L`annonce d`une mauvaise nouvelle en soins palliatif : patient et

publicité
L’annonce d’une mauvaise nouvelle en soins palliatif : patient et
famille
Introduction
L’art de communiquer en soins palliatifs va se focaliser sur l’annonce des mauvaises nouvelles
La capacité de bien communiquer est essentielle dans les professions soignantes
Bien communiquer est déjà un acte thérapeutique en soi
Savoir bien communiquer est indispensable pour :
ofaciliter une meilleure prise en charge psychologique des patients
oaméliorer les capacités des patients à faire face à la situation
oaccompagner le patient et son entourage : explications, échange, empathie, présence
La vérité en cancérologie
La vérité en cancérologie est particulière car elle fait l’objet de précautions oratoires car les
mots sont chargés de sens
« les médecins ont l’épouvantable privilège de trouver les mots pour nommer la perte de leurs
semblables »
(Hervé Hamon in : Nos médecins, ed Seuil 1994)
La mauvaise nouvelle
Informations susceptibles de modifier durablement la façon dont un patient envisage son avenir,
ou encore sa durée de vie (Buckman R BMJ 1984)
C’est une nouvelle qui va complètement bouleverser l’image que se faisait le patient de son
futur et qui va donc changer sa représentation de l’avenir
C’est donc une modification radicale de l’existence d’un sujet avec des repères compromis et
une précipitation dans l’incertitude ou dans la certitude d’une finitude à brève échéance
La mauvaise nouvelle en oncologie
Annonce initiale d’un cancer
Annonce d’une récidive ou d’une rechute
Annonce d’une évolution métastatique
Annonce de l’échec d’une thérapeutique
Annonce d’une évolution sous traitement
Annonce du passage du stade curatif au stade palliatif
Annonce du pronostic
Annonce de la fin de vie
Les acteurs de la mauvaise nouvelle
Le ou les médecins : généraliste, spécialistes d’organes, oncologues médicaux, chirurgiens,
radiothérapeutes, radiologue
Le patient
L’entourage familial : conjoint, enfants, parents, belle-famille
L’entourage amical : amis
La personne de confiance : va assister le patient tout le long de sa prise en charge
L’équipe soignante : infirmières, cadre infirmier, aides-soignantes, psychologues, secrétaires…
Le cancer: présent tout au long de l’entretien !!!, siège visible ou non, degré de gravité,
retentissement symptomatique
L’annonce d’une mauvaise nouvelle
En 2012, le patient attend :
d’être entendu et d’entendre ce qu’on va lui dire
qu’on l’écoute sur l’opinion qu’il a ou peut avoir de sa maladie et de ses soins
d’être acteur de sa santé et partenaire thérapeutique
Mise en situation relationnelle unique entre le médecin et le malade
Moment clé dans l’histoire de la maladie et du sujet
Moment de vérité pour le patient et pour le médecin
S’inscrit dans un colloque singulier
L’annonce d’une mauvaise nouvelle est à la fois une épreuve :
–pour le patient receveur et son entourage :
représente
une charge émotionnelle écrasante
à recevoir et entendre la ou les informations
–pour le soignant (médecin ou infirmières) annonceur :
met à l’épreuve sa compétence technique
met à l’épreuve sa compétence relationnelle
représente une charge émotionnelle importante
capacité
L’annonce d’une mauvaise nouvelle est un acte de langage.
Ce que le médecin dit n’est pas forcément entendu par le patient
Ce que le patient dit n’est pas forcément entendu par le médecin
Pour le médecin :
Savoir entendre ce qui est possible d’être entendu par l’autre
Savoir entendre que l’autre ne veut pas entendre
L'information : le contenu
Ce
qu’on transmet est un savoir et non une vérité.
La
formulation d’un pronostic n’est pas une prédiction.
Ce
qu’on demande à un soignant n’est pas forcément la même chose que ce qu’on demande au
médecin.
La
validité du contenu n’est pas la même suivant l’origine de l’information et son mode de
transmission.
L'information : les mots
Quels
mots peuvent être entendus et compris par le patient ? Que sait-il déjà ?
choix des mots doit être progressif pour s’adapter au rythme de compréhension du patient et
de son entourage.
Le
Mais
Ni
attention aux termes ambigus, souvent plus générateurs de confusion que protecteurs.
trop, ni trop peu … en fonction des besoins du patient.
L'information : les représentations
Quelles
représentations le patient a-t-il de cette maladie en général ?
(histoire familiale, rencontres, média, lectures …)
Quelles
représentations a-t-il de sa maladie ? (quels termes, quelles images … ?)
Quelles
représentations a le médecin ?
(mauvais pronostic, par exemple)
L'information : les émotions
Retentissement
Mécanismes
du vécu émotionnel sur les capacités cognitives.
de défense : déni, clivage, annulation, identification, projection, sidération …
Même
massifs, les mécanismes de défense servent d’abord à protéger le patient ; s’ils sont
adaptatifs, ils doivent autant que possible être respectés.
Mécanismes
défensifs et vécu émotionnel sont des notions dynamiques, le patient évoluant dans
le temps : c’est dans le temps aussi que le médecin doit se positionner.
La vérité en cancérologie
Faut-il dire la vérité et comment ?
Que dire et comment le dire ?
Pas de réponse catégorique ni de recette toute faite
L’attitude à adopter doit varier d’un patient à l’autre : vérité adaptée à chaque cas
La vérité du médecin n’est pas forcément la vérité du patient
Vérité et paradoxes en cancérologie
«Le médecin est à la fois le bourreau et le
consolateur» (D.Querleu)
«On ment bien de la bouche mais avec la gueule que l’on fait en même temps, on dit la vérité
quand même» (F. Nietzsche )
«Celui dont les lèvres se taisent bavarde avec le bout des doigts» (S. Freud)
«Je suis un mensonge qui dit toujours la vérité»
(J. Cocteau)
Parole du médecin qui se veut rassurant mais qui est quand même génératrice de souffrance
« La souffrance distord le langage, déforme les mots, empoisonne l’esprit » (R. Zittoun)
« Il peut être mauvais d’en savoir trop trop tôt, comme d’en savoir trop peu trop tard »(B.
