Lecture Analytique du texte de JJ

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Lecture Analytique du texte de JJ. Rousseau « Le vol des pommes »
Question possible : Comment ce texte permet-il à Rousseau à la fois de toucher et
de faire réfléchir son lecteur ?
Introduction
Les quatre premiers livres des Confessions évoquent des souvenirs d’enfance liés à
une réflexion morale. Mis très tôt en apprentissage chez un Maître graveur cruel, le jeune
Jean-Jacques connaît l’injustice et la violence. L’épisode qu’il raconte ici ressemble à une
fable sur l’innocence bafouée : ce texte se divise en deux parties très distinctes, l’histoire du
vol en elle-même et les conséquences de la violence sur la personnalité et la sensibilité de
l’individu.
PREMIER AXE : UNE AVENTURE MARQUANTE
On s’aperçoit à la lecture de ce texte de l’important isolement affectif de l’enfant
(n’oublions pas qu’il est orphelin de mère, qu’il est en demande de protection et d’amour !).
De plus, son maître incarne la tyrannie, et Jean-Jacques en est la victime. Le souvenir qu’il
raconte est une tentative de vol qu’il évoque grâce
 aux marques de l’autobiographie (le « je », pronom personnel très présent)
 au vocabulaire des sensations et des sentiments (« douleur », « courage », « affliction »,
« avec transport » [transport = désir]…)
 à une adresse à un lecteur - témoin (ligne 18)
 au présent d’énonciation (ligne 28) : il a encore peur au moment où il écrit cette scène, il
la revit.
Pour rendre son récit vivant et symbolique, il va utiliser deux registres antagonistes :
le dramatique (le verbe « frémir »), le comique (le verbe « rire »)
Le registre dramatique s’appuie sur les conséquences de l’acte (« qui me coûta
cher » : il sera battu avec violence). Pour l’intensifier, Rousseau met en place un récit à
suspense : les pommes sont des fruits précieux (va-t-il arriver à les dérober ? = tout son
sens pratique est mis à l’épreuve pour réussir). Le vol se commet en terrain ennemi, c’est-àdire dans la maison de son patron cruel (c’est un huis clos). Le verbe « craindre », ligne 20,
renforce le suspense. Lorsqu’il est découvert, le suspense s’arrête net. On note une très
frappante aposiopèse : la phrase est interrompue et Rousseau utilise les points de
suspension, ligne 26 (« j’étais prêt à piquer…). L’aspect dramatique est souligné par
l’adverbe « malheureusement » : l’arrivée de son Maître est une véritable catastrophe. Le
temps des verbes est significatif : le début du texte est au passé simple, mais le passage au
présent accentue le suspense.
Le registre comique est utilisé pour montrer l’ingénuité de l’enfant. L’objet du vol est
un objet de désir enfantin. Les moments amusants de ce récit sont :
 le trésor que représentent les fruits (allusion au Jardin des Hespérides - et ses pommes
d’or - qui fait de Jean-jacques un héros, l’équivalent d’Hercule)
 la pomme trop grosse pour passer par l’ouverture (ligne 12)
 la personnification des pommes (deux témoins indiscrets)
 le surnom du Maître, « le dragon » lié à la légende du jardin des Hespérides
 l’ironie du seul mot prononcé par le Maître dans ce texte : « courage… »
Le récit est aussi vivant grâce à son inscription dans le temps. Les marques
temporelles accentuent la notion d’aventure (« un jour », « le lendemain »). Le récit est
aussi inscrit dans l’espace, un espace où Jean-Jacques est seul (ligne 4 « solitude »).
DEUXIÈME AXE : UN APOLOGUE PHILOSOPHIQUE
Il ne faut pas oublier que Rousseau n’est pas qu’autobiographe, il est aussi un
philosophe des Lumières et à ce titre, il écrit un texte qui mêle sensibilité et analyse.
La sensibilité de Rousseau est incontestable et la fin du texte, pourtant, démontre
que le jeune garçon est arrivé à un degré d’insensibilité important. Cela est dû à une
socialisation défaillante. Le cœur de la philosophie de Rousseau tient en une phrase célèbre :
« l’homme est naturellement bon, c’est la société qui le corrompt (ou qui le pervertit)». Le
texte illustre cette démonstration.
La première partie du texte montre un enfant qui suit son instinct (ou sa faim ?). La
métaphore du jardin des Hespérides évoque le désir, l’idéal. Pour lui, voler une pomme, c’est
accéder à un idéal que sa nature réclame. Aucun vocabulaire de la culpabilité ( texte du
ruban volé).
A ce titre, deux adverbes sont identiques dans cette fin de texte (insister sur la
répétition de « tranquillement ») :
 Ligne 21 : « je me remets à l’ouvrage aussi tranquillement que si je n’avais rien fait » = il
ne voit pas que son acte s’assimile à un vol. Il se pense innocent. Ou plutôt il ne pense
pas, il agit.
 Ligne 37 : « sur cette idée, je me mis à voler plus tranquillement » = il a désormais une
conscience de son acte (par la punition cruelle) mais
 Il se crée une barrière mentale, une carapace, pour se protéger
 Il anticipe les punitions à venir et ne les craint plus
 Il défie son maître en perdant son innocence
La violence exercée sur lui entraîne chez l’enfant une confusion entre le bien et le
mal. On remarque qu’il est désormais dans la réaction (le mot « vengeance », ligne 33 =
instinct de l’enfant battu)
La phrase la plus importante de cet apologue est donc : « je jugeais que me battre
comme fripon c’était m’autoriser à l’être » : la violence entraîne une mauvaise image de soi,
la violence engendre la violence, la violence lève les interdits.
C’est donc le regard de l’autre qui crée son comportement. Rousseau va se conformer
à l’image qu’autrui a de lui.
Et c’est donc le Maître qui est coupable (il représente la Société incapable de
percevoir la sensibilité des individus). Rousseau va donc utiliser un champ lexical du
jugement (« je jugeais que », « je me disais ») et il illustre les conséquences de cette
violence par un seul mot : « soit ».
« Soit, je suis là pour l’être ». Soit est un terme d’acceptation (=je suis fait pour)
On peut donc parler de déterminisme.
Conclusion
L’éducation a toujours été un sujet de réflexion pour Rousseau. Ici il évoque la notion
de faute à travers un vol de pomme. C’est le symbole biblique du péché. Mais c’est
l’innocence bafouée qu’il s’intéresse à mettre en valeur. C’est en mélangeant le comique et le
dramatique, l’ingénuité et la cruauté qu’il espère toucher le lecteur et le faire réfléchir.
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