L’ Europe économique : politique structurelle, actualités et perspectives Notes à partir de l’intervention de Jacques Silvano La logique de l’intervention : 1/ Légitimité économique de l’Europe 2/ Exemple 1 : la PAC 3/ Exemple 2 : Economie de la connaissance et stratégie de Lisbonne Thèse : l’Europe actuelle risque de s’effondrer faute d’une ambition politique assumée. 1. Légitimité économique de l’Europe 1.1 Avantages et coûts de l’Europe Petit historique : les objectifs fondamentaux du traité de Rome étaient politiques. Ils visaient à rétablir la paix et supprimer les conflits. L’intégration était donc une évidence et les moyens pour y arriver ont été économiques (CECA , Euratom, PAC etc) Aujourd’hui , l’Europe économique et sociale est remise en question (cf : vote non au traité constitutionnel). D’où la nécessité de réfléchir sur les fondements d’une nouvelle légitimité européenne. Selon une approche économique, on peut analyser la logique d’une activité en terme de coût / avantage. 1) Les avantages de l’action économique de l’Europe. Ils existent lorsque cette activité : - peut être considérée comme un bien collectif (ou public): * L’indivisibilité à la consommation . * La non rivalité : On peut bénéficier du bien sans limiter la consommation d’un autre agent. L’encombrement ou la saturation est faible. * La non exclusion : Le consommateur ne peut s’approprier le bien et personne n’est exclu de sa consommation. * L’impossibilité, compte tenu des caractéristiques précédentes, de définir un prix de marché, car on ne sait pas qui consomme, quelle quantité est consommée et parce que le coût marginal est nul. - est à l’origine d’externalités (positives : R&D ; négatives : pollution) - est source d’effets de débordement ou d’engrenage (« spillovers ») : par exemple, une politique macro économique nationale peut avoir des effets extra nationaux - génère de forte économies d’échelle (ex : l’économie de la connaissance où on est en présence de coûts fixes élevés…) 2) Les coûts de l’action économique de l’Europe : - Il existe des coûts liés à l’hétérogénéité des préférences nationales : revendications spécifiques et culturelles. Méfiance vis à vis des transferts de souveraineté (abandon de pratiques locales ou natioanles au profit des législations européennes). - Il existe des coûts d’organisation et de coordination des décisions : Par ex. les négociations budgétaires européennes pour 2007-2013 ont nécessité une multitude de réunions pour des résultats très faibles. Affectations théoriques et effectives des responsabilités au sein de l’UE à 15 Domaine Externalités et Hétérogénéité des Affectation Affectation effective économies préférences théorique d’échelle Allocation - Régulation des marchés Fortes Faible UE UE essentiellement des biens et services - Régulation du marché Fortes Faible UE Etat et coordination des capitaux - Régulation du marché Faibles Forte Etat Etat et coordination du travail - Infrastructures, Fortes Moyenne UE Etat et coordination - Recherche, éducation Fortes Faible UE Etat - Soutien à l’agriculture Faibles Forte Etat UE - Défense Fortes Moyenne à forte Indéterminée Etat - Politique étrangère Fortes Moyenne à forte Indéterminée Etat Stabilisation - Politique monétaire et Fortes de change - Politiques budgétaires Moyennes Moyenne à forte UE ou Etat UE (12) Etat (3 autres) Moyenne Etat + discipline Etat + discipline Redistribution - Interpersonnelle Faibles Forte Etat + Etat (fiscalité directe, harmonisation transferts sociaux) - Interrégionale Fortes Forte Plutôt UE Etat et UE - Internationale (au sein Fortes Forte Plutôt UE UE de l’union) D’après Pourquoi l’Europe ne ressemble-t-elle pas à ce que voudraient les économistes ?, Jürgen Von Hagen et Jean Pisani-Ferry, Revue économique volume 54, n°3, mai 2003 et Rapport du CAE Politique économique et croissance en Europe, La documentation française 2006 P.31 3 domaines pour lesquels la relation coûts/avantages de l’Europe est particulièrement significative activité avantages inconvénients Affectations Affectations réelles théoriques Régulation du fort faible UE Régulations nationales, malgré, en marché des capitaux 1999, le Plan d’action pour les services financiers (PASF). Au nom du principe de subsidiarité, les règles européennes ont été largement interprétées par les différents nations. Infrastructure fort moyen UE Nationale et coordination .La panne ( transports, réseaux d’électricité de nov. 2006 a montré, par de communication, ex., l’importance d’une régulation énergie) européenne dans un domaine où la gestion des flux doit obligatoirement fait rapidement et de façon concertée. Enseignement fort faible UE Etats. supérieur et R&D Harmonisation difficile alors qu’à partir du Master les avantages de l’Europe sont bien supérieurs aux coûts. Agriculture faible multiples Etats et UE, alors qu’aujourd’hui certains coordination considèrent que les coûts sont supérieurs aux avantages. Ex : rapport Sapir en 2003 (voir II) Donc, l’UE présente, dans certains domaines, un grand nombre d’avantages au plan économique. Mais, on observe une remise en cause des actions européennes par les populations européennes qui ressentent dans leur vie quotidienne l’Europe comme une contrainte. 