La responsabilité juridique à l`hôpital

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La responsabilité juridique à l’hôpital
Principes introductifs
I. Principes généraux de la responsabilité
1.1. La responsabilité hospitalière
Les responsabilités mises en jeu par l’activité du personnel médical et paramédical d’un hôpital public
sont régies par les principes de la responsabilité administrative depuis les lois des 16 et 24 août 1790
qui sont venues poser le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires.
Ainsi ce sont les juridictions administratives qui sont compétentes pour connaître des conflits entre le
patient, usager du service public, et l’administration hospitalière. Il est à souligner que le patient se
trouve en situation réglementaire et non en situation contractuelle avec son médecin, contrairement à
ce qui se passe lorsque les soins lui sont dispensés en milieu libéral.
1.2. Les différents types de responsabilité
L’engagement de la responsabilité peut répondre à deux types de préoccupations, selon la finalité
recherchée par la victime : la réparation ou la sanction.
La responsabilité médicale
Responsabilité, source de sanction
Responsabilité, source d’indemnisation
-
-
La responsabilité pénale
La responsabilité disciplinaire
La responsabilité ordinale
La responsabilité civile
La responsabilité administrative
La responsabilité juridique - Note élaborée par Valériane DUJARDIN – Juriste à l’E.P.S.M. des Flandres
24.01.2010
II. La responsabilité, source d’indemnisation
L’aboutissement de l’action en responsabilité ne peut donner lieu qu’à une réparation (les dommages
et intérêts).
2.1. La responsabilité administrative : principes de base…
Un patient ou sa famille, qui envisage de mener une action en responsabilité, en vu de se voir
indemniser, devra s’adresser au juge administratif. Le droit hospitalier est en effet une branche du
droit administratif, justifiant la compétence des tribunaux administratifs.
Le principe de la responsabilité administrative est le suivant : La responsabilité n’est engagée que si un
fait dommageable (le plus souvent une faute) a entraîné un préjudice.
* L’engagement de la responsabilité hospitalière
La présentation des principes généraux de la responsabilité a permis de mettre en avant les différents
types de responsabilité, notamment la responsabilité administrative qui nous intéresse plus
particulièrement. Il semble opportun d’exposer les fondements classiques de la mise en jeu de la
responsabilité.
La mise en jeu de la responsabilité
Les termes de la mise en cause d’une responsabilité civile (publique ou privée) sont :
-
un dommage,
une réparation,
un lien de causalité avec le fait dommageable,
(une personne responsable, une victime).
N.B. : Il convient de préciser que la plupart de ces notions souffrent d’une certaine imprécision,
laissant au juge une importante marge d’appréciation.
Le dommage ou le préjudice
Il n’y a pas de responsabilité qui puisse être mise en cause en l’absence d’un dommage.
C’est à la victime du dommage de faire la preuve de celui-ci.
Le préjudice doit être certain. Même s’il ne doit se réaliser que dans le futur. Ainsi, une erreur de
diagnostic ou une négligence peuvent elles entraîner une perte de chance sérieuse d’éviter
ultérieurement une infirmité ou une opération chirurgicale.
Le préjudice doit être indemnisable en argent. Référence faite à l’évaluation du préjudice par le juge
présentée dans la partie relative à la responsabilité administrative.
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Le préjudice doit être direct. Est néanmoins susceptible de réparation non seulement le préjudice des
victimes immédiates, mais aussi celui qui frappe « par ricochet » d’autres personnes, par exemple la
perte de l’aide matérielle apportée à la victime immédiate.
Le lien de causalité
Définition :
Il s’agit du lien entre le dommage subi par la victime, et le fait attribué à la personne dont la
responsabilité se trouve mise en cause.
La réparation
Evaluation :
L’évaluation « regroupe » un ou plusieurs préjudices, conséquences subies par le patient du fait de ses
blessures ou de son invalidité.
