Comité économique et social européen Section spécialisée "Relations extérieures" Conférence de l'Organisation internationale du travail Genève, le 11 juin 2014 ****** Allocution de M. José María Zufiaur Narvaiza Président de la section spécialisée "Relations extérieures" du Comité économique et social européen CESE-2014-02965-00-00-TCD (FR) 1/4 FR Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les délégués, Permettez-moi tout d'abord, en ma qualité de président de la section spécialisée "Relations extérieures" du Comité économique et sociale européen, de vous remercier, vous ainsi que votre institution, l'OIT, pour votre irremplaçable contribution à la justice sociale dans le monde. Le CESE, au nom duquel je m'exprime aujourd'hui, est un organe consultatif des institutions européennes qui intervient dans le processus prélégislatif. Cela signifie que sa saisine est obligatoire dans la plupart des domaines couverts par le traité sur l’Union, même si ses avis n'ont pas force contraignante. Ses membres sont issus des organisations d'employeurs et des organisations syndicales et du troisième secteur les plus représentatives des 28 pays de l'UE. En d'autres termes, le CESE est un acteur institutionnalisé de la citoyenneté sociale européenne. S'agissant des relations extérieures, le CESE coopère avec l'OIT dans diverses régions du monde pour promouvoir le dialogue social et le travail décent, fondements de la cohésion sociale et du développement inclusif. Le 4 mars 1933, lors de son accession à la présidence des États-Unis, Franklin D. Roosevelt déclarait dans son discours d'investiture devant le Sénat américain: "... une foule de citoyens sans emploi doit faire face à la dure réalité de l'existence et un nombre tout aussi important peine sans grand profit. Seuls les optimistes simples d'esprit peuvent nier la dure réalité des choses actuelles. […] Cette nation a besoin d'action, d'action tout de suite. La première de nos grandes tâches est de mettre les gens au travail." Ce discours pourrait s'appliquer, presque au mot près, à la situation actuelle de l'UE et donc d'un grand nombre de ses États membres. En ce qui nous concerne, nous sommes d'avis que la lutte pour un travail décent doit être prioritaire au sein de l'UE. De fait, le Parlement européen a demandé l'inclusion d'un "indice du travail décent" parmi les indicateurs de l'Union économique et monétaire. Le chômage a atteint un niveau sans précédent, en termes absolus, parmi les jeunes, les plus de 55 ans, les femmes et les immigrés, avec un pourcentage important de chômeurs de longue durée. Les "mini-jobs" et autres CESE-2014-02965-00-00-TCD (FR) 2/4 contrats précaires ont connu une forte expansion, non seulement dans les pays périphériques mais aussi dans les pays centraux de l'Union. La négociation collective et la réglementation du travail ont subi de fortes atteintes dans un grand nombre de pays de l'UE. Le pourcentage de travailleurs couverts par les conventions collectives a diminué. Divers pays ont pratiqué des coupes dans leurs systèmes de protection sociale et enfin, les gouvernements ont eu de plus en plus tendance à prendre des décisions unilatérales sans passer par le dialogue social. Au début de la crise économique et financière, l'ancien président Lula a alerté le monde en déclarant que le modèle social européen devrait être classé au patrimoine de l'humanité. Ce modèle a sans aucun doute constitué une référence et un espoir pour des millions de personnes qui luttent pour préserver leur dignité, leur liberté et leur sécurité. Le CESE défend ce modèle, qui a été mis à mal par la crise et les politiques mises en œuvre pour la surmonter. Ces politiques sont source de précarité et d'insécurité. Cette dernière gagne progressivement du terrain au détriment d'un système de protection couvrant des aspects essentiels de la vie - le travail, le chômage, la maladie, l'éducation, la vieillesse. Or chacun sait que la précarité et l'insécurité font le lit des troubles sociaux et du radicalisme politique. Le CESE plaide, comme il l'a toujours fait, pour d'autres politiques: des politiques qui allient à la réduction de la dette les investissements, la création d'emplois et un nouveau modèle de production combinant la lutte contre les inégalités et la protection des écosystèmes. Des politiques qui se fondent sur le respect de la Charte des droits fondamentaux de l'UE. En conséquence, nous considérons que l'emploi, le travail décent et une protection sociale universelle devraient constituer les axes du programme d'action mondial en faveur du développement durable au-delà de 2015. Le dialogue social et les négociations collectives doivent être des instruments clés de ce programme. Au cours des douze derniers mois, le CESE a élaboré des avis sur le travail forcé, sur l'économie souterraine et le travail non déclaré, sur la protection des droits des immigrants, sur la mise à jour des objectifs du Millénaire pour le développement, sur la participation du secteur privé au cadre de CESE-2014-02965-00-00-TCD (FR) 3/4 développement, sur la développement de l’UE. protection sociale dans la coopération au Dans ces avis, le CESE: a réclamé l'adoption d'une position commune de l'UE au sein de l’OIT, pour que la directive et la stratégie de l'UE visant à prévenir et combattre la traite des êtres humains et protéger les victimes soient intégrées dans le droit international du travail; a souligné l'incidence négative de l'économie souterraine sur le développement des entreprises, les droits des travailleurs, les recettes fiscales, les possibilités d'innovation et d'augmentation de la productivité et l'amélioration de la qualité du travail; a affirmé que le secteur privé peut jouer un rôle essentiel dans la politique de développement, à condition que les emplois créés soient conformes à l'Agenda pour un travail décent de l'OIT; a défendu l'idée que la coopération au développement doit soutenir la mise en place de régimes de protection sociale pour tous les travailleurs, ainsi que des régimes d'assistance couvrant l'ensemble de la population, y compris l'économie informelle; et a aussi demandé que "les accords d'association, les accords commerciaux, de stabilisation ou d'association économique signés par l'UE comportent un chapitre sur la protection sociale", outre les droits du travail et la protection de l'environnement. Mesdames et Messieurs les délégués, dans un monde de plus en plus interdépendant, la défense des valeurs à l'origine de la création de l'OIT, en 1919, et de la déclaration de Philadelphie, en 1944, est non seulement d'actualité, mais s'impose de toute urgence, et ce tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des frontières de l'Union européenne. Je vous remercie de votre attention. _____________ CESE-2014-02965-00-00-TCD (FR) 4/4