Critique

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Histoire économique
3 février 2004
« Les autres acteurs importants de l'économie mondiale de l'entre-deux
guerres : le Japon et l'Union Soviétique »
Présentation de Mlle Irène Sutter et Aldric Petit
Commentaires & Critique
"Synthèse générale" est la thématique de ce dernier cours. Vous avez choisi de compléter les
présentations et analyses précédentes en examinant le cas du Japon et de l'Union Soviétique.
Ce choix, dont nous avons discuté, est parfaitement acceptable en soi. Reste la synthèse. Peutêtre sera-ce le sujet de votre présentation orale. Sinon, nous le ferons après votre intervention.
De façon générale, vous avez bien "survolé" (surveyed) le cas du Japon et de l'Union Soviétique, ce dont on vous sait gré. Ces deux cas sont généralement peu ou mal connus et je suis
certain que vos camarades auront beaucoup appris en vous lisant. Ci-après, quelques commentaires généraux ou plus ponctuels, avec accent - comme toujours - sur ce qui est discutable, critiquable ou lacunaire.
(1) Pour ce qui est du Japon, il manque peut-être une discussion plus poussée des "données de base" pour ce pays. Premièrement, le Japon n'a pratiquement pas de matières
premières, ce que vous ne mentionnez pas malgré son importance. Deuxièmement,
l'archipel est peuplé de manière très dense et, dans le temps, a été peuplé de manière
toujours plus dense (ce que vous relevez à juste titre). Il s'ensuit une tension fondamentale entre démographie et "dotation naturelle" dont les Japonais étaient extrêmement conscients. Cela peut expliquer - mais n'excuse pas - la tentation de s'approprier
les ressources naturelles d'autres pays (Manchourie, Corée, Chine - plus tard, Philippines, Indochine française, Birmanie, Indes orientales néerlandaises) au moyen d'une
politique extérieure expansionniste et agressive.
(2) Toujours au sujet du Japon et dans le même ordre d'idée, on compare souvent ce pays
à la Grande-Bretagne : un archipel - et donc un pays très ouvert sur la mer - au large
d'une grande masse continentale. Cette configuration signifie presque ipso facto une
orientation poussée vers les échanges extérieurs, ce qui se vérifie bien dans un cas
comme dans l'autre. Il y a cependant une grande différence entre les deux pays. La
Grande-Bretagne de la révolution industrielle disposait de deux ressources naturelles
très importantes à l'époque : charbon et fer. Rien de pareil pour le Japon. Autre différence entre les deux pays : dans les années 1930, quand les différentes parties du
monde ont eu tendance à se replier sur elles-mêmes en suivant une politique économique plus ou moins autarcique, la Grande-Bretagne s'est "rabattue" sur son Empire/Commonwealth. Le Japon avait bien une colonie (la Corée, depuis 1910) et elle
avait fortement pénétré la Manchourie, mais elle n'avait rien qui puisse se comparer à
l'Empire britannique/Commonwealth. D'où la tentative de mainmise sur la Chine
(d'abord, dès le début des années 1930) et sur l'Asie du Sud-Est (plus tard, dès 1941).
Répétons cependant que, si cela peut expliquer l'impérialisme japonais, cela ne l'excuse en rien.
(3) P. 4, bas : il faut relever que, dans les années 1920 et 1930, le Japon s'est éloigné progressivement du modèle démocratico-libéral à l'occidentale. Ce n'est vraiment qu'à la
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fin des années 1930 que le "parti" militaire, autoritaire, impérialiste et antidémocratique a pris le dessus.
(4) P. 7 : vous décrivez bien ce que la politique (pré-keynésienne) du Japon face à la
Grande Crise a pu avoir d'original et d'efficace. Un rapprochement avec le cas de l'Allemagne aurait pu être fait. Par ailleurs, cette partie de votre analyse manque par trop
de chiffres macroéconomiques (croissance du PIB, de la production industrielle, de
l'agriculture, etc. ; chômage, etc.)
