Pour lire la suite - Société des Amis du Musée d`Archéologie nationale

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Une histoire des plantes… où l’évolution de l’homme
L’histoire de l’art des jardins remonte au troisième millénaire avant J.-C., elle nous décrit le
jardin du paradis que l’homme essaye de reproduire. Disponibles depuis la nuit des temps, les
végétaux ont très tôt servi aux hommes de toutes les civilisations pour peindre, teindre,
s’alimenter, se parfumer, s’embellir, se soigner. Art de vivre, le jardin est un lieu de mémoire
dynamique qui a une place toute particulière dans l'imaginaire. Il exprime la façon dont un
groupe humain, dans des conditions historiques données, s'appréhende lui-même, définit ses
conditions d'existence, se situe par rapport à la nature, un héritage que l’on retrouve d’abord
chez les Égyptiens.
Les jardins égyptiens ne sont pas uniquement dévolus au seul agrément. Les cultures
utilitaires sont tout aussi à l’honneur pour des raisons d’autonomie. La vigne, les vergers, le
papyrus, les légumes, les plantes médicinales sont autant de cultures aménagées pour les
protéger du sable des déserts arides, des crues annuelles du Nil ou des agressions des intrus.
La disposition de ces jardins est simple : un haut mur d’enceinte, un bassin rectangulaire, des
arbres disposés selon un tracé régulier. Ce plan servira de modèle pendant des siècles.
Du paradis des Perses au verger de l'Occident médiéval, l'art des
jardins ne se comprend qu'à l'intérieur de chaque société. Même si le
jardin est potager, puis parc, il est avant tout un haut lieu symbolique :
le paradis est un jardin des délices, la représentation symbolique d'un
monde immaculé jamais vu antérieurement. Le jardin œuvre d'art est à
replacer dans son contexte culturel pour comprendre les relations que
celui-ci entretient avec la vie matérielle sociale et spirituelle de son
époque.
Le paradis persan enluminure du XIVè siècle
Les grecs aiment avant tout le naturel et ils façonnent la nature pour mettre en valeur les
abords des temples ; les promenades, les cimetières et les plantations sont limitées aux parcs
publics urbains. Dans les jardins privés ornés de sculptures installées dans des niches, de
fontaines, les habitants cultivent des roses, des iris, des lys, des violettes, des dianthus, des
fleurs à bulbes et des herbes. Mais on y trouve aussi de petits fruits et des plantes potagères.
Les romains s’étant rendu maître du commerce au Moyen-Orient après la chute de Cléopâtre,
reine de la parfumerie, Rome abonde de cosmétiques, d’aromates, d’épices et de parfums
exotiques. Odeurs et saveurs se confondent, autant dans la cuisine que dans les breuvages
comme l’atteste « le Traité de cuisine » du célèbre gastronome Apicius. Dans « l’Histoire
naturelle » de Pline, publiée entre 70 et 80 de notre ère, on trouve une centaine de parfums et
aromates débités et taxés par le fisc impérial. Quatre d’entre eux, extraits de végétaux, étaient
particulièrement importants et constituaient l’odeur prédominante dans les rues de Rome : le
safran, la cannelle, le nard, le costus ou kushtha de l’Inde. Ces parfums et aromates
remplissaient dans chaque demeure ou lieu public quatre fonctions primordiales : religieuse
ou magique avec les encensements et les onctions sacrées, thérapeutique ou médicinale avec
les médicaments, esthétique ou hygiénique avec les cosmétiques, érotique avec les
aphrodisiaques.
Au IIIe siècle, l’empire romain décline lentement, les bandes
germaniques et hunniques détruisent tout le monde civilisé et les
jardins d’agrément disparaissent pour ne laisser la place qu'au jardin
d’utilité.
Le récit de la légende de saint Fiacre, saint patron des jardiniers,
donne une idée de la désolation. Pour convertir le peuple au
christianisme, les moines défricheurs vont reconquérir la terre sur la
forêt, pour la mettre en culture*. Ces ordres religieux se vouent aux
soins des malades.
