Partie III. Crise, emploi et chômage Chapitre 6. Pourquoi la croissance est-elle instable ? Programme officiel Notions : fluctuations économiques, crise économique, désinflation, dépression, déflation. Acquis de première : inflation, chômage, demande globale. Indications complémentaires : L’observation des fluctuations économiques permettra de mettre l’accent sur la variabilité de la croissance et sur l’existence de périodes de crise. On présentera les idées directrices des principaux schémas explicatifs des fluctuations (chocs d’offre et de demande, cycle du crédit), en insistant notamment sur les liens avec la demande globale. On analysera les mécanismes cumulatifs susceptibles d’engendrer déflation et dépression économique et leurs conséquences sur le chômage de masse. Sujets de bac Mobilisation de connaissance (Épreuve composée, 1ère partie) Vous montrerez par quel mécanisme la déflation peut entraîner une augmentation du chômage. (EC, Polynésie, 2015) Étude d’un document (Épreuve composée, 2ème partie) Vous présenterez le document puis vous mettrez en évidence l’évolution du PIB en France depuis 1950. (EC, Autres centres étrangers, 2013) Après avoir présenté le document, vous comparerez la croissance économique de la France, de l’Allemagne et de l’Union Européenne entre 2003 et 2012. (EC, Amérique du Sud, 2014) Raisonnement s’appuyant sur un dossier documentaire (Épreuve composée, 3 ème partie) Vous montrerez que les variations de la demande globale sont un facteur important des fluctuations économiques. (EC, Autres centres étrangers, 2014) Vous montrerez que les fluctuations économiques peuvent trouver leur origine dans les variations de la demande globale (EC, Amérique du Nord, 2015) Sujets de dissertation Dans quelle mesure les variations de la demande expliquent-elles les fluctuations économiques ? (Dissertation, Polynésie, 2013) Comment peut-on expliquer les fluctuations économiques ? (Dissertation, Polynésie, 2015) Les fluctuations économiques ne s’expliquent-elles que par les variations de la demande globale ? (Dissertation, France métropolitaine, 2015) Quels sont les déterminants des fluctuations économiques ? (Dissertation, Antilles-Guyane, 2015) Plan du chapitre Une croissance instable qui conduit à l’existence de crises économiques A. B. II. Les fluctuations économiques illustrent le caractère cyclique de la croissance et l’existence de crises économiques Les crises économiques peuvent conduire à la déflation et au chômage de masse Les déterminants des fluctuations économiques A. B. C. Les fluctuations s’expliquent par des chocs de demande qui vont varier la demande globale... ...mais aussi par des chocs d’offre qui modifient les coûts de production Le cycle du crédit explique aussi l’instabilité de la croissance Citation du chapitre : « Ainsi, se succèdent des périodes prolongées de gonflement et de dégonflement des prix, des taux d’intérêt, de l’emploi, et ainsi de suite, ces phénomènes constituant autant de pièces du mécanisme de rajeunissement récurrent de l’appareil de production. » Joseph Aloïs Schumpeter, Capitalisme, socialisme et démocratie, 1942 KH – Chapitre 6. Pourquoi la croissance est-elle instable ? Terminale ES – 2015/2016 I. I. Une croissance instable qui conduit à l’existence de crises économiques La croissance économique, c’est-à-dire l’augmentation sur longue période de la production et des richesses d’un pays, n’est pas un phénomène régulier et stable. Depuis le XIXe siècle les périodes de forte croissance alternent avec des périodes de ralentissement voir de recul (plus ou moins fort) de l’activité économique. Ces variations de l’activité économiques sont au cœur de l’actualité depuis la fin des années 2000 et la crise des « subprimes » déclenchée par la faillite de la banque Lehman Brothers en 2008. A. Des fluctuations économiques qui illustrent le caractère cyclique de la croissance et l’existence de crises économiques Cette irrégularité de la croissance est au cœur des réflexions sur les fluctuations et les cycles économiques. Définition Les fluctuations économiques désignent les mouvements de variation (accélération, ralentissement ou diminution) de l’activité économique et du taux de croissance d’un pays. On parle de cycle économique pour désigner des fluctuations économiques périodiques, c’est-àdire qui se produisent à intervalle de temps plus ou moins régulier. Les cycles économiques sont composés de 4 phases: une phase d’expansion (croissance de l’activité économique), une phase de crise (arrêt de la croissance), suivi d’une phase de récession (diminution de la croissance ou du PIB) puis d’une phase de reprise de l’activité économique. Définition