1.2 Les différents modes d’intégration de l’Europe Il existe 2 modes d’intégration : DELEGATION (approche de Jean MONNET) Acceptation d’une souveraineté supra-nationale, en délimitant les champs de compétence respectifs des Etats nationaux et de l’Europe, mais aussi des régions. - « délégation inconditionnelle », par exemple la mise en place en juin 1998 de la Banque centrale européenne (BCE) et du Système européen des banques centrales (SEBC), - « délégation supervisée » où les Etats perdent leur capacité d’action mais conservent un droit de surveillance sur l’exécution des politiques. C’est le cas des politiques communes, comme la PAC ou l’utilisation du Fonds de cohésion pour aider les régions les moins développées. COORDINATION « coordination imposée » : elle est fondée sur la surveillance par une instance communautaire des politiques d’Etat, avec ou non la possibilité de les soumettre à des sanctions. L’exemple le plus significatif de ce mode d’intégration est le Pacte de stabilité et de croissance adopté lors du traité d’Amsterdam (1997) « coordination volontaire » Ex1: Lisbonne (2000). Méthode Ouverte de Coordination ( MOC). L’UE fixe des objectifs, aux Etats de les réaliser, selon le « principe de « l’émulation interne » (Benchmarking), avec des bilans annuels. Voir III Ex2 : réforme de la PAC ( 2003), avec choix des quotas selon des objectifs environnementaux. On assiste à une intégration par le volontariat. Voir II. Aujourd’hui, ce dernier mode d’intégration semble dominer et ce choix traduit un manque de volonté politique : L’Europe ne peut plus se construire qu’à travers l’intermédiaire d’Etats libres de suivre ou non les objectifs décidés pourtant de façon communautaire. 2. La PAC La politique agricole commune en quelques dates 25 mars 1957, le traité de Rome institue le marché commun et les produits agricoles sont directement concernés. 3-11 Juillet 1958, la conférence de Stresa définit les trois grands principes de la politique agricole commune : l’unicité du marché agricole, la préférence communautaire et la solidarité financière entre les Etats membres. 14 janvier 1962, la CEE adopte les premiers règlements de la PAC et décide de créer le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) mis en place le 1 ier juillet 1964. 1ier juillet 1967 : Entrée en vigueur du marché unique pour les céréales, les porcs, les volailles, les œufs et les graines oléagineuses (ces dernières ne sont pas protégées contre les importations). 11 août 1969, création des « taux verts », taux de change entre monnaies européennes ne concernant que les produits agricoles. 12 mai 1971, généralisation des MCM, les montants compensatoires monétaires. Avril 1984, première modification de la PAC avec l’introduction de quotas laitiers. Novembre 1986, première crise de l’encéphalopathie spongiforme bovine en GB. Mars 1988, deuxième modification de la PAC avec la mise en place de stabilisateurs automatiques : les prix sont garantis jusqu’à une quantité produite maximale, au-delà la garantie diminue. Mesure supprimée en 1992. 2 mars 1991, premier cas de « vache folle » en France 21 mai 1992, première véritable réforme de la PAC dite « réforme Mc Sharry ». Elle entrera en application le 1ier janvier 1993. 20 novembre 1992, pré-accord de Blair House entre la CEE et les EU dans le cadre de l’Uruguay Round. 