Après la chute de l’empire romain en 476, les aromates sont réduits
dans des buts de piété aux fumigations de romarin et d’encens. Le
renouveau vient de Charlemagne qui encourage la création de
nombreuses écoles religieuses où l’on étudie la base de l’enseignement pharmaceutique par l’étude
des «simples». En 812, Charlemagne recommande dans le «Capitulaire de villis vel curtis
imprialibus» la culture de 94 plantes dont 73 herbes, 16 arbres fruitiers, 3 plantes textiles et 2
plantes tinctoriales. Pour l’abbé de Reichenau, Walafrid Strabo, publiera plus tard «Hortulus sive
de cultura hortorum» ou de la culture des jardins, premier traité botanique.
Au XIe siècle, l’habitation des seigneurs se mue en forteresse, le clos utilitaire se trouve hors
des murs de défense. Sacré ou profane, le jardin médiéval est celui des cinq sens (la vue,
l’ouïe, l’odorat, le toucher, le goût) ; c’est comme le « paradeisos », un jardin des délices
protégé par une clôture de claies, de palissades, de haies ou de murs. Les jardins monastiques
ont pour modèle le plan de l’abbaye de Saint-Gall exécuté vers 830 par Heito, évêque de
Bâle pour Gozbert, abbé de Saint-Gall en Suisse, mais jamais réalisé.
On distingue plusieurs espaces spécialisés dans le plan du jardin médiéval idéal, clos de murs,
dont les trois formes principales sont le jardin de la santé, le jardin de l’âme, le jardin de
l’amour. De la forme carrée ou rectangulaire du cloître, les subdivisions du jardin reprennent
les formes géométriques avec des chemins à angles droits entre des parterres carrés ou
rectangulaires ou des aires de formes et de taille similaires.
L'herbarium : près de l’infirmerie dans le jardin monastique, petit enclos de plantes
médicinales. C’est le jardin de santé.
L'hortus : ou potager, avec ses légumes et ses plantes aromatiques divisé en pièces carrées
surélevées, comme un damier, dans les monastères. L’hortus conclusus : dans les demeures
seigneuriales, carré bien clos au centre duquel jaillit une source d’où partent des rigoles
d’irrigation formant une croix, jardin secret, jardin de rêve de la fin du Moyen Age, possédant
un caractère sacré ou profane selon qu'il était dédié à la Vierge ou à Vénus ; c'était très
souvent un jardin de lis, de roses et de roses trémières appelées alors passe-roses. C’est le
jardin de l’âme.
Le viridarium : un verger parsemé de fleurs, tel un parterre de «mille fleurs» autant destiné à
la récréation et au plaisir de la cueillette dans les châteaux, qu’au verger-cimetière dans les
monastères. Le verger fut le jardin préféré du Moyen Age. Selon les poètes et écrivains
comme Guillaume de Lorris en 1238 dans son célèbre «Roman de la Rose» terminé en forme
de satire par Jean de Meun vers 1305, puis traduit par Geoffrey Chaucer en Angleterre un
siècle plus tard. C’est le jardin idéal, onirique et allégorique, celui de la rencontre amoureuse,
le lieu de plaisance, à l’instar du paradis terrestre, c’est le jardin d’amour.
L’une des plus belles représentations du jardin du Moyen Age est la célèbre tapisserie de la
**«Dame à la licorne» ; de nombreuses espèces de fleurs sont représentées parmi lesquelles
l’ancolie, la giroflée, l’iris, la jonquille, le lis, la marguerite, le muguet, l’oeillet, la pervenche,
la primevère, le souci, la violette…
Au XIe siècle, est créée la première école de médecine à Salerme, dans le sud de l’Italie,
au carrefour des savoirs grec, arabe et chrétien. L'intérêt pour les collections et les recherches
botaniques, le partage des connaissances met en évidence les relations avec la culture
islamique. Les collections de plantes de médecins arabes, avant les jardins botaniques de la
Renaissance, furent à l'origine des jardins des plantes de Séville, de Tolède et de Montpellier
du XIe au XIIIe siècle.
