ANDRE Pierre COMPIN Lise UE 3, EC 2 L’os hyoïde : amarrages et fonctions Dr Kimakhe 1 Plan : Introduction I – Généralités I – 1 – Localisation I – 2 – Morphologie et dimensions I – 3 – Evolution II – Amarrages de l’os hyoïde II – 1 – Relations avec l’étage sus hyoïdien II – 1 – a - Relations avec la base du crâne II – 1 – b - Relations avec la mandibule II – 1 – c - Relations avec la langue II – 2 – Relations avec l’étage sous hyoïdien II – 2 – a – Plan superficiel II – 2 – b – Plan profond II – 3 – Relation avec la colonne laryngo-pharyngée II – 3 – a – La colonne laryngée II – 3 – b – La colonne pharyngée III – Fonctions de l’os hyoïde III – 1 – Déglutition III – 2 – Ventilation III – 3 – Phonation III – 4 – Equilibre Conclusion Introduction 2 L’os hyoïde est un os méconnu. Il tire son nom du grec « hyoeides », dérivé d’Upsilon qui est une lettre grecque et « eidos » (la forme) et qui signifie donc en forme d’upsilon. Faisant un lien mécanique entre la région mandibulaire, pharyngo-laryngée et thyroïdienne, de nombreux muscles et ligaments participent à sa cinétique. C’est un véritable élément clé du carrefour aéro-digestif. Cet os est unipare, il est sans attaches directes avec d’autres éléments squelettiques mais est maintenu en lévitation grâce à ses différentes insertions musculaires et ligamentaires. Mais quel est l’intérêt de cet os ? I – Généralités I – 1 – Localisation Il est palpable au niveau de la jonction entre le cou et le plancher oral. Senecail décrit l’os hyoïde comme se projetant en regard de C4 chez l’homme, il note que celui de la femme est plus élevé d’une demi-vertèbre. Il est situé entre le cartilage thyroïde (larynx) et la région mentonnière (mandibule), dans l’axe viscéral du cou. Il sépare plus précisément l’oropharynx de l’hypopharynx (séparation des voies digestives et aériennes), offrant une protection à l’épiglotte située juste en arrière de son corps. Cet os s’inscrit en arrière et légèrement en dessous de la concavité mandibulaire, servant de socle pour la langue. L’os hyoïde sépare deux étages : _l’étage sus hyoïdien _l’étage sous hyoïdien. 3 1 . Région sus hyoïdienne 2 . Région sous hyoïdienne 3 . Région parotidienne 4 . Région carotidienne 5 . Région sus claviculaire Vue cavalière antéro-latérale droite de la région cervicale I – 2 – Morphologie et dimensions L’os hyoïde humain, impair, médian et symétrique, est en forme de fer à cheval concave vers l’arrière. Il est constitué de cinq éléments : le corps, antérieur et médian, prolongé en arrière par deux processus, les grandes cornes ou cornes thyroïdiennes, à la base desquelles naissent en dedans les petites cornes ou cornes hyoïdiennes, orientées vers le haut et l’arrière. Le corps est une lame osseuse quadrilatère aplatie frontalement, il possède à sa face antérieure une légère saillie : le tubercule hyoïdien médian. Les grandes cornes, se projetant en dehors et en haut, présentent un renflement à leur extrémité distale : le tubercule de la grande corne sur lequel s’insère le ligament thyro-hyoïdien latéral. Les petites cornes sont des osselets de forme variable, le plus souvent ovoïdes ; le ligament stylo-hyoïdien s’attache à leur extrémité supérieure. Vue antérieure de l’os hyoïde Vue latérale de l’os hyoïde 4 L’os hyoïde est relativement petit, chez l’homme le corps fait une largeur de 25 mm, une hauteur de 12 mm et une épaisseur de 3mm. Chez la femme, ces dimensions sont moindres. I – 3 – Evolution Les cinq pièces composant l’os hyoïde ne sont pas complètement solidarisées dès la naissance. Le corps est entièrement ossifié vers 20 ans, la jonction entre les grandes cornes et le corps se soude vers l’âge de 50 ans (avant, on avait un espace articulaire). Quant aux petites cornes, elles ne forment aucune articulation et sont séparées du reste de l’os jusqu’à l’âge de 50 ans. II – Amarrages de l’os hyoïde II – 1 – Relations avec l’étage sus-hyoïdien 5 1 . muscle stylo-hyoïdien 5 . poulie fibreuse 2 . ventre postérieur du digastrique 6 . muscle mylo-hyoïdien 3 . muscle génio-hyoïdien 7 . ventre antérieur du digastrique 4 . grande corne de l’os hyoïde 8 . corps de l’os hyoïde Vue inféro-latérale du plancher oral II – 1 – a – Relations avec la base du crâne L’os hyoïde est attaché à la base du crâne par deux muscles : le stylo-hyoïdien et le ventre postérieur du digastrique. Le muscle digastrique : Il se situe à la partie supéro-latérale du cou et est constitué de deux ventres (antérieur et postérieur auquel on s’intéresse) reliés par un tendon intermédiaire. Le ventre postérieur s’insère à la face interne de la mastoïde du temporal et se continue par le tendon intermédiaire qui glisse dans une poulie fibreuse à la face supérieure de l’os hyoïde. Ce tendon traverse souvent l’insertion hyoïdienne du muscle stylo-hyoïdien. 