certains laboratoires ont accepté de la sorte de créer des bébés

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Partie 2 –
L’érosion des libertés ou les nouveaux paradigmes des droits de l’homme
Initialement fondée sur la primauté de la liberté individuelle, la promotion des droits de
l’homme et du citoyen, s’effectue aujourd’hui autour de valeurs qui en limitent la portée. Le
droit à la libre détermination des individus s’estompe devant le principe de dignité de la
personne humaine ; l’inviolabilité de la vie privée et la liberté d’aller et venir reculent devant
le droit à la sécurité ; la neutralité de l’Etat et des services publics au regard du fait religieux
est remise en cause au nom du droit à la différence des groupes qui composent les sociétés
nationales.
Ces valeurs – dignité, sécurité, droit à la différence - correspondent pour une part à
l’émergence d’une approche moins abstraite, moins idéaliste et utopique de la liberté. Elles
prétendent prendre mieux en compte les contingences sociales, historiques, culturelles, mais
en fragilisant l’idée de liberté individuelle et l’idée d’universel, elles rompent le consensus.
Un des problèmes majeurs de nos sociétés, parfaitement analysé par John Rawls, est la
difficile conciliation de la pluralité des conceptions du bien commun.
Chapitre 1 – Liberté et respect de la dignité de la personne humaine
Le principe de dignité protège l’espèce humaine plus que l’individu. Inclus dans les textes
constitutionnels et internationaux rédigés au lendemain de la seconde guerre mondiale, le
principe n’a une son efficience juridique consacrée en droit français qu’à partir de la décision
du CC du 27 juillet 1994 concernant les lois sur la bioéthique. Ce principe aujourd’hui a des
implications qui vont bien au delà de cette question. Il irradie toutes les branches du droit le
droit du travail, le droit des malades, le droit des détenus.
Section 1 – Le principe de dignité de la personne humaine et bioéthique
Le concept de dignité de la personne humaine a trouvé dans le champ de la recherche
médicale et de la manipulation du vivant un terrain d’expression privilégié. Dans ce domaine
il est apparu essentiel de fixer des limites aux expérimentations auxquelles certains individus
ou certains malades sont prêts à s’exposer. Le principe de dignité permet de reposer la
question de l’articulation des droits de l’homme et de la liberté des individus.
§1- Les principes d’inviolabilité et d’indisponibilité du corps humain
Le développement mal connu et mal maîtrisé des sciences de la vie, les risques de
manipulations génétiques, d’expérimentations médicales , de procréation artificielle, suscite
de nombreux conflits entre éthique et liberté, entre l’intérêt de la recherche scientifique et les
convictions humanistes, morales et religieuses. Jusqu’aux lois bioéthique du 29 juillet 1994
relatives au respect du corps humain, gouvernements et parlement se sont abstenus de
légiférer, s’en remettant aux règles déontologiques fixées par les laboratoires eux-mêmes et
aux avis du comité consultatif national d’éthique institué en 1983. Complètement dépassées
1
depuis longtemps, les lois de 1994 viennent d’être révisées, avec plus 5 ans de retard sur le
calendrier qu’elles imposaient, par la LOI n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la
bioéthique. Leur révision a été prévue par le législateur de 94 pour 2002. Elle n’a toujours
pas abouti puisque le projet de loi bioéthique, adopté en seconde lecture par l’AN le 11
décembre 2003, n’a pas encore été voté par le Sénat.
Les lois de 94 incorpore le principe de dignité dans l’ article 16 du code civil « La loi assure
la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect
de l'être humain dès le commencement de sa vie » et pose deux principes fondamentaux qui
gouvernent toute la question.
A. Le principe d’inviolabilité du corps humain
Il protège l’intégrité de la personne et contre elle même et contre autrui.
1) La protection de l’enfant à naître
Le droit ne confère la personnalité juridique qu’à la personne née viable. A partir de ce
moment là elle devient titulaire de droits subjectifs c’est-à-dire propres. Mais le droit n’ignore
pas pour autant l’enfant à naître :
- l’interdiction d’exécuter une sentence capitale sur une femme enceinte posée par le
Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
- La jurisprudence accorde une indemnité au titre du préjudice moral à une femme ayant
perdu l’enfant qu’elle attendait à la suite d’un choc causé par un tiers.
- Des décisions prennent en considération la "souffrance fœtale", qui est bien la
souffrance d’un être distinct de sa mère, car la souffrance fœtale n’est pas la
souffrance de la mère.
- Enfin, lorsque l’enfant meurt in utero, c’est bien de la mort d’un individu qu’il s’agit :
s’il n’était qu’un élément du corps de la femme, on ne dirait pas qu’il est mort.
La loi française « garantit le respect de l’être humain dès le commencement de la vie »
(Art 16-4 du code civil).
Le problème est que la loi française ne détermine pas quand commence la vie et ne propose
aucune définition de l’embryon.
Pour le CCNE : le terme embryon désigne tous les stades de développement du zygote (c’està-dire l’oeuf segmenté), avant le stade fœtal qui est atteint à la 8ème semaine de grossesse. Le
fœtus recouvre les stades de développement à partir desquels l'ensemble des principaux
organes est constitué et la " forme générale, caractéristique de l'espèce, acquise ", jusqu’à ce
qu’il soit viable hors du corps de sa mère. Ces définitions laissent planer un flou sur la période
préembryonnaire.
En Europe, l’Allemagne, l’Autriche, l’Espagne, le RU se sont dotés de définition de
l’embryon. Mais les définitions varient de la notion de « cellules aptes au développement »
(Autriche) à « l’ovule humain fécond pouvant se développer » (Allemagne) ou « ovule en
cours de fécondation » (RU).
L’utilisation de ces cellules préembryonnaires et embryonnaires recouvrent un enjeu
scientifique énorme, car, au fur et à mesure de la différenciation cellulaire, le zygote offre
2
une réserve de cellules totipotentes (permettent de reproduire tout le corps humain), puis
multipotentes tous les tissus humains) puis pluripotentes (les tissus d’un seul organe).1
2) La personne décédée
Les atteintes au respect des morts constituent un délit. Dans l’arrêt MILHAUD du 2 juillet
1993, le CE a affirmé que les principes déontologiques fondamentaux de respect de la
personne humaine qui s’imposent au médecin dans ses rapports avec ses patients ne cessent
pas de s’appliquer avec la mort de ceux-ci ». Il a pu condamner un médecin ayant pratiqué des
expérimentations médicales sur un patient en état de comas dépassé.
Ce qui ne veut pas dire que la dépouille soit juridiquement intouchable (Affaire Montand).
Certains droits de vivants pouvant prévaloir sur le droit des morts.
Le droit au respect de la personne en droit français s’entend donc de la personne à naître
virtuelle , la personne réelle, vivante et la dépouille mortelle.
3) L’indifférence au consentement
Le principe d’inviolabilité interdit toute atteinte à l’intégrité physique de la personne que cette
atteinte soit effectuée avec son consentement ou sans son consentement.





