leur cycle de vie diffère alors selon le mode de vie qu’ils ont
choisi.
Les amphibies, qui vivent sur la terre toute l’année, retournent souvent à l’eau pour se reproduire. Leur
printemps dure environ de février jusqu’à juin. Cela donne lieu quelquefois à des migrations.
Par exemple, les tritons crêtés vivent sur terre en automne et en hiver, mais passent les belles saisons –
printemps et été – dans l’eau. Là encore, les choix diffèrent : les tritons palmés se contentent de flaques
d’eau pour s’accoupler, alors que d’autres privilégient des mares.
Il existe chez les urodèles de nombreux codes et rituels sexuels. Les organes spécialisés sont nombreux :
les mâles pléthodontidés possèdent une glande au menton et de grandes dents. Ils s’en servent pour
« vacciner » leur partenaire d’une sécrétion aphrodisiaque. De même que des mâles salamandridés
produisent des substances appelées phéromones par le nez ou la peau, sensées stimuler la femelle. On a
montré que dans la nuit, les mâles tritons, qui développent une haute crête dorsale qui joue un rôle
important lors de la parade nuptiale (les tritons crêtés en ont aussi une qui se prolonge sur la queue),
peuvent repérer une femelle jusqu’à cinquante centimètres, grâce à l’odeur qu’elles émettent. Les tritons
palmés illustrent leur pseudonyme en cette période des amours : une palmure noire relie leurs doigts des
pattes postérieures.
Une parade en rythme
De nombreux mâles font des danses, dégagent des odeurs pour attirer la femelle. Parmi eux la plupart des
tritons : un mâle s’approche d’une femelle, l’incite à l’accouplement en la poussant du museau et en
frappant l’eau de sa queue ; il se place face à elle, ou à côté, courbe la queue et la fait vibrer. C’est grâce à
ces mouvements que la femelle perçoit aussi des sécrétions glandulaires qui viennent de la peau de son
partenaire. Après cette parade, notre mâle émet un spermatophore (masse gélatineuse contenant les
spermatozoïdes) qui va se poser sur le fond de la vase. La femelle vient alors presser son corps dessus,
finissant par l’insérer dans son cloaque. Il s’agit là d’une fécondation externe très particulière.
Le plus souvent, cependant, la fécondation est interne (le mâle dépose un spermatophore dans le cloaque
de la femelle), mais a ses exceptions : chez les cryptobranchidés et les hynobiidés, les mâles répandent
leur sperme sur les œufs que la femelle a déjà pondus.
L’ovulation et la fécondation – suivant la forme employée pour se reproduire – peuvent être différées de
quelques mois. Les salamandres d’Europe stockent les spermatozoïdes dans un orifice spécial : elles les
féconderont lors de l’ovulation.
L’accouplement à terre, même s’il est plus rare, a cependant pu être observé chez les salamandres
européennes. Mais elles vont ensuite déposer leurs larves dans l’eau.
L’accouplement des tritons
crêtés est particulier : les mâles
déposent leur spermatophore
sur le fond de la mare et les
femelles viennent s’en saisir par
les lèvres de leur orifice cloacal.
Après la période de
La reproduction des salamandres géantes est un peu différente
reproduction, certains tritons
de celle des salamandres que nous avons vues jusqu’à présent.
prolongent leurs vacances
C’est en août que le mâle commence à enlever les débris
aquatiques quelques semaines.
accumulés au pied d’un rocher pour façonner un abri en forme de
Lorsqu’ils regagnent la terre,
bol. La femelle y dépose de trois cents à quatre cents cinquante
leur crête est tombée et leur
œufs, sous la forme d’un long chapelet gélatineux d’un diamètre
peau, jusqu’alors lisse, redevient
de cinq millimètres, fécondés au fur et à mesure. La gélatine, qui
rugueuse (les tritons qui ne
entoure chaque œuf, gonfle pour atteindre la grandeur d’un grain
vivent que dans l’eau gardent
de raisin.
toute l’année leur crête et leur
Le mâle assure la surveillance de ses petits. En réalité, il est à la
peau lisse).
fois père et ogre, puisqu’il se nourrit d’une partie des œufs, puis
se nourrira d’une partie des larves.