1ier janvier 1993, suppression des MCM, mais maintien des taux verts jusqu’en 1999. Mars-juillet 1996, approfondissement de la crise de la « vache folle » 25 et 26 mars 1999, le Conseil de Berlin décide, dans le prolongement de 1992, une nouvelle réforme de la PAC qui s’inscrit dans la programmation budgétaire pour la période 2000-2006 (« Agenda 2000 ») 26 juin 2003, l’accord du Luxembourg décide une dernière réforme correspondant à la programmation 20072013. Le Traité de ROME accordait beaucoup d’importance à la Pac qui devait supprimer les pénuries alimentaires de l’après guerre et renforcer la coopération entre des Etats qui venaient de se faire la guerre. Il faut rappeler que les bons alimentaires pour le pain se sont maintenus, en France, jusqu’en 1949. Le traité de Rome va fixer 5 grands objectifs ( art 33§1) : 1- Accroître la productivité de l’agriculture en développant le progrès technique, en assurant le développement rationnel de la production agricole ainsi qu’un emploi optimum des facteurs de production, notamment de la main-d’œuvre 2- Assurer un niveau de vie équitable à la population active agricole, notamment par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent dans l’agriculture 3- Stabiliser les marchés 4- Garantir la sécurité des approvisionnements 5- Garantir des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs. Pour réaliser ces objectifs, en 1958, la Conférence de STRESA propose 3 grands principes : 1- L’unicité : marché commun 2- La préférence communautaire 3- La solidarité financière En 1962, le FEOGA (le Fonds Européen d’Orientation et de Garantie agricole) est créé. Il gère un budget destiné, pour 95% du total, à soutenir les marchés agricoles (OCM : Organisation Commune des Marchés fondée sur un système de prix garantis) et, pour 5 %, à assurer les orientation structurelles. 2.1 Comment justifier la PAC de 1964 à 1992 ? Le « paradoxe du progrès technique » de Joseph Klatzman (« L’agriculture française ») : Le progrès technique => augmentation de la productivité => augmentation de la production, diminution des coûts Mais la demande étant inélastique => diminution des prix et surplus => diminution des revenus (renforcée par le fort endettement, et la présence de marchés plutôt oligopsoniques dans lesquels les centrales d’achat dominent) Paradoxe : le progrès technique n’apporte pas plus de bien être aux agriculteurs. Ils auraient intérêt à produire de manière inefficiente, mais la concurrence les en empêche. 2.2 L’Organisation commune des marchés de 64 à 92 : De 1964 à 92 : Organisation Commune des Marchés détermine différents types de prix suite à des négociations : - les prix indicatifs qui font référence au « prix juste », qui assure un niveau de vie correct aux agriculteurs - les prix de seuil, qui protègent les agriculteurs face aux importations. Le prix de seuil est inférieur aux prix indicatifs et sert de référence à la protection européenne face aux importations. Ils seront supprimés en 1995. - Les prix d’intervention, qui servent soutenir les exportateurs européens, en payant la différence entre ce prix et le prix mondial afin que les agriculteurs européens puissent vendre sur les marchés internationaux (« restitutions »). La complexité de la PAC réside dans le fait qu’il existe une organisation commune des marchés (OCM) pour chaque produit (sauf quelques uns : le soja, le gluten de maïs, la pomme de terre, le miel). Toutefois, tous les produits n’ont pas le même niveau de protection. Il existe donc des prix garantis qui permettent d’éviter que le prix de marché soit inférieur au prix minimum indicatif. L’UE pratique des prélèvements variables sous forme de taxes sur les importations selon le prix de seuil (ces taxes varient en fonction de l’écart entre le prix mondial et le prix seuil. Ex : Px mondial : 50$ et px seuil : 59$, la taxe est de 9$. Si le prix mondial augmente de 2$, la taxe n’est plus que de 7$). Ce système est un véritable bouclier protectionniste face aux importations agricoles. En principe, les prélèvements variables permettent de financer de manière équilibrée les aides aux agriculteurs. En effet, le soutien aux exportations s’effectuent grâce des « restitutions » (aides), ex : si un prix européen est < au prix mondial, la Pac donne aux agriculteurs européens une subvention correspondant à cet écart afin d’assurer le maintien de leur revenu à un niveau constatnt. Or, ce principe d’équilibre n’est plus possible : les surplus européens sont trop importants et le montant des taxes est plus faible que le montant des restitutions. Ceci provoque un accroissement structurel du budget européen consacré à l’agriculture. 