mise au point Prise en charge orthopédique des métastases des os longs Les progrès réalisés ces dernières années dans la prise en charge oncologique des patients présentant une maladie métastatique ont permis une amélioration significative de leur espérance de vie. Nombre de ces patients vont souffrir des complications liées à des métastases osseuses. Malheureusement, une prise en charge orthopédique leur est rarement proposée en raison de la fausse conception qu’un tel traitement ne leur serait pas bénéfique. Cependant, ces patients sont souvent de bons candidats pour une prise en charge orthopédique, dont les objectifs sont de soulager les douleurs et de restaurer leur qualité de vie. Les techniques à disposition sont bien décrites et les protocoles de prise en charge clairement définis, de même que les complications attendues et les erreurs à ne pas commettre. Rev Med Suisse 2012 ; 8 : 2445-51 T. Rod Fleury N. Holzer M. Fleury P. J. Hoffmeyer Drs Thierry Rod Fleury et Nicolas Holzer Pr Pierre J. Hoffmeyer Service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil moteur Département de chirurgie Dr Mapi Fleury Service de pharmacie Direction des opérations HUG, 1211 Genève 14 [email protected] [email protected] [email protected] [email protected] Orthopaedic management of long bones metastasis The recent progress in oncologic management of patients with metastatic disease has per­ mitted a significant improvement of their life expectancy. Many of these patients will suffer from complications related to bone metasta­ sis. Unfortunately an orthopaedic treatment is seldom offered to them, mainly because of the misconception that this would not bring them any benefice. However these patients are often good candidates for an orthopaedic management, which objectives are to relieve pain and to re­establish their quality of life. The available surgical techniques are well des­ cribed and the management protocols are clearly defined, as are the expectable compli­ cations and the errors that must not be done. 0 introduction En 2009, en Suisse, plus de 37 000 nouveaux cas de cancer ont été diagnostiqués.1 Les métastases osseuses sont une compli­ cation fréquente, survenant chez 70% des patients souffrant d’un cancer avancé de la prostate ou du sein, et chez 15 à 30% des patients atteints d’autres carcinomes tels que ceux du pou­ mon, du rein, ou de la thyroïde.2 La morbidité liée à ces méta­ stases osseuses est importante : douleurs, fractures patholo­ giques, hypercalcémie, compressions neurologiques. Il est mal­ heureusement attendu qu’un patient présentant des métastases osseuses va développer une complication (skeletal-related event, SRE) liée tous les trois à six mois.3 Plus de 20% des patients porteurs de métastases osseuses sont victimes d’une fracture pathologique au cours de l’évolution de leur maladie.4 Le nombre de cas adressés et pris en charge annuellement en chirurgie orthopé­ dique oncologique reste néanmoins faible. Les grands centres de référence ne rap­ portent ainsi qu’une vingtaine de cas de métastases du squelette appendiculaire, traités annuellement, chiffres bien moindres qu’attendus.5 Notons que les lésions situées au niveau du squelette axial sont bien plus fréquentes. En Suisse, elles sont habituellement prises en charge par d’autres spécialités médicales, et sortent du cadre de cet article. Au sein d’une équipe multidisciplinaire, les missions du chirurgien orthopédique sont de soulager les douleurs, notamment en stabilisant de façon prophylactique les lésions osseuses, de maintenir la fonction de l’appareil moteur en traitant effi­ cacement les fractures pathologiques, et de redonner une qualité de vie satisfai­ sante aux patients. rappel étiopathologique L’os est le troisième site de métastases après le poumon et le foie. Le sque­ lette axial, comprenant le rachis, le bassin et les côtes, est atteint plus fréquem­ ment que le squelette appendiculaire.4 Cependant, la majorité des fractures Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 19 décembre 2012 29_35_36832.indd 1 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 19 décembre 2012 2445 13.12.12 08:50 pathologiques ont lieu au niveau du squelette appendicu­ laire, probablement en raison des forces plus importantes auxquelles il est soumis.6 Au niveau des os longs, le fémur est le plus fréquemment atteint (deux tiers des cas), suivi par l’humérus (15­20%) puis le tibia. Les tumeurs primaires les plus fréquemment à l’origine de métastases osseuses (80% des cas) proviennent du sein, de la prostate, du poumon, du rein et de la thyroïde. A cela doivent s’ajouter les mélanomes et le myélome multiple.4,7 Le tableau 1 résume l’incidence et le pronostic des méta­ stases osseuses communes. Tableau 1. Incidence et pronostic des métastases osseuses les plus fréquentes Tumeur primaire Incidence