L’Ortie Par Cynthia Gaumetou Famille des Urticaceae Genre Urtica Nom anglais : Nettle Nom allemand : Brennessel C’est une plante rudérale (le long des chemins et des cours d’eau, friches, décombres, terrains vagues), anthropophile (compagne de l’Homme, voisinage des habitations), nitrophile. LA BRÛLURE : ! Une ortie pique, à ne pas confondre avec les « Lamiaceae » qui lui ressemblent mais ne piquent pas ! Son nom Urtica vient du latin et signifie « celle qui brûle », en effet elle possède de petites ampoules coniques dont l’extrémité est riche en silice. Elles se cassent aisément pour libérer un liquide, maintenu sous pression à la base du cône et constitué d’histamine, de formiate de sodium, de sérotonine et d’acétylcholine. Cocktail chimique déclenchant des brûlures qui peuvent se prolonger jusqu'à plusieurs semaines pour les espèces exotiques. Pour calmer ces brûlures on peut, selon les personnes, se frictionner avec du plantain, de la mauve, de la menthe ou de la grande oseille (c’est le suc de ces plantes qui va atténuer et faire disparaître la brûlure) [1]. LES UTILISATIONS : Thérapeutiques: L’Ortie est constituée de plusieurs éléments [2,5]: De la vitamine C (en grande quantité chez l’ortie) qui permet une bonne absorption du fer par l’organisme (reconstituant : favorise la formation de globules rouges [4]) et élimine l’acide urique. Donné aux femmes ayant eu un accouchement difficile, après hémorragie… Des vitamines K, E, B2, de la silice, du calcium, du manganèse, du soufre, des tannins et du carotène, qui lui confèrent ses nombreuses propriétés médicinales. Antidiabétique, antianémique, astringente, dépurative (cure de printemps pour débarrasser le corps des toxines), diurétique, galactagogue, hémostatique (arrête les saignements de nez), révulsive, digestive (régularise le péristaltisme intestinale), antipelliculaire, antiseptique (placer autour du poisson fraîchement péché pour mieux le garder [2]), séborégulatrice, hypoglycémiante. C’est aussi un préventif contre le scorbut et on peut l’utiliser pour le traitement des aphtes, de l’énurésie, de la ménopause, des œdèmes, des piqûres d’abeilles et de guêpes, du psoriasis, des rhumatismes, des sciatiques, de l’urticaire… 1 De la chlorophylle dont les vertus sont : traitement contre l’anémie, les infections et pour les cancéreux ayant suivi de la radiothérapie (anémie liée aux radiations excessives), elle est utilisée contre la tuberculose, la dingue et la fièvre jaune. César a introduit l’ortie en Grande Bretagne, pour que ses soldats puissent se flageller avec pour se réchauffer [4]. Industriel et artisanal : Alimentaire L’ortie possède une quantité importante de chlorophylle, en comparaison des autres plantes, et en perd très peu pendant la phase de séchage. C’est pourquoi elle est utilisée dans l’industrie notamment pour élaborer : le colorant alimentaire E140 [1]. C’est presque la matière première exclusive de la chlorophylle [3]. Procédé d’extraction [3]: -Les feuilles sont séchées à l’ombre (pour éviter décoloration et dégradation de la chlorophylle) -Elles sont ensuite placées dans le percolateur avec un solvant organique tel que l’acétone ou alcool -Traitement à froid et ajout d’eau pour obtenir une matière visqueuse à 30% de chlorophylle = CHLOROHYLLE BRUTE -Ajout d’éther de pétrole et d’alcool méthylique pour enlever les impuretés, manipulation à répéter plusieurs fois jusqu'à ce que la chlorophylle, insoluble dans l’éther, surnage -L’extrait obtenu + eau = CHLOROPHYLLE NATURELLE BRUTE Comme nous l’avons vue l’ortie est riche en de nombreux composants importants. La consommation d’ortie est bénéfique pour le corps en général. De nombreuses recettes existent, comme le potage ou les escargots à l’ortie et elle est prise en cure de printemps. Une fois les feuilles passées sous l’eau tiède elles ne piquent plus et sont donc facilement manipulables pour cuisiner. Cependant mieux vaut ne consommer que des jeunes pousses car les feuilles contiennent des cystolithes irritant pour les voies urinaires! Textile La tige de l’ortie renferme des fibres cellulosiques assez longues. Elles étaient utilisées autrefois pour le cordage, les toiles de tableau et les vêtements [2]. Durant la première guerre mondiale des tentes, des sacs à dos et des tenues de camouflages (couleur verte), étaient fabriqués avec pour les soldats [1]. La fibre étant moins importante et moins longue que dans le chanvre, elle ne s’est pas imposée. La princesse aux cygnes d’Andersen relate que la princesse doit fabriquer des vêtements en fibre d’ortie pour désensorceler chacun de ses frères transformés en cygnes [2]. 