* La responsabilité « indemnisation » : De la responsabilité dite pour « faute »… à
l’assouplissement des juges
De la responsabilité pour faute…
La jurisprudence a consacré deux régimes de responsabilité pour faute :
 la responsabilité pour faute liée aux actes médicaux
-
-
-
les diagnostics (erreur (erreur médicale dans la rédaction d’une fiche par un interne), absence
d’examens prescrits ou d’analyses, ou manque d’examens approfondis (absence d’un examen
radiographique, absence d’analyse diabétique), mauvais choix d’une thérapeutique entraînant un
risque inutile ou disproportionné pour le patient par rapport à sa pathologie,
les prescriptions (prescriptions erronées, sur estimation ou sous-estimation (sous estimation par un
interne de la quantité de médicaments, méconnaissance des risques d’un médicament, doses
excessives d’un médicament)),
les interventions chirurgicales (oubli d’un matériel dans le corps d’un patient (un chirurgien a
oublié une compresse dans le corps de l’opéré)).
 la responsabilité pour faute liée à l’organisation et le fonctionnement du service
-
-
matériel défectueux (matelas chauffant défectueux ayant entraîné des brûlures),
inadaptation / aménagement des locaux (chambre jugée insalubre, fil électrique non protégé
permettant au patient de se suicider),
chute d’un patient (chute d’un lit post-opératoire, pas de tapis anti-dérapant à la sortie du bain)
surveillance des patients (rapt d’une enfant dans un service de maternité, mauvaise surveillance
d’un nouveau né qui était né dans des conditions difficiles, mauvaise surveillance post opératoire
(grangrène ayant entraîné l’amputation d’une jambe)),
retard apporté dans les soins (changement tardif de pansements, retard à prévenir un médecin
ayant des conséquences néfastes pour le patient),
absence de précautions dans l’isolement des patients (coups et blessures entre patients connus pour
être violents).
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…à la responsabilité sans faute
Progressivement, le régime de la responsabilité pour faute tend à devenir un régime d’exception face à
l’évolution du régime de la responsabilité sans faute, les juges cherchant à indemniser les victimes
alors même qu’aucune faute n’a été commise.
Dans un premier temps, les juges ont eu recours à des techniques afin de justifier l’indemnisation des
plaignants.
 la présomption de faute
Raisonnement du juge : quand les soins ont des conséquences dommageables anormales et
inattendues, le juge estime que ces conséquences résultent, et ne peuvent s’expliquer que par une
faute. Compte tenu de cette « présomption de faute », la victime sera indemnisée du préjudice subis,
même en l’absence de faute.
 la perte de chance
Raisonnement du juge : compte tenu de l’absence de « garanties médicales », le juge pense, même si il
n’y a jamais de certitude, que le cours des événements aurait pu être plus favorable pour les victimes.
L’indemnisation est prononcée au regard de cette technique dénommée « perte de chance ».
Egalement, le législateur et les juges sont venus instaurés des cas de responsabilité sans faute,
entraînant une indemnisation systématique de la victime.
 Les cas légaux
Au regard de la difficulté pour le demandeur de prouver l’existence d’une faute dans ces hypothèses,
le législateur a consacré un régime de responsabilité sans faute. Egalement, le juge considère que pour
ces hypothèses, les personnes, tels que les donneurs bénévoles, doivent être garantis des conséquences
dommageables des effets indésirables.
-
les vaccinations obligatoires loi du 01/07/1964 – Article L.10-1 CSP),
le dépôt et le retrait des objets (loi du 06/07/1992),
les recherches biomédicales sans bénéfice individuel direct (loi HURIET de 1988 et les lois de
1994 – Article L.209-7 CSP)
risques encourus par les donneurs de sang (article L.667 CSP).
 Les cas jurisprudentiels
Pour les deux premières hypothèses, le juge considère que ces situations créent un « risque spécial
pour les tiers lesquels ne bénéficient plus de garanties qui résultaient pour eux de méthodes
d’internement en vigueur» :
-
les placements familiaux surveillés (jurisprudence de 1987),
les sorties d’essais (jurisprudence de 1964),
Egalement, la jurisprudence a reconnu progressivement une responsabilité « systématique » pour ces
deux derniers cas de figure
-
les collaborateurs bénévoles du service public (jurisprudence de 1999),
la responsabilité sans faute des centres de transfusion sanguine à raison des produits qu’ils
fournissent (jurisprudence de 1995).