Lebeau)
Vérité pronostique annoncée en premier lieu aux proches et non pas à l’intéressé
Vérité traumatique et iatrogénique : inoculation d’un « stress » majeur émanant d’une personne
dont la fonction est de soigner (« faire du bien »)
L’annonce de la mauvaise nouvelle :
Deux interlocuteurs à prendre en compte
Médecin
Que demande le patient ?
Que veut savoir le patient ?
Que dire et comment le dire ?
Vérité pas à pas
Vérité adaptée à chaque cas
Vérité à tout prix : non
Vérité en son temps : oui
Patient
 Vécu traumatique de l’annonce
 Cheminement progressif dans sa représentation de la maladie et de son évolution
 Capacité de lutte et d’adaptation
 Être entendu et entendre ce qu’on va lui dire
 Attend qu’on l’écoute sur l’opinion qu’il a ou peut avoir de sa maladie et de ses soins
 Être acteur de sa santé et partenaire thérapeutique
La mauvaise nouvelle en soins palliatifs
Annonce au patient et/ou à la famille :
Annonce d’un diagnostic difficile : le passage du curatif au palliatif
omoment délicat
oéchec des traitements
ole sens des mots choisis
Annonce d’un pronostic défavorable
osurvie à plus ou moins court terme
oqualité de vie à maintenir
Valeur symbolique de cette annonce
Acte de parole et de reconnaissance
Nomination de la maladie et du pronostic
Introduit le sujet dans le cadre de la pathologie
Modifier complètement sa réalité
S’inscrit dans l’instant et dans la continuité d’une rencontre
S’inscrit dans une réciprocité de l’échange
Doit se poursuivre par un accompagnement du sujet
Acte contre nature apportant du non-sens à la vie du patient
Communication verbale et parfois non verbale
Dire la vérité pour le médecin avec toute la souffrance que cela implique
Entendre et vivre cette vérité pour le patient car il s’agit de sa vie qui peut en être durablement
modifiée
Acte thérapeutique en soi
Pour le patient :
se représenter sa propre mort
confrontation à sa finitude
écroulement du fantasme d’immortalité
perspective de perte
Pour le médecin :
se représenter la mort de l’autre
entendre la représentation de la mort de l’autre
gestion de sa culpabilité : peur d’entraîner des réactions émotionnelles chez le patient
acte de soins qui met en scène le soignant qu’on est et le sujet qu’on est avec notre propre
histoire et notre propre inconscient
Continuité et transition d’un projet curatif vers un projet palliatif

Transmission d’informations :
Limites adapté de Razavi D
Valeur de la temporalité de l’acte d’annonce de la mauvaise nouvelle
Le moment où la maladie va être apprise va déterminer la façon dont elle sera perçue et vécue
Temps en rapport avec la vie du patient :
–enfance
–âge adulte
–vieillesse
Temps en relation avec l’évolution naturelle de la maladie :
–stade initial
–stade évolué
–stade terminal
Les temporalités de l’annonce
Les différents temps de l’annonce diagnostique :
Premier temps :
cerner l’état d’esprit du patient et sa disposition du moment
Deuxième temps :
annonce du diagnostic
Troisième temps :
empathie et compréhension de la souffrance du patient
Quatrième temps :
propositions thérapeutiques et prise en charge
Annonce d’une mauvaise nouvelle: importance du respect de la temporalité
Temps de la sidération lors de l’annonce
sidération de l’esprit
le patient n’entend plus rien de ce qui est dit durant le premier 1/4 d’heure qui suit la révélation
du diagnostic et/ou du pronostic
Temps d’assimilation et d’intégration du discours médical
nécessité de pouvoir se représenter ce qui vient d’être dit et d’en prendre la pleine mesure
Temps de l’adaptation
nécessité de s’adapter au diagnostic et aux prochaines échéances thérapeutiques
Temps du deuil
nécessité de pouvoir faire un travail de deuil par rapport à l’état antérieur et aux remaniements
qui vont à nouveau se produire au niveau personnel, familial et professionnel
Impact psychologique de l’annonce d’une mauvaise nouvelle
(adapté de F.