Le droit français ne reconnaît donc pas le droit d’organiser sa mort . La divulgation de
modes d’emploi pour le suicide est un délit (C Cass 26 avril 1988 Affaire du livre
Suicide, mode d’emploi).
C’est par la force qu’on résout les refus de transfusions sanguines ou les grèves de la
faim, contrairement à la Déclaration de Tokyo de l’OMS de 1975.
Le droit français récuse l’euthanasie active ou passive. Le refus de la France de
reconnaître le droit de mourir dans la dignité est périodiquement relancé par des
affaires douloureuses qui défrayent la chronique. De nombreuses propositions de lois
ont été déposée à l’initiative des associations pour le droit de mourir dans la dignité .
Pour une comparaison des législations européennes voir le site Sénat une étude
comparée sur l’euthanasie.
Hors motif médical sérieux, la stérilisation de l’homme ou de la femme est prohibée.
La stérilisation forcée est totalement exclue c/ USA où 100 000 malades mentaux sont
stérilisés chaque année ou au Danemark où la stérilisation des femmes ayan un QI < à
75 est admise.
Les mutilations rituelles sont interdites sauf la circoncision.
1
Ce sont principalement les cellules souches qui intéressent les scientifiques. Une cellule souche est, par définition, " une
cellule mère indifférenciée, capable, dans certaines conditions, de donner naissance à toute une population de cellules filles
qui lui sont rigoureusement identiques, mais dont la descendance, après plusieurs divisions cellulaires (mitoses) et sous
l'influence de divers facteurs – chimiques, mécaniques ou autres - peut se spécialiser (" différenciation ") en un à deux cents
types distincts de tissus aux fonctions spécialisées. " Denis Sergent, " Cellules souches – Bienvenue dans la fabrique
d'organes ", Eurêka, n°65, mars 2001, p.40
Plus la cellule est prélevée tôt, plus leur potentialité de différenciation est importante. Cette capacité est en effet
naturellement perdue au fur et à mesure du développement embryonnaire : d'abord totipotentes (capables de donner toutes les
cellules de l'organisme), mais seulement au stade 2 de développement (c'est-à-dire les deux premières cellules de l'embryon),
les cellules deviennent progressivement pluripotentes (capables de former plusieurs organes), puis multipotentes (capables
d'engendrer seulement un groupe d'organes).
Ce que l'on appelle " cellules souches embryonnaires " sont les cellules pluripotentes qui se trouvent au sein du bouton
embryonnaire lorsque l'embryon est au stade blastocyste – à savoir à peu près au cinquième jour suivant la fécondation.
3
4) La sanction du principe d’inviolabilité
La violation du principe tombe sous le coup des textes réprimant le meurtre, le viol, les
atteintes volontaires ou involontaires à l’intégrité physique et pour les plus graves d’entre
elles, sous les chefs de torture, traitement inhumains et dégradants.
B. Le principe d’indisponibilité du corps humain
Le corps humain ne peut pas faire l’objet de convention. Il est hors du commerce juridique et
hors de toute possibilité de transaction, d’échange que ce soit à titre onéreux ou non. La
personne, le corps humain, ses éléments, et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit
patrimonial (art 16-1 du C Civil).
1) Aliénation de la personne
Elle est interdite au titre de la prohibition de l’esclavage et devrait l’être au titre de la
prostitution.
Cependant la prostitution n’est ni interdite ni prohibée. Les législations ont oscillé dans ce
domaine entre trois attitudes :
- la prohibition
- la réglementation
- l’abolitionnisme (c’est le parti pris des conventions internationales qui engagent à
supprimer toutes les formes de trafic des femmes, des enfants et des être humains et
l’exploitation de la prostitution des femmes c’est-à-dire le proxénétisme.
Il n’y a aucun consensus en France sur la pénalisation de la prostitution ou « des travailleurs du sexe ».
Catherine Millet, Catherine Robbe-Grillet, Marcella Iacub, Agnès B., Christine Angot, Arielle
Dombasle... de nombreuses personnalités ont signé un manifeste assorti d'une pétition s'élevant contre
la tentation d'interdire la prostitution et défendant le droit des femmes à vendre leurs charmes
librement. On peut être féministe et - comme Elisabeth Badinter, par exemple - défendre la
prostitution. On peut aussi être féministe et militer pour son abolition comme les Chiennes de garde.
Cependant la Loi Sarkozy nº 2003-239 du 18 mars 2003 art. 50 2º Journal Officiel du 19
mars 2003 réprime le fait, par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de
procéder publiquement au racolage d'autrui en vue de l'inciter à des relations sexuelles en
échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération. Ce texte réprime le client
au titre du racolage passif (article 225-10 du CP) de deux mois d'emprisonnement et de
3 750 Euros d'amende. Le racolage est punissable de trois ans d'emprisonnement et
45000 euros d'amende si la personne est mineure, présente une particulière vulnérabilité,
apparente ou connue de son auteur, due à une maladie, à une infirmité, à une déficience
physique ou psychique ou à un état de grossesse. Les prostituée sont passibles d’une peine de
contravention.
Une répression particulière est organisée contre la de la traite des êtres humains (Sarkosy) (
mais aussi l’exploitation de la mendicité).
2) Aliénation des éléments du corps humain (hors cheveux et lait maternel)
Sous réserve de libre consentement, des finalités thérapeutiques, de la gratuité et de
l’anonymat il est possible de donner son sang. Quant aux dons d’organes ils sont soumis à des
conditions particulières
4
 le don d’organe entre vifs
Sous réserve de son consentement recueilli par le prdt du tribunal, le donneur peut être
toute personne majeure et capable ayant avec le receveur un lien de parenté, désormais
élargie …alors que les dispositions antérieures limitaient le don au cercle de parenté
directe (père et mère, fils et fille, frère et sœur). Le projet de loi souhaitait promouvoir le
critère du lien affectif, mais le sénat a réduit le cercle des donneurs potentiels à la famille
élargie : petits-enfants, neveux, cousins germains, enfants du conjoint receveur et
concubin notoire. (risque de dérives mercantiles et de pressions morales);
 le don après la mort
Il est possible dès lors que la personne n’a pas fait connaître son refus de son vivant
(présomption de consentement).
§1 - La liberté de procréation
Conçu pour offrir un cadre normatif aux lois bioéthiques les principes d’inviolabilité et
d’indisponibilité du corps humain connaissent de nombreuses dérogations pour concilier
liberté individuelle et la dignité. Ainsi, les principes d’inviolabilité du corps humain ne font
pas obstacle à la reconnaissance du refus de procréer ou de la liberté de procréer par le recours
à la procréation artificielle.