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Enfin, les dernières jurisprudences se font l’écho de nouveaux cas de responsabilité sans faute, que
l’on pourrait qualifier de « dernières avancées » :
 l’indemnisation de l’aléa thérapeutique (1991)
Raisonnement du juge : est indemnisée la part de risque que comporte un traitement médical ou
thérapeutique, correctement mené, mais qui amène des effets indésirables. Autrement dit, le juge vient
indemniser les conséquences indésirables d’une thérapeutique dont les effets sont pas encore connus.
 l’indemnisation du « risque thérapeutique » (1993)
Raisonnement : dans cette situation, le juge indemnise les dommages « d’une extrême gravité »
résultant directement d’un acte médical nécessaire, qui comporte des risques dont l’existence est
connue mais la réalisation est exceptionnelle.
Afin d’être rigoureuse, il importe d’énumérer les sept conditions jurisprudentielles de l’indemnisation
du risque thérapeutique, dans la mesure où lorsque le juge a justifié l’indemnisation sur ce fondement
du risque, il est venu poser des verrous afin d’éviter une systématisation de la responsabilité sans faute
fondée sur le risque :
-
Un acte médical nécessaire,
Un acte de diagnostic ou de traitement,
Un acte présentant un risque dont l’existence est connue,
La réalisation de ce risque est exceptionnelle,
Le patient ne doit pas être particulièrement exposé à ce risque,
L’acte est la cause directe du dommage qui est sans rapport avec l’état initial du patient,
L’état du patient présente une extrême gravité.
 le défaut d’information (2000)
Le médecin est tenu, depuis deux arrêts du Conseil d’Etat en date du 5 janvier 2000, d’informer le
patient des risques que comportent un acte médical, y compris les risques de décès ou d’invalidité.
Egalement, la charge de la preuve incombe au médecin.
Aussi, le simple fait de ne pas avoir délivré une information sur tous les risques y compris les risques
de décès et d’invalidité suffit à engager la responsabilité de l’établissement, alors même qu’aucune
faute n’a été commise.
 les infections nosocomiales (1988)
Dans cette situation, le juge applique la technique de la présomption de faute, c’est à dire que la faute
(contraction de l’infection) de l’établissement hospitalier est présumée, à charge pour lui de démontrer
qu’il a tout mise en œuvre pour éviter cette contamination (produire les éléments relatifs aux
diligences et précautions déployées dans le service pour lutter contre les infections nosocomiales).
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2.2. Bouleversement des rouages classiques de la mise en jeu de la responsabilité à l’hôpital : la
création des C.R.I.C.
Depuis la reconnaissance de la possibilité d’engager la responsabilité d’un établissement hospitalier, la
personne qui se disait victime d’un « dommage » ou « préjudice » disposait d’une voie unique de
recours contentieux. La voie unique, telle que décrite succinctement auparavant, était la saisine du
juge administratif.
Désormais, la victime peut opter pour cette voie traditionnelle, ou saisir d’une simple requête la
Commission Régionale d’Indemnisation et de Conciliation, et ce, depuis la loi du 4 mars 2002 relative
aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
* La procédure d’indemnisation avant la loi Kouchner – quelques notions procédurales
Enclenchement de la procédure : la demande préalable d’indemnisation
Le patient ou sa famille qui recherche une réparation financière sur le terrain de la responsabilité
administrative doit au préalable adresser une demande d’indemnisation au directeur de l’établissement,
exposant les motifs, le préjudice (qui doit être chiffré). Cette première étape est dénommée
« demande préalable d’indemnisation ».
Délai pour agir : la règle de la prescription décennale
Il est à noter que le plaignant dispose – depuis la loi Kouchner du 04 mars 2002 relative aux droits des
malades et à la qualité du système de santé - d’un délai de dix ans à compter du préjudice ou de la
consolidation du dommage ; après ce délai, il y a prescription, c’est à dire le plaignant est hors délai
pour demander une quelconque réparation).