Bailet, N. Pelicier. L’Encéphale 1998,24 (Hors série 2):35-41)
Choc émotionnel, sidération et incrédulité
Peur, anxiété et réaction de catastrophe
Détresse aiguë et désarroi (prise de conscience)
Tristesse et désespoir
Colère, ressentiment, culpabilité, honte
Attitude de fuite ou de déni (répression des affects)
Exacerbation de l’angoisse de mort
Acceptation ou résignation, prostration
Clivage
entre ce qui est appréhendable et ce qui ne l’est pas ou ne peut pas l’être
psychopathologiques différées par rapport au temps de l’annonce
Réactions
Les mécanismes de défense
Permet à l’individu d’atténuer le traumatisme et la violence de la pensée de sa propre mort
prochaine, pensée insupportable pour la plupart des patients
Concerne tant le patient que la famille (conjoint +++)
Les principaux sont : le déni, l’intellectualisation, la dérision, la fuite en avant, la sidération,
annulation, clivage, identification, projection
Les mécanismes de défense chez les patients
Mécanismes inconscients du moi érigés pour éviter un effondrement :
Le déni
L’annulation
La dénégation
L’isolation
La suppression et répression
Le clivage interne
La projection
L’identification
Le déplacement
La rationalisation et l’intellectualisation
La sublimation
L’illusion
Les conduites défensives chez les patients
Elles sont agies, actives et parfois grèvent le climat relationnel :
conduites obsessionnelles faites de contrôle et de maîtrise avec rituels et anticipation
les conduites phobiques faites d’évitement et de rejet
les conduites agressives faites de projection, de sadisme de manipulation, de perversion
les conduites régressives faites d’immaturité, de repli sur soi
les conduites hystérisées faites de séduction, théâtralisme et dépendance à autrui
les
Effondrement des mécanismes de défense
Réactivation de l’angoisse de mort et la dépression (deuil anticipatoire, pertes)
Mise en échec du déni, rationalisation, banalisation qui avaient permis l’adaptation aux phases
antérieures
Sentiments de désappointement et de désespoir qui prédominent
Parfois, obtention d’un soulagement en mettant un terme à une période d’incertitude
douloureuse
Acceptation du pronostic car focalisation philosophique sur le temps de vie en plus obtenu
Les mécanismes d’adaptation ou de coping chez les patients en soins palliatifs
Processus d’ajustement parfaitement conscient destinés à s’adapter à une situation donnée :
à la mort prochaine
à des symptômes physiques
à la dépendance
aux pertes et aux deuils
confrontation
confrontation
confrontation
confrontation
Le coping : définition
Ensemble des processus cognitifs et comportementaux qu’un individu interpose entre lui et
l’événement perçu comme menaçant, pour maîtriser, tolérer ou diminuer l’impact de celui-ci sur
son bien être physique et psychologique
(Lazarus & Launier 1978)
Adaptation psychologique : le coping
Stratégies d’ajustement face à l’adversité :
coping centré sur l’émotion :
mise en place de stratégies afin de réguler
les réponses émotionnelles liées au problème et diminuer ainsi la tension et la détresse
émotionnelle
coping centré sur le problème :
mise en place de stratégies afin de gérer ou
modifier le problème responsable de la détresse émotionnelle
Stratégies d’adaptation face au cancer
Stratégies d’adaptation négative :
de combativité et passivité
–fatalisme et résignation
–désespoir
–fuite, évitement et déni
–répression des affects et émotions
–manque
Stratégies d’adaptation positive :
combatif et positivisme
–agressivité
–recherche d’informations et de soutien social
–confrontation et expression des sentiments
–esprit
Ces stratégies d’adaptation sont :
Variables selon les moments du parcours des soins
Il n’y a pas de mécanisme d’adaptation idéal
Le passage du curatif au palliatif
Moment symbolique de rupture et de passage avec de multiples enjeux :
pour les médecins :
annonce de la mort prochaine
vérité iatrogénique
vérité statistique versus vérité individuelle
vérité objective versus vérité subjective
loi et déontologie
quelles certitudes ?
Le médecin a tendance à repousser cette échéance
Survient le plus souvent après une longue série d’épreuves : espoir, renoncements, combats,
abattements
Nécessité pour le médecin d’un long travail d’information et de préparation du malade et de ses
proches
Les enjeux d’une certaine vérité
Les enjeux pour les médecins :
 Comment assurer la continuité d’un projet de soins curatifs vers un projet de soins palliatifs ?
 Comment préserver la qualité de l’alliance thérapeutique et de la confiance réciproque
avec le patient ?
 Le discours médical se situe dans une anticipation probabiliste d’une mort annoncée
Comment choisir entre une attitude paternaliste (partie vulnérable et infantile du patient) et une
posture autonomiste (préservant l‘autonomie du patient)
Les enjeux pour les médecins :
Comment se situer dans une annonce qui n’entraîne pas l’arrêt d’un processus relationnel ?
 Comment annoncer à un patient sa mort prochaine qu’il ne peut ou ne veut pas entendre ?
Attention au détournement de sens (Aubry R Med Pal 2005)
 Comment entendre et répondre aux questions parfois très directes des patients?
Dr, est-ce- que je vais mourir ?
Dr, combien de temps me reste-t-il à vivre ?

Les enjeux pour les malades :
Réaménagement psychique induit par l’effet de rupture:
- perception,
intuition, conscience d’une réalité
- connaissance par rapport au futur
- devoir vivre avec ce savoir
- quel savoir pour continuer à rester dans la maîtrise et dans le désir du temps qui reste à vivre ?
- ignorer et mise en place d’un déni
Vérité explicite ou implicite
Vérité trop lourde à porter pour médecins et familles : conspiration du silence, vérité qu ’on ne
peut dire / vérité qu’on ne peut entendre
Vérité pas à pas : respecter cheminement et défenses psychiques du patient et de soi même en
tant que soignant
Vérité en son temps : oui
Vérité à tout prix : non
Trouver un « espace » de vérité (R. Aubry)
Les réactions psychologiques des patients
Ambivalence
Déni
Clivage du moi (je sais que je vais mourir mais je ne veux pas y penser)
Projection
Abandon
« Ce n’est pas parce qu’une chose est dite qu’elle en est pour autant intégrée psychiquement »
*************
Contexte législatif actuel concernant l’information des malades
Code de déontologie médicale : article 35, alinéa 2 de 1995
Arrêt Hedreul du 25 février 1997
Loi du 4 mars 2002
Le Plan Cancer I (mars 2003) et II (décembre 2009)
Loi Leonetti du 22 février 2005
Code de déontologie
Article 35, alinéa 2 :
« Le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille, une information
loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. Tout au
long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à
leur compréhension ».
Article 35, alinéa 2 :
« Toutefois, dans l’intérêt du malade et pour des raisons légitimes que le praticien apprécie en
conscience, un malade peut être tenu dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic
graves, sauf dans les cas où l’affection dont il est atteint expose les tiers à un risque de
contamination ».
Article 35, alinéa 2 :
Un pronostic fatal ne doit être révélé qu’avec circonspection, mais les proches doivent en être
prévenus, sauf exception ou si le malade a préalablement interdit cette révélation ou désigné les
tiers auxquels elle doit être faite.