L’éclosion a lieu deux ou trois mois après la monte. La larve
mesure un peu de vingt-cinq millimètres de longueur et est munie
de branchies externes. Ses membres n’étant que très peu
développés, elle est obligée de se propulser à l’aide de sa queue
aplatie latéralement qui a l’aspect d’un petit gouvernail. Dès que
L’instinct maternel, vous
les réserves de l’œuf sont épuisées, elle commence à nager et
connaissez ? Les salamandres
tente de creuser dans le limon pour y dénicher des vers et
et les tritons n’en ont jamais
d’autres petits animaux aquatiques. Ses ennemis, tout comme
ceux de ses parents, sont les tortues et les poissons carnivores.
Les branchies externes ne disparaissent que vers l’âge d’un an et
demi, lorsqu’elle mesure une douzaine de centimètres. Elle atteint
sa maturité sexuelle à cinq ans.
L’ogre salamandre
Livrés à euxmêmes
entendu parler ! Sitôt pondus, les œufs sont abandonnés à leur sort, avec pour seule protection une maigre
couche gélatineuse.
Les femelles tritons pondent de deux cents à trois cents œufs qu’elles vont déposer un à un sur les feuilles
des plantes aquatiques. Soigneusement, les femelles testent les végétaux par l’odorat et le toucher. Quand
l’un convient, elles le saisissent avec ses pattes postérieures, l’enroulent en forme de tube et y déposent un
œuf. Ce dernier pourra y rester accroché grâce à la substance gélatineuse protectrice qui l’entoure et se
colle à la feuille.
L’humidité est indispensable à au développement de l’oeuf. Dans l’eau, on les trouve attachés à des
rochers, des morceaux de bois, des racines submergées. Sur terre, sous l’ombre d’un arbre, de préférence
près d’une source d’eau.
Précisons quand même que certaines espèces pratiquement les soins parentaux : il s’agit d’espèces
terrestres, comme la salamandre géante, qui prend en charge ses cinq ou six petits. Evidemment, si l’on
songe à Ambystoma, qui donne naissance à plus de cinq mille œufs, on comprend pourquoi elle renonce à
l’autorité parentale…
Devenir larves responsables
Au bout de trois semaines environ, les petits œufs vont donner le jour à des larves… s’ils ne l’étaient pas
déjà ! En effet, plusieurs salamandres sont ovovivipares : des larves bien développées, presque des
répliques miniatures des adultes, sortent directement du ventre des femelles. Une possible explication :
alors qu’ils sont encore au chaud dans leur mère, les œufs pratiquent l’adelphophagie (d’adelphos, frère en
grec) : les embryons les plus gros mangent les plus petits, ce qui permet un développement plus rapide.
Autre exemple : des pléthodontidés terrestres pondent des œufs qui éclosent en jeunes déjà
métamorphosés.
Qu’importe, finalement, la façon dont ils parviennent à leur stade larvaire : une fois qu’ils y sont, il faut
assumer une nouvelle vie plein de dangers.
Les larves ont une queue est une membrane dorsale. Celles dont les parents se sont reproduits dans l’eau
arborent déjà un organe adhésif, appelé balancier, sur les côtés de la tête, qu’elles utilisent pour adhérer à
la matière sur laquelle elles veulent se reposer.
Peu à peu, les larves vont développer leurs branchies – jusqu’à présent, elles
étaient réduites
à des
Salamandre
tachetée
bourgeons – ainsi que leurs pattes : les antérieures apparaissent, les postérieures
timidement le
etpointent
ses petits
bout de leur nez.
Comme leurs parents, elles sont essentiellement insectivores.