Poursuite de la procédure : la décision de l’administration hospitalière
Deux options s’offrent au directeur :
-
Répondre par écrit (acceptation de la demande ou « refus exprès » d’indemnisation) et ce dans un
délai de deux mois à compter de la réception du recours préalable
Garder le silence pendant quatre mois qui équivaut à un « refus tacite ».
Poursuite de la procédure : le choix pour le plaignant d’intenter un recours contentieux
Suite au refus, exprès ou tacite, du directeur, le plaignant peut adresser un recours contentieux au
tribunal administratif. Dans cette hypothèse, le directeur confie la défense des intérêts de
l’établissement à un avocat. Cette période ouvre le débat entre les partie, c’est à dire un échange de
mémoires, jusqu’au jugement par le tribunal administratif.
L’appel de la décision rendue en première instance
En cas de contestation de la décision, le plaignant peut faire appel de la décision dans un délai de deux
mois à compter de la notification du jugement, devant la cour d'appel ou la cour administrative d’appel
qui juge de nouveau sur le fond (les motifs avancés par les deux parties).
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L’ultime voie de recours : le Conseil d’Etat
Enfin, en dernier lieu, si le patient s’est vu rejeté son appel, il peut faire un recours devant le conseil
d’Etat qui jugera les faits sur la forme, c’est à dire les règles de droit.
L’évaluation des dommages et intérêts
Enfin, l’action en responsabilité, si elle aboutit, donne lieu au versement de dommages et intérêts.
Entrent dans le calcul des indemnisations pour l’évaluation du préjudice :
-
le préjudice économique ou encore dénommé le préjudice matériel (perte de revenus causés par un
arrêt de travail, embauche d’une tierce personne),
le préjudice moral (‘« troubles dans les conditions d’existence », l’aspect psychologique),
le préjudice physique (les souffrances),
le « prétium doloris » (le prix de la douleur),
le préjudice esthétique,
le préjudice d’agrément (perte de la possibilité d’exercer une activité sportive – le fait de concourir
pour un athlète par exemple),
le préjudice sexuel.
Cette procédure était ainsi la voie unique que pouvait emprunter une personne souhaitant voir la
responsabilité administrative d’un établissement engagée.
Désormais, non seulement quelques-uns de ces principes traditionnels ont été modifiés, mais aussi a
été créée une deuxième voie de recours avec la possibilité offerte à la victime de se pourvoir devant la
C.R.I.C.
* Les procédures d’indemnisation depuis le 4 mars 2002
La voie « classique »… rappel…
On rappellera ainsi que la victime conserve la possibilité d’adresser une demande préalable à
l’administration hospitalière, demande obligatoire avant toute saisine des juridictions.
Le requérant disposait avant la loi du 4 mars 2002 d’un délai de quatre ans pour mener son action
(prescription quadriennale), auquel cas, passé ce délai, sa requête se voyait jeté car tardive. Le délai de
quatre ans était envisagé pour les établissements publics alors que pour les établissements privés, la
victime disposait d’un délai… de trente ans ! La loi Kouchner a ainsi eu pour effet, et mérite, d’unifier
les règles de responsabilité administrative et civile en arrêtant une prescription unique : dix ans.
La saisine de la C.R.I.C.
Ce système offre à l’usager qui se dit victime d’un dommage une voie de recours nouvelle ; il importe
de souligner que ce système n’est pas exclusif ni se substitue à l’action du magistrat.
La loi du 4 mars 2002 impartit à ces commissions une double mission de conciliation (rechercher un
accord entre les parties) et de règlement amiable (émettre un avis qui peut aboutir sur une proposition
amiable d’indemnisation). La demande de la victime (ou ses ayants droit) est présentée au moyen d’un
formulaire conforme, et adressée par lettre recommandée avec accusé de réception à la Commission.