A. L’Interruption volontaire de grossesse
1) Bref rappel historique
L’avortement a considéré comme un crime en droit français depuis l’Ancien régime jusqu’à la
loi du 27 mars 1923. Celle-ci l’a déqualifié pour en faire un délit passible de correctionnelle et
non plus des Assises, pour faire échapper la sanction de l’avortement à la clémence des jurys
populaires. L’avortement cependant est redevenu sous le régime de Vichy ce qu’il était en
vertu d’une loi de 1870 c’est-à-dire une crime individuel de droit commun et un crime contre
la Patrie ou contre la sûreté de l’Etat, puni par une juridiction d’exception et passible de la
peine de mort (ce crime sera sanction en 1942 par une exécution. A la Libération, on est
revenu à la législation de 1923.
La politique nataliste des gouvernements qui se sont succédé tout au long du XIXème siècle
et du XXème siècle a fait aussi obstacle au développement de la contraception jusqu’à
l’adoption de la loi Neuwirth du 28 décembre 1967 pour les majeures et jusqu’à la loi du 4
décembre 1974 pour les mineures. Ces deux lois mettent fin à l’interdiction d’informer les
femmes sur les moyens contraceptifs et autorisent la vente de contraceptifs mais elles
continuent à interdire toute propagande anti-nataliste, toute incitation à l’avortement par des
paroles, des éfrits, des offres ou ventes de documents relatifs à l’avortement ou aux mesures
abortives.
Le tournant législatif sera pris à la suite des luttes du MLF et du MLAC Mouvement pour la
libéralisation de l’avortement et de la contraception, que provoque l’affaire du Procès de
Bobigny : l’avortement pratiqué sur une jeune fille de 16 ans Marie-Claire, enceinte à la suite
d’un viol. La condamnation visant deux femmes - la mère de Marie-Claire et l’avorteuse –
(elles ont une avocate qui deviendra célèbre à cette occasion : Gisèle Halimi) va déclancher
un mouvement de masse relayé par une prise de position publique de personnalités qui vont
déclarer – vrai ou faux peu importe – qu’elles ont avorté ( le « Manifeste des 343 salopes ») et
relayé par des médecins qui engagent un rapport de force avec le conseil de l’ordre des
médecins en faisant connaître et en pratiquant, de façon de moins en moins clandestine, une
nouvelle méthode d’interruption de grossesse la méthode Ackermann.
5
Courageusement, dans un rare climat d’hostilité, d’insulte et de dénigrement, le ministre de la
santé – Simone Veil – fait adopter la loi du 17 janvier 1975 qui suspend pour 5 ans
l’application de l’article 317 du code pénal qui sanctionne le recours à l’avortement. L’IVG
est donc légalisé à titre provisoire à la condition qu’il se déroule dans le cadre précis fixé par
la loi. Cette loi, reconduite le 31 décembre 1979 connaîtra une nouvelle modification le 4
juillet 2001 ( loi 2001-588).
2) La réglementation actuelle
- La décision de recourir à l’IVG appartient aux femmes et aux femmes seules qui s’estiment
« en situation de détresse » , avec le consentement des parents pour les mineures.
- l’avortement n’est légal que s’il est pratiqué pendant les 12 premières semaines de grossesse
(L2001-588)
- il doit être pratiqué dans un hôpital public ou une clinique privée agréée, sachant que les
médecins peuvent, à titre personne exclusivement (L 2001-588), refuser de pratiquer cette
intervention en opposant « la clause conscience »
- l’IVG ne peut être pratiquée qu’après une procédure de consultation d’un médecin, d’un
conseiller familial. Cette procédure ne doit pas durer moins d’une semaine pour laisser à la
femme un délai de réflexion. Le Planning familial, institution créé en 1956 (dont on célèbre
aujourd’hui le cinquantenaire) a joué un rôle essentiel dans la diffusion des informations et
l’accompagnement des femmes dans cette épreuve.
C’est un décret n° 2004-636 du 1er juillet 2004 et l'arrêté du 23 juillet 2004 relatif aux
forfaits afférents à l'Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) qui autorise la médecine de
ville, hors établissement hospitalier a pratiquer l’IVG médicamenteuse. La Loi de 2001 avait
autorisé les avortements au RU 486 dans les 5 premières semaines mais en les soumettant à
des tracasseries nombreuses ; la prise des médicaments devaient être effectuée dans les
établissements agréés pour l’IVG. Une loi 2000-129 du 13 décembre 2000 relative à la
contraception d’urgence autorise la vente en pharmacie des pilules du lendemain (d’une
efficacité de 72 h) et le DÉCRET N°2001-258 DU 27-3-2001 autorise les infirmerie scolaires
à la distribuer sous réserve du respect d’un protocole arrêté par le ministère Jospin.
Demeurent sanctionné par le code pénal :
- toutes les IVG qui ne sont pas réalisées dans les conditions fixées par la loi ;
- le fait de procurer à une Femme les moyens matériels de pratiquer elle-même une IVG, en
dehors des conditions et qualités fixées par la loi. Les peines sont aggravées lorsque ces actes
sont pratiqués de façon habituelle.
La loi du 27 janvier 1993 a créé le délit d’entrave à l’IVG à l’encontre de ceux et celles qui
tentent d’empêcher une IVG soit en perturbant l’accès aux établissements soit en proférant
des menaces et des intimidations.
B. La procréation médicale assistée
L’assistance médicale à la procréation comprend « les pratiques cliniques et biologiques
permettant la conception in vitro, le transfert d’embryon et l’insémination artificielle ainsi que
toutes les techniques d’effets équivalents permettant la procréation hors du processus
naturel ». Cette définition inclut la stimulation ovarienne.
La PMA pose trois séries de problèmes :
- dans l’établissement des liens de filiation dès lors que l’on recourt au don de sperme ou
d’ovules
6
-
elle permet des manipulations génétiques, à la limite de l’eugénisme
elle ouvre la voie à des techniques de reproduction par clonage susceptible d’altérer la
définition même de l’humain. Elles reposent par conséquent la question du statut de
l’embryon.
La MPA obéit à 3 principes : la gratuité, la parentalité et la finalité thérapeutique
1) Le principe de gratuité
Depuis une loi de 1991 renforcée en 1994, l’activité de recueil, de traitement, de conservation
et de cession de gamètes ne peut être pratiquée que par des organismes non lucratifs. Le don
est évidemment gratuit.
2) Le principe de parentalité
La PMA ne peut concerner que des couples mariés hétérosexuels ou en concubinage stable.
La procréation artificielle peut ne concerner que les membres du couple ; elle peut aussi faire
intervenir des tiers donneurs.
a) La procréation assisté au sein du couple
La stérilité future du mari, en cas de maladie, peut être prévenue par insémination de son
sperme congelé (l’insémination de sperme frais est interdite en toute hypothèse). Cependant la
loi de 1994 interdit l’insémination post mortem. La fécondation in vitro homologue (ovule de
l’épouse et le sperme du mari ) est libre depuis 1982.
b) La procréation assistée par recours aux tiers
Lorsqu’elle fait intervenir des tiers, la PMA requiert le consentement des membres du couple
donneur et du couple receveur. La stérilité de l’homme se résout par un don de sperme, la
stérilité de la femme se résout de plusieurs manières.
 le don de sperme d’un 1/3 est soumis à conditions
- du côté de la receveuse :
- mariée ou en concubinage stable
- le mari ou le conjoint doit être en âge de procréer
- il a donné son accord
- entretien psychologique
- du côté du donneur :
- marié ou père de famille
- accord de son épouse
- le sperme doit être accepté après enquête génétique même s’il n’est pas parfait
(interdiction de l’eugénisme)
- le sperme est recueilli pour 5 conception maximum.