La crise économique désigne donc au sens strict le moment de retournement à la baisse de l’activité économique. Au sens large, on utilise toutefois le terme pour désigner la récession ou la dépression qui suit le retournement du cycle. Attention à ne pas confondre ralentissement de la croissance et croissance négative. La croissance ralentit lorsque le taux de croissance du PIB diminue mais reste positif (par exemple entre 1960 et 1968). Alors qu’une croissance négative signifie que le PIB diminue (comme en 1975, en 1993 et en 2009). KH – Chapitre 6. Pourquoi la croissance est-elle instable ? Terminale ES – 2015/2016 L’étude la croissance française depuis soixante ans permet de visualiser ces fluctuations économiques. On voit ainsi alterner des périodes de croissance forte (les trente glorieuses, la deuxième moitié des années 80, le début des années 2000) et des périodes de ralentissement de la croissance. Des fluctuations économiques et des cycles de durées différentes Les économistes ont mis en évidence que ces fluctuations économiques produisaient des cycles de durées différentes. Schumpeter a ainsi schématisé l’évolution cyclique de l’économie en montrant qu’il y a trois types de cycles : - les cycles longs de Kondratiev, d’une durée de 50 à 60 ans, qui s’expliquent selon lui par les innovations majeures ; - les cycles Juglar, d’une durée de 8 à 10 ans, provoqués par le cycle des affaires ; - les cycles Kitchin, courts, d’une durée de 3-4 ans, liés aux variations de stocks. B. Les crises économiques peuvent conduire à la déflation et au chômage de masse Des crises économiques qui peuvent engendrer la déflation et mener à la dépression La crise correspond au retournement de l’activité économique, lorsque la croissance ralentit et diminue. La crise conduit alors à une baisse de l’activité économique qui amène une baisse des revenus des agents économiques (faillite d’entreprises, licenciements). Cette baisse des revenus entraîne une chute de la consommation et de l’investissement, donc de la demande. Cette baisse de la demande peut conduire à une désinflation (c’est-à-dire que les prix augmentent moins vite, l’inflation diminue) voir à la déflation, c’est-à-dire une baisse généralisée des prix. Définitions Alors que la désinflation correspond à un ralentissement de l’inflation (les prix augmentent mais moins vite), la déflation correspond à une diminution généralisée des prix qui amène une diminution du niveau de production et des revenus des agents économiques. Des dépressions économiques qui conduisent à un chômage de masse Les crises économiques et les dépressions qui peuvent suivre ces crises ont des conséquences sur l’emploi. En période de diminution de la production, les licenciements se multiplient, les entreprises ferment. La dépression, récession importante et durable, va ainsi conduire au développement d’un chômage de masse. Pendant la crise de 1929 aux Etats-Unis, le taux de chômage passe ainsi de 3% à 25% de la population active entre 1929 et 1933. De même en Grèce, alors que le PIB a baissé de 30% entre 2008 et 2015 et le chômage est passé de 7% à 25% de la population active. KH – Chapitre 6. Pourquoi la croissance est-elle instable ? Terminale ES – 2015/2016 Cette déflation est dangereuse car elle va renforcer la baisse de l’activité économique. La déflation agit ainsi négativement par trois mécanismes : - elle augmente le taux d’intérêt réel, réduisant ainsi les crédits ; - elle fait baisser les marges des entreprises (puisque celles-ci vendent leurs produits moins chers et voient la valeur de leurs dettes augmenter) ; - elle conduit à des reports des achats par les consommateurs (car ceux-ci anticipent que les prix vont continuer à baisser) Ces différents éléments agissent négativement sur la consommation et l’investissement, ce qui renforce la baisse de la demande et conduit à une baisse supplémentaire de la production qui peut conduire à la dépression, c’est-à-dire une diminution importante et durable de la production et de la consommation II. Les déterminants des fluctuations économiques Ces fluctuations économiques vont trouver plusieurs explications, notamment dans l’existence de chocs économiques mais aussi dans le fonctionnement du cycle du crédit. Un choc économique correspond à un évènement exogène (extérieur au fonctionnement de l’économie, comme une guerre ou une catastrophe naturelle) ou endogène (lié au fonctionnement de l’économie, comme une innovation par exemple) qui va modifier l’offre ou la demande et ainsi influencer le niveau de production. A. Les fluctuations économiques s’expliquent par des chocs de demande qui font varier la demande globale... Les