Il est à noter que la loi a envisagé des conditions de recevabilité des demandes. Outre la condition
visée à l’article L.1142-1 du CSP (le dommage doit résulter d’un accident médical, d’une affection
iatrogène ou d’une infection nosocomiale présentant « pour le patient des conséquences anormales au
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regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci »), il existe une exigence au
regard du seuil de gravité du préjudice. Lorsque la Commission estime ainsi que les dommages subis
dont elle est saisie ne présentent pas ce caractère de gravité, elle se déclare alors incompétente. De
cette façon, un décret présente un barème des taux d’incapacités des victimes d’accidents médicaux,
d’affections iatrogènes ou d’infections nosocomiales.
Au delà des conditions de saisine et de recevabilité, cette voie de recours offre un certain nombre
d’avantages que sont notamment la gratuité et la rapidité ; la loi prévoit que la Commission doit rendre
un avis quant à la nature, la causes et les conséquences des dommages dans les six mois à compter de
sa saisine.
2.3. Le principe de protection des fonctionnaires
Les fautes commises par les agents dans l’exercice de leurs fonctions engagent la responsabilité de
l’établissement. Autrement dit, c’est la responsabilité de l’hôpital qui sera engagée, en vertu de
l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983, dans la mesure où c’est l’organisation et le fonctionnement du
service public hospitalier « dans son ensemble » qui est remis en cause.
Dans cette mesure, c’est la responsabilité de l’établissement hospitalier qui sera engagée du fait de la
faute de ses préposés hormis l’hypothèse de la faute détachable.
L’article 11 de la loi suscitée dispose à ce titre que « les fonctionnaires bénéficient, à l’occasion de
leurs fonctions, d’une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent,
conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. Lorsqu’un fonctionnaire a été
poursuivi pour faute de service et que le conflit d’attribution n’a pas été élevé, la collectivité publique
doit, dans la mesure où une faute détachable de l’exercice de ses fonctions n’est pas imputable à ce
fonctionnaire, le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui (…)»
* La responsabilité civile (ou la responsabilité personnelle pécuniaire de l’agent)
es juges judiciaires sont compétents pour connaître des litiges entre « particuliers » ; ce terme
générique dénote l’aspect privé des juridictions civiles. Ainsi, le juge judiciaire n’est à priori pas
compétent pour les litiges d’ordre public, puisqu’il appartient à l’administration de répondre des fautes
commises par ses agents.
Toutefois, ce principe connaît une exception : la faute personnelle détachable du service1.
Généralement, la faute détachable du service est une faute extrêmement grave ou une faute
intentionnelle, ou, selon un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation, une faute
personnelle est « celle qui révèle un manquement involontaire et inexcusable à des obligations d’ordre
professionnel et déontologique »2.
Au regard des circonstances, le juge regarde si il s’agit d’une faute personnelle, mais en lien avec le
service ou une faute sans lien avec le service, la faute détachable. La faute en lien avec le service est
une faute due à une mauvaise organisation, une faute grave, pouvant entraîner le partage de
responsabilités.
Dans cette hypothèse, le dommage résulte de deux faits distincts : une faute de service et une faute
personnelle. La coexistence de deux faits à l’origine d’un même dommage peut servir de fondements à
1
Arrêt du Conseil d’Etat (28/07/51 – LARUELLE et DELVILLE) : « Si les fonctionnaires et agents des collectivités publiques ne
sont pas pécuniairement responsables envers lesdites collectivités des conséquences dommageables de leurs fautes de service,
il ne saurait en être ainsi quand le préjudice qu’ils ont causé à ces collectivités est imputable à des fautes personnelles,
détachables de l’exercice de leurs fonctions ».
2
Chambre criminelle de la Cour de Cassation, 02/04/1992.
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la répartition, par le juge administratif, entre l’Etat et son agent, de la charge de l’indemnité due à la
victime3.
Exemples de faute détachable :
-
maltraitance à l’égard des patients,
refus du médecin de garde de se déplacer,
refus du chirurgien de se déplacer alors qu’il a été informé de l’arrivée en urgence d’une patiente
blessé par balle dans un état critique,
détournement des biens et valeurs d’une patiente,
un chirurgien alcoolisé qui se trompe dans l’opération (enlève une artère à la place d’une veine
ayant entraîné l’amputation de la jambe),
fuite d’un chirurgien lors d’une opération, laissant sa patiente anesthésiée en salle d’opération
alors que le feu venait de se déclancher.
