LE THEATRE ET SON DOUBLE

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LE THEATRE ET SON DOUBLE.
EN FINIR AVEC LES CHEFS-D’ŒUVRE.
Notre société est asphyxiée par les chefs-d’œuvre du passé qu’on respecte trop alors
qu’ils n’évoquent plus rien pour nous. Ils sont bons pour le passé, pas pour nous. Le théâtre
actuel pourrait cependant reprendre les thèmes de ces vieilles pièces (ex : avec Œdipe, celui
de l’inceste, l’idée que la nature se moque de la morale et le thème des « forces », ou
destin)mais en utilisant le contexte actuel pour que ça parle réellement à la foule. Réutiliser
les même formules que les pièces anciennes serait inefficace : « Le théâtre est le seul endroit
au monde où un geste fait ne se recommence pas deux fois ».
L’idolâtrie des chefs-d’œuvre fixés est un des aspects du conformisme bourgeois. Un
conformisme qui fait confondre à l’élite les idées exprimées avec les formes que ces idées ont
pris à travers le temps. C’est une mentalité snob que le public ne comprend pas. Or, pour
rendre le théâtre au public, à la foule des rues, il faut montrer un « spectacle valable, au sens
suprême du théâtre ».
On nous a habitués depuis la Renaissance à un théâtre seulement descriptif, et qui
raconte de la psychologie. La séparation entre spectacle et public est alors trop bien définie, la
foule trop inerte et on ne lui montre plus que le miroir de ce qu’elle est. Ce théâtre laisse le
public intact, in ébranlé. Il faut donc en finir avec le théâtre psychologique. Il faut arrêter de
faire de l’art pour l’art, de l’art détaché de la vie, quand on voit que notre société ne tient plus,
« que ns sommes tous fous, désespérés, malades ».Ex :la poésie individuelle surtout, est à
condamner, car elle n’engage que celui qui l’écrit au moment où il l’écrit et ne profite pas aux
autres.
« La poésie écrite vaut une fois, et ensuite qu’on la détruise. » C’est notre vénération
dvt ce qui a déjà été fait qui empêche de prendre contact avec la force qui est en dessous,
l’énergie pensante, la force vitale.
Ce n’est pas la civilisation qui doit changer pour que le théâtre change, mais le th., en
changeant, peut influer sur la civilisation. C’est pourquoi je propose le théâtre de la
cruauté. ;de la cruauté « terrible et nécessaire que les choses peuvent exercer contre nous. »
« Le ciel peut encore nous tomber sur la tête. Et le th est fait pour ns apprendre d’abord cela. »
Je propose d’utiliser pr le th les connaissances physiques qui donnent les moyens de
provoquer des transes, comme la médecine chinoise connaît sur le corps humain les points
qu’on pique et qui régissent toutes nos fonctions. Il faut que chaque geste sur scène ait un
retentissement ds l’organisme.
Dans le th de la cruauté :
-Le spectateur est au milieu tandis que le spectacle l’entoure.
-la sonorisation est constante : bruits, sons, cris, choisis pour leur qualité vibratoire plus
que pour ce qu’ils représentent.
-la lumière aussi doit être travaillée, être suggestive
-l’action et son dynamisme doivent mettre le spectateur en communication avec les
forces pures, ce qui produira une catharsis.(Artaud n’emploie pas ce mot) Un geste de th doit
pr cela être violent, mais il est désintéressé et enseigne justement l’inutilité de l’action(d’un
meurtre par ex).
« Il faut un th où les images physiques violentes broient et hypnotisent la sensibilité du
spectateur, pris ds le th comme ds un tourbillon de forces supérieures. »
LE THEATRE ET LA CRUAUTE.
Notre sensibilité est usée. Il faut un th qui nous réveille nerfs et cœur. Le th doit
posséder un action immédiate et violente, mais le th psychologique venu de Racine n’a pas cet
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effet. Le cinéma ne peut pas non plus joindre notre sensibilité et nous laisse dans un
engourdissement inefficace.
Dans la période angoissante où nous vivons, ns cherchons un th dt la résonance soit
profonde en ns, domine l’instabilité des temps ; un th grave, non de distraction, un th qui
bouleverse toutes nos représentations, agit comme une « thérapeutique de l’âme » et dt le
passage ne se laisse pas oublier.
« Tout ce qui agit est cruauté ». le nouveau th doit se baser sur cette idée. Sur l’idée
aussi que la foule pense d’abord avec ses sens, et qu’il est donc absurde de s’adresser d’abord
à son entendement comme le fait le th psychologique. Le th de la cruauté essayera d’extraire
des vieux mythes le forces qui s’y agitent, ms sans utiliser pr les présenter au public les
images expirées des anciennes pièces.