En réalité banques de prix Nobel, étiquetage…
Les pratiques qui se développement aujourd’hui consistent précisément à trier les
spermatozoïdes (ICSI), couplées au PMA et au diagnostic préimplantatoire ces techniques
sont plus dangereuses que le risque de clonage.

Le don d’ovule
La fécondation in vitro avec don d’ovule avec réimplantation de l’ovule fécondé dans
l’utérus de la patiente est la seule technique qui soit autorisée en France : dans ce cas, le don
d’ovule est soumis au même conditions juridique de situation matrimoniale, de consentement
du conjoint, d’entretien psychologique que le don de sperme,
7
Les deux autres techniques envisageables sont interdites :
- La fécondation in vitro avec gamètes du couple et location de ventre (prêt d’uterus) : nullité
des conventions de gestation car la mère est celle qui accouche. Mais légal aux USA. La
femme porteuse est un incubateur humain (8000 €)
-
La fécondation in vivo par insémination artificielle du sperme du mari par une femme qui
accepte de porter l’enfant pour l’autre couple l’enfant revient à son père géniteur et à son
épouse qui l’adopte. Ces contrats de substitution de mère existent aux USA où les droits
de la mère sociale sont protégés contre les repentir de la mère biologique. En Fce cette
pratique qui s’est développée dans les années 80 (associations des mères porteuses – les
Cigognes) est interdite malgré une hésitation des tribunaux judiciaires. La cour de cass
dans un arrêt du 31 mai 1991 a déclaré que « la convention par laquelle une femme
s’engage fut-ce à titre gratuit à concevoir et à porter un enfant pour l’abandonner à sa
naissance contrevient au ppe d’ordre public d’indisponibilité de l’état des personnes ».
3) La finalité thérapeutique
La PMA est une technique qui vise à résoudre la stérilité de l’homme ou de la femme. Or elle
est de plus en plus utilisée à d’autres fins :
- pour les couples atteints du VIH, la PMA permet d’implanter des gamètes après
traitements pour s’assurer que l’embryon n’est pas infecté
- pour des couples présentant des risques de maladies génétiques graves et avérés :
l’embryon est testé et éventuellement traité avant implantation. Ce n’est pas de
l’eugénisme parce qu’on ne sélectionne l’enfant à naître qu’avec le seul critère de cette
maladie.
Ces pratiques de diagnostic prénatal préimplantatoire sont de plus en plus fréquentes alors
qu’elles sont en marge de la loi de 1994, qu’il n’existe toujours aucune règle dans ce
domaine : ce sont les labos eux mêmes qui définissent leur code éthique.
- certains laboratoires ont accepté de la sorte de créer des bébés médicaments, c’est-à-dire des
enfants crées par la PMA remplissant les conditions de compatibilité avec leur grand frère ou
grande sœur à sauver, les couples étant non stériles (Australie, grande Bretagne. Source :
Bioéthique: Avis de tempêtes. Les nouveaux enjeux de la maîtrise du vivant, Jean-Yves NAU
et Hervé CHNEIWEISS, editions ALVIK Médicinat, Genève, 2003 ou 2004).
§3 - La recherche biomédicale et la protection du génome
Les principes d’indisponibilité et d’inviolabilité du corps humain se heurtent aujourd’hui à la
pression des laboratoires de recherche et des patients qui attendent des avancées de la science
pour résoudre des pathologies graves. La manipulation du vivant suscite néanmoins des
objections éthiques, morales, politiques et religieuses fortes. Le droit dans ce domaine est
marqué par l’instabilité des compromis comme en atteste le caractère temporaires des lois
adoptées. Il est marqué aussi par la permanence de lacunes et de carences qui trahissent
l’incapacité des parlements à arbitrer les conflits entre les intérêts en jeu : intérêts
économiques, intérêt scientifique, intérêt thérapeutique, principes et points de vue éthiques.
A. Les enjeux de la recherche sur l’embryon
8
Actuellement, des avancées considérables ont été réalisées dans le domaine de la médecine
dite " régénératrice ". Des résultats satisfaisants ont pu être obtenus sur des patients atteints
de la maladie de Huntington2 par le biais d'une greffe de cellules neuronales provenant
d'embryons issus d'interruptions volontaires de grossesse (IVG), âgés de huit à dix
semaines. Des tentatives ont également été faites dans le cadre de la maladie de Parkinson, en
utilisant, de la même façon, des embryons issus d'IVG, par le biais de greffes intracérébrales
de tissus mésencéphaliques d'embryons. La légitimité d'une telle recherche sur la maladie de
Parkinson a été reconnue dans l'avis n°23 du CCNE en date du 13 décembre 1990.
Cependant, le développement d'une telle thérapeutique à une plus grande échelle (ou plus
précisément, le passage de la recherche à la pratique) apparaît, à l'heure actuelle, difficile.
Concernant la maladie de Huntington, les praticiens soulèvent un problème " logistique " : les
embryons issus d'interruptions volontaires de grossesse qui doivent être réalisées dans des
conditions optimales. Par ailleurs, deux embryons sont nécessaires pour chaque patient (un
pour chaque moitié de cerveau). Quant à la maladie de Parkinson, le même " problème
logistique " empêcherait, en quelque sorte, le passage de la recherche à la thérapeutique.
- Les cellules souches constituent une deuxième source potentielle d'avancées scientifiques
pour le traitement de maladies neurodégénératives.
A l'heure actuelle, seules les collections de cellules embryonnaires humaines (peu
différenciées et faciles à cultiver) sont autorisées, lesquelles sont prélevées sur des embryons
morts issus d'interruptions de grossesses. Leur utilisation est large et concerne principalement
le domaine de la pharmacologie.
Mais ce sont principalement les cellules souches qui intéressent les scientifiques, à savoir les
cellules pluripotentes qui se trouvent au sein du bouton embryonnaire lorsque l'embryon est à
peu près au cinquième jour suivant la fécondation.
Ainsi que le souligne le CCNE, dans son avis n°53 du 11 mars 1997, ces cellules souches
embryonnaires sont incapables d'avoir par elles-mêmes une évolution coordonnée vers un
embryon multicellulaire et un fœtus normaux. Cependant, elles peuvent participer à la
formation de tous les tissus quand elles sont injectées dans un embryon authentique .