2.3 Les conséquences de la PAC : Conséquences positives : L’agriculture européenne est prospère ; les Etats ont retrouvé leur autonomie alimentaire ; les crises sont relativement absorbées (ex : crise du sucre en 74) Les effets négatifs : Il existe beaucoup de déséquilibres et d’inégalités. La Pac modifie la logique de marché. La production des entreprises agricoles repose sur un principe libéral, mais la gestion est collective (européenne). De 1964 à 1992, la contrainte de demande est limitée par l’UE puisque les agriculteurs sont certains d’écouler leur production, la contrainte de coûts est modifiée par les subventions à la production et aux exportations. On se situe dans le cadre d’ une « rationalité procédurale » (Herbert Simon) : les agriculteurs n’ont pas réellement connaissance du marché (évolutions des coûts réels et de la demande), ils produisent selon un processus qui prend essentiellement en compte des informations en provenance des institutions européennes. Les lois du marché sont donc tronquées. Cela va se traduire par des déséquilibres : - La tendance à la surproduction : les surplus des années 70-80 sont dus à une productivité intense, une faible élasticité de la demande et à la certitude d ‘écouler la production. Ainsi même les agriculteurs peu efficients (dont le Cm est supérieur au prix du marché sans intervention européenne) restent sur le marché. - On observe donc une tendance structurelle au déficit budgétaire agricole. Entre 1980 et 1986, en écus constants, les dépenses de soutien agricole ont augmenté de 5 % par an, alors que les ressources liées aux prélèvements et aux autres mesures de la PAC diminuaient de 3,3 % par an. D’où la nécessité de chercher des fonds dans le budget global et de limiter les moyens financiers qui seraient nécessaires dans d’autres domaines. - Les effets des pratiques agricoles intensives sur l’environnement et la santé (pollution des nappes phréatiques dans certaines grandes régions céréalières ou d’élevages industriels comme la Normandie ou la Bretagne, développement pathologies animales telles que l’ESB, la maladie de « la vache folle » etc) - Spécialisation figée alors que la demande agricole évolue (ex. : l’alimentation animale) - Augmentation des inégalités au sein de l’Europe agricole - L’Organisation Commune des marchés est de moins en moins acceptée au niveau international (Etats unis, mais aussi « groupes de Cairns » ou G20, groupe des pays pauvres) La légitimité initiale de la PAC est remise en cause. L’exigence alimentaire n’est plus prioritaire. Il faut donc trouver de nouvelles sources de légitimité dans des objectifs de santé, environnementaux etc 2.4 Les réformes 1) Les « réformettes » avant 92 Les premières modifications de la PAC ont eu lieu dans les années 80. En 1984, l’Europe impose des quotas laitiers et une réduction de la production. En quatre ans elle baissera de plus de 10 %, mais la hausse de la productivité est telle que cette mesure est limitée, d’autant qu’elle a des conséquences négatives sur la production bovine. En effet, une partie des vaches laitières est amenée à l’abattoir et cela accroît la surproduction de viande. Une deuxième modification a lieu les 11 et 12 février 1988 quand des « stabilisateurs budgétaires » sont mis en place : on fixe des quantités maximales garanties et leur dépassement entraîne des sanctions sous la forme d’une diminution du prix d’intervention. Ces mesures visant à limiter les capacités de production, soit par le contingentement, soit par l’incitation, sont, en général, mal acceptées par les agriculteurs-éleveurs et elles ne remettent pas en cause le système des prix garantis qui, au contraire, pousse à produire. 2) Les réformes de 1992 ; 1999 ; 2003 L’objectif est de rapprocher les prix européens de ceux qui sont pratiqués sur le marché mondial, tout en soutenant de façon directe et « découplée » les revenus des agriculteurs. - le 21 mai 1992, sur la première grande réforme (dite réforme Mac Sharry du nom d’un des commissaires européens à l’origine des propositions). Deux mesures commencent à remettre en cause la logique de soutien par les prix ou par la production de la précédente architecture : la baisse des prix réglementés (-35%), et les compensations sous forme d’aides à l’hectare pour les agriculteurs acceptant de geler 15 % de leurs terres cultivables. Cette réforme est acceptée par l’OMC (Uruguay Round : pré-accord de Blair house) Parallèlement, les américains promulguent le Farm bill de 1996, le « Fair Act », « fair » signifiant « loyal »… Au départ, il devait aller dans le sens du découplage et du retrait de l’intervention publique, mais il va largement favoriser les Etats Unis grâce à une mesure qui est ajoutée au dispositif, le « loan déficiency payment », aide qui se déclenche automatiquement si le prix de marché passe en dessous d’un certain niveau ( « loan rate ») et qui est proportionnelle à la production. Marginale au début, cette mesure va jouer un rôle fondamental : non découplée puisque les aides sont proportionnelles à la