« Il faut faire du théâtre une réalité à laquelle on puisse croire. ». Un th qui agirait sur ns
comme le font nos rêves, et qui sera efficace par la violence de ses images, parce qu’il sera
empreint de terreur et de cruauté. Ce th devra ressembler à un rêve pr que le public puisse y
croire et n’y voie pas un simple calque de la réalité.
Récapitulatif : « Théâtre de la Cruauté » =
-un spectacle qui s’adresse à l’organisme entier.
-une mobolisation intensive d’objets, de gestes, de signes, sons, lumières
-une part réduite fait à l’entendement => bcp moins de texte
-un part active faite à l’émotion poétique => bcp de signes concrets.
Le premier spectacle du th de la cruauté roulera sur des préoccupations de masse, bcp
plus inquiétantes que celles de n’importe quel individu. (Artaud se demande ensuite s’il aura
les moyens financiers de mettre tout ça en place).
LE THEATRE DE LA CRUAUTE.
(Premier manifeste)
On ne rendra pas au th ses pouvoirs spécifiques d’action avt de lui rendre son langage. Il
faut rompre l’assujettissement du th au texte et retrouver « une sorte de langage unique à michemin entre le geste et la pensée ». Intonation et prononciation particulière des mots seront
alors très importantes pr influer sur les vibrations et la sensibilité du spectateur. Seront aussi
importants les sons, les cris, le « langage visuel des objets, des mouvements, des attitudes, des
gestes », qu’il faudra organiser comme un alphabet de signes : un alphabet dans l’espace. Les
personnages et les objets seront utilisés comme de véritables hiéroglyphes.
« Il s’agit donc de créer pour le th un métaphysique de la parole, du geste, de
l’expression. »
Mais il faut aussi que les idées qu’on cherche à exprimer soient inhabituelles, presque in
formulables. Des « idées qui touchent à la Création, au Devenir, au Chaos, et sont toutes d’un
ordre cosmique. »
Ce th fait évidemment appel à la musique, la danse, la pantomime, la mimique. Avec un
sens tout oriental de l’expression, ce langage concret du th sert à coincer, à enserrer les
organes. Il fait des mots des incantations, utilise des vibrations et des qualités de voix. Il
rompt l’assujettissement intellectuel au la, gage. Par ces moyens d’expression on cherche à
« mettre physiquement l’esprit sur la voie de quelque chose, donner le sens d’une création
dont nous ne possédons qu’une face, mais dont l’achèvement est sur d’autres plans »
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Technique :
« Le th doit poursuivre, par tous les moyens, une remise en cause non seulement du
monde objectif et descriptif externe, mais du monde interne, c’est à dire de l’homme,
considéré métaphysiquement. » Le th doit permettre, « par l’utilisation du magnétisme
nerveux de l’homme » de transgresser les limites ordinaires de l’art et de la parole, pour que
l’homme retrouve sa place, « entre le rêve et les évènements ».
Les thèmes :
Le spectacle : il contiendra des éléments sensibles à tous : cris, beauté magique des
costumes, rythme physique des mouvements, mannequins de plusieurs mètres, changements
brusques de lumière, etc.
La mise en scène : elle est le point de départ de toute création théâtrale, la clef de ce
nouveaux théâtre qui ne se fonde en aucun cas sur le texte.
Le langage de la scène : Il ne s’agit pas de supprimer la parole articulée, ms de donner aux
mots à peu près l’importance qu’ils ont dans les rêves.
« Il faut trouver des moyens nouveaux de noter le langage, soit que ces moyens
s’apparentent à ceux de la transcription musicale, soit qu’on fasse usage d’une manière de
langage chiffré. »
Les objets et les corps humains seront élevés à la dignité de signes, de hiéroglyphes.
Les intonations de la voix et expressions du visage devront être répertoriées et
cataloguées pour pouvoir être reproduites à volonté (comme des masques qu’on mettrait).
Les sons interviennent comme des personnages. La lumière même peut avoir un sens
intellectuel déterminé, il y a interaction entre les différents modes d’expression : lumière,
gestes, rythmes…
Les instruments de musique : Ils seront employés comme faisant partie du décors. On devra
chercher des qualités et vibrations absolument inaccoutumées pr mieux agir sur les organes.
La lumière-les éclairages : On doit chercher des « effets de vibration lumineuse » ; des
façons nouvelles de « répandre les éclairages en ondes, ou par nappes ; ou comme une
fusillade de flèche de feu ». il faudra plein de différentes couleurs pour évoquer le chaud, le
froide, la colère, la peur…
Le costume : le même pour toutes les pièces, se rapprochant de celui des th anciens, qui
conserve « une beauté et une apparence révélatrice . »
La scène-la salle : supprimer la scène et la salle. En faire un lieu unique sans barrières pr
établir une communication directe entre spectateur et spectacle. On pourra prendre n’importe
quel hangar et construire à l’intérieur une architecture particulière : proportions particulières
en hauteur et en profondeur. Public au milieu de la salle, en bas, sur des chaises mobiles qui
permettent de suivre le spectacle qui se déroule au 4 coins de la salle, sur plusieurs étages, par
des galeries. Les cris se diffuseront d’un bout à l’autre, amplifiés de bouche en bouche et
modulés. L’éclairage sera important aussi. Même si pas de scène, un emplacement central
sera réservé, qui sans être une scène, permettra au gros de l’action de se rassembler.