Sainte Hildegarde fonde avec quelques soeurs en 1150 un monastère sur les rives du Rhin
près de Bingen. Reconnue par ses pairs pour son savoir et sa force spirituelle, soutenue par la
papauté, l’abbesse de Bingen associe dans une même représentation du monde l’observation
naturaliste, la composition de «manuels médicaux», de poésie ou de musique. Dans son «liber
simplicis medicinae» ou le livre de la médecine des simples, elle propose près de 300 plantes
dont une partie sert à la cuisine, l’autre à la médecine, souvent aux deux. La qualification de
chaque plante, avec son indication, sa ou ses contre-indications et sa valeur médicinale,
découle de sa relation avec l’un des quatre éléments décrits par Hippocrate : chaud, froid, sec,
humide. Pour prescrire ces plantes, l’abbesse utilise le principe de similitude et la loi des
contraires. Cette pratique perdura jusqu’au XVe siècle.
Au XIIIe siècle, plusieurs maisons en France possèdent des «fourneaux» à distiller de l’eau de
fleurs, construits en terre cuite, ils permettent de distiller en particulier de l’eau de rose, de
violette et de lavande. La distillation a été découverte au Xe siècle par les arabes et rapportées
en France par les croisés. Henri de Mondeville, médecin du roi Philippe le Bel (1268-1314),
conseille d’aromatiser les cheveux à l’aide de musc, girofle, noix de muscade et cardamome.
Pour les vêtements, il conseille de les laver mais aussi de les parfumer avec des fleurs de
violette et d’une eau fraîche dans laquelle aura macéré de la racine d’iris pulvérisée.
Les femmes occupent encore une place importante dans l’art de guérir jusqu’aux XIVe et
XVe siècles. On leur laisse la possibilité de cultiver ce qu’elles souhaitent, le jardin est leur
domaine comme en témoigne le livre des «Grandes heures» d’Anne de Bretagne, où ne
figurent pas moins de 337 plantes, avec leur nom latin et français, magnifiquement illustrées
par Jean Bourdichon peintre à la cour de France.
Au milieu du XIVe siècle, le «Décaméron» du poète italien Boccace (1313-1375) dessine les
futurs jardins de la Renaissance en racontant l’histoire de ces nobles florentins fuyant la cité et
la peste, pour se réfugier dans les jardins imaginaires de la villa de Fiesole en savourant les
plaisirs d’une civilisation raffinée, qui sera la référence.
Le jardin d'amour 1468, Renaud de Montauban, Paris, bibliothèque de l'Arsenal
Un siècle plus tard, René d’Anjou, comte de Provence, roi de Naples et de Sicile (14091480), poète et jardinier, établit ses principales résidences à Angers et à Aix-en-Provence.
Passionné d’agronomie et de viticulture, il introduit le mûrier et le muscat dans le sud de la
France. Il ne cesse de planter des jardins en Anjou faisant de son duché le «jardin de France».
Le plus célèbre de ses écrits «Le livre du coeur d’amour épris» est un traité sur l’amour
profane, avec une grande sensibilité poétique pour le paysage, dans le goût de son temps mais
avec une vision de l’avenir.
Au XVIe siècle, l’usage hygiénique et thérapeutique des parfums est très important, depuis la
grande peste noire de 1348 qui a anéanti en quelques années le quart de la population
européenne, les médecins français se méfient de l’eau. Ils pensent en effet, qu’en ouvrant les
pores de la peau, les bains favorisent l’entrée dans le corps de l’air pestilentiel. Cette méfiance
va conduire à l’ordonnance de la fermeture des bains publics également lieux de débauche.
