Survivor’s paradox : Travaux psychiatriques : Boehnlein et al. 1985, Kinzie et al. 1984 PTSD, mais aussi des symptômes variés, mémoire envahie… Il ne faut pas minimiser l’importance des troubles PTSD, mais il est important de bien utiliser cette catégorie nosographique. PB : hyper-valoriser ce trouble, risquant ainsi de diminuer l’importance d’autres facteurs et symptômes tout aussi importants. PB : traumatisme en rapport à un évènement précis. Or cette conception du traumatisme ne permet pas de comprendre l’effet de la terrible rhétorique d’extermination des Khmers rouges, qui a un effet traumatique. Rhétorique : déshumaniser les individus. Renier l’extermination réelle en cachant les traces des meurtres de masse, et en même temps, affirmer que les gens tués n’étaient plus des humains. Cette affirmation est très néfaste pour les survivants, car cette rhétorique d’extermination, consistant à assimiler les vivants aux morts, persiste dans les esprits. En plus, le fait d’avoir vécu pendant plusieurs années dans une proximité avec les morts, a des conséquences. « Certains symptômes ne sont pas la conséquence directe d’un évènement traumatique, mais plutôt l’extension de la rhétorique du bourreau, assimilant les morts et les vivants à la même destinée de cadavres. » Il semblerait que chez les survivants, il y ait une intériorisation de cette rhétorique, ce qui les amène à ce considérer de la même façon que les acteurs du génocide les considéraient. Rhétorique d’extermination des Khmers rouges S-21 : tortionnaires affirmant n’avoir jamais su qu’ils tuaient des être humains. Déshumaniser une population est à la fois la rhétorique et le moyen du meurtre de masse. Comme disait Pol Pot, « on ne gagne rien à le laisser vivant, on ne perd rien en le tuant » Politique de transformer les hommes en « quelque chose d’autre que de l’humain », pour pouvoir justifier les crimes. Pour aller plus loin, cette stratégie permet ensuite de renier les crimes, étant donner qu’il ne s’agissait pas d’êtres humains. Evidemment, cette rhétorique ne tient pas debout : il n’est pas possible d’appliquer ce changement, au même moment ou la rhétorique est mise à l’œuvre. Importance cruciale des témoignages de bourreaux : si on n’établit pas le fait que la rhétorique n’a pas marché : vous n’avez pas réussi à transformer ces hommes en quelque chose d’autre, seuls les survivants se sentiront une dette envers les morts. Autrement les morts ne sont pas honorés, car ils n’étaient pas des êtres humains. Ecart entre le nombre de témoignages individuels et la constitution d’une conscience collective. Le paradoxe du survivant Comment témoigner de sa chance d’avoir survécu, tout en témoignant de la mort de tant d’autres ? Comment accepter d’être le seul à pouvoir honorer les morts, les préserver dans les mémoires, tout en préservant sa propre existence ? Comment éviter d’être une fois de plus assimilé aux morts ? Dans toutes cultures, il y a toujours eu des rites funéraires, le travail du deuil, la préservation dans la mémoire des morts…. Mais malgré cela, il y a également toujours eu une séparation claire entre les mondes des vivants et des morts. Ce ne sont pas les mêmes sortes d’êtres. Dans la culture animiste cambodgienne, les esprits ont une place prépondérante dans la vie des hommes. Ce culte animiste a déteint dans le bouddhisme qui est depuis des siècles, la religion principale. Ainsi, morts, vivants, et esprits cohabitent ensemble. Mais ils sont tout à fait différents. Ils incarnent la figure de l’autre : figure of the otherness. Tuer les morts pourrait être la métaphore de l’extermination, comme s’il était possible de détruire l’existence symbolique des morts, pour déshumaniser les vivants. « Un mort qui erre sans sépultures, et dont on ne sait pas s’il a été objet d’un deuil, est un mort privé de sa mort. » Fedida Chaque survivant ne porte pas seulement la marque de ses propres blessures, mais également celles de ceux qui ne sont plus là pour témoigner. Le prix de cette fidélité est exorbitant, puisque aucun espace collectif n’est disponible pour partager les mêmes souffrances. Paradoxe du survivant, diffère de la culpabilité du survivant qui se demande sans cesse pourquoi il ou elle est en vie alors que les autres sont morts. Les conséquences cliniques du paradoxe du survivant, peuvent apparaître sous la forme de rêves douloureux ou d’apparitions d’esprits. La différence avec les symptômes traumatiques usuels, est qu’il n’y a pas d’évènement traumatique précis. C’est davantage, la confusion d’appartenir à un monde où la mort persiste, où le survivant à l’impression d’être déjà mort…