De très nombreuses dispositions des lois bioéthiques devaient être reconsidérées : les
recherches sur l’embryon et notamment le clonage humain à finalité thérapeutique ou
reproductive supposent de contrôler davantage la PMA, la nature et la portée du diagnostic
prénatal. Ces pratiques peuvent ouvrir la voie à des pratiques eugénistes ou des diagnostics en
médecine prédictive susceptibles d’engendrer des discriminations dans l’accès aux emplois,
aux assurances, etc……
Toutes ces questions sont en débat car :
- La manipulation du vivant présente des risques majeurs pour la définition même de
l’humanité mais portent aussi d’immenses espoirs dans la connaissance médicale ;
2
Surnommée "danse de saint-Guy", la chorée de Huntington est liée à une anomalie génétique
localisée sur le chromosome 4. C'est une affection dégénérative héréditaire du système nerveux à
l’origine d’une démence dite sous corticale (atteinte du cerveau en-dessous du cortex).
9
- Si elles soulèvent des questions éthiques, philosophiques, religieuses, sociales, la
manipulation du vivant représente aussi un marché d’avenir des plus lucratifs ; elle est l’enjeu
d’une guerre pour l’hégémonie scientifique, économique et technologique, comme en
témoigne le conflit autour de la brevetabilité des inventions.
- Le positionnement des Etats est assez divergent
- Ce réalisme est accentué par la conviction des uns que l’interdiction ne résiste pas à la
curiosité scientifique et à l’obstination et qu’on ne pourra interdire ce que l’on sait faire. Il est
aussi accentué par le relativisme de ceux qui au contraire sont persuadés que nous sommes
loin de pouvoir cloner et que nous surestimons les risques.
L'expérience américaine montre que, si elle est soutenue sur le long terme, l'industrie des
biotechnologies est une source d'emplois (ils sont passés de 79 000 en 1993 à 162 000 en
2000) et de richesse (la moitié des entreprises de biotechnologies cotées en Bourse a plus de
deux ans de réserves financières et 20 % d'entre elles ont dégagé des bénéfices en 2000). Une
persévérance dont la France devrait aussi faire preuve, selon certains.
Les Français sont globalement favorables à l'utilisation des biotechnologies dans le domaine
de la santé ; ainsi, la plus importante association caritative française qui promeut la thérapie
génique recueille 80 millions d'euros chaque année. La législation reste cependant moins
permissive que dans d'autres pays de l'Union européenne (Royaume-Uni, Suède notamment).
La révision des lois relatives à la bioéthique est en cours au Parlement. Elle devrait permettre,
sous certaines conditions, les recherches sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires
tout en interdisant le clonage thérapeutique.
B. Les évolutions du droit
La première loi sur la bioéthique : loi 94-654 du 29 juillet 1994, alors que les recherches sur le
génome était déjà très avancées et qu’au mieux seuls des règles déontologiques réglaient la
question. La loi de 19994 avait un caractère provisoire, pour tenir compte de l’évolution
rapide des techno-sciences, elle devait être révisée en 1999. Elle ne le sera en fait que par la
loi du 6 août 2004. La loi de 2004 prévoit qu’elle fera l'objet d'un nouvel examen d'ensemble
par le Parlement dans un délai maximum de cinq ans après son entrée en vigueur (2009) et,
dans un délai de quatre ans, d'une évaluation de son application par l'Office parlementaire
d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. La recherche a évolué dans un contexte
de pénurie de règles juridiques ou d’obsolescence des règles juridiques, espérons qu’à
l’avenir, il en soit autrement.
1) Avant 2004 :
En ce qui concerne la recherche sur l’embryon, jusqu’à la loi de 2004, l’embryon ne devait
faire l’objet d’aucune exploitation industrielle et commerciale ni d’aucune expérimentation
sauf à titre exceptionnel pour le traitement des maladies génétiques lorsqu’il n’est pas possible
de faire autrement. En 2004, le principe d’interdiction a encore été assoupli.
L’interdiction des recherches n’était pas absolue
a) L’absence de protection de l’embryon issu d’une IVG
La première carence du droit est que l’interdiction ne vaut que pour les embryons conçus in
vitro et les embryons in vivo.
10
L'embryon issu d'une interruption volontaire ou involontaire de grossesse. Aucun dispositif
réglementaire ne traite de cette question parce qu’ils sont considérés comme des " résidus
opératoires ». Le CCNE admet que l'utilisation des tissus embryonnaires dans un but
thérapeutique est concevable, à trois conditions cumulatives : la rareté de la maladie,
l'absence de toute autre thérapeutique et l'avantage manifeste pour le bénéficiaire du
traitement. Il admet l’utilisation d'embryons à des fins scientifiques si l’embryon est mort, à
condition que la recherche sur l'animal soit impossible, et que le but poursuivi soit jugé
suffisamment important et spécialement utile au progrès des thérapeutiques ". Mais, les
recherches exercées sur les embryons morts issus d'interruptions de grossesse, volontaires ou
non, ne relèvent d’aucune commission de contrôle.
b) Les dérogations aux interdictions des recherches sur l'embryon conçu" in
vitro",
A titre exceptionnel, des études peuvent être menées sur l'embryon conçu in vitro dans le
cadre d'une assistance médicale à la procréation, à trois conditions :
- le consentement écrit du couple,
- l'avis conforme de la Commission Nationale de Médecine et de Biologie de la
Reproduction et du Diagnostic Prénatal (CNMBRDP).
- la finalité médicale des études et l'absence d'atteinte à l'embryon : " Une étude sur des
embryons humains in vitro (…) ne peut être entreprise que si elle poursuit l'une des
finalités suivantes : 1° Présenter un avantage direct pour l'embryon concerné, notamment
en vue d'accroître les chances de réussite de son implantation ; 2° Contribuer à
l'amélioration des techniques d'assistance médicale à la procréation, notamment par le
développement des connaissances sur la physiologie et la pathologie de la reproduction
humaine. " " Aucune étude ne peut être entreprise si elle a pour objet ou risque d'avoir
pour effet de modifier le patrimoine génétique de l'embryon, ou est susceptible d'altérer
ses capacités de développement. "
La recherche " pour " l'embryon est autorisée, la recherche " sur " l'embryon est interdite, la
frontière entre les deux étant ténue.( Une étude ayant pour objet d'accroître les chances
d'implantation de l'embryon s'apparente à une recherche avec bénéfice individuel direct, une
étude contribuant à améliorer les techniques d'assistance médicale à la procréation ressemble
à s'y méprendre à une recherche sans bénéfice individuel direct.)
D’après le rapport d’évaluation des lois de 94, on peut déplorer :
- retards dans la mise en œuvre des décrets d’application
-apparition de nouvelles technologies : prélèvement de cellules souches hématopoïétiques
- lacunes juridiques qui compromettent le respect du consentement (régimes de certains tissus
et des résidus opératoires, prélèvements sur mineurs)
- volonté d’élargir le cercle des donneurs au-delà des liens affectifs.