des métastases osseuses (%) Survie médiane (mois) Prostate 65-75 40 Sein Jusqu’à 85 24 Poumon 30-40 6 Rein 20-25 6 Thyroïde Jusqu’à 60 48 Myélome multiple 95-100 20 Mélanome 14-45 20 Les métastases osseuses sont habituellement classées en trois types : ostéolytiques, ostéoblastiques ou mixtes. Il s’agit en réalité d’un continuum de troubles de la régula­ tion du remodelage osseux.2 A l’exception du myélome mul­ tiple qui produit des métastases purement ostéolytiques, on retrouve dans la plupart des cas des composantes à la fois ostéoblastiques et ostéolytiques en proportions va­ riables au sein de la métastase. Ceci explique que les agents bloquant la résorption osseuse ont un effet sur les douleurs et sur le risque de fracture, également dans les métastases d’apparence ostéoblastique telles que celles des carcino­ mes prostatiques. options thérapeutiques non chirurgicales Radiothérapie Le rôle de la radiothérapie dans la prise en charge des métastases osseuses douloureuses est bien établi,8 grâce à un remarquable taux de réponses après radiothérapie locale pouvant atteindre 90%. Une amélioration des symp­ tômes peut ainsi être ressentie dès 48 heures postirradia­ tion, environ 50% des patients notant une amélioration après deux semaines et 75% après quatre semaines.4,7 Une durée moyenne d’effet de 52 semaines a été décrite, avec 70% des patients bénéficiant d’une antalgie satisfaisante jusqu’à la fin de leur vie. En cas de récidive des douleurs, une fraction sup­ plémentaire permet d’obtenir une réponse similaire à celle procurée par le traitement initial. L’effet antalgique dépend bien entendu du type de la tumeur initiale et de sa radio­ sensibilité, les meilleures réponses étant observées avec les carcinomes du sein et de la prostate, ainsi que les myélomes. Dans le cadre d’une prise en charge chirurgicale, une radiothérapie postopératoire est généralement recomman­ 2446 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 19 décembre 2012 29_35_36832.indd 2 dée afin d’améliorer le contrôle tumoral local, de diminuer le risque de dissémination métastatique secondaire et d’améliorer le status fonctionnel du patient.6,9 L’intégralité du champ opératoire devra être irradiée, ce qui correspond souvent à l’os entier. Inhibiteurs des ostéoclastes : bisphosphonates et dénosumab Comme dit précédemment, les métastases osseuses provoquent une ostéolyse locale. Différents agents modu­ lateurs de l’os, tels les inhibiteurs des ostéoclastes, ont été testés. Les bisphosphonates corrigent non seulement les hypercalcémies dues aux métastases, mais réduisent éga­ lement de façon significative la morbidité liée au squelette, exception faite des cas de compression spinale.10 Ils ap­ portent également un bénéfice pour les patients dont les douleurs osseuses sont trop diffuses pour un usage locali­ sé de la radiothérapie et qui ne répondent pas à un traite­ ment antalgique bien conduit. Selon la revue Prescrire, chez les patients atteints de mé­ tastases osseuses d’une tumeur solide, le traitement de référence pour prévenir leurs conséquences cliniques est un bisphosphonate en perfusion intraveineuse tel l’acide pamidronique ou l’acide zolédronique.11 Ce dernier a l’avan­ tage d’un temps d’administration court (quinze minutes versus deux heures), ce qui facilite la prise en charge am­ bulatoire, mais au prix d’effets indésirables rénaux plus fréquemment rapportés que pour l’acide pamidronique. Il a été suggéré que le traitement doit débuter au diagnostic de métastases et perdurer jusqu’à ce qu’il devienne clini­ quement futile. Il est à noter que les bénéfices en termes de SRE ne sont obtenus qu’après six mois de traitement.10 Le dénosumab est un anticorps monoclonal inhibant une cytokine responsable, entre autres, de l’activité et de la survie des ostéoclastes. Actuellement, il n’y a pas d’argu­ ment tangible pour préférer ce médicament à un bisphos­ phonate.11 Chez le patient souffrant d’une pathologie maligne avan­ cée, le spectre d’effets indésirables rencontrés des inhibi­ teurs des ostéoclastes comporte principalement des ostéo­ nécroses des mâchoires, des hypocalcémies ainsi que des désordres électrolytiques.12 La néphrotoxicité des bisphos­ phonates peut, quant à elle, être diminuée par une hydra­ tation adéquate lors de l’administration des produits. On signale également, pour ce groupe, des syndromes grip­ paux, des toxicités oculaires, des douleurs de l’appareil locomoteur ; dans le contexte du patient oncologique, des cas de troubles cardiaques sont également rapportés. options thérapeutiques chirurgicales S’il est une idée erronée à combattre, c’est bien celle qu’une espérance de vie limitée rend futile le traitement chirurgical des métastases osseuses. L’indication opératoire et le choix de la technique chirurgicale sont en réalité mis en balance avec l’état général