3
Illustration jurisprudentielle : Arrêt du Conseil d’Etat en date du 28 juillet 1951 (LARUELLE et DELVILLE). Un chauffeur du
Ministère de la reconstruction et de l’urbanisme avait été condamné par les tribunaux judiciaires à réparer l’intégralité des
conséquences dommageables d’un accident qu’il avait causé en conduisant, en état d’ébriété, un camion de l’administration. Le
chauffeur a demandé à l’administration re la rembourser des sommes qu’il avait dû verser à la victime, parce que l’accident était
imputable, au moins pour partie, au mauvais état des freins. Les juges ont indiqué, dans le premier considérant que « si au cas
où un dommage a été causé à un tiers par les effets conjugués de la faute d’un service public et de la faute personnelle d’un
agent de service, la victime peut demander à être indemnisée de la totalité du préjudice subi soit à l’administration, devant les
juridictions administratives, soit à l’agent responsable, devant les tribunaux judiciaires, la contribution finale de l’administration
et de l’agent à la charge des réparations doit être réglée par le juge administratif compte tenu de l’existence et de la gravité des
fautes respectives constatées dans chaque espèce ».
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Tableau récapitulatif des cas de responsabilité
La responsabilité pour faute
La faute prouvée
Organisation et fonctionnement du service
Actes médicaux
(matériel, surveillance, aménagement
des locaux)
(diagnostic, prescriptions,
interventions chirurgicales)
La faute présumée
Présomption de faute
Perte de chance
La responsabilité sans faute
Les cas légaux
- Vaccinations obligatoires
- Dépôt et retrait des objets
- Recherches biomédicales
- Risques encourus par les donneurs de sang
Les cas jurisprudentiels
- Placements familiaux surveillés
- Sorties d’essais
- Collaborateurs occasionnels
- Centres transfusion sanguine
Les dernières avancées de la responsabilité
Indemnisation de l’aléa thérapeutique (responsabilité sans faute soumise à des conditions)
Indemnisation du risque thérapeutique
Le défaut d’information (considérée comme une faute)
Les infections nosocomiales (régime de la présomption de faute)
La perte de chance
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III. La responsabilité, source de sanction
* La responsabilité pénale
La responsabilité pénale a un caractère punitif, la victime cherche la condamnation de l’auteur de
l’infraction (amendes ou / et peines d’emprisonnement).
Il convient de préciser qu’une action en responsabilité menée sur le plan pénal peut aboutir à une
sanction et une réparation pour les victimes si elles se sont constituées partie civile.
Quelques grands principes….
Le principe de légalité
En droit pénal français, un fait ne peut être réprimé et sanctionné pénalement que si la loi en a disposé
ainsi, en référence au principe de la légalité des délits et des peines ; Autrement dit une personne ne
peut être pénalement sanctionnée si la fait reproché n’est pas une infraction prévue par le Code pénal.
Le principe de personnalité des peines
Egalement, on précisera le principe pénaliste suivant : « Nul n’est responsable que de son propre
fait », au titre de l’article 121-1 du Nouveau Code pénal. Cela signifie que la responsabilité pénale est
personnelle ; aucun employeur ne peut donc se substituer à l’agent mis en cause.
Les différents catégories d’infractions
Les contraventions
Le régime des contraventions relève du Tribunal de Police. L’auteur de l’infraction risque une amende
ou / et des peines privatives ou restrictives de droit (permis de conduire, droits civiques).
Les contraventions sont classées en cinq groupes et dénommées ainsi :
-
contraventions de 1ère classe (diffamation non publique, abandon sur la voie publique d’une arme
ou d’un objet dangereux) – montant maximal de l’amende : 38€;
contraventions de 2ème classe (atteinte légère à l’intégrité physique sans ITT (suite à un accident de
la route), divagation d’animal dangereux) – montant maximal de l’amende : 150€ ;
contraventions de 3ème classe (menaces de violence matérialisées par écrit, bruit sou tapages
nocturne) – montant maximal de l’amende : 450€ ;
contraventions de 4ème classe (diffusion de messages contraires à la décence et aux bonnes mœurs)
– montant maximal de l’amende : 750€ ;
contraventions de 5ème classe (racolage, destructions ou dégradations volontaires de biens
appartenant à autrui) – montant maximal de l’amende : 1 500€.