2°) La loi de 2004
En France, diverses instances autorisées se sont opposées à la reconduction du principe
actuel d’interdiction de la recherche mené sur l’embryon à son détriment. Elles ont plaidé
pour un assouplissement :
 interdiction de produire des embryons pour la recherche,
 mais autorisation de pratiquer :
11
- des recherches sur des embryons et les fœtus existants et ne faisant plus l’objet d’un projet
parental et à la condition qu’ils soient détruits :
- des recherches sur les cellules souches embryonnaires pour le traitement des maladies
incurables
- recherches sur les cellules fœtales (déjà différenciées utilisées pour des greffe par ex dans le
traitement de la maladie de Parkinson) possible dans le cadre de protocole de recherche
autorisée par le Ministre de la santé.
- Accord du couple ou de la mère dans les deux cas.
La loi de 2004 réaffirme les principes fondamentaux selon les quels :
« Nul ne peut porter atteinte à l'intégrité de l'espèce humaine.
Toute pratique eugénique tendant à l'organisation de la sélection des personnes est interdite.
Est interdite toute intervention ayant pour but de faire naître un enfant génétiquement
identique à une autre personne vivante ou décédée.
Sans préjudice des recherches tendant à la prévention et au traitement des maladies
génétiques, aucune transformation ne peut être apportée aux caractères génétiques dans le but
de modifier la descendance de la personne ».
Aucune étude ne peut être entreprise ayant pour objet ou risque de modifier le patrimoine
génétique de l’embryon ou susceptible d’altérer ses capacités de développement.
a) le clonage reproductif est strictement interdit
Interdiction explicite de toute pratique ayant pour but de faire naître un enfant ou faire
développer un embryon qui ne serait pas directement issu des gamètes d’un homme et d’une
femme. Le clonage reproductif reste rigoureusement interdit. Il sera considéré comme un
"crime contre l’espèce humaine", passible de vingt ans de prison. Ce crime sera quasiment
imprescriptible et aura une dimension extra-territoriale. Plusieurs déclarations internationales
ont adopté le même principe : déclaration universelle sur le génome humain de
1997/UNESCO ; convention d’Oviedo du Conseil de l’Europe de 1997 pour la protection de
la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine.
b) Le clonage thérapeutique est autorisé
En ce qui concerne le clonage thérapeutique – enjeu du débat – le projet de loi était muet. Il
est finalement autorisé mais encadré, alors que le Sénat proposait l’interdiction. La loi de
2004 autorise la recherche sur les embryons humains congelés surnuméraires conçus in vitro
et sans projet parental et les cellules souches pendant cinq ans à titre "dérogatoire". Aucune
convention n’interdit la recherche sur les embryons surnuméraires mais la convention
européenne de bioéthique (1994) interdit la production d’embryon à des fins de recherches.
c) La non-brevetabilité du génome humain est affirmée

Le débat
La connaissance des séquences d'ADN, clé du repérage des gènes, est l’un des terrains
d'activité de toute une industrie nouvelle que l'on appelle la biotechnologie. En sont issus
actuellement de nouveaux médicaments, des tests, les plantes transgéniques, le clonage.
L’activité de recherche des biologistes et biotechniciens est soutenue par des industriels qui
12
ne sont pas des philanthropes et tiennent à protéger leur découverte par des droits de propriété
intellectuelle qui leur assure l’exclusivité de la découverte et de son exploitation commerciale.
Mais ce raisonnement ne pose aucun problème lorsqu’on découvre la pompe à vélo ou le
cyclomoteur mais comment peut-on s’approprier la connaissance de la tyroïde ? D'où la
volonté affichée par de plus en plus de scientifiques de considérer la connaissance du génome
humain comme patrimoine de l'humanité et de laisser au domaine privé les applications qui en
découleront. En mai 2000, une pétition soutenue par plus de 3000 personnalités et
associations européennes s'opposait à la directive communautaire 98/44/CE sur la protection
des inventions biotechnologiques qui ouvre la voie (selon une interprétation assez
controversée) au brevetage du génome humain. Cette directive suivait la voie ouverte par les
États-Unis où depuis 1980, on peut breveter les séquences d’ADN de toutes les espèces
vivantes.
Pour les partisans de la brevetabilité les inventions biotechnologiques, comme toutes les
autres, doivent bénéficier d'un droit au brevet qui assure à l'inventeur la rémunération
nécessaire à son activité de recherche. Le brevet n’implique pas le secret industriel au
contraire : il implique la description complète de l'invention qui est donc mise à la disposition
de la communauté scientifique, et lui permet de progresser.

Le droit communautaire
Le texte de la directive, dans sa version finale, exclut tout droit de brevet aux éléments du
corps en tant que tels (gène, protéine ou cellule à l'état naturel, y compris les cellules
germinales et les produits résultant directement de la conception) : « le corps humain, aux
différents stades de sa constitution et de son développement, ainsi que la simple découverte
d'un de ses éléments, y compris la séquence ou la séquence partielle d'un gène, ne peuvent
constituer des inventions brevetables ». Il exclut de la brevetabilité :
- les procédés de clonage des êtres humains,
- les procédés de modification de l'identité génétique germinale de l'être humain,
- les utilisations d'embryons humains à des fins industrielles et commerciales.
Mais
la directive n’exclut pas forcément la découverte des éléments du corps humain obtenue
par manipulation technique même si ces éléments sont rigoureusement identiques à ceux du
corps humain ou restent dans le corps humain. Ils sont considérés non plus comme des
découvertes mais comme des inventions susceptibles d'application industrielle et obtenus par
un procédé technique et donc brevetables. Le brevet ne peut intervenir que lorsqu'on leur
associe une plus-value intellectuelle ou industrielle.

Les programmes de séquençage du génome humain
Un projet de séquançage international « Génome humain » a été lancé, il y a dix ans, dans le
but de décrypter les trois milliards de bases qui constituent notre patrimoine héréditaire.
Les retombées de ce projet sont désormais entrées dans leur phase préindustrielle et ses
enjeux commerciaux sont inestimables. L'exploitation potentielle de nos propres gènes illustre
de façon extrême la complexité des problèmes posés par la brevetabilité du vivant. Il y a
quelques années, le Bureau américain des brevets avait ainsi accordé des brevets pour des
séquences génétiques auxquelles aucune application industrielle particulière n'était attribuée.
13
Etant entendu que de très larges régions du génome humain n'auront en fait aucun intérêt
médical - ce qui ôte tout intérêt à la prise systématique de brevets sur l'ensemble des données
génétiques -, un consensus international, mais informel en l'absence de réglementation
mondiale, veut désormais que l'on ne puisse s'approprier les éléments constitutifs du génome
humain : le brevet ne peut intervenir que lorsqu'on leur associe une plus-value
intellectuelle ou industrielle. Ce qui n'empêche pas deux positions diamétralement
opposées de continuer à s'affronter.