6 Le muscle stylo-hyoïdien : C’est un muscle grêle et fusiforme qui s’insère sur l’apophyse styloïde et se termine à la jonction entre le corps et la grande corne de l’os hyoïde. Le ventre postérieur du digastrique et le stylo-hyoïdien sont innervés par le nerf facial VII. Ils attirent l’os hyoïde en haut et en arrière (et donc la langue par l’intermédiaire de cet os). II – 1 – b – Relations avec la mandibule Ces relations sont nombreuses, musculaires et formant trois plans successifs : LE PLAN SUPERFICIEL Le ventre antérieur du muscle digastrique : Il part du tendon intermédiaire à la face supérieure de l’os hyoïde et se termine dans la fosse digastrique à la face interne de la mandibule. LE PLAN MOYEN Le muscle mylo-hyoïdien : C’est une fine nappe musculaire triangulaire à base postérieure, c’est le muscle du plancher buccal. Il s’insère sur la face médiale mandibulaire sur toute l’étendue de la ligne oblique interne. Sa terminaison est double : les fibres antérieures s’unissent sur la ligne médiane et forment le raphé mandibulo-hyoïdien, les fibres postérieures rejoignent la face antérieure du corps de l’os hyoïde. Le ventre antérieur du digastrique et le mylo-hyoïdien sont innervés par le nerf du mylohyoïdien issu du rameau alvéolaire inférieur du nerf mandibulaire V3. Quand le point fixe est l’os hyoïde, ils abaissent la mandibule. Quand le point fixe est la mandibule, ils élèvent l’os hyoïde. Lorsque la contraction du mylo-hyoïdien est simultanée, il élève la langue et la plaque contre le palais, il intervient donc dans la déglutition. LE PLAN PROFOND (directement en relation avec la langue) 7 Le muscle génio-hyoïdien : C’est un muscle para-médian sus mylo-hyoïdien. Il s’insère sur l’épine mentonnière inférieure de la face interne de la mandibule et se termine à la face antérieure du corps de l’os hyoïde. Il est innervé par le nerf hypoglosse XII (nerf principal des muscles de la langue). Quand le point fixe est la mandibule, il élève et tire l’os hyoïde vers l’avant. Quand le point fixe est l’os hyoïde, il tire la mandibule en bas et vers l’arrière. II – 1 – c – Relations avec la langue 8 1 . muscle lingual inférieur 4 . os hyoïde 2 . septum lingual 5 . membrane hyoglossienne 3 . muscle lingual supérieur 6 . épiglotte Vue défilée de l’os hyoïde La langue possède un squelette en relation avec l’os hyoïde. La membrane hyoglossienne est une lame fibreuse tendue d’une petite corne de l’os hyoïde à l’autre, elle remonte dans un plan frontal pour se perdre dans la racine de la langue. Le septum lingual est médian à disposition sagittale, il part de la partie médiane de la membrane hyoglossienne (quelques fibres partent de la partie supérieure de l’os hyoïde) pour se terminer au niveau de l’apex de la langue. Vue latérale de la région linguale 9 Le muscle hyoglosse : C’est une lame musculaire aplatie qui forme la partie latérale de la base de la langue. L’insertion hyoïdienne de ce muscle est dévolue à la face supérieure des grandes cornes pour le faisceau créato-glosse, au bord supérieur du corps pour le faisceau basio-glosse et parfois au bord supérieur des petites cornes pour le faisceau chondroglosse. Il chemine en haut, en avant et en dedans vers la langue. Le muscle lingual inférieur : C’est un petit muscle s’insérant sur la petite corne et se terminant dans la muqueuse de la pointe de la langue. Le muscle lingual supérieur : C’est le seul muscle impair et médian des dix sept muscles linguaux. Il se fixe sur l’épiglotte et possède deux faisceaux sur les petites cornes. Cette mince lame musculaire se perd dans la face profonde de la muqueuse dorsale de la langue. Les muscles hyoglosses, lingual inférieur et lingual supérieur sont innervés par le XII. Ils abaissent et rétractent la langue. Le muscle génioglosse : C’est un muscle étalé en éventail sur la face latérale du septum lingual. Il dirige ses fibres antérieures vers la pointe de la langue, ses fibres moyennes vers la muqueuse profonde de la face dorsale de la langue et ses fibres postérieures vers le bord supérieur du corps de l’os hyoïde. Il est innervé par le XII. Ses fibres postérieures attirent l’os hyoïde en haut et en avant. II - 2 – Relations avec l’étage sous hyoïdien 10 1 . cartilage thyroïde 5 . glande thyroïde 2 . os hyoïde 6 . muscle sterno-thyroïdien 3 . muscle sterno-cleïdo-hyoïdien 7 . muscle thyro-hyoïdien (par transparence) 4 . muscle omo-hyoïdien Vue antérieure de la région sous hyoïdienne II – 2 – a – Plan superficiel Deux longs muscles composent ce plan : le sterno-cleïdo-hyoïdien et l’omo-hyoïdien. Le sterno-cleïdo-hyoïdien : 11 Il s’insère à la face inférieure de l’os hyoïde, et se termine sur la face postérieure du manubrium sternal et de l’extrémité interne de la clavicule. Le muscle omo-hyoïdien : C’est un muscle digastrique dirigé vers la scapula, c’est le muscle du bâillement. II – 2 – b – Plan profond Le muscle sterno-thyroïdien : C’est un muscle mince et aplati dans le sens antéro-postérieur qui va de la face postérieure du manubrium sternal au cartilage thyroïde du larynx, il cache le larynx et la glande thyroïde. Le muscle thyro-hyoïdien : Ce n’est qu’une continuité du sterno-thyroïdien. Il s’insère sur la ligne oblique de la face antéro-supérieure du cartilage thyroïde et se termine à la face inférieure de l’os hyoïde. Les muscles sterno-cleïdo-hyoïdien, omo-hyoïdien, sterno-thyroïdien et thyro-hyoïdien sont innervés par le XII. Ils abaissent l’os hyoïde, et donc par l’intermédiaire d’autres muscles, abaissent la mandibule. II – 3 – Relations avec la colonne laryngo-pharyngée 12 1 . Muscle génioglosse 7 . Muscle thyro-hyoïdien 2 . Manbibule 8 . Larynx 3 . Oropharynx 9 . Cartilage thyroïde 4 . Muscles génio-hyoïdiens et mylo-hyoïdien 10 . Cartilage arythénoïde 5 . Epiglotte 11 . Cartilage cricoïde 6 . Os hyoïde Coupe sagittale de la face et du cou en vue latérale droite II – 3 – a – La colonne laryngée 13 L’os hyoïde, c’est l’ouverture vers le larynx. Il suspend la colonne laryngienne composée des cartilages thyroïde, cricoïde et arythénoïde, se prolongeant par la trachée. L’extrémité postérieure de la grande corne est reliée à l’extrémité supérieure de la corne thyroïdienne supérieure par le ligament thyro-hyoïdien. L’épiglotte se loge dans la concavité postérieure de l’os hyoïde et est reliée à celui-ci via le ligament hyo-épiglottique. II – 3 – b – La colonne pharyngée Le pharynx est constitué d’une longue tunique fibreuse s’insérant en partie sur l’hyoïde et tapissée de muscles intrinsèques constricteurs et de muscles extrinsèques élévateurs. Un de ces muscles, le constricteur moyen (rôle : diminue le calibre pharyngé et élève le larynx), s’insère sur l’os hyoïde. III – Fonctions de l’os hyoïde L’os hyoïde est le seul os de l’organisme qui ne participe pas à une articulation ; il peut paraître anodin de prime abord, cependant, il participe à des fonctions primordiales de l’organisme en servant de lien entre les régions mandibulaires et la région pharyngolaryngée. Il assure aussi un lien entre le thorax et la région cervicale. III – 1 – La déglutition La déglutition est la fonction permettant l’acheminement du bol alimentaire et des liquides ingérés vers l’estomac. Cette fonction essentielle nécessite une coordination précise de nombreux muscles mobilisant la langue, le larynx, l’épiglotte, le pharynx et l’œsophage, de manière à ce que le passage vers les voies aériennes soit occulté lors du passage des aliments et des liquides, afin d’éviter les « fausses routes ». L’os hyoïde joue un rôle majeur dans le bon déroulement de la déglutition, en assurant un lien entre la langue, le larynx et l’épiglotte, mais aussi avec le pharynx via le muscle constricteur moyen du pharynx. 14 Coupe sagittale de la région cervico-faciale Le phénomène de déglutition débute au niveau de la cavité orale : les aliments sont mastiqués et compactés sous forme du bol alimentaire (temps buccal de la déglutition). Le temps bucco-pharyngé de la déglutition débute par le plaquage du bol alimentaire sur la langue, qui va s’élever et reculer de manière à le propulser vers le pharynx. La langue poursuit son mouvement de recul et vient au contact de la paroi pharyngée postérieure, provoquant une élévation réflexe de l’os hyoïde. En s’élevant, l’os hyoïde attire avec lui le larynx, et provoque un abaissement de l’épiglotte. 