Arrêt Hedreul du 25 février 1997
Stipule qu’il y a dorénavant une inversion de la charge de la preuve et qu’il incombe au
médecin de prouver qu’il a bien exécuté son obligation contractuelle d’information de son patient
Loi du 4 mars 2002
Loi d’information et d’accès au dossier médical : « droits des malades » ou plutôt des « usagers
de la santé »
Amorce d’un changement de mentalité :
–vers une médecine plus transparente pour des patients plus adultes
Revendication des patients :
–à un accès au savoir médical
–à une participation à la décision médicale
Complexité de l'information : Du "droit" de savoir … ou de ne pas savoir
Article
L. 1111 - 2 du CSP de la loi du 4 mars 2002 :
"La volonté d’une personne d’être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un
pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission".
Conséquences de la loi du 4 mars 2002 :
Passage progressif du paternalisme médical « latin » au contrat médecin-malade « anglosaxon »
Passage d’une philosophie de conseil et d’accompagnement (« principe de protection ») à une
logique d’efficacité et de partenariat (« principe d’autonomie »)
Conséquences de la loi du 4 mars 2002 :
Risque croissant de disjonction entre la pratique médicale et les souhaits des patients
Application du droit dans une relation médicale avec le risque de ne plus être dans une relation
thérapeutique
Plan Cancer de mars 2003 :
Au niveau gouvernemental, le cancer grâce au Plan Cancer est érigé en priorité nationale :
–définit les supports et octroie les moyens nécessaires afin de mieux répondre aux demandes
d’information des patients
–l’information devient partie intégrante du soin
–humaniser la prise en charge des malades et le processus d’annonce
–mise en place de consultations spécialisées dans l’annonce du diagnostic : dispositif d’annonce
–instauration d’un accompagnement psychologique faisant suite à la consultation
–la pluridisciplinarité est nécessaire pour apporter une meilleure information aux patients
Dispositif d'annonce du cancer : Mesure 40 du Plan Cancer (2003-7)
 Temps médical d’annonce et de proposition thérapeutique avec élaboration du programme
personnalisé de soins (PPS)
Temps d'accompagnement soignant (consultation IDE) avec repérage des besoins du patient
 Temps dédié aux soins de support avec accès possible à une équipe impliquée dans les soins
de support
 Temps d'articulation avec la médecine de ville (médecin généraliste)
Les enjeux du Plan Cancer 2 (2009-13)
Concernant le dispositif d’annonce :
 généraliser et pérenniser le dispositif d’annonce
 développer l’articulation hôpital / médecine de ville au moment de l’annonce
 développer les réseaux de proximité
 in fine continuer à réfléchir sur les difficultés psychosociales entraînées par le cancer et ce
quelque soit son stade d’évolution
 toucher les populations défavorisées
Il n’existe pas de dispositif d’annonce pour le passage du curatif au palliatif !!!
Contexte législatif : Girault V Med Pal 2006
Loi dite LEONETTI du 22 avril 2005 :
aux droits de la personne malade en fin de vie
–Traite aussi des obligations des soignants à l’égard de la personne en fin de vie : organisation
médicale de la fin de vie
–Introduit le principe déontologique de l’interdiction de l’obstination déraisonnable (autrefois
appelé acharnement thérapeutique)
–Précise que tout malade a le droit d'être accompagné lors de la fin de sa vie, et d ’être aidé par
des soins destinés à soulager sa douleur physique, apaiser ses souffrances morales et sauvegarder
sa dignité
–Prend position en faveur du « laisser mourir » (et non pas le délaissement) mais refuse l’aide
active à mourir et donc à tuer !!!
–Centrée sur la proportionnalité des soins et la culture des soins palliatifs
–Relative
Loi dite LEONETTI du 22 avril 2005 :
–confirme l'interdit de tuer et replace le malade au centre du dispositif en affirmant son droit à
maîtriser la fin de sa vie
Prise en compte de :
–du droit des malades à refuser les soins et tout traitement
–l’information et de la consultation des proches
–l’avis de la personne de confiance
–l’avis des directives anticipées (« testament de vie » : intentions concernant sa fin de vie)
L’information des patients : Recommandations de l’ANAES (mars 2000)
Information destinée à :
−éclairer le patient sur son état de santé
−décrire la nature et le déroulement des soins
−fournir des éléments lui permettant de prendre des décisions en connaissance de cause
(acceptation / ou refus)
Le passage du curatif au palliatif
Moment symbolique de rupture et de passage avec de multiples enjeux :
pour les médecins :
annonce de la mort prochaine
vérité iatrogénique
pour les patients :
connaissance / au futur
devoir vivre avec ce savoir
Les différentes étapes d’une discussion concernant le passage en soins palliatifs
Essayer d’optimiser le cadre où a lieu l’entretien
Déterminer ce que le patient sait déjà sur sa maladie
Déterminer ce que le patient souhaite vraiment connaître de sa maladie, de son état actuel et ce
qu’il peut entendre
Fournir des informations de manière compréhensible et progressive, adaptées aux besoins de
chaque patient
S’assurer que le patient a bien compris les informations fournies
Répondre de manière empathique aux réactions verbales et non verbales du patient
Définir le terme de soins palliatifs en précisant leurs rôles et leurs intérêts pour le patient
Préciser que le traitement palliatif n’est pas seulement le traitement de fin de vie mais la mise en
place de diverses mesures et ressources au profit du patient
Expliciter à ce stade de la maladie la priorité donnée aux soins de confort et au mieux être du
patient
Terminer l’entretien par :
un résumé des points importants abordés
donner la possibilité au patient de poser les questions ou d’aborder d’autres problématiques ou
préoccupations importantes pour lui
Assurer le patient d’un contrat de non abandon et de non renoncement
L’annonce du passage en SP
Consultation qui sera longue (45mn à 1h)
Importance de l’organisation de cette consultation
Choix du moment de la consultation pour ne pas être dérangé mais aussi pour ne pas être
fatigué
Consultation associée à une forte charge émotionnelle chez le patient et une tension nerveuse
chez le médecin
Choix du lieu de la consultation et de la position géographique des interlocuteurs
Importance de l’attitude du médecin et de la communication non verbale (gestuelle,
mimiques) et de l’empathie
Confrontation de 2 représentations de la maladie :
Pour le médecin :
évolution sur plusieurs semaines ou mois voire parfois quelques années
possibilité de thérapeutiques essentiellement de confort
sa représentation n’est pas forcément excessivement péjorative à court et à moyen terme
Pour le malade :
représentation très péjorative à court terme : mort rapide et grandes souffrances
Objectif du médecin :
construction d’une représentation commune supportable pour le patient pour qu’il puisse
s’adapter à sa situation médicale
Attitudes du médecin :
refaire l’historique
utilisation d’images, de dessins, de métaphores
respecter le rythme du patient et les silences
si pleurs, proposer un mouchoir en papier et un verre d’eau
parfois, possibilité de se rapprocher physiquement en prenant la main
décoder le sens des divers termes utilisés souvent anxiogènes voire traumatiques afin d’ajuster
la représentation du patient
rappeler au patient la difficulté à entendre ce qui vient de lui être dit
lui montrer qu’on a su repérer ses peurs et ses priorités
proposer une autre consultation
L’échec de la chimiothérapie:
Comment l’aborder ?