La première, qui revendique la propriété exclusive de banques de données génétiques pour
elles-mêmes ou leurs filiales, est défendue par quelques sociétés privées - à commencer par
Celera Genomics Systems, dont le très entreprenant directeur, Craig Venter, a
considérablement accéléré les recherches sur le séquençage. La seconde, soutenue par la
majorité des scientifiques du Human Genome Project (consortium international financé sur
fonds publics) et nombre d'industriels, estime au contraire que la libre circulation des
informations génétiques est essentielle au respect des droits de l'homme et aux progrès de la
science. Bill Clinton et Tony Blair avaient abondé dans ce sens, en déclarant que les données
fondamentales sur le génome humain, y compris le séquençage de tout le génome de l'ADN
humain et de ses variations, devraient être librement accessibles aux scientifiques du monde
entier. Mais, au-delà des considérations éthiques, le président américain et le premier ministre
britannique ont aussi traduit l'inquiétude des grands groupes pharmaceutiques. Ceux-ci
préfèrent bien entendu puiser dans le domaine public plutôt que payer des droits d'entrée ou
redevances au quasi-monopole que pourrait imposer Celera Genomics Systems grâce à
l'avance impressionnante dont elle dispose en matière de collecte des données génétiques
humaines. Reste à définir, au-delà de ces interdits, la nature exacte des informations qui feront
l'objet de brevets en bonne et due forme.
Section 2- Le principe de dignité de la personne humaine et le principe de liberté
individuelle
Le concept de dignité de la personne humaine entretient un rapport complexe avec l’idée de
liberté. Le principe de respect de la dignité est devenu un standard juridique d’interprétation
des droits qui permet de combiner des préoccupations hétérogènes et même contradictoires.
Le principe de dignité de la personne humaine a été incorporé dans la notion d’ordre public. Il
remet en question également les données du droit répressif.
§1. L’incorporation de la protection de la dignité humaine dans la notion d’ordre public
La notion d’ordre public, notion du droit administratif français, regroupe en droit interne la
protection des biens et des personnes au nom de la sécurité, de la salubrité, de la tranquillité
publiques et des bonnes mœurs. Traditionnellement elle est une valeur opposable aux libertés
individuelles et justifient les restrictions posées à leur jouissance.
Cependant la notion d’ordre public telle qu’elle est utilisée en droit européen et en droit
communautaire a pris une autre signification : elle désigne non seulement la nécessité de la
protection des personnes et des biens mais aussi l’ensemble des valeurs et des droits sur
lesquelles se fonde la société démocratique. La dignité est évidemment une composante de
l’ordre public.
Si le concept de dignité humaine a pu être intégré dans la notion d’ordre public c’est qu’il ne
véhicule pas la même représentation de l’individu.
14
A- La notion de dignité de la personne humaine
Il n’y a pas d’antagonisme a priori entre les notions de liberté et celle de dignité, en revanche
il y a sans doute un antagonisme entre personne humaine et individu.
1) Le principe de dignité, vecteur de droits et libertés
Le principe de dignité a été le vecteur de la reconnaissance de nouveaux droits avec une
dimension plus concrète. Le principe de dignité a permis de reconnaître : le droit au logement
décent, le droit de mourir dans la dignité. Il est aussi invoqué dans des domaines tels que les
droits des étrangers en séjour irrégulier pour remettre en cause de certaines pratiques
administratives …
Le concept de dignité conforte la liberté lorsqu’il est invoqué :
o Contre les discriminations : CJCE, P/S et Cornwall County Council, 30 avril
1996 : la discrimination à l’égard d’un transsexuel est contraire à la dignité et à
la liberté dont elle a droit.
o Ou contre les empiètements du pouvoir : fouilles au corps des salariés à la
sortie du travail
2) Le titulaire du droit à la dignité
D’une part, le principe de dignité est souvent invoqué à propos non pas de l’homme
abstraitement défini mais au bénéfice d’individus sériés, catégorisés : dignité du détenu (10
PIDCP), malade (CE 30 sept 1988 M. Fock Yee, code de déontologie médicale article 2,
dignité du travailleur (L 122-35 du CT) , les personnes économiquement défavorisées (dans
les constitutions espagnoles, portugaises, belge, italienne) ; dignité de l’enfant, dignité des
victimes d’infractions criminelles, dignité du peuple Kanak (accord du 5 mai 1998).Le
concept de dignité dans ces cas permet de prendre en compte les besoins des personnes
concrètes, situées.
D’autre part, le concept de dignité limite la liberté quand il est invoqué pour faire obstacle la
liberté de disposer de son corps par exemple. Il faut dire que pour assurer la protection de
l’homme contre les manipulations possibles du vivant liées au progrès de la recherche
médicale, le concept de liberté n’est pas toujours d’un grand secours. En matière de
bioéthique, le principe de dignité permet d’opposer à la liberté des individus une autre valeur :
la part universelle de sacré qui existe dans chaque homme et qui ne peut pas être laissée à sa
libre disposition et à laquelle il ne peut pas renoncer y compris de son propre gré. Il s’agit de
protéger l’humanité de l’homme.
Autrement dit, le concept de dignité peut venir à l’appui d’une conception libérale et
individualiste mais aussi et plus fréquemment d’une conception holiste de la liberté.
B- L’affaire du lancer de nain et la redéfinition de la notion française d’ordre public
CE Ass 27 oct 1995 Commune de MORSANG- sur-ORGE
CE Ass 27 oct 1995 Ville d'AIX-en-PROVENCE
Par ces deux décisions, le CE a reconnu explicitement que le respect de la dignité humaine est
une composante de l'ordre public". Ce principe était déjà un Principe à valeur
constitutionnelle : 94-344 DC du 27 juillet 194 et 94-359 du 19 janvier 1995, mais comme
15
composante de la liberté et non de l'ordre public. Son incorporation à la notion d’ordre
public justifie désormais que la dignité puisse être retournée contre la volonté de l'individu
que l'on entend protéger (M Wackenheim se bat contre cette décision au nom de sa liberté et
de la dignité que lui conférait un travail qui l'avait sorti de la marginalité et du chômage).
Décision du comité des droits de l’homme du 26 juillet 2002 (Manuel Wackenheim c. France,
Communication No. 854/1999, U.N. Doc. CCPR/C/75/D/854/1999 ) déboute le demandeur au
motif que :
-
-
l’interdiction n’est pas une mesure abusive mais était nécessaire afin de protéger l'ordre
public,
même si d'autres activités qui ne sont pas interdites mais qui pourraient l'être
éventuellement sur la base de motifs analogues, l'interdiction du lancer de nains est fondée
sur des critères objectifs et raisonnables et cette mesure n’avait pas une visée
discriminatoire,
le simple fait qu'il puisse exister d'autres activités susceptibles d'être interdites ne suffit
pas en soi à conférer un caractère discriminatoire à l'interdiction du lancer de nains.
Le Comité des droits de l'homme estime que les faits dont il est saisi ne font apparaître
aucune violation du Pacte IDCP.
§2 – Le principe de dignité et le droit répressif
Le principe de dignité est aussi un facteur d’évolution du droit répressif, comme en
témoignent le problème du traitement de la délinquance sexuelle ou la question du
transsexualisme. En effet, dans les deux cas, le principe de dignité a pu conduire à prendre en
compte le caractère pathologique de certains comportements ou de certaines situations et à
accepter des solutions qui pourtant contredisent le principe d’inviolabilité du corps humain.
