1/12 Intervention de Hervé NOVELLI, secrétaire d’Etat chargé du Commerce, de l’Artisanat, des Petites et moyennes entreprises, du Tourisme et des Services Thème d’intervention : promouvoir l’attractivité du marché du travail dans le secteur du tourisme à travers la formation et le développement des compétences Mesdames, Messieurs les Ministres, Madame la Présidente du Comité du tourisme, Mesdames et Messieurs, Je voulais tout d’abord vous dire combien je me réjouissais d’être parmi vous dans cette belle ville de Riva del Garda pour participer à la 1ère réunion à Haut niveau organisée par le Comité du tourisme de l’OCDE sur le thème « L’économie du tourisme et la mondialisation : un moteur pour l’innovation, la croissance et l’emploi ». Mais il m’est difficile d’aborder le thème sans dire quelques mots sur la crise financière qui nous touche tous et le ralentissement économique qui en découlera, pour l’année 2009 au moins, on peut le craindre. Les dernières prévisions du FMI pour l’année OCDE - 10 octobre 2008 – Intervention H. Novelli 2/12 2009 traduisent déjà ce ralentissement brutal, tant en France qu’en Europe comme dans les autres pays membres de l’OCDE : entre 0 et 0,5%. Mais il est difficile d’imaginer à ce stade les conséquences sur la fréquentation. Je pense qu’il faut en tout cas exclure toutes visions catastrophistes, ne pas penser que les évènements et leurs conséquences vont entraîner des réductions drastiques d’activité. Car la consommation touristique est avant tout, avant d’être un acte économique, un acte individuel, sociologique, culturel. Dans tous les pays il y a un tourisme intérieur important, une consommation touristique automatique pas ou peu conditionnée par la crise. A ce propos, permettez-moi de vous exposer le cas français. La France était en ce début d’année 2008 gagnée par un certain pessimisme, alimenté par la question du pouvoir d’achat en baisse. Les prévisionnels de l’activité au début de l’été n’étaient pas brillants, beaucoup craignant des arbitrages sévères sur les vacances, certains évoquant même une chute du taux de départ en vacances. Et finalement que s’est-il passé ? Et bien nous avons eu une saison d’été 2008 relativement équivalente à celle de 2007, qui n’était certes pas exceptionnelle, mais pas mauvaise OCDE - 10 octobre 2008 – Intervention H. Novelli 3/12 non plus : une baisse de seulement 1% (dans l’hôtellerie) sur nos deux mois forts de l’été juillet et août. Dans les faits, on a néanmoins constaté : des arbitrages sur les dépenses au quotidien avant de partir, pour maintenir le budget vacances ; des arbitrages au moment de l’organisation des vacances avec le développement de nouvelles pratiques (départs en hors saison, réservation très longtemps à l’avance, adoption des formules « tout compris », raccourcissement de la durée des séjours, utilisation des vols low-cost, achat de dernière minute de produits dégriffés, etc.) ; mais aussi des arbitrages durant les vacances portant sur le choix de modes d’hébergement différents, la multiplication des séjours chez les amis, la réduction de certaines consommations (loisirs payants, restaurants, etc.). Ceci pour vous dire qu’il y a un fort attachement aux vacances, le moment où se reconstruisent non seulement la force de travail comme dirait les économistes, mais aussi les liens familiaux, amicaux, le lien social. OCDE - 10 octobre 2008 – Intervention H. Novelli 4/12 Il est donc dangereux, tout au moins je l’espère, de parler de catastrophe, car les gens continuent et continueront de partir en vacances. De plus n’oublions pas que la crise économique sera largement atténuée dans notre secteur par : le poids des habitudes ; la baisse continue du coût de l’énergie, - 30% en 3 mois ; le rééquilibrage de la zone dollar, qui redonne accès à nos destinations touristiques, au plus gros volume de consommateurs au monde. Voici donc en quelques mots, mon analyse sur le comportement des consommateurs touristiques en période de crise, dont je souhaitais vous parler en introduction. Mais avant d’aborder notre sujet, et puisque nous venons de voir que l’activité touristique s’intègre bien dans les cycles économiques, je souhaite insister sur l’importance que la France attache à ce que l’OCDE traite des questions du tourisme à travers son Comité du tourisme. Il est important que son budget soit maintenu à son niveau actuel car ce dernier d’être diminué durant ces dernières années. Nous devons tous ensemble faire nos meilleurs