Faire un rappel historique de tout ce qui a été entrepris jusqu’à maintenant
Evaluer les attentes du patient à ce stade de la maladie et des traitements reçus
Signifier que le traitement n’a pas donné les résultats escomptés
S’enquérir alors du ressenti du patient face à cette annonce
Légitimer les réactions du patient
Mettre en avant les inconvénients à poursuivre un tel traitement en termes de rapport
bénéfices/risques
Parfois, possibilité de laisser l’espoir d ’une chimiothérapie palliative si amélioration de l ’état
général du patient avec des mesures symptomatiques (nutrition, transfusion, réhydratation,
antibiothérapie…)
« Vous êtes trop fatigué actuellement pour recevoir une
nouvelle chimiothérapie. Nous allons l’interrompre un temps puis nous verrons en fonction de
l’évolution de votre état »
Le pronostic en cancérologie
L’abord du pronostic en phase palliative
Comment proposer une information concernant le pronostic ?
Quels aspects du pronostic aborder ?
Comment parler du pronostic ?
Comment conclure après une telle révélation ?
Le pronostic renvoie au problème de l’incertitude, du doute et de la singularité de la personne
malade
Pour le médecin, trouver le niveau de communication acceptable entre limites de la médecine et
maintien d’une confiance nécessaire garant de la relation médecin/malade
Le pronostic en cancérologie
Il s’agit du point le plus délicat
Souvent sujet à malentendu entre les attentes du patient et les réponses du médecin
Souvent sujet à controverse au sein du corps médical :
les uns sont partisans de dire la vérité pour se préparer
les autres sont partisans du mensonge pour entretenir l’espoir
Communiquer sur la mort : les barrières
Inconfort
Peur de sa propre mortalité
Peur de saper le moral et l’espoir
Peur qu’en parler puisse nuire au patient
Résistance de l’entourage du patient ou du patient lui même
Difficulté de trouver le moment adéquat pour en parler
Ne pas avoir assez de temps
Proposer une information concernant le pronostic
Demander au patient s’il souhaite recevoir ce type d’information
S’enquérir au préalable du niveau de compréhension du patient de sa situation médicale et de
ses attentes
Les aspects du pronostic à aborder
Respect et adhésion aux désirs du patient concernant la quantité d’information qu’il souhaite
recevoir :
détails sur le stade de la maladie et l’implication sur le pronostic
possibilité de stabiliser ou pas la maladie
les bénéfices escomptés et risques de poursuite des thérapeutiques actuelles
chiffres moyens et extrêmes en termes de survie (intervalle plutôt que chiffre précis)
risque létal du cancer versus d’autres maladies (IDM, accident)
Parler du pronostic
Préciser les limites d’une estimation précise du pronostic
de prédiction au niveau individuel
estimation basée sur données scientifiques qui peuvent être réactualisées à tout moment
Recadrer l’information statistique par rapport au risque individuel
risque statistique concernant un échantillon de malades versus un risque individuel
difficulté
Présenter l’information de diverses manières
statistiques, graphiques
combiner estimation verbale (petite) et estimation chiffrée (temps de survie gagné, chance de
réduction tumorale)
explication verbale des graphiques (courbes de survie)
terminologie statistique (survie médiane, risque relatif) que si le patient y est familiarisé
mots,
Conclusion après un tel entretien
Résumer les points principaux de l’entretien et réévaluer la compréhension de l’information
donnée
Insister sur les aspects positifs de l’information (espoir de stabilisation, de prolongation)
Assurer le patient de notre disponibilité pour répondre à d’autres questions et proposer une autre
rencontre pour reparler de tout cela (temps de sidération)
Le pronostic doit toujours être mis en balance avec les options thérapeutiques en insistant sur les
aspects positifs concernant chaque option préconisée
L’absence d’espoir est un facteur de risque d’accélération de la fin de vie (Pillot J Rev Prat
Med Gén 1993)
En cas de pronostic sombre au delà de toute thérapeutique curatrice :
la qualité de vie
focaliser sur le confort et le maintien de
optimaliser la prise en charge palliative
Mettre toujours en balance un pronostic péjoratif avec un contrat de non abandon
La vérité en cancérologie
Doit tenir compte du rythme et de la personnalité du patient
Doit respecter les mécanismes de défense érigés suite à l’annonce du diagnostic :
identification et projection agressive face au caractère insoutenable de l’innommable
déni et annulation qui conduisent à rejeter la vérité dans l’inconscient car trop angoissante et/ou
trop violente
Dire la vérité, c’est aussi détenir un savoir sur le patient que celui-ci n’est pas toujours prêt à
recevoir
Dire la vérité, c’est avant tout choisir le moment, le temps, les mots pour que le patient puisse
malgré le traumatisme de la révélation d’un diagnostic ou d’un pronostic, retrouver son désir de
combattre, de continuer à vouloir vivre
Décomposer la vérité tant redoutée en «des morceaux de vérité » exprimés avec des mots que le
malade peut comprendre et supporter
(René Schaerer JALMALV 1986)
Les cinq règles de communication en cancérologie
Créer un environnement favorable : pièce calme, patient et médecin assis, disponibilité (bip,
téléphone)
Être à l’écoute du patient : histoire personnelle non médicale, ATCD médicaux, personnels ou
familiaux, de ce qu’il sait ou veut savoir, craint ou a compris
Annoncer progressivement : reprendre l’histoire, vérifier pas à pas la bonne compréhension et
la disponibilité à entendre la suite, annonce en deux temps parfois
Ne pas noyer d’informations le patient : black-out, sidération, surdité sélective
Favoriser la présence d’un proche : témoin auditif, peut prendre le relais et servir de soutien,
ne doit pas être l’interlocuteur principal
La vérité en cancérologie
Médecin
Que demande le patient ?