Les objets- masques-accessoires : il seront de proportions particulières, gigantesques,
apparaîtrons comme des images verbales.
Le décor : pas de décor
L’actualité : Ce th sera loin de l’actualité et des évènements. Mais pas des préoccupations
profondes du temps.
Les œuvres : « Nous ne jouerons pas de pièce écrite, ms autour des thèmes, de faits ou
d’œuvres connus, nous tentons des essais de mises en scène directe. »
Spectacle : il faut faire renaître l’idée du spectacle intégral : « faire parler, nourrir et
meubler l’espace ».
L’acteur : toute initiative personnelle lui est rigoureusement refusée.
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L’interprétation :ce th sera réglé, programmé, chiffré d’un bout à l’autre comme un
langage. Pas de mouvement perdu.
Le cinéma : on en peut comparer une image de cinéma, limitée par la pellicule, à une
image de th.
La cruauté :il faudra un élément de cruauté à la base de tout spectacle.
Le programme :
-une pièce de Shakespeare comme « Arden of Feversham »
-une pièce de Léon-Paul Fargue
-un extrait du Zohen : L’Histoire de Rabbi-Siméon.
-l’hisoire de Barbe-bleue
-etc
LETTRES SUR LA CRUAUTE.
Première lettre ; Paris 13 sept 1932, à J.P.
On m’a reproché mon titre de « th de la cruauté ». Je vais tenter de le justifier.
Cruauté n’est pas employé dans le sens de sadisme et sang, chair martyre, ou au moins pas
exclusivement.
Du point de vue de l’esprit, cruauté=rigueur, décision implacable, détermination absolue.
Le déterminisme philosophique le plus courant est une des images de la cruauté. La
cruauté est avt tout lucide, c’est la soumission à la nécessité. Pas de cruauté sans conscience.
Deuxième lettre, Paris 14 nov 1932, à J.P.
J’emploie le mot de cruauté au sens d’appétit de vie, rigueur cosmique et nécessité
implacable. « Une pièce où il n’y aurait pas cette volonté, cet appétit de vie aveugle et capable
de passer sur tout, visible de chaque geste et dans chaque acte, et dans le côté transcendant de
l’action, serait une pièce inutile et manquée ».
Troisième lettre, Paris 16 nov 1932, à M.R de R.
Je ne comprends pas les objections faites contre mon titre, puisque « l’effort est une
cruauté, l’existence par l’effort est une cruauté ». Le désir d’Eros est une cruauté, il y a dans
tout appétit de vie une espèce de méchanceté initiale. « Le mal est la loi permanente, et ce qui
est bien est un effort et déjà une cruauté surajoutée à l’autre ».
LETTRES SUR LE LANGAGE.
Première lettre, Paris 15 sept 1932, à M.B.C.
M.B.C. affirme dans un article que « à considérer la mise en scène comme un art
autonome on risque de commettre les pires erreurs ». Or c’est aussi ce que pense Artaud , et il
ne faut pas considérer la m. en scène comme un art mineur et asservi. Ce n’est pas un moyen
de représentation du th, mais son essence, sa base. Le scénario de la pièce est la condition de
m. en scène, ce qui lui donne lieu, mais c’est de cette mise en scène que se dégage la magie du
th, pas du scénario.
Sur scène, le langage des mots doit laisser place à celui des signes, qui nous frappe
immédiatement mieux. Ces gestes doivent être d’un efficacité assez forte pour faire oublier la
nécessité du langage parlé. Aucun des grands tragiques (Shakespeare, Sophocle, Eschyle)
n’est les th lui même, qui est affaire de matérialisation scénique et qui ne vit que de
matérialisation.
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Deuxième lettre, Paris 28sept 1932 , à J.P.
Mes spectacles n’auront rien à voir avec des improvisations. Il s’agit de bouleverser les
lois habituelles du th : substituer au langage articulé un langage de différente nature dont la
source sera prise « à un point encore plus enfoui et plus reculé de la pensée ». Ce langage part
de la nécessité de la parole, mais trouvant dans la parole une impasse, revient au geste. Il
revient aussi à l’origine, presque à l’étymologie des mots et des cris. Les mots, fixés un fois
pour toutes, paralysent la pensée au lieu d’en favoriser le développement. Avec ce nouveaux
langage, les possibilités du th et son efficacité magique sont renforcées.