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Les délits
Les délits relèvent du tribunal correctionnel, et ces infractions peuvent entraîner pour l’auteur les
peines correctionnelles suivantes : emprisonnement, amende, jour amende, travail d’intérêt général,
peines privative sou restrictives de droit, peines complémentaires (confiscation du bien, affichage
public qualifié de « diffusion sanction »).
Les délits ne connaissent pas de classification particulière. On citera à titre d’exemple :
-
les atteinte à la vie privée (photographie, violation de domicile) ;
les atteintes aux biens (appropriation frauduleuse (vol, escroquerie, extorsion), la destruction /
dégradation / détérioration ou recel de biens) ;
les atteintes à la justice (falsification ou destruction de document, faux témoignage) ;
les atteintes à la société, à l’Etat et aux bonnes mœurs (le blanchiment d’argent, le faux et l’usage
de faux).
Les crimes
Ces infractions qualifiées de manière générique de « crimes » relèvent de la Cour d’Assises, et
aboutissent à des peines d’emprisonnement pour l’auteur.
Egalement, il n’existe pas de typologie particulière, et on citera en exemple :
-
les crimes contre l’humanité (génocide, déportation, réduction à l’esclavage) ;
les atteintes à la défense nationale ou territorial (trahison, espionnage, attentat, complot) ;
les atteintes à la vie des personnes (homicide volontaire) ;
les atteintes involontaire à la vie des personnes (homicide involontaire) ;
les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne (tortures, actes de barbarie, violences) ;
les agressions sexuelles (viol).
La procédure pénale
La procédure peut être découpée en plusieurs phases :
-
La poursuite, soit l’engagement de la procédure
La procédure est enclenchée suite au dépôt de plainte au commissariat de police du lieu de l’infraction,
ou suite à une lettre simple adressé auprès du Procureur de la république, ou par courrier d’un avocat.
Le Procureur sera informé, procède à l’examen du dossier et décide :
-
de classer sans suite le dossier si les faits ne justifient pas une enquête ;
de poursuivre la procédure en saisissant le juge d’instruction afin que soit menée une enquête
approfondie.
Egalement, on précisera la possibilité de porter plainte avec constitution de partie civile : cette
hypothèse se réalise dans des situations où les victimes agissent avec certitude, obligeant par la
constitution de partie civile l’ouverture d’une procédure pénale.
-
L’instruction
Elle est menée par le juge d’instruction qui dispose de pouvoirs importants : perquisitions, saisie de
dossier médical, interrogatoire, voire mise en examen d’une personne si il dispose de charges précises
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et concordantes. Pour cette phase, le juge délègue aux officiers de police judiciaire mandatés pour agir
en son nom.
-
la fin de l’instruction
Le juge a deux possibilités :
-
il rend une ordonnance de non lieu s’il considère que les charges sont insuffisantes ;
il rend une ordonnance de renvoi devant la juridiction de jugement compétentes si les charges
justifient une comparution.
-
Le jugement
Selon l’affaire, en référence au classement des infractions suscité, l’instance compétente sera :
-
le tribunal de police en matière de contraventions ;
le tribunal correctionnel en matière de délits ;
la cour d’assises en matière de crimes.
Les dernières avancées en matière pénale
Le code pénal a été repensé en 1994, et cette refonte a fait l’objet d’« ajouts », notamment la
responsabilité pénale des personnes morales
Avant, seules les personnes physiques pouvaient voir leur responsabilité pénale engager. Désormais, la
responsabilité pénale des personnes morale est envisageable, ainsi la victime peut rechercher la
condamnation d’un établissement hospitalier.
Dans cette hypothèse, le régime des peines diffère.