production, et non conditionnée, parce qu’aucune obligation n’est imposée aux agriculteurs, elle se déclenche très souvent. De 1997 à 1999 les paiements directs à l’agriculture triplent aux Etats unis. - Malgré cela, l’Europe continue de réformer son agriculture : dans le cadre de « l’agenda 2000 », le 26 mars 1999, l’accord de Berlin est signé : la baisse des prix de soutien (-15%) continue pour les céréales et les produits laitiers; ainsi que les compensations sous formes d’aides à l’hectare ou à l’animal pour les agriculteurs-éleveurs qui acceptent de geler 10 % de leurs terres cultivables ou qui réduisent leur cheptel. - Une nouvelle réforme européenne est décidée le 26 juin 2003. La mesure centrale est l’introduction d’un « paiement » unique déconnecté de la production et des facteurs de production. Toutefois, une très grande souplesse est introduite dans les modalités d’application : dates d’entrée en vigueur modulables, choix du degré de découplage (total ou partiel en fonction des % plafonds définis par l’accord) et possibilités de tenir compte ou non du passé récent pour en fixer les normes. Encore une fois, le projet de réforme n’est pas totalement assumé politiquement par l’Europe et c’est l’échelon national qui est largement responsable de sa mise en application (une sorte de MOC : méthode ouverte de coordination). Cela va se traduire par des inégalités entre pays européens en fonction des choix étatiques qui seront faits. 2.5 La Pac à la recherche d’une « nouvelle légitimité » Pour trouver une nouvelle légitimité à la PAC, il faut considérer l’agriculture (et non le produit agricole) comme un « bien public européen » La légitimité au début des années 60 : - L’indépendance alimentaire de pays européens solidaires - Les effets négatifs sur l’évolution les revenus et la population agricole engendrés par les mécanismes du marché Une nouvelle légitimité : L’agriculture « un bien public européen » ? - Une aide aux revenus agricoles justifiée essentiellement pour les agriculteurs des nouveaux entrants - Une aide fondée sur de nouveaux critères : La « multifonctionnalité » (Uruguay round), en dehors de la production de biens alimentaires, les rôles de l’agriculture peuvent être le maintien de l’emploi rural, l’animation de la vie sociale dans des régions délaissées, le respect des équilibres de population, la protection de la nature et l’amélioration de la santé collective. Mais la construction d’une nouvelle Pac ne se fait pas totalement selon ces principes, elle est largement le résultat d’un rapport de force entre deux grands groupes : Les Etats unis et l’Europe. Les biens publics européens Cette approche a pour origine une réflexion sur la nature particulière des biens publics mondiaux, qui peut être appliquée au niveau européen. Il n’y a pas de définition précise, formelle et institutionnalisée des « biens publics mondiaux », mais nous pouvons tirer des différentes contributions à cette réflexion un certain nombre de traits propres à ce type de biens. Il est à noter, tout d’abord, que la notion de biens est prise ici dans un sens très large : ce peut être une ressource ou une production, matérielle ou immatérielle. Ses particularités par rapport à un bien public national résident dans le fait que ses effets vont au-delà des frontières et, donc, que sa production ne peut avoir pour origine qu’un dépassement volontaire des souverainetés nationales. En outre, il faut insister sur l’importance des effets d’accumulation de ces biens sur le développement économique et social (« externalités de stock »), en particulier celui des autres pays et celui des générations futures, que ce soit de façon positive, comme l’accumulation de connaissances, ou négative, comme celle des déchets non périssables (approche en terme de « développement durable »). Enfin, comme tout bien public, lorsqu’ils sont mis à la disposition des agents, leur consommation est non rivale, c'est-à-dire que l’usage de l’un ne diminue pas celui de l’autre, et non exclusive, personne ne pouvant être exclu de leur consommation. Il y a débat sur les domaines concernés par l’approche en terme de bien public international. S’il y a peu de discussions pour y inclure la lutte contre les épidémies, le respect de l’environnement, le maintien de la paix ou des grands équilibres financiers, l’accord est plus difficile concernant des questions pour lesquelles les préférences idéologiques ou culturelles sont fortes comme les droits fondamentaux de la personne, la protection sociale des individus ou les choix de développement. Cette réflexion sur les biens publics internationaux ne peut donc pas être dissociée de celle concernant les limites du droit public international et donc des souverainetés nationales : jusqu’à quel point les lois internationales doivent-elles s’imposer aux Etats ? 