La croissance continue…
Métamorphose
Au bout de quelques jours, quelques mois ou quelques années, les larves subissent une métamorphose et
perdent leurs branchies. Elles vont maintenant respirer par la peau ou les poumons. D’autres parties –
internes et externes – sont aussi modifiées. Les larves ne sont donc plus larves, mais subadultes. Si elles
font partie d’une espèce amphibie, leur « adolescence » se passe sur la terre. Cette métamorphose
survient après trois ou quatre mois chez les tritons, atteignant ainsi cette forme dès la fin de l’été, voire le
début de l’automne.
Enfin, les jeunes deviennent adultes et atteignent leur maturité sexuelle.
Les tritons vivent environ dix ans, les salamandres vingt-cinq.
Clonage naturel
Deux espèces d’Ambystoma ont une façon particulière de se reproduire. Il faut savoir que ces deux
espèces ne sont composées que de femelles. Elles possèdent des cellules à quarante-deux chromosomes
– trois fois le nombre normal – et tous d’origine maternelle.
Les œufs pondus se développent par gynogenèse (ils n’ont pas de chromosomes mâles complétant leur
patrimoine génétique). Leur développement est déclenché par le sperme d’un mâle d’une autre espèce.
Les bébés ne seront que des femelles.
Mortels hybrides
Certes, les hybrides sont rares chez les urodèles, mais cela ne veut pas dire qu’ils n’existent pas.
On rencontre essentiellement des cas d’hybridations en Europe, entre le triton crêté et le triton marbré. Les
lacs où les deux espèces vivent en coexistence abritent quelques hybrides, toujours en nombre réduit. Ces
hybrides sont infertiles. On peut imaginer que si ce n’était pas le cas, ils se multiplieraient et les espèces qui
leur auraient donné naissance finiraient par disparaître.
Le triton ponctué et le triton palmé, dont les aires de répartition se superposent, ont aussi donné naissance
à des êtres hybrides, toujours stériles.
Protéger nos royautés
Survivre aujourd’hui est un parcours du combattant pour les
salamandres et les tritons. Va-t-on laisser quelques-uns de nos rois et
reines s’éteindre ?
Un monde incertain
Les salamandres et les tritons sont menacés par la disparition de leur environnement. Leurs habitats sont
de plus en plus détruits, la ville gagne sur la nature.
Dans les forêts européennes, les points d’eaux se perdent et nos salamandres ne trouvent plus de marais
pour se reproduire. Résultat : elles continuent à vivre, mais sautent des saisons de reproduction, ce qui
n’améliore en rien la perpétuité de l’espèce.
Les zones humides disparaissent avec leur environnement ; on assèche les marais lorsqu’elles ne peuvent
servir d’abreuvoir pour le bétail ou de zones de pêches, puisqu’elles sont considérées comme
« nuisibles » : on les accuse d’être des réserves à moustiques, des milieux inutiles, insalubres, voire
dangereux.
Un autre danger qui les guette est celui des pluies acides, auxquelles ils sont très sensibles, ainsi qu’aux
produits chimiques, inconsciemment déversés dans les mares, auxquels la peau des salamandres, très
sensible, ne peut résister guère longtemps.
La route n’est pas non plus sans péril. Elle fait ses victimes chez les hommes, mais aussi chez les
salamandres lorsqu’elles migrent pour chercher une bonne aire de reproduction au printemps.
Objets rares
Les élevages de salamandres sont rares, ceux de tritons encore plus. Cependant, des spécialistes les
gardent en captivité pour leur beauté ou leur rareté.
Quelques fois, ils les utilisent lors de leurs recherches biologiques. Plusieurs livres ont d’ailleurs dénoncé
« l’extermination inutile opérée par des scientifiques » : sur une population de la rarissime salamandrine du
Portugal, on préleva quarante-huit individus, dont trente-deux finirent dans des flacons d’alcool du Muséum
d’Histoire naturelle de Paris !
