Quelles ruptures cette tension pourrait

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DIGITAL 3.0 / PRISE
FICHE "TENSION FONDATRICE"
DOMAINE : ENTREPRISE ET MARCHES
TENSION  CONCURRENCE / MONOPOLE
De quoi s'agit-il ?
L’idée prévaut que le monde numérique favorise des marchés plus concurrentiels, et
donc améliore le bien être social (au sens économique du concept). Or, cette hypothèse
est loin d’être validée, le numérique peut à la fois développer la concurrence et renforcer
les monopoles, ou en faire émerger de nouveaux. Certains monopoles apparaissent à la
fois puissants et éphémères : depuis 15 ans, on a constaté la montée et le déclin rapides
d'entreprises dont certaines ont occupé plus ou moins brièvement des positions de
monopole, avant de se voir supplanter par d'autres : Netscape et Yahoo! hier, Google et
Facebook aujourd'hui, tandis que le poids de Microsoft, toujours fort, n'est plus aussi
dominant.
Parmi les questions ouvertes :
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Rapport de l’innovation à la concurrence : doit-on troquer de l’innovation contre de la
concurrence et vice versa ?
Le numérique favorise-t-il la différenciation des biens (un des paramètres de la
tension concurrence-monopole) ? C’est une question complexe où interviennent les
questions de standardisation, d’effets réseau, etc.
Le numérique favorise-t-il la dispersion des prix ? Les premiers travaux semblent
montrer que oui (sous réserve d’apprécier les effets qualité) ce qui induirait une
réduction de la transparence des marchés.
Le numérique favorise-t-il la productivité, la compétitivité, la croissance ? Toujours
beaucoup d’incertitudes sur cette question. S’il y a corrélation, dans quel sens est la
causalité ?
Le numérique réduit-il la concurrence, notamment parce qu’il favorise la capture des
marchés (des consommateurs, etc.) ?
Le numérique favorise-t-il une croissance plus stable, plus durable, plus équitable ? Il
est au minimum acquis qu'il n'empêche pas les crises.
On peut également introduire ici les questions de désintermédiation /
réintermédiation :
le numérique remet
en
question
certaines
fonctions
d'intermédiation, mais il fait également émerger de nouveaux intermédiaires très
puissants.
Les marchés de l'immatériel dupliquent-ils les marchés matériels, sont-ils assujettis
aux même mécanismes, induisent-ils plus de concurrence, segmentent-ils les
clients/produits de façon similaire ?
Quels déplacements de la régulation la numérisation des marchés entraîne-t-elle ?
Par exemple en termes de fiscalité, de service universel (accès aux services publics,
etc.)
Quelques exemples emblématiques
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Les débats sur le pouvoir de marché de Microsoft, Google, Apple… toutes entreprises
assez, voire très jeunes.
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Les inquiétudes sur les effets de capture des services du "cloud" et des réseaux
sociaux.
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La "longue traîne" : favorable à la concurrence si elle permet à des produits de la
"traîne" de trouver leur rentabilité, mais au prix d'un renforcement des acteurs de
l'aval qui, eux, peuvent se trouver en position oligopolistique (Amazon, iTunes…)
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Les débats dans le domaine des réseaux : neutralité du Net, concurrence par les
services ou par les infrastructures… notamment dans le contexte des réseaux de
"nouvelle génération" qui nécessitent des investissements très lourds (FTTH, 4G).
DIGITAL 3.0 / PRISE
FICHE "TENSION FONDATRICE"
Quel rôle le numérique joue-t-il ?
Le numérique intervient donc dans cette tension à plusieurs niveaux :
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La dématérialisation : non rivaux, non excluables, les bien dématérialisés obéissent
à des mécanismes économiques différents des biens matériels, qui rendent beaucoup
plus difficile la recherche d'équilibres de marché par le simple jeu de la concurrence.
La conception et la production : le numérique contribue à élever la part des coûts
fixes de conception, ainsi que la complexité des mixes produits-services ; mais dans
le même temps, il facilite la circulation des informations et des modèles, la
collaboration entre acteurs de toutes tailles, l'émergence de modèles collaboratifs (y
compris dans l'industrie : "open hardware"), des formes nouvelles de "bricolage
avancé", qui font émerger des alternatives, voire des modèles en rupture.
La relation client : le numérique contribue à des mécanismes de capture de plus en
plus élaborés (économie de l'attention, "captologie", techniques de fidélisation,
exploitation des réseaux relationnels…) ; mais dans le même temps, il interconnecte
les consommateurs indépendamment des marques et favorise l'émergence d'espaces
de discussion, comparaison, protestation…
Le fonctionnement des marchés et la rencontre offre-demande, à la fois en
abaissant les coûts techniques de coordination et en multipliant les sources
d'information, les variantes de produits et de prix, les intermédiaires… Le numérique
occasionne d'importants déplacements du pouvoir sur les marchés.
Quelles ruptures cette tension pourrait-elle produire ?
Dans le management, l'organisation, le travail
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"Décentralisation radicale" : La grande entreprise comme modèle de référence est
remplacée par une myriade de réseaux et d'"écosystèmes", souvent organisés autour
d'un coordinateur qui orchestre la création et la circulation de valeur.
Dans l'innovation
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"'Effet Napster' sur la propriété industrielle et commerciale" : La dématérialisation
rend inopérant les modèles classiques de protection et invite à repenser les modèles
d'affaires, ainsi que le rôle de tous les acteurs de la chaine.
"Reprise en mains par les marques et les brevets" : L'action des entreprises installées
parvient à imposer à l'économie immatérielle les conditions de fonctionnement de
l'économie industrielle, figeant également les positions des acteurs.
Sur les marchés
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"Economie vraiment durable" : Le numérique se met au service d'une transformation
"durable" de l'économie, au travers d'une évolution des mécanismes de la production,
de la distribution et de la consommation.
"Outillage délibéré de l'"empowerment" des consommateurs" : Les entreprises
accompagnent la montée en puissance des "consommacteurs" en réseau, qui
imposent des transformations dans le fonctionnement des marchés.
"L'Etat hors jeu" : L'Etat cède la place aux entreprises et aux "innovateurs sociaux"
pour assurer un très grand nombre de ses missions historiques. Sa position de
régulateur elle-même est fragilisée par la mobilité et le caractère sans frontières des
marchés.
Quelques sources
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Laurent Gille (dir.), Les dilemmes de l'économie numérique, Fyp Editions, 2010
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