15 L’association de ces phénomènes conduit à une occultation du larynx par l’épiglotte, empêchant le bol alimentaire de se diriger vers les voies aériennes. Le bol alimentaire poursuit donc son chemin dans le pharynx, dont les parois se contractent pour faciliter sa progression. L’os hyoïde joue à nouveau un rôle à ce niveau, car il sert d’amarrage pour le muscle constricteur moyen du pharynx. Enfin, le bol alimentaire atteint l’œsophage puis il sera conduit jusqu’à l’estomac par péristaltisme. III – 2 – La ventilation L’os hyoïde sert d’ancrage à la colonne laryngée, permettant à cette dernière d’être à bonne distance de la colonne vertébrale et du mur pharyngien postérieur. Cet ancrage est réalisé par la membrane hyothyroïdienne et le muscle thyro-hyoïdien et permet d’aligner le larynx dans la continuité du défilé oro-pharyngé, afin que le débit d’air parvenant aux poumons soit optimal. Cet alignement est ajusté sous l’action des muscles sus-hyoïdiens. III – 3 – La phonation Le langage articulé est la fonction qui permet de communiquer et d’exprimer sa pensée, elle différencie l’Homme de l’animal. Sénécail Prouve en 1979 que le langage humain dépend de la position de l’os hyoïde. Ce qui différencie l’Homme des autres animaux, c’est la position cervicale de son os hyoïde. Chez les primates non humains, il est en position buccale, comme chez le nourrisson. C’est la migration de l’os hyoïde en position basse qui permet le langage articulé, entrainant dans sa descente la langue et le larynx. Cela à pour effet notamment de modifier la forme de la langue, qui n’occupe plus toute la cavité buccale contrairement aux primates primitifs, et lui confère une mobilité beaucoup plus grande, permettant l’élaboration de sons complexes. Cette migration coïncide avec l’acquisition de la posture érigée et est donc nécessaire pour produire l’éventail de sons qui caractérise le langage humain. Cela se produit aux alentours de deux ans chez le nourrisson. Avant cet âge, le nourrisson n’est pas capable de formuler des mots et s’exprime plutôt par des cris et des onomatopées. III – 4 – L’équilibre / La posture L’os hyoïde est décrit comme le gyroscope de l’équilibre cervical et de la posture crânienne. L’insertion du muscle omo-hyoïdien sur le bord inférieur de son corps permet une mise en relation de la région cervicale avec le reste du corps. Ainsi, les contraintes 16 caudales sont transmises au massif crânio-facial par l’intermédiaire de cet os : c’est un élément essentiel entrant en jeu dans la statique sagittale de la partie céphalique du squelette axial. L’os hyoïde permet donc une adaptation de la position du massif crâniofacial en fonction de la position du reste du corps. A l’inverse, un trouble de l’occlusion peut avoir des répercussions sur la posture et sur la locomotion : par exemple, si le trouble occlusal provoque une traction de l’os hyoïde, cette traction sera transmise à l’omohyoïdien. Cette modification se répercutera sur les muscles inférieurs par le biais de chaînes musculaires, et influencera la posture. Vue latérale droite de la région cervicale Conclusion L’os hyoïde, petit os méconnu et souvent délaissé par les anatomistes, ne participe à aucune articulation ; il est cependant primordial pour la réalisation de fonctions indispensables à notre survie (déglutition, ventilation) et intervient même dans la fonction qui fait de nous des Hommes et nous distingue des animaux : le langage articulé. 17 Références : 1 - SENECAIL B. L’os hyoïde. Introduction anatomique à l’étude de certains mécanismes de phonation. Mémoire pour le diplôme d’études et de recherches en biologie humaine, 1979. 2 - G. PATURET Traité d’anatomie humaine – Tome I 3 - Laboratoire d’anatomie de Nantes : Année 2008 : Mémoire de Thomas SORIN sur l’os hyoïde. 4 - Moore/Dalley Anatomie médicale : aspects fondamentaux et applications cliniques (éditions de Boeck) 5 - Revue de laryngologie, otologie, rhinologie (Vol 127, 2OO6) 6 – S.MESURE/H.LAMENDIN Posture, pratique sportive et rééducation 18