Fatal envahisseur
Naturellement, il est presque impossible qu’un prédateur réduise la population de ses proies à néant, du
moins pas à court terme. Mais lorsque l’homme vient fouiner dans les affaires de la nature, cela se passe
tout autrement…
On a récemment assisté à des disparitions très rapides de populations de salamandres et de tritons, autour
d’un même lac, d’une même mare. La cause ? L’introduction de poissons par l’homme. Ce dernier trouvait
en effet que l’endroit où il avait envie de pratiquer la pêche pour son loisir n’était pas assez pourvu. Il a cru
trouver une solution, qui n’était pas vraiment bonne pour les urodèles, car ils n’ont pas su résister à la
subite apparition d’un grand méchant loup…
Propriétés magiques
Au Japon et en Chine, les salamandres géantes ainsi que les axolotls sont dégustés dans les restaurants
de luxe. Ces derniers sont d’ailleurs réputés pour avoir des effets aphrodisiaques. Les salamandres
géantes sont aussi pêchées par les Japonais pour être mangées.
S’ils ne sont pas assez bons pour être mangés par l’homme, les pêcheurs les utilisent et les donnent en
pâture aux poissons qui finiront dans leurs assiettes. Les pléthondidés ont d’ailleurs beaucoup régressés,
souffrant de leur exploitation, notamment au sud-est des Etats-Unis.
Dragons blancs
Les hynobiidés, en Chine orientale, sont les objets d’une drôle de contradiction : d’un côté, ils sont vénérés
comme des divinités sous le nom de « dragons blancs ». La mare du mont Omei, où vivent ces fameuses
créatures, est devenu un lieu de pèlerinage et un sanctuaire y a été construit.
Mais de l’autre, ils sont régulièrement capturés, desséchés et réduits en poudre afin de soigner les maux
d’estomac. Les espèces japonaises subissent le même sort, leur corps servant de vermifuge dans la
médecine traditionnelle.
Une loi favorable
On peut malgré tout montrer un brin d’optimisme pour l’avenir de nos urodèles. En France, en Suisse et en
Belgique, ils sont protégés par la loi. Il est donc interdit de les tuer, de les garder en captivité et d’en faire le
commerce.
Malheureusement, ces mesures ne suffisent pas tant que les milieux naturels où elles vivent continueront
de disparaître sous les outils de l’homme. Que pourrait-on faire, alors ? Des associations proposent de
créer des mares là où les anciennes ont disparu ou sont trop polluées pour être utiles et d’organiser des
opérations ponctuelles de protection au début du printemps pour empêcher la route de faire ses victimes.
Et surtout, surtout, précisent tous les protecteurs de la nature, il faut comprendre que les salamandres et
les tritons sont le signe qu’une région est bien portante, ce qui amène à la conclusion suivante, et bien
générale, comme toujours : apprenons à vivre avec la nature, elle ne pourra nous être que favorable.
Ils les ont inspirés…
Salamandres et tritons ont inspiré nombres de sociétés en recherche de nom…
► La Salamandre : une fabuleuse revue sur la nature, dont l’aventure a commencé comme celle
des « Eperviers » : Julien Perrot, à 11 ans, a pris la plume pour rédiger ses observations sur la
nature. Aujourd’hui, les quelques feuilles tapées à la machine à écrire sont devenues un très bon
magazine. En savoir plus : www.salamandre.ch
► La Salamandre : compagnie de spectacles de rues, « La Salamandre » tire son nom de son
image avec le feu, puisque les responsables de la société expliquent leur nom par l’analogie avec
la flamme de l’art. En savoir plus : www.la-salamandre.com
► Disques tritons : une collection de disques pleins de talent. En savoir plus : www.disquestritons.com
► Projets tritons : un projet de l’Université de Montréal pour développer un nouveau modèle
d’aéroglisseur. Le nom « triton » est expliqué : Tout simplement par ce que, comme la petite
créature du même nom qui peuple les étangs et les marais du Québec, notre véhicule sera
amphibien, c’est-à-dire qu’il pourra se déplacer sur l’eau comme sur la terre.
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