« Que ton règne vienne ! » Mgr Philippe Barbarin, cardinal-archevêque de Lyon et primat des Gaules. Pour introduire ce propos, je voudrais évoquer ma première rencontre avec les responsables de ces Assises. Ils sont venus m’en présenter le thème et m’ont expliqué le lien entre les deux verbes « entreprendre » et « espérer ». Tandis que je les écoutais, j’ai aussitôt pensé que ce thème « Entreprendre en espérance » méritait le sous titre suivant : « Que ton règne vienne ! ». (…) Aussi, je vous propose trois parties dans notre réflexion : la première portera sur le Notre Père, la deuxième sur le verbe « entreprendre » et la troisième sur « espérer ». Le Notre Père Voulez-vous que nous disions le Notre Père en sens inverse, en commençant par la dernière phrase ? Parce que « Notre Père qui es aux cieux »… c’est difficile à comprendre. Les cieux, nous ne savons pas très bien ce qui s’y passe ! En revanche, la dernière ligne du Notre Père : « Délivre-nous du mal », nous renvoie à notre combat quotidien. (…) Voilà donc le point de départ. Suivons ensuite le Notre Père, comme un escalier qui monte jusqu’au terme où nous sommes attendus, à cette maison du Père où une place nous est préparée. La première condition pour y parvenir est justement la délivrance. Avec un peu de liberté, c’està-dire un peu de force intérieure, nous sommes capables de résister à la tentation. La troisième marche de cet escalier, la plus difficile à vivre si l’on veut être chrétien, est celle du pardon. Tellement essentielle, qu’elle vient sur les lèvres du Christ quand il meurt sur la croix : « Pardonne leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ». Pardonner, telle est la seule condition du « vivre ensemble » et du « progresser ensemble ». (…) Personne d’entre nous ne peut faire advenir son Règne seul. Me décider, moi, à dire « oui » au Christ, à écouter sa Parole, à y croire, peut-être puis-je encore y arriver seul, mais faire que son « Règne vienne », cela ne peut être réalisé que si tous ceux qui préalablement ont dit « oui » à sa Volonté acceptent de se mettre ensemble. Alors un royaume de justice, de paix, de service mutuel, un royaume selon sa Lumière à Lui, pourra advenir. Entreprendre Écoutons donc ce verbe « entreprendre ». C’est le premier mot de l’Évangile de saint Luc : « Beaucoup ont entrepris » (Lc 1,1). Dans le mot « entreprendre », il y a en grec « prendre en main »… J’aime bien faire attention à ce mot dans différentes autres langues parce qu’on y sent l’audace, et en même temps la petitesse de celui qui se lance dans un projet, dans un défi, et qui prend un risque. Il y a aussi le préfixe « entre », qui évoque l’altérité. Ouvrir des pistes nouvelles, pour des choses nouvelles, cela se fait avec des personnes nouvelles… Pour cela, il faudra sortir de soi, avec courage, au milieu des difficultés et des contradictions, mais aussi dans l’émerveillement. Il va falloir à la fois commencer, courir un risque, prendre en charge… « Courir un risque » : Voilà une expression qui me donne l’occasion de vous dire merci, à cause du risque que vous prenez. Je le fais avec d’autant plus de joie que, dans son Encyclique Centesimus Annus, le pape Jean-Paul II, à l’occasion du centenaire de Rerum Novarum en 1991, a écrit de longs développements sur l’entreprise, sur le profit, sur le rapport à l’argent, sur la « création », ou la plutôt la « disposition des emplois », et sur tout ce que l’on peut faire pour renouveler la vie sociale. Dans ces lignes, le pape exprime sa gratitude aux chefs d’entreprise. Soyez remerciés pour le risque que vous prenez, parce que, grâce à vous, il y a des emplois, des familles qui peuvent vivre, des personnes qui peuvent se réaliser ; c’est de la vie ajoutée à notre société. Le risque n’est pas une absence de prudence. En ouvrant le Compendium de la doctrine sociale de l’Église, on y trouve plus d’une quarantaine d’occurrences pour les mots « entreprise » et « entrepreneur ». On ne trouve pas non plus de honte du profit dans ces textes. Jean- Paul II écrit : « L’Église reconnaît le rôle pertinent du profit, c’est l’indicateur du bon fonctionnement d’une entreprise » (Cent. Annus, 35). Cependant, le profit n’est pas le seul indicateur de ce bon fonctionnement. La dernière Encyclique sociale de Benoît XVI, Caritas in Veritate, défend la 1 place de la gratuité à l’intérieur de la vie de l’entreprise. (…). Pour terminer cette deuxième partie sur une note théologique, je voudrais rappeler que nous sommes créés à l’image et à la ressemblance de Dieu, Père, Fils et Saint Esprit. Cette vérité universelle s’adapte-t-elle aux chefs d’entreprise ? Je suis persuadé que oui, puisque la première phrase du Credo affirme : « Je crois en Dieu, le Père tout puissant, créateur ». Espérer Ma dernière réflexion portera sur l’espérance. Je vois combien la société met son espérance dans les chefs d’entreprise, dans l’audace avec laquelle ils avancent, dans tout ce qu’ils sont capables de susciter autour d’eux. C’est un enjeu majeur, particulièrement pour notre continent européen. « Ecclesia in Europa », l’exhortation apostolique de Jean Paul II en 2001, est tout entière bâtie sur le livre de l’Apocalypse, uniquement à partir de citations touchant à l’espérance. C’est peut-être justement la vertu qui manque dans notre continent. Ceux qui sont porteurs d’espérance, qu’ils la sèment ! L’espérance, ce n’est pas dire à quelqu’un : « Croyez en vous, croyez à votre étoile ! ». Cela ressemble plutôt à une tentation du démon. La caractéristique du chrétien, c’est que le fondement de son espérance ne réside pas dans ses propres forces, mais dans le Christ lui-même. Pour qu’advienne le Royaume de Dieu sur la terre, la capacité d’un chrétien à diriger son entreprise doit être fortifiée par cette présence du Christ. Je ne nie pas que la compétence technique soit nécessaire, mais l’espérance chrétienne est quelque chose de plus profond. Le Christ, Lui, est là. Et même s’Il est passé par des échecs cuisants, Lui, le Serviteur, Il a connu la victoire de Pâques. Je suis content que l’Église de France converge vers un grand événement, qui aura lieu à l’Ascension 2013 : « DIACONIA 2013 », car notre monde a besoin de vrais serviteurs ! Que les chefs d’entreprise soient des serviteurs, afin de faire advenir son Règne ! 2