efforts pour le maintenir. Et ce Comité du tourisme, c’est le signe fort que ce secteur d’activité appartient bien à la OCDE - 10 octobre 2008 – Intervention H. Novelli 5/12 sphère des politiques économiques comme le souhaite d’ailleurs la France et comme le montre le rattachement récent - voulu par le Président de la République française - du tourisme au Ministère de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi. C’est la juste reconnaissance de l’importance de cette activité, première secteur de l’économie française avec 6,5% du PIB, première contribution à l’excédent de la balance des paiements, plus que l’agriculture, l’agrotourisme et l’automobile réunis, secteurs où la France affiche pourtant des positions importantes. Malgré les chocs de diverses natures que le secteur du tourisme a subies depuis 2001, le tourisme mondial continue de progresser à un rythme soutenu. Sa croissance s’est accélérée en 2007 à 6,1 % après 5,4 % l’année précédente pour atteindre les 898 millions d’arrivées internationales. Même s’il est vraisemblable que du fait de l’environnement économique général, le rythme se ralentisse, ces arrivées, conformément aux prévisions de l’Organisation Mondiale du Tourisme, devraient continuer de croître à moyen et long terme, et se situer au niveau de 1,1 milliard en 2010 et de 1,6 milliard en 2020. La barre des 800 millions avait été franchie en 2005 ; c’est plus qu’un doublement en flux physiques en l’espace d’une génération, et la OCDE - 10 octobre 2008 – Intervention H. Novelli 6/12 croissance en termes monétaires est plus impressionnante encore. Venons-en au thème de ce matin. Pour ma part, j’ai toujours voulu souligner le lien indissociable qui existe entre l’emploi, la formation et le tourisme. La formation et le développement des compétences, Mesdames et Messieurs, sont un enjeu tout à fait stratégique. L’enjeu humain est, en effet, considérable pour le tourisme, c’est la ressource principale du secteur qui se caractérise par son fort taux de main d’œuvre, comme dans les principaux métiers des services. Le secteur du tourisme cherche à recruter un personnel de plus en plus qualifié afin d’améliorer les services qu’il est amené à offrir à une clientèle de plus en plus exigeante. Or, paradoxalement, alors qu’il recrute énormément, ce secteur se caractérise par une rotation du personnel très importante. On considère qu’un tiers des jeunes salariés quittent la profession chaque année. OCDE - 10 octobre 2008 – Intervention H. Novelli 7/12 Parallèlement, il est reconnu que les emplois de la profession ne jouissent pas d’une image favorable dans l’opinion publique. Ils sont considérés comme insuffisamment rémunérés et dotés d’horaires lourds et décalés par rapport aux exigences de la vie familiale. Plus grave, ils ne sont pas considérés comme de véritables métiers justifiant une qualification et donc une formation adaptée. C’est la raison pour laquelle j’ai reçu un rapport sur cette question, et que je fais mien En ce qui concerne la France, le diagnostic réalisé par Jean Jacques Descamps, un ancien ministre du tourisme., dans le rapport qu’il m’a remis récemment sur les insuffisances de notre système de formation en tourisme : nos formations sont trop cloisonnées ; nous avons un déficit de vision globale des besoins quantitatifs et qualitatifs du marché ; la concertation entre professionnels et enseignants sur la prospective en matière de qualifications et sur la réalité du marché de l’emploi est trop insuffisante ; les jeunes qui s’engagent dans le secteur du tourisme manquent de formation entrepreneuriale alors que les opportunités de création et de reprises d’entreprises sont nombreuses dans le secteur touristique. Ce constat français, j’en suis convaincu, n’est guère OCDE - 10 octobre 2008 – Intervention H. Novelli 8/12 différent de celui que peuvent dresser de nombreux pays mebres de l’OCDE. Mais il n’est en rien tragique ! En effet, plus que d’une carence, c’est d’une trop grande floraison d’initiatives que nous souffrons, parfois de qualité remarquable, mais prises en fonction des contextes locaux. Il importe donc d’apporter davantage de rationalité, de coordination, de transparence et bien sûr d’ambition dans nos systèmes de formation initiale et continue en tourisme. Mais il nous faut aussi articuler entre pays proches les besoins d’emploi dans les secteurs en tension et les besoins de formation en tourisme. Les métiers de l’hôtellerie et de la restauration connaissent