A- . Le traitement de la délinquance sexuelle
Pédophiles en série arrêtés des années après les faits, violeurs rechutant à leur sortie de
prison... Les scandales de ce type se multiplient. En 2002, 24% des personnes condamnées
et incarcérées l'ont été à la suite de viols et/ou d'agressions sexuelles. Elles représentent
donc un quart des condamnations, contre 9% en 1980! Pour lutter contre la récidive, deux
nouvelles voies sont explorées :
-
-
-
1) le suivi judiciaire
D'une part, en accélérant l'alimentation du fichier national des empreintes génétiques
(FNAEG), notamment par le biais de prélèvements ADN effectués, en prison, sur des
personnes condamnées.
D'autre part, en mettant en place un fichier des délinquants sexuels qui sera notamment
alimenté et remis à jour à partir des données figurant au casier judiciaire. Ce nouvel outil,
qui permettra notamment de localiser les grands criminels, vise à assurer leur traçabilité
au sein de la population
La surveillance électronique est au programme de plusieurs propositions de loi au sénat
comme à l’AN
États-Unis: Depuis 1996, les lois dites de Megan assignent aux polices des 50 États
l'obligation d'«enregistrement» et de «notification publique» de la présence des ex-délinquants
16
sexuels. Une banque de données automatisée listant les condamnés depuis 1970 est tenue à la
disposition du public. Cette politique tourne souvent à la chasse aux sorcières: exemples en
Alabama, où ce genre de liste est affiché dans le hall des mairies et des commissariats; en
Louisiane, où l'ex-délinquant sexuel doit avertir lui-même son voisinage sous peine d'un an de
prison et de 1000 dollars d'amende; et surtout en Californie, où ces signalements sont
disponibles via un numéro vert ou des cédéroms. Cet État est aussi le 1er a avoir autorisé, en
1996, la castration chimique obligatoire des récidivistes (injection d'un médicament destiné à
anéantir leur désir sexuel).
Grande-Bretagne: Un programme de surveillance électronique par satellite des délinquants
sexuels va être mis en place. 500 condamnés pour pédophilie, qui ont déjà purgé leur peine, se
sont portés volontaires. Les récidivistes encourent la prison à vie.
2) le suivi médical
Canada: La thérapie et le suivi de long terme (dix ans) des délinquants sexuels sont favorisés.
Les méthodes d'un institut québécois, l'institut Pinel de Montréal, qui soumet des condamnés
à un traitement draconien d'un an type «cures de dégoût», auraient prouvé des résultats
probants sur les taux de récidives.
Allemagne: Une loi du 15 août 1969 autorise la castration chimique volontaire des
délinquants sexuels de plus de vingt-cinq ans. Le traitement peut être initié après expertise par
un médecin.
France :
- L’injonction de traitement : le «suivi socio-judiciaire» (SSJ), mis en place par la
Chancellerie en juin 1998, permet d'offrir une réduction de peine à un agresseur s'il
accepte, en échange, de se faire soigner durablement. Contraignante, la mesure dure dix
ans en cas de délit et peut atteindre jusqu'à vingt ans en cas de crime. Si la règle n'est pas
respectée, la mesure est révoquée et l'intéressé retourne en prison.
-
Le ministre de la justice Perben a lancé depuis janvier 2005 une expérimentation
concernant l’efficacité d’un traitement médicamenteux chez 48 délinquants sexuels,
tous volontaires. Il s’agit de tester pendant 24 mois l’efficacité de deux substances
androgènes inhibitrices du désir sexuel - la cyprotérone et la leuropréline, - déjà
utilisées dans les traitement de la prostate. Ces substances seront administrés sous
surveillance clinique et biologique à ces anciens détenus, déjà condamnés mais
actuellement en liberté et soumis à un "suivi sociojudiciaire" avec obligation de soins. Ce
traitement n'est pas irréversible. "Les sujets étudiés seront des récidivistes dont le
comportement d'agression sexuelle n'aura pu être traité efficacement par approches
psychothérapeutiques ou pharmacologiques", a précisé M. Perben dans un entretien de
novembre 2004.
"Testés dans plusieurs pays à travers différentes études, des traitements similaires ont permis
de réduire le taux de récidive à 0 % après quatre ans, contre environ 16 % sans prise en
charge" précise le Dr Serge Stoléru, qui dirige l’étude et par ailleurs milite en faveur d’un
suivi psychologique.
B- Les approches contradictoires du transsexualisme
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La Cour européenne des droits de l’homme constatait dans l'affaire Rees, en 1986, qu'il
n'existait guère de communauté de vues entre les Etats, certains autorisant la conversion
sexuelle et d'autres non, et que, dans l'ensemble, le droit paraissait traverser une phase de
transition. Dans l'affaire Sheffield et Horsham tranchée par elle ultérieurement, elle mit
l'accent sur l'absence d'une démarche européenne commune quant à la manière de traiter les
répercussions que la reconnaissance juridique des changements de sexe pouvait avoir dans
d'autres domaines du droit tels que le mariage, la filiation ou la protection de la vie privée ou
des données. Conformément au principe de subsidiarité, les Etats contractants doivent jouir
d'une ample marge d'appréciation pour accorder leur droit interne aux droits reconnus par la
convention. La Cour attache plus d'importance aujourd’hui à l'existence d'éléments clairs et
incontestés montrant une tendance internationale continue non seulement vers une acceptation
sociale accrue des transsexuels mais aussi vers la reconnaissance juridique de la nouvelle
identité sexuelle des transsexuels opérés.
Selon la Cour, dans l’arrêt Christine Goodwin c. Royaume-Uni du 11 juillet 2002, la
situation insatisfaisante des transsexuels opérés, qui vivent entre deux mondes parce qu'ils
n'appartiennent pas vraiment à un sexe ni à l'autre, ne peut plus durer. Elle estime que l'Etat
défendeur ne peut plus invoquer sa marge d'appréciation en la matière, sauf pour ce qui est
des moyens à mettre en uvre afin d'assurer la reconnaissance du droit protégé par la
Convention. Aucun facteur important d'intérêt public n'entrant en concurrence avec l'intérêt
de la requérante en l'espèce à obtenir la reconnaissance juridique de sa conversion sexuelle, la
Cour conclut que la notion de juste équilibre inhérente à la Convention fait désormais
résolument pencher la balance en faveur de la requérante. Dès lors, il y a eu manquement au
respect du droit de l'intéressée à sa vie privée, en violation de l'article 8 de la Convention. La
Cour condamne donc l’Etat britannique qui refuse de reconnaître les conséquences du passage
du sexe masculin au sexe féminin de la requérante, notamment en ce qui concerne les droits à
pension (les femmes cotisent jusqu’à 60 ans en GB tandis que les hommes cotisent jusqu’à 65
ans), au motif qu’on ne peut réformer le registre des naissances.
Toute cette évolution a été réalisée par la CEDH au nom du principe de la dignité humaine.
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