chocs de demande sont des évenements qui vont modifier (en augmentant ou en diminuant) la demande globale, entraînant une variation de la production et de l’activité économique. Un choc de demande positif est un Rappel de première évenement qui entraîne une augmentation de La demande globale correspond à la demande globale. Il va se traduire par une l’ensemble de la demande de biens et variation positive de la production et donc de services exprimés par les agents la croissance. économiques. Elle comprend donc la A l’inverse, un choc de demande négatif est consommation finale des ménages, un évenement qui fait diminuer la demande l’investissement privé, la demande des globale et conduit donc à une diminution de administrations publiques et les échanges la production et de la croissance. extérieurs (exportations - importations). Les chocs de demande positifs peuvent expliquer l’augmentation de l’activité économique Inversement, les dépenses de l’Etat à travers la demande des administrations publiques ou la relance de la consommation des ménages contribuent positivement à la croissance du PIB. Un plan de relance de l’économie (pensez au New Deal de Roosevelt ou aux plans de relance mis en place par les Etats en 2009) ou une baisse des taux d’intérêt vont ainsi créer des chocs de demande positifs. On voit par exemple qu’en 2009, pour limiter la crise économique la demande publique a augmenté, contribuant pour 0,8 point à la croissance du PIB. La variation de la demande globale est très sensible à l’évolution de l’investissement Si les différentes composantes de la demande globale influencent l’évolution du PIB, l’étude des contributions à la croissance montre que l’investissement privé est fortement liée aux variations de la production. En période de croissance pour répondre à l’augmentation de la demande, les entreprises sont amenés à augmenter leurs investissements, ce qui renforce encore la demande et la production (c’est ce que l’on appelle l’ « effet accélérateur »). Inversement, en période de récession, lorsque la demande baisse, les investissement sont stoppés ce qui renforce la baisse de la demande et donc de la production. KH – Chapitre 6. Pourquoi la croissance est-elle instable ? Terminale ES – 2015/2016 Les chocs de demande négatifs peuvent expliquer le baisse de l’activité économique Par exemple en 2009, les anticipations négatives des entreprises qui les ont amené à réduire leur investissement ont causé un choc de demande négatif, la baisse de l’investissement privé contribuant négativement pour 2,2 points à la baisse de 3% du PIB. De même, une forte récession dans un pays partenaire commercial peut causer une baisse des exportations, ce qui contribue négativement à la croissance (cf. 2007 ou 2014). B. ...mais aussi par des chocs d’offre qui font varier les coûts de production Les évènements qui peuvent survenir dans une économie ne concernent pas que la demande. Les variations de l’activité économique peuvent aussi provenir de chocs d’offre. Les chocs d’offre sont des évenements qui vont modifier les conditions de production en augmentant ou diminuant les capacités de production ou les coûts de production. La variation des capacités de production peut venir d’un évènement extérieur (pensez à une catastrophe naturelle comme le tsunami au Japon qui a détruit une partie du capital productif du pays) ou d’évènements qui modifient les coûts de production. Une augmentation de la productivité du fait des innovations ou une baisse du prix des facteurs de production (travail, capital) va ainsi faire baisser les coûts de production unitaires ce qui doit augmenter l’offre des entreprises. Un choc d’offre positif sera donc un événement qui entraîne une baisse du coût de production ce qui conduit à une augmentation de l’offre pour un prix donné, donc de la production et de la croissance. A l’inverse, un choc d’offre négatif est un événement qui entraîne une augmentation du coût de production ce qui va réduire l’offre et donc la production et la croissance. Les chocs d’offre positifs peuvent expliquer l’augmentation de l’activité économique Inversement l’apparition d’innovations majeures va créer un choc d’offre positif. Le développement du chemin de fer va ainsi permettre de réduire les coûts de production en réduisant les coûts de transports. L’organisation scientifique du travail (la division du travail tayloriste) va elle permettre d’améliorer la productivité et donc de réduire le coût salarial unitaire. Ces événements permettent alors aux entreprises de produire plus au même prix ou de diminuer les prix, ce qui augmente la production et la croissance. De même une réduction des cotisations