3. L’économie de la connaissance 3.1 L’économie de la connaissance un « bien public européen » par excellence - La connaissance est un bien dont la consommation est par nature non exclusive et non rivale. - Les effets positifs d’une connaissance sont d’autant plus importants qu’elle se diffuse facilement et qu’elle est utilisée par une pluralité de personnes (« externalité de réseau ») - Les coûts de production de la connaissance sont plutôt élevés et fixes. Des économies d’échelle importantes sont donc possibles et la coopération est souvent nécessaire. - Pour que la connaissance produise une efficience maximale, il faut qu’elle soit gratuite et diffusée le plus largement possible. Mais, dans ce cas, aucun agent privé n’aura intérêt à se lancer dans sa production, d’autant que cette dernière est souvent coûteuse et risquée. 3.2 La stratégie de Lisbonne Les 23 et 24 mars 2000, le Conseil européen lançait la stratégie de Lisbonne avec pour objectif que l’Union devienne avant 2010 « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale dans le respect de l’environnement ». Les cinq engagements de Lisbonne - Promouvoir l’économie de la connaissance : augmenter les dépenses publiques et privées de recherchedéveloppement, amplifier la création et la diffusion d'un capital scientifique, technologique et intellectuel, développer l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC). - Renforcer le marché unique : ouverture de secteurs jusqu'ici abrités et protégés, suppression des barrières à la libre circulation des marchandises, mais aussi des services et des capitaux, application de façon équitable les règles relatives à la concurrence. - Instaurer un climat plus favorable pour les entreprises et les affaires : allégement des charges administratives, aides à la création d’entreprise, amélioration et harmonisation de la législation. - Accroître la flexibilité et la capacité d'adaptation sur le marché du travail tout en préservant la cohésion sociale : augmentation des niveaux d'éducation et de formation tout au long de la vie, application au marché du travail des politiques dynamiques, progression des taux d’emploi, adaptation des systèmes de protection sociale. - Raisonner en terme de croissance durable (ce dernier volet a été ajouté à Göteborg par le Conseil européen) : mise en pace de mesures environnementales adaptées, développement des éco-innovations et c. La méthode choisie pour atteindre ces résultats : La MOC (« méthode de coordination ouverte ») qui vise à laisser aux Etats la choix de mener les politiques qu’ils souhaitent pour atteindre les objectifs de Lisbonne, d’informer sur les meilleures pratiques et ainsi, faire pression sur les économies les moins performantes afin d’assurer une convergence des politiques nationales. Les résultats à mi-parcours : Le rapport de l’ancien premier ministre néerlandais Wim Kok est, en novembre 2004, très négatif. Ce bilan fait dire aux chercheurs de l’OFCE que « la moitié d’un quart de la « stratégie de Lisbonne » a … été remplie jusqu’à présent » (Lettre de l’OFCE n°259, 23 mars 2005) La stratégie de Lisbonne, y compris dans sa nouvelle version (après 2005 : « stratégie de Lisbonne revisitée »), est fondée sur le raisonnement suivant : l’achèvement du marché unique par la régression des barrières nationales, par la promotion de la concurrence dans tous les domaines, particulièrement dans les services, et par la création d’un environnement plus favorable aux entreprises, devait permettre le développement de l’innovation et des secteurs fondés sur la connaissance. Ce développement devait déboucher sur une forte croissance de la productivité source de moyens supplémentaires pour améliorer la situation de l’emploi et la cohésion sociale, mais aussi pour promouvoir un développement durable. Cette croyance dans la dynamique du marché et dans la responsabilité des Etats semble donc peu adaptée à la mise en place d’une économie de la connaissance. Une nouvelle fois, alors que ce type d’économie est, de l’avis de tous, un domaine pour lequel la dimension européenne est totalement justifiée, les Etats qui composent l’UE et les institutions européennes ne se donnent pas les moyens de le maîtriser. L’objectif politique, dynamiser de façon active et directe l’économie de la connaissance, n’est pas assumé.