Que veut savoir le patient ?
Que dire et comment le dire ?
Vérité pas à pas
Vérité adaptée à chaque cas
Vérité à tout prix : non
Vérité en son temps : oui
Vérité du malade: décryptage
Certains patients réclament la vérité concernant l’issue de leur maladie car :
ils ont besoin de savoir
ils ont besoin de conserver le contrôle des événements, de planifier, gérer, maîtriser
ils ne peuvent se cantonner dans la représentation fantasmatique
ils ont besoin de pouvoir prendre leurs dispositions : testament, préparation des enfants
Certains patients réclament une vérité à entendre comme ne me dites surtout pas la vérité car :
ils ne veulent pas savoir
ils veulent ignorer le pronostic
ils souhaitent s’en remettre au médecin sans avoir à gérer le poids d’un savoir
ils veulent pouvoir n’entendre qu’une « bonne vérité »
Le patient qui dit vouloir savoir toute la vérité n’est pas forcément vrai mais peut-être souhaitet-il entendre une vérité qui sera sa vérité à lui
« J’ai préféré à une vérité donnée toute faite, le chemin parcouru pour la trouver » (C. Geets)
Vérité du malade / vérité du médecin
Il est aussi délétère :
de donner une information non désirée
de dissimuler le diagnostic à une personne qui souhaite le connaître
La vérité en cancérologie
« En aucun cas, la réalité d’une maladie n’est substituable à la réalité d’un sujet malade »
(Emmanuel Hirsch)
« Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde » (Albert Camus)
« La vérité est comme le soleil. Elle fait tout voir et ne se laisse pas regarder » (V. Hugo)
« La vérité n’est pas l’information et ne peut être abstraite du concret d ’une relation entre deux
êtres humains »
(M. Balint)
« Ce n’est pas tout de dire la vérité, « toute la vérité », n’importe quand, comme une brute:
l’articulation de la vérité veut être graduée; on l’administre comme un élixir puissant qui peut
être mortel, en augmentant la dose chaque jour pour laisser à l’esprit le temps de s’habituer »
(V. Jankélévitch)
« La vérité a, tout comme un médicament, sa propre pharmacologie, une dose trop faible ne
produit pas d’effet et risque même d’ébranler la confiance qu’a le malade dans le médecin; la
prescription de doses excessives provoque des symptômes inquiétants (…). Par conséquent, c’est
davantage la manière dont on dit les choses que le choix de les dire ou non qui conditionne les
résultats obtenus »
(R. Buckman)
« Souvent,les hommes réclament ce qu’ils appellent la vérité : avec incohérence,mais avidement
leurs yeux supplient qu’on leur mente. Beaucoup parmi eux vivent de simulacres et ces
simulacres leur sont plus indispensables que le pain,l’eau,l’amour ou les lacets de leurs
chaussures ».
Jacques Prévert
Les mots peuvent être simples pour dire la vérité la plus complexe
Vérité trop lourde à porter pour le médecin qui sait face à un patient qui ne sait pas
Nécessité d’une préparation à 2 niveaux :
pour le médecin qui doit annoncer cette vérité
pour le patient qui doit recevoir et entendre cette vérité
La vérité diagnostique et pronostique: principes de base pour la dire
prendre son temps et prévoir un lieu adéquat : éviter couloir, téléphone, multiples intervenants
évaluer le degré de préparation du patient : moins le sujet est préparé à entendre cette vérité,
plus l’annonce sera lente et répétitive
partir de ce que sait le malade de sa situation : rappel historique de la maladie et des traitement
et évaluer la compréhension du patient
Écoute active de la part du médecin :
 se taire et laisser parler le malade
que veut savoir le patient
inviter le patient à parler et évoquer ses préoccupations et ressentis face à cette vérité
 clarifier et vérifier la compréhension du malade




utilisation de questions ouvertes plutôt que fermées
décodage et reformulation
pouvoir gérer ses propres émotions et accueillir celles du patient
maintien d’une interaction afin d’avancer pas à pas ensemble vers cette vérité
pour le médecin, toujours se poser la question de savoir si c’est le bon moment pour aborder le
thème de la vérité avec le patient
donner une vérité adaptée à sa compréhension
tenir compte de ses capacités de représentation et de lutte (adaptation et « coping »)
donner une vérité nécessaire, utile et supportable pour le patient et non la vérité
La vérité ne peut se dire que dans un dialogue (et non un monologue). Elle n’est pas d’un seul
côté. Elle se construit dans une relation et un échange dans une écoute réciproque
Vérité partagée plutôt que vérité assenée
Avantages de la vérité
Honnêteté et franchise garant d’un bon aspect relationnel entre médecin et patient
Peut faciliter la prise de décision et la compliance aux thérapeutiques proposées
Peut permettre la mise en ordre d’affaires personnelles
Mise en conformité par rapport aux obligations légales d’information
Inconvénients de la vérité
Nécessité d’une disponibilité de la part du médecin qui doit ainsi s’attendre à pouvoir répondre
à toutes sortes de questions émanant du patient et/ou de son entourage
Excès de vérité peut être dangereux vis à vis d’un patient fragile mentalement et précipiter sa
décompensation sur le plan psychique
Vérité trop rapide et trop brutale peut entraîner chez le patient un phénomène de sidération
psychique facilitant l’instauration d’un déni et empêchant l’intégration de toute nouvelle
information
Ethique de la vérité
Temporalité de l’annonce versus obligation déontologique :
–moment de dire / devoir de dire
Respect d’autrui lors de l’annonce :
c’est respecter l’autre dans son sentiment d’être toujours respectable » (Emmanuel