(5) Bas de la p. 8 : votre commentaire sur les statistiques soviétiques. Il y a une énorme
littérature sur leur fiabilité ou, plus exactement, sur leur manque de fiabilité. Quand
vous écrivez que ces statistiques "constituent néanmoins une bonne estimation des réalités historiques et économiques de l'époque", vous êtes un peu optimiste. De manière
générale, on peut faire une confiance (limitée) à des séries brutes comme celles des
tonnes d'acier, de la production électrique, etc., mais les données plus générales,
comme par exemple celles sur la croissance du PIB, sont à prendre avec beaucoup de
prudence.
(6) P. 9, 2e paragraphe : deux choses manquent peut-être ici. Premièrement, c'est le slogan
"Paix et terre" et la politique qu'elle résumait qui ont été la clef du succès des Bolcheviques en 1917-18 : d'une part, le peuple russe était de plus en plus las de la guerre et
de la mauvaise gestion économique et militaire du régime tsariste (qui avait quelques
excuses, comme le fait que, pendant la Première Guerre mondiale, la Russie s'est trouvée pratiquement coupée du reste du monde) ; d'autre part, les soldats, dont la plupart
étaient des paysans, étaient très anxieux d'être sur place au moment de la redistribution
des terres dont tout le monde sentait qu'elle allait venir - d'où des désertions en masse.
Une deuxième chose qui manque ici, c'est le fait que les Bolcheviks n'étaient au départ
qu'une toute petite minorité : environ 80'000 au printemps 1917 (retour de Lénine) sur
une population de quelque 160 millions (chiffres cités de mémoire) ; mais une minorité très active, motivée et bien organisée, dirigée par des chefs extrêmement déterminés
- surtout Trotski et Lénine - qui ne reculaient devant rien.
(7) P. 10 : vous donnez le chiffre de "dix millions de francs or de l'époque" pour le montant des emprunts russes à la France. Ce chiffre est certainement beaucoup trop bas. Il
s'agit au minimum de milliards - à vérifier, svp.
(8) Un détail à la même page : c'est en 1922, non pas en 1920, que la Tcheka fut rebaptisée Guépéou.
(9) Autre détail au bas de la p. 11 : "l'association internationale des pays communistes"
était le Kominterm et non le Kominform. Ce dernier remplaça dès 1947 le premier, qui
avait été aboli pendant la Deuxième Guerre mondiale. A la p. 19, vous mentionnez
d'ailleurs correctement qu'il s'agissait du Kominterm.
(10)
Chiffres (millions de quintaux) au bas de la p. 12 et au haut de la p. 13 : comme
vous le précisez pas, on peut supposer qu'il s'agit de la production de blé ? ou peut-être
de céréales ? Une telle omission ne devrait pas échapper à la relecture.
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(11)
Premier tableau de la p. 13 : notez qu'en 1928 c'était la production électrique
qui avait connu la plus forte croissance. Cela en raison d'une politique reflétée dans un
slogan bien connu de Lénine : "Le communisme, c'est les Soviets plus l'électrification".
(12)
Deuxième tableau de la p. 13 : il aurait été intéressant de préciser comment ces
"pourcentages de satisfaction de la demande" ont été calculés. En d'autres termes,
comment la demande "d'équilibre" étaient-elles déterminées par les planificateurs soviétiques ?
(13)
P. 14, "Bref aperçu politique de la période" (= règne de Staline dès 1928).
Comme je crois l'avoir dit dans le cours, vous trouverez dans un petit livre de George
Orwell une parodie aussi amusante que cruelle et exacte du régime stalinien ; il s'agit
du célèbre "Animal Farm". Je vous conseille vivement de le lire - c'est un classique.
(14)
P. 15, haut : "Il restera quelques millions d'exploitations agricoles privées en
1940". Le terme "exploitations agricoles" prête à confusion. En réalité, il s'agissait des
petits lopins de terre que les kolkhoziens étaient autorisés à exploiter par et pour euxmêmes et dont les produits pouvaient être venus sur des marchés relativement libres
appelés "marchés kolkhoziens". Ces lopins ne représentaient qu'un tout petit pourcentage de la surface agricole, mais une fraction importante de la production agricole.