Les produits aromatiques remplacent l’eau dans la toilette et luttent en même temps contre la
maladie en combattant la putréfaction de l’air et celle des humeurs du corps.
En 1533, Catherine de Médicis introduit à la cour les modes
italiennes comme celle des gants parfumés et René le Florentin, un
habile parfumeur, est accusé de faire aussi des poisons. La célèbre
Diane de Poitiers, favorite du roi, utilise déjà abondamment de ces
herbes aromatiques qui lui permettent, paraît-il, de conserver sa
beauté jusqu’à un âge auquel ses contemporaines renoncent
habituellement à plaire. Les plantations de fleurs sont quasi absentes
de ces jardins, aussi assiste-t-on durant la Renaissance à la
naissance du jardin botanique, issu du jardin des simples. Ces
jardins sont consacrés principalement aux plantes médicinales. Ils remplissent l’office du savoir
comme celui de l’acclimatation. Du jardin du moine apothicaire, on en vient au jardin de
l’agronome, des vergers royaux, au potager du Roi. On découvre l’agrément, sans oublier l’utile.
Le premier jardin botanique est établi à Pise en 1543, vite suivi par ceux de
Padoue en 1545 et Florence en 1550. De nombreux humanistes, attirés par
l’étude de la nature, commencent à observer et à s’interroger sur la croissance
des plantes, leurs variétés et leurs origines géographiques. Des amateurs
éclairés font progresser le domaine des connaissances en botanique.
La découverte de l’Amérique marque la fin du Moyen Age. La Renaissance
grâce aux expéditions lointaines lève le voile sur les mystères des origines de
beaucoup de végétaux tant culinaires que médicinaux.
Premier jardin botanique en Europe, Padoue en 1545
Le flamand Charles de l’Ecluse -Carolus Clusius-, botaniste, médecin, humaniste, est le premier
savant dans le domaine de l’horticulture. Il dirige le jardin botanique de l’université de Leiden,
fondé en 1587 ; sous sa tutelle, le jardin se tourne vers les plantes ornementales qu’il a introduites,
plutôt que vers les plantes médicinales.
L’Europe du XVIIe et XVIIIe siècle se passionne pour l’horticulture et les collections de
plantes plus ou moins exotiques, suivant l’exemple d’Olivier de Serres, qui est passé maître
en la matière. Louis XIV est un collectionneur avisé de plantes et d’arbres, il a
considérablement enrichi le jardin du Roi –futur Jardin des Plantes- fondé en 1626 par Guy de
la Brosse, médecin de Louis XIII. Il finance lui-même des expéditions ayant pour objectif
d’acclimater à Paris des espèces du Nouveau Monde ou d’Extrême-Orient.
Depuis le XVIe siècle, les agrumes sont l’objet de collection constituée dans les grands
jardins, la nécessité de protéger ces arbustes des froidures de l’hiver a obligé jardiniers et
architectes à inventer un lieu magique premier sens de l’exotisme : l’orangerie. A Versailles,
dans celle-ci est installé l’atelier du «Parfumeur» de la cour. Le recours aux aromates est à son
apogée avec la multiplication d’accessoires odoriférants. La signature olfactive du Cardinal de
Richelieu est révélatrice des moeurs du XVIIe siècle : il raffole du musc, presque pur, «parce
qu’il souligne les émanations du corps» ! Il va jusqu’à se faire tailler des culottes en peau
d’Espagne qu’il fait imprégner de musc. Son odeur est si particulière que l’on peut le suivre à
la trace et il finit par incommoder tout le monde sauf lui-même bien entendu : -« On doit
quant Richelieu paraît dans une chambre bien défendre son cœur et bien bouchez son nez ».