« Je ne jouerai pas de pièce écrite »= pas de pièce basée sur l’écriture et la parole. C’est
la part physique qui sera prépondérante. Le th ne sera plus basé sur le dialogue mais sur la
scène. « La composition, la création, au lieu de se faire dans le cerveau d’un auteur, de feront
dans la nature même, dans l’espace réel ».
PS : L’auteur doit prendre énormément en compte l’espace scénique pdt qu’il écrit,
notamment utiliser les possibilités du souffle humain (respiration dont toute vie est issue).
Mais le secret du th ds l’espace c’est la dissonance, le décalage des timbre, le des
enchaînement de l’expression.
Troisième lettre, 9 nov 1932, à J.P.
(voir cours)
Quatrième lettre, 28 mai 1933, à J.P.
Pr être admis dans l’époque, mon th suppose une autre forme de civilisation. Ce th ne
représente pas son époque, mais peut pousser à une transformation profonde des idées,
mœurs, des principes du tps.
Quand au spectacle, je ne peux pas le décrire mieux que je ne l’ai fait car c’est presque
indescriptible, et j’aurais peur d’être plagié.
Tout le prestige de mon th revient à celui qui manie directement la mise en scène, qd on
attribue gnralement ce prestige au mot.
Ms le mot n’est fait que pour arrêter la pensée, il la cerne, la termine, il n’est en somme
qu’un aboutissement.
Le th a besoin qu’on le laisse libre. Le th oriental a su conserver aux mots une certaine
valeur expansive en le doublant de musique et d’intonations spéciales qui parlent directement
à l’inconscient. Ms on a surtout ds le th oriental un langage de gestes, attitudes, signes, qui
valent autant que la parole.
LE THEATRE DE LA CRUAUTE.
(Deuxième manifeste)
Le th de la cruauté a été créé pr ramener au th la notion d’une vie passionnée et
convulsive, cad cruelle. Cette cruauté pourra être sanglante, ms ne le sera pas tjrs.
1° au point de vue du fond :
Les thèmes traités répondront à l’inquiétude caractéristique de notre époque. Il dégagera
les mythes de l’homme et de la vie moderne. Reprendra des thèmes antiques des civilisations
mexicaine, hindoue, judaïque, iranienne, etc. Renoncera à la psychologie. La réalité de
l’imagination et des rives y apparaîtra.
Les personnages seront grandis à la taille de dieux, héros ou monstres, aux dimensions
mythiques.
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2°au point de vue de la forme :
On actualisera les vieux conflits, les matérialisera en mouvements. On rejoindra ainsi le
vieux th populaire, senti directement par l’esprit. Au plus grand nombre de mouvements
possibles on joindra les plus grand nombre d’images physiques et de significations possibles
attachées à ces mouvements.
Ce ne sera pas uniquement pr le plaisir extérieur des sens, mais aussi pour celui pus
profitable de l’esprit.
Les mots sont pris dans un sens incantatoire, magique. Apparaîtront des monstres, des
débauches de dieux, interventions explosives de poésie et d’humour. Il n’y aura pas de place
inoccupée, pas de répit.
Le premier spectacle du th de la cruauté sera :
La conquête du Mexique :
Description rapide et qui ne donne aucun précision réelle, sinon que cette pièce mettra
en scène de évènements et non des hommes, et que le sujet à été choisi pour son actualité
(pblm de la colonisation). Il précise que tout sera décrit et organisé de manière très rigoureuse.
UN ATHLETISME AFFECTIF
L’acteur doit être un athlète physique, seulement à chaque organe physique de cet acteur
doit correspondre un organe affectif analogue, qui est parallèle à l’autre. « Là où l’athlète
s’appuie pour courir, c’est là que l’acteur s’appuie pour lancer une imprécation
spasmodique ».
Le contrôle du souffle est primordial dans le jeu de l’acteur. Plus le jeu est sobre et
rentré, plus le souffle est dense et substantiel. Au contraire, plus le jeu est emporté et
volumineux, pus le souffle est en lames courtes et écrasées.
A chaque mouvement de l’esprit, chaque sentiment, correspond un souffle particulier.
La Kabbale nous enseigne que chaque temps du souffle a un nom. Il y en a six principaux :
Androgyne
Male
Femelle
Équilibré
Expansif
Attractif
Neutre
Positif
Négatif
L’acteur doit apprendre à combiner ces souffles pour recréer et faire passer toutes les
émotions humaines.
« Il est certain que si le souffle accompagne l’effort,, la production mécanique du souffle fera
naître dans l’organisme qui travaille une qualité correspondante d’effort. » : l’utilisation du
souffle permettra à l’acteur de faire passer plus efficacement les émotions et sentiments ; par
le souffle et pas les cris.
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