2 Des filets de fibre d’ortie, appelés étamines, servent à égoutter le fromage. Les propriétés antiseptiques et le maillage fin que l’on obtient avec l’ortie empêchent les intrusions extérieures et facilitent l’entretient [1]. En Egypte une ortie exotique, Boehmeria spp. (la ramie), était utilisée pour fabriquer les bandelettes d’embaumement des momies. Cette même fibre était utilisée, avec une autre fibre, pour fabriquer le papier des billets de banque en Franc [11]. Autres L’ortie contient un principe tinctorial dans sa racine qui était utilisée autrefois pour colorer les œufs de Pâque en jaune [1,11]. On peut aussi l’utiliser pour teindre du tissu mais c’est un petit teint, il ne résistera donc pas au lavage et au soleil. La silice contenue dans l’ortie en fait un bon produit pour récurer parquets et meubles [11]. Agricole : Les jeunes pousses sont données aux poussins et aux bétails comme fortifiant pour qu’ils soient plus résistants aux maladies. Le purin d’ortie est un antifongique, un antibactérien et un insecticide. Il est obtenu en laissant macérer 1 portion de feuilles d’ortie pour 9 portions d’eau. Elle serait employée en agriculture pour d’autres propriétés mais les résultats ne sont pas prouvés scientifiquement : comme fertilisant ; l’ortie accélèrerait la croissance des plantes voisines, améliorait le rendement des arbres fruitiers et augmenterait la teneur en essence des plantes médicinales. Elle serait aussi un excellent mulsh : broyée et placée au pied des végétaux, elle éviterait la levée des mauvaises herbes. Ajoutée au compost, l’ortie pourrait activer la transformation des déchets organiques [1]. Quelques feuilles dans le trou de plantation des Solanaceae permettraient de leur éviter le mildiou [11]. L’ORTIE : UN ECOSYSTEME A PART ENTIERE: L’ortie est une plante qui accueille une trentaine d’espèces monophages (qui ne s’alimentent qu’avec de l’ortie) [6] et plus de cent espèces profitent de la présence de cette plante [1]. Les espèces suivantes sont strictement inféodées au genre Urtica. Certaines ne se développeront que sur une espèce comme Orthonotus rufifrons sur Urtica dioica, d’autres se développeront sur davantage d’espèces. 3 Nbr d'spp d'ortie consommée ESPECES ORDRES FAMILLES Agromyza anthracina Meigen Agromyza pseudoreptans Nowakowski Aphis urticata Gmelin Apion urticarium (Herbst) Araschnia levana (L.) Brachypterus glaber (Stephens) Brachypterus urticae (F.) Calocoris sexguttatus (F.) ssp. Insularis Reuter Ceutorhynchus pollinarius (Forster) Dasineura dioicae (Rubsaamen) Dasineura urticae (Perris) Eupteryx urticae (F.) Heterogaster urticae (F.) Nedyus quadrimaculatus L. Melanagromyza aenea (Meigen) Microlophium carnosum (Buckton) Orthonotus rufifrons (Fallen) Parethelcus pollinarius (Forster, 1771) Philophylla caesio (Harris, [1780]) Phytomyza flavicornis Fallen Thrips urticae F. Trioza urticae (L.) [12,13] Diptère Agromyzidae 1 Diptère Agromyzidae 1 Hémiptère Aphididae 2 Coléoptère Curculionidae 3 Lépidoptère Nymphalidae 2 Coléoptère Brachypteridae 3 Coléoptère Brachypteridae 2 Hémiptère Mriridae 1 Coléoptère Curculionidae 1 Diptère Cecidomyiidae 1 Diptère Cecidomyiidae 2 Hémiptère Cicadellidae 3 Hémiptère Lygaeidae 2 Coléoptère Curculionidae 1 Diptère Agromyzidae 1 Hémiptère Aphididae 3 Hémiptère Mriridae 1 Coléoptère Curculionidae 1 Diptère Tephritidae 1 Diptère Agromyzidae 1 Thysanoptère Thripidae 2 Hémiptère 4 Triozidae L’ortie est aussi consommée par les oiseaux granivores tels que la perdrix (Perdrix perdrix), le sizerin flammé (Carduelis flammea), les faisans et les bouvreuils. Mais aussi le bétail (graines vermifuges) et les mammifères herbivores en général, qui profitent des nombreux bienfaits de la plante. Les escargots et limaces mangent principalement les jeunes pousses. Toutes ces espèces en attirent d’autres: leurs prédateurs, leurs parasites, les prédateurs de leurs prédateurs et ainsi de suite. [1, 6, 11] Les coccinelles et syrphes viennent sur les orties pour se nourrir de pucerons. Les Hérissons viennent pour les limaces et escargots, les renards et belettes pour les campagnols granivores. Les oiseaux insectivores comme la mésange, Parus spp. et les araignées profitent de l’abondance de ces proies pour faire de l’ortie leurs terrains de chasse [6]. De nombreux papillons viennent pondre sur l’ortie même s’ils ne lui sont pas strictement inféodés. Les Ichneumons empêchent un envahissement massif par les chenilles en les parasitant. Sans cette régulation il est possible que l’ortie, croulant sous ces herbivores, ne puisse survivre [1]. 4 Cette limitation des herbivores révèle la présence d’ennemis naturels des nuisibles qui pourrait être bénéfique dans la lutte biologique [8, 9]. Il existe donc une faune abondante qui gravite autour de l’ortie. Les patchs d’ortie sont très denses, productifs et ont des propriétés nutritives importantes ce qui permet d’héberger beaucoup d’individus à la fois [6, 7]. De plus les insectes ne se concentrent pas uniquement sur une partie de la plante, c’est toute la plante qui est exploitée. Selon le stade de développement et le genre de l’individu, on pourra retrouver un insecte de l’inflorescence mâle aux racines [7]. La fragmentation d’habitat d’Urtica influence grandement la densité de ces populations et la diversité de cet écosystème. En effet, un patch trop isolé verra diminuer sa diversité d’Arthropodes presque de moitié. Pour avoir 90% des espèces monophages, il faut que le patch soit d’au moins 265m² [10]. La taille des patchs importe plus pour les spécialistes et les monophages car plus la taille est réduite moins les conditions dont ils dépendent seront présentes. En ce qui concerne les prédateurs, c’est l’isolation de ces patchs qui influe le plus. Une explication possible de ce pattern est qu’un colonisateur, élevé dans la chaîne alimentaire, est principalement désavantagé par sa dépendance au succès d’installation de ces proies. Les problèmes de disparition/recolonisation par les proies les affectent beaucoup et si ces prédateurs ne réagissent pas assez vite ils ne survivront pas. La fragmentation, même à petite échelle peut causer de graves conséquences et pourrait entrainer des extinctions localisées [10]. L’ortie est un très bon exemple de l’importance de la biodiversité et nous apprend que chaque disparition d’espèce peut avoir un impact bien plus grand que ce qui était envisagé. 5 LES SOURCES : Livres: [1] Bernard B., Les secrets de l’Ortie [2] Boisvert C., Plantes et remèdes naturels [3] Perrot Em., Matières premières usuelles du règne végétal I [4] Sélection du Reader’s digest, Les plantes médicinales [5] Sélection du Reader’s Digest, Secrets et vertus des plantes médicinales Publications: [6] Davis B.N.K., The colonisation of isolated patches of nettles (Urtica dioïca) by insects [7] Davis B.N.K., The hemiptera and coleoptera of stinging nettle (Urtica dioica L.) in east anglia [8] Perrin R. M., The role of the perennial stinging nettle, Urtica dioica, as a reservoir of beneficial natural enemies [9] Stary P., The perennial stinging nettle (Urtica dioica) as a reservoir of aphid parasitoids (Hymenoptera, Aphididae) Acta Entomol. Bohmoslov. Vol. 80, no. 2, pp. 81-86 [10] Zabel Jorg et Tscharntke Teja, Does the fragmentation of Urtica habitats affect polyphagous and predatory insect differencially, Oecologyca septembre 1998. Internet: [11] Bulletin des espaces verts de la ville de Nantes, SEVE info n°1173 [12] http://pir.uniprot.org [13] Database of Insects and their Food Plants: http://www.brc.ac.uk/dbif/homepage.aspx 6