A la cour de Versailles, l’eau présente dans les jardins, est absente de
l’hygiène. On se frictionne la peau avec des savonnettes au citron ou à
l’orange, des aspersions du visage et des mains avec du vinaigre de toilette,
du «lait virginal» ou de «l’eau d’ange». On se parfume l’haleine à la
coriandre, à l’ambre, au gingembre. On se nettoie les cheveux avec des huiles
au santal, à la rose, à la lavande ou au jasmin. On s’enduit les mains de pâte
d’iris, de benjoin, d’amandes douces qui les décrassent sans les abîmer. On
porte des sachets d’arôme dans les vêtements ou des variétés de fruits comme
des melons dont les parfums doivent aussi protéger du mauvais air. On brûle
dans toutes les pièces toutes sortes de substances parfumées dans des
cassolettes qui pénètrent dans les poumons, le cœur et les vaisseaux sanguins. Le fameux
costume crée par Charles Delorme, médecin de Louis XIII, est aussi très révélateur du crédit
apporté aux aromates jusqu’au XVIIIe siècle. Son masque de cuir, muni d’un long bec, est
rempli de substances parfumées qui filtre l’air vicié et, protège le praticien des odeurs du
pesteux, sensées propager la contagion.
Avec Louis XV, les pensées et les mœurs de la Cour évoluent. L’un de ses principaux
médecins, François de Quesnay, économiste et libre penseur, est à l’origine d’un mouvement
de pensée, les physiocrates (mot à mot : pouvoir de la nature) qui en résumé estime que la
terre est le seul véritable producteur et, que toute l’économie doit s’orienter vers l’agriculture.
Parallèlement, les nouvelles idées philosophiques courent «qui veulent améliorer l’homme et
la nature en partant du principe que la nature est bonne et que la société peut le devenir ; pour
peu que l’homme respecte les équilibres de la nature dans le respect de la liberté et de la
raison », l’écologie est née. On voit donc qu’au XVIIIe siècle, la passion des Européens pour
la botanique «science qui a pour objet la connaissance, la description et la classification des
végétaux », ne diminue pas ; au contraire, la littérature regorge de sujets sur les plantes
nouvelles, mais aussi sur les parcs et les jardins, sur les nouvelles expéditions notamment en
Chine et en Inde. L’Europe continue à se couvrir de jardins d’agrément : les folies
champêtres.
On installe partout en France, comme en 1763 à Lyon, des jardins
botaniques. Le parc de la«Tête d’or» rivalise avec le Jardin des
plantes à Paris, où la première serre chauffée est due au médecin
Fagon en 1650. Autour de 1700, s’installe la dynastie des Jussieu qui
cultive le caféier d’Arabie dans la grande serre. Bernard de Jussieu
plante le premier cèdre du Liban en 1734. La guerre des épices et
celle des couleurs se disputent âprement entre Français, Anglais,
Hollandais et Portugais Pour répondre au besoin croissant des jardins
en graines et plantes rares, de nouveaux corps de métier voient le jour.
Du commerce des plantes naît le métier de
pépiniériste. Désormais, on ne monte plus une expédition pour le seul
prestige mais pour aussi pour les affaires. Les premiers marchands de
graines et semences apparaissent en Europe et
Philippe de Vilmorin crée la plus célèbre lignée de grainetiers
français.
(dessins des premières caisses ayant servies à importer des plantes)
En 1735, Carl Von Linné, médecin naturaliste suédois, publie la
« Systema naturae» qui remet en cause les conceptions
traditionnelles. Cette méthode de classement par l’étude des organes
sexuels des plantes, à savoir les fleurs, suscite un enthousiasme
universel et met un terme aux querelles qui opposent les multiples
méthodes de rangement. Pour compléter ces descriptions, on fait appel
à des aquarellistes qui vont reproduire le dessin de ces nouvelles
plantes venues des colonies françaises d’Afrique, des Caraïbes mais
aussi des océans Indien et Pacifique. Le plus célèbre d’entre eux,
Pierre Joseph Redouté, dessinateur de la reine Marie-Antoinette puis
de l'Académie des Sciences en 1793, mène son art à la perfection par
lafinesse d’exécution de ses œuvres et la fidélité de ses reproductions
jusque dans les plus petits détails ; il nous lègue un prodigieux
patrimoine. Jean Baptiste de Lamarck prospecte la flore française et
publie l’Encyclopédie botanique et l’illustration des genres en 1778.