(15)
Bas de la p. 15 et haut de la p. 16 : la "planification économique". A noter que
les vertus comparatives d'une économie planifiée et d'une économie de marché ont
donné lieu à tout un débat entre économistes dans les années 1930. Ce débat résultait
d'une proposition, démontrée de manière formelle entre autres par Oskar Lange, à savoir que les deux types d'économie devaient, si elles fonctionnaient de manière optimale, donner des résultats identiques (en termes de bien-être). Formellement, c'était
exact, en fait presque tautologique, mais F. von Hayek souleva la question essentielle
en faisant observer qu'il doutait beaucoup que l'autorité centrale dans une économie
planifiée puisse disposer de toute l'information nécessaire pour atteindre l'optimum ; et
aussi qu'il doutait encore plus que cette autorité arrive à mettre sur pied un système
d'incitants et de pénalités qui puisse pousser les agents économiques à se comporter de
manière à assurer l'optimum.
(16)
Vous avez raison de relever, au bas de la p. 17, que le mieux qu'on puisse dire
de l'industrialisation forcée de l'URSS sous Staline est que, sans elle, l'Union Soviétique n'aurait sans doute pas pu résister à l'agression nazie en 1941. Imaginez quelle
aurait été la suite des événements si, comme il s'y attendait, Hitler avait triomphé de
l'URSS en 1941-42...
(17)
On peut être un peu étonné par votre première conclusion à la p. 19 : "Un système communiste ne peut se développer que si une économie de marché relativement
développée et industrialisée est préalablement en place". Ceci est plus que discutable.
Un cas historique permet de réfuter cette conclusion ou plutôt cette proposition. En
1948, au moment du "coup de Prague", la Tchécoslovaquie était un pays hautement
industrialisé qui disposait d'une économie de marché moderne. Le régime communiste
qui fut alors mis en place se solda néanmoins par un déclin continu et une décrépitude
toujours plus marquée de l'économie tchécoslovaque. Aujourd'hui, après tout ce qu'on
a vécu, on peut sûrement conclure : "Le ou les régimes communistes ne marchent tout
simplement pas - point".
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La forme : laisse à désirer, surtout dans la partie consacrée à l'Union Soviétique. A noter qu'il
y a une faute d'orthographe même dans le titre : "l'entre-deux-guerres" et non pas "l'entredeux guerre" ! Je ne puis relever ici toutes les erreurs d'orthographe et de syntaxe ainsi que les
tournures incorrectes ou maladroites. A titre d'exemples :
- Section sur le Japon, première page (p.2) :
Troisième ligne : "(...) il s'agit d'Etats (...)"
Troisième paragraphe : "(...) le Japon, première puissance de l'Extrême-Orient,
consolidé par la révolution chinoise de 1911 (...)" : en quoi le Japon a-t-il été "consolidé" par la révolution chinoise ? Peut-être vouliez-vous dire "conforté", mais cela
n'est pas clair non plus : on ne voit pas beaucoup mieux en quoi le Japon aurait été
"conforté" (= rassuré) par la révolution chinoise.
Avant-dernier para. : "Le solde de la balance commerciale (...) bat à ce moment
toute prévision". Vous voulez sans doute dire "tous les records".
Dans l'ensemble, cependant, cette section n'est pas trop mal écrite. Il en va tout
autrement de la section suivante.
-
Section sur l'Union Soviétique, p. 10, dernier paragraphe dès la deuxième phrase :
"Le pays est désorganiser (désorganisé), la production industrielle à (a) complètement sombrer (sombré) et l'agriculture, base de l'économie russe (,) est en régression. Le communisme de guerre (,) dont l'objectif était de mettre en place la société
communiste (,) a détruit l'initiative privé (privée) ...." etc., etc., etc. Cette fréquence,
extrêmement élevée, des erreurs de forme se retrouve dans pratiquement toute la section.
En fait, il y a tellement d'erreurs de forme dans cette section qu'après un moment j'ai arrêté de les corriger dans mon exemplaire ! Un texte aussi mal rédigé n'est
vraiment pas acceptable. Les vérificateurs d'orthographe et de grammaire sont là pour
que vous les utilisiez.
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