sociales patronales ou une baisse de la fiscalité fait diminuer les coûts de production ce qui doit encourager l’offre par la baisse des prix. KH – Chapitre 6. Pourquoi la croissance est-elle instable ? Terminale ES – 2015/2016 Les chocs d’offre négatifs peuvent expliquer la baisse de la croissance Les exemples assez classiques de chocs d’offre négatifs sont les chocs pétroliers de 1973 et 1979. L’augmentation du prix du pétrole se traduit en effet par une hausse du coût des consommations intermédiaires qui amène les entreprises à augmenter leurs prix et à réduire leur production. De même une hausse des salaires supérieure aux gains de productivité conduit à augmenter le coût salarial unitaire ce qui renchérit le coût de production des entreprises et conduit à une baisse de l’offre et donc de la croissance. C. Le cycle du crédit explique aussi l’instabilité de la croissance Les fluctuations économiques peuvent enfin s’expliquer par le déroulement du cycle du crédit.. Dans cette explication les variations de l’activité économiques sont liées au fonctionnement de l’économie de marché et au financement de l’activité économique. Lorsque la production augmente, que la croissance est présente, l’accès au crédit est facilité. Les entreprises et les ménages empruntent à bas taux d’intérêt, les banques accordent des crédits à un nombre toujours plus important d’agents économiques. Cela renforce la demande et la croissance. Mais c’est paradoxalement à ce moment que la crise se prépare, c’est ce que l’on appelle le « paradoxe de la tranquilité » formulé par l’économiste Hyman Minsky. En effet, en situation de croissance et de taux d’intérêts bas les banques prennent plus de risques, financent des projets plus incertains et accordent des crédits à des agents moins solvables. Lorsque l’activité ralentit, ou lorsque des prêts excessifs ne sont plus remboursés, les banques vont devenir plus prudentes. Elles vont accorder moins de crédits, augmentent les taux d’intérêt, ce qui va réduire la demande et renforcer le ralentissement économique, pouvant causer la récessions. De la crise financière à la crise économique Fin 2008, la crise financière devient une crise économique. Le resserrement du crédit et l’augmentation du pétrole conduisent à une diminution de l’activité économique. Les pays entrent en récession, les taux de chômage augmentent fortement. Les pays réagissent en mettant en œuvre des plans de soutien à l’activité économique. Ils augmentent les dépenses publiques pour limiter la récession. Mais cette augmentation des dépenses publiques fait augmenter la dette publique. Les investisseurs privés demandent alors des taux d’intérêt de plus en plus importants pour les pays dont la dette publique apparaît difficilement soutenable (comme la Grèce). Cela augmente encore le niveau de la dette et rend celle-ci de plus en plus insoutenable. Les pays européens et le FMI viennent alors en aide aux pays en difficulté en échange de plans d’austérité qui visent à diminuer les dépenses publiques et la dette publique (diminution des salaires, des retraites, privatisations, …). KH – Chapitre 6. Pourquoi la croissance est-elle instable ? Terminale ES – 2015/2016 Un exemple de crise liée au cycle du crédit : la crise des « subprimes » en 2008 La crise des « subprimes » a débuté dans un secteur particulier du crédit, le crédit hypothécaire immobilier aux Etats-Unis. De nombreux prêts avaient été émis, y compris à des ménages très fragiles financièrement. A la mi-2006 les prix de l’immobilier commencent à baisser aux USA et les taux d’intérêt remontent. De plus en plus de ménages sont alors dans l’incapacité de rembourser leurs prêts, ce qui conduit à une perte de valeur des titres adossés à ces crédits. Les banques réduisent alors leurs prêts et commencent à mesurer les pertes liées à la possession de crédits non solvables. Cette crise ne reste pas circonscrite aux États-Unis car les banques qui avaient émis des crédits ont revendus ces crédits à des fonds d’investissement et des banques internationales (c’est le phénomène de la titrisation). Les banques anglaises, françaises, espagnoles possédaient ainsi des titres financiers dont la valeur était liée aux crédits « subprimes ». Le marché interbancaire se fige, les banques refusant de se prêter entre elles sans savoir si elles sont saines. Cette panique est renforcée par la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008, les banques craignants que les autres soient elles aussi proches de la faillite. Source : Aomar Aoulmi, Académie de Versailles, 2014/2015 KH – Chapitre 6. Pourquoi la croissance est-elle instable ? Terminale ES – 2015/2016 Schéma Bilan