Comme pour Philibert Commerçon et Jeanne Baret partis autour du
monde en 1767, c’est aussi l’espoir de découvrir, dans leurs
trouvailles, un remède, un aliment contre les épidémies et les famines
qui frappent régulièrement notre continent, cet espoir leur fait franchir les mers, au mépris de tous
les dangers. C’est cette même quête qui anime Antoine Augustin Parmentier dans sa lutte pour la
reconnaissance de la pomme de terre et le classement de ce tubercule parmi les plantes utiles du
jardin en 1787.
Au siècle des lumières, la nouvelle sensibilité olfactive qui ne tolère plus les odeurs fortes masquant
les effluves nauséabondes. L’eau est à nouveau un produit propre à l’hygiène, les
bains sont de retour, parfumés de senteurs champêtres. Le naturel est plus que jamais à la
mode jusque dans les senteurs des préparations légères et fleuries, sophistiquées et teintées de
fantaisie. Le ton est donné par la belle marquise de Pompadour, mécène des arts, personne
sensible et délicate. Suivant son exemple, toute la société utilise de délicieux parfums comme
«l’eau divine », « l’eau admirable », « l’eau sans pareille »…, fraîches, légères, issues des
distillations de fruits à écorce comme la bergamote, ou des huiles essentielles de leurs zestes.
C’est le temps du libertinage et la renommée des parfumeurs français favorise l’essor de cet
art lié à la séduction, à la sensualité. Les flacons à odeurs fleurissent autant les belles que les
senteurs qu’ils contiennent. L’utilisation se répand, des vinaigrettes, des bagues à chatons, des
innombrables «nécessaires» de toilette, de voyages contenant les effets pour la toilette, mais
aussi les accessoires utiles pour un déjeuner, un thé, un café, un chocolat…
A la fin du siècle, les chimistes analysent la composition de l’air et découvrent l’oxygène, ce qui
avive l’attention portée à la respiration. Tout est parfumé au siècle des lumières, mouchoirs,
vêtements, boiseries, tentures... pour l’atmosphère, on utilise des brûle-parfums et des vases à
pot-pourri, œuvres d’art en métal précieux ou en porcelaine, qui contiennent des matières
sèches parfumant l’environnement.
D’Allemagne nous arrivent les eaux de Cologne qui connaissent une grande vogue à Paris. Par la
recherche scientifique à la fois diversifiée et mieux articulée, les découvertes se multiplient, les
usages s’universalisent.
Si le XVIIIe siècle a été le siècle des découvertes, le XIXe sera celui de la
propagation de ces connaissances à un plus large public, mais aussi celui
de la réinterprétation, le XXe siècle sera celui de la prise de conscience
écologique, le XXIe celui des jardins.
La plante ne vient plus seulement au secours des hommes mais à celui de
l’humanité tout entière. Pour respecter le monde des vivants, et l’équilibre
de notre planète, l’homme sait désormais qu’il doit composer avec elle,
l’ortie, la presle …ont retrouvé leur place aux jardins se substituant aux
produits chimiques employés au XX e siècle. Espérons que l’homme saura
doser l’immense connaissance qu’il a acquise au cours des siècles passés
pour recréer un système équilibré qui ne met plus en péril le paradeisos
que nous occupons.
Charlotte de Bouteiller
Présidente d'Arts et culture d'Europe
• *Claude Michelet ; les défricheurs d’éternité chez Pocket
• ** Musée de Cluny, Paris
Vous trouverez de très intéressants compléments à ce texte en vous connectant sur le site du
« Château Royal de Quierzy | Arts et Culture d'Europe »
à l'adresse suivante : http://www.chateauquierzy.org/index.php?fonction=page&page_id=13
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