Par exemple, pour le crime dénommé « homicide involontaire », les personnes physiques risquent
jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000€ d’amende, tandis que les personnes morales encourent des
peines d’amende, et d’autres peines spécifiques prévues à l’article 131-39 du nouveau Code Pénal, à
savoir : la dissolution (lorsque la personne morale a été créée ou détournée de son objet pour
commettre les faits incriminés) ; l’interdiction à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus,
d’exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales ; le
placement pour une durée de cinq ans au plus sous surveillance judiciaire ; la fermeture définitive ou
pour une durée de cinq ans au plus des établissements ou de l’un ou de plusieurs des établissements de
l’entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ; l’exclusion des marchés publics à titre
définitif ou pour une durée de cinq ans au plus ; l’interdiction, à titre définitif ou pour une durée de
cinq ans, de faire appel public à l’épargne ; l’interdiction pour une durée de cinq ans au plus d’émettre
des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui
sont certifiés ou d’utiliser des cartes de paiement ; la confiscation de la chose qui a servi ou était
destiné à commettre l’infraction ou la chose qui en est le produit ; et enfin l’affichage de la décision
prononcée ou la diffusion de celle-ci soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication
audiovisuelle.
L’énoncé des peines applicables aux personnes morales paraissait opportun, afin de mieux saisir ce
q’un établissement hospitalier peut encourir. A ce titre, il est permis de penser que la victime préféra
rechercher la responsabilité pénale de la personne physique.
On notera que depuis le 1er janvier 2006, l’ensemble des infractions visées par le Code Pénal peuvent
être reprochées aux personnes morales… alors qu’auparavant le texte devait expressément le
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prévoir… Et désormais le montant de l’amende pour les personnes morales peut aller jusqu’à 5 fois
plus que l’amende prévue pour les personnes physiques… .
Les principales infractions à l’hôpital
De manière non exhaustive, on citera :
-
l’homicide involontaire (article 221-6 et 221-7 NCP) ;
les coups et blessures involontaires (article 222-19 et 222-20 NCP) ;
la mise en danger d’autrui (article 223-1 NCP) ;
la violation du secret professionnel (article 2226-13 et 226-14 NCP) ;
la non assistance à personne en danger (article 223-6 NCP) ;
les recherches biomédicales réalisées sans le consentement écrit de la personne (article 223-8
NCP) ;
Egalement :
-
l’exercice illégal de la médecine (article 376 NCP) ;
l’exercice illégal de la profession d’infirmier (article 483-1 NCP) ;
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* La responsabilité disciplinaire
La responsabilité disciplinaire sera engagée lorsqu’un agent commet un manquement à ses obligations
professionnelles. Il est à noter qu’il n’y a pas de définition de la faute disciplinaire. Ces obligations,
par exemple, pour les infirmiers, qui étaient contenues dans les deux décrets de 1993 régissant leur
profession, et qui font désormais partie intégrante du CSP depuis juillet 2004. L’enclenchement de la
procédure disciplinaire est une décision du directeur qui saisit le Conseil de discipline, à l’appui d’un
rapport circonstancié qui expose les faits.
Pour ce type de manquement, les sanctions définies par des textes régissant les agents de la fonction
publique se déclinent en quatre groupes :
-
1er groupe : l’avertissement, le blâme ;
2ème groupe :radiation du tableau d’avancement, abaissement d’échelon, exclusion de fonctions
pour une durée maximum de 15 jours ;
3ème groupe : rétrogradation, exclusion de fonctions de 6 mois à 2 ans,
4ème groupe :mise à la retraite d’office et révocation.
* La responsabilité déontologique
L’une des conditions de l’exercice de la médecine en France est l’inscription au Tableau de l’Ordre.
Le médecin s’engage à respecter les règles déontologiques lesquelles sont teintées de morale, de droit,
et d’aspects purement professionnels. Ainsi, au disciplinaire est sanctionnée uniquement la personne
qui commet une infraction au règlement de son Ordre. Les juridictions professionnelles sanctionnent
un médecin d’un avertissement, d’un blâme, d’une interdiction temporaire d’exercer ou d’une
radiation (sanctions sur la carrière de l’intéressé).
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