Journées d`été Les Verts_ dépister la délinquance dès la

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DEPISTER LA DELINQUANCE DES LA NAISSANCE
Journées d’Eté des VERTS, QUIMPER, Août 2007
En septembre 2005, l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale
(INSERM) publiait une expertise concluant à la possibilité de prévenir la délinquance en
dépistant le « trouble des conduites » chez l’enfant (trouble défini dans la classification
américaine par un comportement « bafouant les droits fondamentaux d’autrui ou les normes
et règles sociales »).
Au même moment, un projet de loi dit « de prévention de la délinquance » prônait
« le repérage des perturbations du comportement dès la crèche et l’école maternelle », à
travers notamment un « carnet de comportement » suivant l’enfant durant toute sa scolarité.
Dès janvier 2006, un collectif « pas de 0 de conduite pour les enfants de 3 ans »
lançait un appel national, réunissant bientôt 200 000 signatures, pour dénoncer le rapport de
l’INSERM et l’utilisation idéologique des pratiques préventives de soin psychique à des fins
de contrôle social.
En juin 2006, le collectif publie son premier ouvrage (« pas de 0 de conduite pour les
enfants de 3 ans », éditions Erès). Surtout, face à l’ampleur de la contestation, le
gouvernement retire de son projet de loi l’article sur le dépistage précoce.
En novembre 2006, l’INSERM organise enfin un colloque intitulé : « troubles des
conduites : de la clinique à la recherche » qui le conduit sous le feu des critiques à réviser
ses méthodes d’expertise en les ouvrant à la multi-disciplinarité des sciences humaines, et à se
déclarer « d’une vigilance sans faille vis-à-vis des risques de récupération politique ».
Le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) rend son avis en janvier 2007,
concluant à l’ambiguïté de la définition psychiatrique du « trouble des conduites »,
prédiction risquant de stigmatiser l’individu alors que « la plupart des troubles du
comportement de l’enfant sont liés à des facteurs environnementaux ou familiaux davantage
qu’à des facteurs génétiques ou somatiques repérables ». Le CCNE « redit son opposition à
une médecine qui serait utilisée pour protéger la société davantage que les personnes ».
Le collectif « pas de 0 de conduite pour les enfants de 3 ans » poursuit son action,
en organisant une rencontre scientifique à l’automne 2007 sur la petite enfance pour
promouvoir une « prévention psychologique, globale, prévenante, humanisante et éthique ».
CAR LE COMBAT NE FAIT QUE COMMENCER : c’est toute la psychiatrie
contemporaine qui est contaminée aujourd’hui par 2 idéologies redoutables, le
comportementalisme et le scientisme, qui s’unissent pour proposer une vision purement
neurobiologique du malaise individuel et social, répondant parfaitement aux intérêts de la
mondialisation libérale.
De toute part on est alertés par des enquêtes et questionnaires d’évaluation du
comportement diffusés auprès des parents ou dans les écoles, des projets de loi dévoyés
(protection de l’enfance, prévention de la récidive des mineurs…), et de nouvelles enquêtes
menées par l’INSERM qui laissent à penser qu’il ne tient pas ses promesses : expertise de
février 2007 sur les troubles de l’apprentissage, enquête comprenant questionnaire de
comportement et prélèvement d’ADN en mars 2007, menée auprès de milliers de jeunes
majeurs de Champagne-Ardenne, et visant à établir les facteurs génétiques de la
« vulnérabilité » aux toxicomanies…
L’utilisation politique de ce réductionnisme scientiste, aux relents eugéniques, est à
craindre particulièrement, quand on sait que le président de la république a déclaré que le
suicide des jeunes est du à ce que « génétiquement ils avaient une fragilité, une douleur
préalable », et qu’il a désigné un généticien comme conseiller personnel ! Le prétexte
sanitaire de « prévention » préparerait-il le fichage génétique de toute la population ?
Quoi qu’il en soit, la loi de prévention de la délinquance, adoptée le 5 mars 2007,
aggrave la répression et la psychiatrisation des mineurs délinquants ainsi que le contrôle
socio-économique sur les enfants d’âge scolaire et les familles défavorisées ; elle remet en
cause le secret professionnel des travailleurs de l’action médico-sociale, marquant
l’avènement d’une société de suspicion et de culpabilisation.
Et la psychiatrie est toujours plus appelée à répondre aux impératifs du contrôle
social des comportements individuels : en occultant le contexte socio-environnemental et
historique des troubles comme la violence des jeunes, elle donne bonne conscience à une
société libérale sûre dès lors de se perpétuer. Injonctions thérapeutiques aux délinquants
sexuels, aux toxicomanes, aux condamnés de toutes sortes de délits ; médicalisation
outrancière des troubles anxieux et dépressifs ; augmentation incessante du nombre des
patients et des missions médico-légales ; explosion de « troubles de la personnalité » résultant
directement de l’augmentation de la pression environnementale dans une société vouée à la
consommation immédiate ; remise en cause du secret médical et de l’indépendance des
psychiatres à travers les réformes privatisant la psychiatrie publique ; recherche et formation
dépendant des subsides de l’industrie pharmaceutique privilégiant le « traitement » chimique
des comportements : tous ces faits réunis parmi d’autres marquent l’évolution technoscientiste accélérée de la psychiatrie, déplaçant vers la sphère individuelle les
dysfonctionnements du système socio-économique, aux fins d’achever de conformer les
consciences individuelles aux normes du complexe médico-industriel et de la
mondialisation libérale.
Or, la santé consiste en un équilibre dynamique entre l’être vivant et son écosystème,
elle est totalement à l’opposé de sa définition socio-comportementaliste par « l’adaptation » :
c’est cette éthique de la subjectivité comme liberté et responsabilité à l’égard d’autrui et
de l’avenir que nous devons aujourd’hui revendiquer, contre la dictature de la normalisation
technocratique et marchande !
Pour la Commission Santé Nationale des VERTS, les Drs Anne GROLLEAU et Olivier LABOURET
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