Hirsch)
–« informer
Dimension éthique lors de l’annonce
Respect de l’autonomie du patient
Volonté de produire un bénéfice pour le patient
Volonté de préserver le patient sans lui nuire
Respect de sa dignité
Respect du libre arbitre
Respect de la liberté de choix décisionnel
Les différents niveaux éthiques lors de l’annonce diagnostique
Divulgation d’une information respectant
de soi
le droit à la vérité
l’estime
Délivrance d’une information optimale
et cohérente
progressive et partagée
adaptée
Maintien d’une autonomie du patient
partage des responsabilités des décisions
liberté du choix décisionnel
Création d’une alliance thérapeutique
-confiance réciproque
-partenariat constructif
Problématiques éthiques face à l’annonce diagnostique et pronostique
Liberté
Dignité
Choix
Valeurs
Sens
Responsabilité
Engagement
Respect des valeurs individuelles et socioculturelles
Exploration des conflits d’intérêts entre les valeurs et les normes
Respect d’une vérité partagée plutôt qu’assenée
Les questions éthiques soulevées par l’annonce pronostique
Le respect de la dignité du patient
Le respect de la réticence du patient à recevoir une information pronostique
Le respect de son ambivalence
Le respect du principe de bienfaisance
Éthique de l’annonce
La manière de divulguer l’information diagnostique et pronostique fait partie des valeurs
éthiques du soin
Respect de l’authenticité de la relation médecin / malade : juste et véridique
Respect et maintien du colloque singulier
« Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne
de tout autre, toujours en même temps comme une fin et jamais simplement comme un moyen »
Emmanuel Kant
Trouver un espace de dialogue entre médecin et malade
L’annonce d’une vérité médicale scientifique épidémiologique, statistique, identique et
répétitive (« vous avez un cancer généralisé ») se heurte à la vérité singulière, unique de chaque
patient (« sa vérité à lui »)
La manière de dire une vérité doit être à la hauteur de l’importance que cela a pour l’autre
L’information de la famille
Famille et médecine
« Si la médecine se situe du côté de la probabilité, de la rationalité, d’un savoir objectif, le
malade et sa famille se situent dans le registre des croyances, de l ’intuition, d ’un savoir subjectif
lié à l ’histoire et à la personnalité de chacun »
Rusniewski M in : Fin de vie et société: approche psychanalytique 2005
La famille
De qui s’agit-il ?
–Parents de jeunes adultes
–Parents d’adultes murs
–Enfants d’adultes âgés
–Enfants d’adultes jeunes
–Conjoint : époux, concubin, compagnon « illégitime »
–Fratrie, cousins, belle-famille
Faut-il informer tout ce monde ?
La famille face à l’annonce d’un diagnostic de cancer
La famille est un deuxième patient donc il faut pour elle respecter les mêmes règles d’annonce
que pour le patient
A-t-elle des soucis personnels : professionnels, familiaux, médicaux ?
A-t-elle déjà été confrontée à une histoire de cancer ?
Qu’est-elle prête à entendre ?
Que souhaite-t-elle savoir ?
La souffrance des familles
Morbidité physique et psychologique chez les partenaires de patients atteints de cancer :
par le cancer
–somatisations et conduites d’addictions
–augmentation des syndromes anxio-dépressifs
–corrélations significatives entre les réactions sévères du conjoint et celles du patient
–perturbations psychologiques souvent détectées plusieurs mois après le diagnostic, évolutive au
gré de la maladie
–affectés
L’annonce diagnostique : Impact psychologique chez les familles
Crise émotionnelle aiguë qui peut se traduire par :
–sidération, détresse, désespoir
–déni
–rejet, révolte, culpabilité
–projection agressive
–hyperactivité intrusive
–fatalisme et passivité
Phase de soulagement faisant suite à une période d’incertitude
Resserrement des liens familiaux
une crise émotionnelle intense
une modification de la dynamique familiale et donc des rôles et rapports intra-familiaux
un vécu de menace
la possibilité de perte d’un être cher
une confrontation à l’inconnu
un vécu d’impuissance, d’usure, d’épuisement et de lassitude
l’apparition de plaintes somatiques


L’information de la famille
Demander toujours au préalable au patient de désigner un référent familial (coordonnées
précises dans le dossier médical)
Demander au patient l’autorisation de donner des informations générales sur son état de santé
aux différents membres de sa famille
Déceler et noter clairement toute situation conflictuelle (conjoint, belle-famille, rupture avec la
fratrie) et le refus délibéré du patient d’informer sa famille
De façon idéale, donner une information identique au patient et à sa famille : diagnostic plus
projet thérapeutique
Éviter les situations de décalage et de collusion : ex patient informé d’un polype et famille d’un
cancer généralisé avec un pronostic défavorable à court terme
Respecter les cinq règles de communication :
environnement, écoute, information progressive, pas trop d’informations, présence d’un
proche
La vérité en cancérologie
Impact chez les familles
La vérité pour la famille souvent acteur ou spectateur d’une « conspiration du silence »
Vérité insoutenable pour le médecin :
 se décharger d’un fardeau trop lourd à porter
 se décharger d’une information « dérangeante » sur un tiers proche du patient
Vérité insoutenable pour la famille :
 être prisonnier d’un secret trop lourd à porter
La vérité chez les familles
La famille est souvent le trait d’union qui relie le patient à « sa vie »
Agir avec la famille avec le même tact qu’envers le patient