des difficultés de recrutement. En France, dans ce secteur des HCR, les professionnels avancent le nombre de 60 000 emplois non pourvus. Le secteur de la restauration recherche des cuisiniers, charcutiers, boulangers, des serveurs, maîtres d’hôtel, chefs de OCDE - 10 octobre 2008 – Intervention H. Novelli 9/12 rang, sommeliers. L’hôtellerie recrute à la réception (employés de réception, chefs de réception, réceptionnistes), dans les services d’étage (employés d’étage, valets, femmes de chambres, gouvernantes, …). Les cafés recherchent des serveurs, des responsables de salle, des barmans, des responsables de comptoir. Je souhaite donc la mise en place de véritables partenariats qui permettraient des échanges en vue de formations qualifiantes avec des pays voisins, notamment des rives sud de la Méditerranée dont le tourisme se développe fortement et qui ont donc de grands besoins de formation pour leur futur personnel. Il ne s’agit pas de profiter cyniquement de la ressource de main d’œuvre dont disposent les pays du sud, mais bien d’un accord structurant de partenariat mêlant formation et apprentissage, mais aussi accueil de travailleurs, dans le but de faire profiter chacun des avantages et savoir-faire de l’autre. En d’autres termes, il s’agirait d’offrir des formations professionnelles qualifiantes à des jeunes issus des pays émergents disposant d’une main d’œuvre abondante, leur demander de rester travailler en France quelques années en OCDE - 10 octobre 2008 – Intervention H. Novelli 10/12 contrepartie de la formation reçue, avant de leur faciliter un retour dans leur pays d’origine afin de consolider et développer une économie touristique, dans bien des cas essentielle à l’économie globale locale. Une immigration raisonnée. Une immigration du travail. C’est ce que j’ai rappelé lors du Forum européen du tourisme qui s’est tenu à Bordeaux le 18 et 19 septembre, mais également lors du dernier 5+5 tourisme organisé par la France, cette réunion informelle de pays riverains du nord et du sud de la Méditerranée, qui s’est tenu à Ajaccio en mai dernier. Le marché du travail dans le secteur du tourisme est primordial. Sur le territoire métropolitain français, le tourisme génère près de deux millions d’emplois directs et indirects. L’apprentissage est également la principale voie d’accès aux métiers de la restauration et de l’hôtellerie. Dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, il a été décidé de promouvoir une plus grande mobilité des apprentis en Europe afin de rendre plus attractive cette voie de formation professionnelle et de renforcer les compétences en matière de maîtrise des langues et des techniques européennes. La France est à l’initiative de la OCDE - 10 octobre 2008 – Intervention H. Novelli 11/12 1ère rencontre européenne des jeunes apprentis dite « journée des 12 000 apprentis à Bercy », événement destiné à mettre en valeur l’apprentissage et l’excellence de cette voie de formation pour de nombreux métiers, dont ceux du tourisme, et qui permet à 8 apprentis sur 10 de trouver un emploi 6 mois après l’obtention du diplôme. Je pense également que la validation des acquis de l’expérience par l’obtention de diplômes reconnus est un axe qu’il faudrait davantage privilégier. Pour conclure sur cette difficile question, je voudrais proposer quelques pistes de réflexion au plan international : - il faudrait accroître le dialogue entre les acteurs du tourisme, les formateurs et les autorités publiques en charge de l'emploi, de la formation et du tourisme. Le comité du tourisme de l’OCDE peut sans doute nous y aider, notamment dans le cadre de l'activité 2 du programme de travail 2009-10 pour lequel la France est prête à présider le Groupe de direction qui pilote ce projet ; OCDE - 10 octobre 2008 – Intervention H. Novelli 12/12 - il faudrait développer des programmes spécifiques pour mieux utiliser les politiques de migration afin de combler le manque de main d'œuvre en formation et permettre à l’ensemble de nos jeunes de pouvoir se former sur ces métiers d’avenir ; - il faudrait structurer les réseaux de formation à l’intérieur des pays membres pour accélérer les échanges d’expériences et de formation, l’apprentissage des langues, la connaissance des cultures. Nous avons du reste décidé le principe lors du Forum 5+5 de mai dernier. Voici Mesdames, Messieurs, les réflexions que je souhaitais vous soumettre. Je vous remercie de votre attention. OCDE - 10 octobre 2008 – Intervention H. Novelli