Avancer avec elle progressivement dans une relation de vérité pour lui permettre :
de réaliser les conséquences de la maladie
de commencer progressivement le travail de deuil tout en conservant la relation avec le proche
(éviter deuil anticipatoire)
Informer n’est pas communiquer
Eviter le piège d’informer sans communiquer :
ne pas faire :
–noyer la famille de données scientifiques, statistiques, de risques théoriques
–oublier la particularité de la famille
–Ne pas être à l’écoute de ce qu’elle a compris, de ce qu’elle veut ou peut entendre, du ressenti,
de l’émotion des paroles reçues
–A
Eviter le piège de communiquer sans informer :
faire :
–Écouter les angoisses et préoccupations de la famille ainsi que les questions sans réponse
–Sans forcément donner des informations précises sur l’évolution ou le pronostic
–Un regard, une main serrée, une parole attentive sont autant de réponses aux angoisses de la
famille
–A
–
Situation de collusion
Collusion ou conspiration du silence :
ou l’un des membres d’un système est tenu, activement ou passivement, à l’écart d’une
information diagnostique ou pronostique
recherche de protection d’un tiers généralement effectuée par l’entourage familial vis à vis du
proche malade
génératrice de souffrance psychologique pour l’ensemble des protagonistes
situation
l’entourage d’un
individu craint parfois la réaction de celui-ci à l’affrontement d’une pénible
vérité
la collusion leur apparaît alors être une alternative au problème de l’annonce d’une mauvaise
nouvelle
synonyme de rupture de la communication
le principal intéressé se trouve être l’exclu de l’information
les non dits, les silences engendrent chez le patient une perception et une intuition marquée par
l’angoisse
Essayer de rompre cette collusion :
reconnaître la mise en place de cette collusion au sein de la famille
explorer et valider les raisons sous tendant cette collusion
évaluer le coût émotionnel de cette collusion auprès des proches
évaluer auprès du patient son désir de connaître ou non sa situation médicale
si oui, restaurer communication en permettant l’expression des préoccupations communes de
chacun
La personne de confiance
Loi du 4 mars 2002, code de Santé Publique (article 1111-6)
Toute personne majeure peut désigner une personne de confiance lors de toute hospitalisation
dans un établissement de santé :
–elle peut être un parent, un proche ou le médecin traitant
–les enfants et les adultes sous tutelle sont exclus
–elle sera consultée au cas ou le patient serait hors d’état d’exprimer sa volonté et de recevoir
l’information nécessaire à cette fin
–sa désignation est faite par écrit, révocable à tout moment
–son rôle est de recevoir l’information nécessaire afin de permettre une consultation pertinente de
son avis, voire de sa décision, en cas de besoin et donc d’exprimer la volonté du patient en ces
lieux et place si celui-ci n’est pas plus capable de le faire lui-même
–si le malade le souhaite, la personne de confiance l’accompagne dans ses démarches et assiste
aux entretiens médicaux afin de l’aider dans ses décisions
–en cas de diagnostic ou de pronostic grave, la personne de confiance reçoit des informations
nécessaires pour un soutien direct au patient sauf opposition de celui-ci
–la personne de confiance est tenue au maintien d’une stricte confidentialité quant au secret
médical qu’elle partage à cette occasion
Comment communiquer avec un enfant qui va mourir d’un cancer
Il est très important de parler de la mort avec l’enfant mais en tenant compte de sa singularité
(Seigneur E, Eurocancer 2011)
Les enfants souhaitent être informés de leur maladie, des traitements et du pronostic
(Wolfe J et al Pediatr Clin North Am 2002)
Se taire accentue anxiété, fantasmes et craintes et sentiment de perte de contrôle (Ellis R et al
Psycho-oncology 1993)
Les obstacles :
Barrage naturel des parents qui veulent protéger leur enfant d’une communication franche et
honnête
Croyances erronées que parler de la mort avec un enfant va le précipiter dans la dépression et
qu’il ne peut comprendre le concept de la mort
Obtenir l’accord parental pour aborder ce sujet avec l’enfant : partage de l’information médicale
et réponse aux préoccupations suscités chez l ’enfant
Choisir le moment où l’enfant
Laisser l’enfant exprimer ses craintes et ses réactions émotionnelles
Explorer ce que l’enfant sait de sa maladie et souhaite savoir
Apporter empathie, légitimation et clarification
Rassurer l’enfant sur le soutien apporté et la prise en charge des symptômes qui peuvent
l’inquiéter
« Aborder la mort en situation palliative c’est être capable de regarder ensemble dans une
direction inconnue »
E. Seigneur
Conclusions
La vérité diagnostique si elle apparaît unique sur le plan médical (« un seul diagnostic par
pathologie, un seul pronostic ») n’est pas unique quand il s’agit de la vérité du patient
Il n’y a pas une vérité mais des vérités lorsqu’il s’agit de prendre en compte la dimension
relationnelle entre un médecin et son patient
La vérité doit en permanence s’accompagner de la part de chaque médecin d’une écoute, d’une
réflexion et de tact
La vérité s’inscrit dans une relation de soins et constitue donc l’amorçage d’un acte
thérapeutique
La vérité sera conforme à l’éthique de soins si elle respecte le principe d’autonomie du patient et
donc son droit de savoir ou son refus de savoir
La relation médecin/malade c’est un CDI et pas un CDD !!
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