du patient, son espérance de vie estimée, le bénéfice attendu et le risque de fracture pathologique. Les objectifs du chirurgien doivent être de soulager les douleurs, de restaurer la fonction du membre atteint et d’optimiser la qualité de vie du patient.6 Suivant Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 19 décembre 2012 0 13.12.12 08:50 cette éthique de soins, de nombreux patients souffrant de métastases osseuses sont candidats à un traitement chirur­ gical à buts antalgique et prophylactique en cas de fracture pathologique imminente, ou comme traitement de fracture avérée. Ces objectifs doivent être atteints grâce à une pro­ cédure unique et dont la durabilité planifiée dépasse l’es­ pérance de vie du patient afin d’éviter la nécessité d’inter­ ventions successives. Espérance de vie L’estimation de l’espérance de vie est ainsi un élément capital de la prise en charge chirurgicale. Il s’agit cependant d’un exercice difficile, et chaque cas devra être discuté individuellement lors d’un colloque multidisciplinaire. On pourra s’aider du score pronostique de Katagiri (tableau 2) : le taux de survie moyen à six et douze mois est de respec­ tivement 98 et 89% pour un score de 0 à 2 ; 71 et 49% pour un score de 3 à 5 ; 31 et 11% pour un score de 6 à 8. De façon générale, les patients ayant une espérance de vie de moins de six semaines ne tirent aucun bénéfice d’une intervention chirurgicale. La prise en charge consistera donc en une an­ talgie efficace, associée éventuellement à de la radiothéra­ pie.4,13 Chez ceux dont la survie est dite prolongée, une chirurgie de type « résection­reconstruction » assurera une stabilisation durable et un contrôle tumoral local prolon­ gé.14­16 Les patients chez qui une espérance de vie intermé­ diaire est attendue bénéficieront de techniques d’ostéo­ synthèse et de stabilisation moins agressives, mais aussi potentiellement moins durables.15­17 Risque de fracture pathologique Les métastases soumettent le squelette appendiculaire au risque de fracture pathologique en fonction de leur nature, du site touché et de leur taille. Les signaux d’alerte qui doivent faire suspecter une fracture sont les suivants : douleur Tableau 2. Score pronostique de survie de Katagiri pour les patients atteints de métastases osseuses Facteur pronostique Points Croissance • Lente : sein, prostate, myélome multiple, lymphome, thyroïde • Moyenne : autres carcinomes/sarcomes • Rapide : poumon, estomac, carcinome hépatocellulaire 0 2 3 Métastases cérébrales ou viscérales 2 ECOG 3 ou 4 1 Chimiothérapie préalable 1 Métastases osseuses multiples 1 Score pronostique Taux de survie estimé Pièges courants dans la prise en charge des tumeurs Prise en charge des fractures pathologiques La prise en charge initiale d’une fracture pathologique d’un os long comprend évidemment une stabilisation ur­ gente de la fracture, à l’aide d’une contention plâtrée ou d’un fixateur externe situé à distance des lésions afin d’en limiter la dissémination.16 Qu’elle soit imminente ou déjà constituée, cette fracture n’est en revanche jamais une ur­ Tableau 3. Score de Mirels permettant d’estimer le risque de fracture dû à une métastase osseuse Points 1 2 3 Site atteint Membre supérieur Membre inférieur Fémur proximal Douleur Légère Modérée Handicapante Taille (% atteinte corticale) 1/3 1/ - 2/ 3 3 2/3 Apparence Blastique Mixte Lytique 6 mois 12 mois 24 mois Score de Mirels Risque de fracture Recommandations 0-2 98% 89% 75% 7 4% Observation, radiothérapie 3-5 70% 49% 28% 8 15% 6-8 31% 11% 2% 9 33% Chaque facteur pronostique est coté en points, dont la somme donne un score pronostique. Celui-ci permet d’estimer la survie à 6-12-24 mois (Katagiri). 2448 spontanée, douleur lors de la mobilisation ou de l’application d’une contrainte mécanique, persistance d’épisodes doulou­ reux malgré un traitement pharmacologique bien conduit ou après radiothérapie. Il est à noter que toute douleur d’origine métastatique n’implique pas forcément un haut risque de fracture. Le chirurgien orthopédique est à même d’évaluer ce risque afin de proposer au patient une intervention prophy­ lactique ;13 une fracture pathologique est un désastre pour le patient qui en est victime, résultant en douleurs, hospitali­ sation en urgence, intervention compliquée, pertes de mo­ bilité et d’autonomie, ainsi que mortalité augmentée, qui auraient pu souvent être évitées.4,13,18 De plus, ces frac­ tures nécessitent toujours un temps de consolidation aug­ menté, jusqu’à 50% d’entre elles ne guérissent jamais,6,16 voire 100% en cas de traitement sans geste chirurgical.19 La prédiction du risque de fracture reste largement sub­ jective, basée sur l’expérience et le jugement clinique du chirurgien. La plupart des auteurs s’accordent pour dire qu’une stabilisation prophylactique est indiquée en cas de douleur : a) à caractère mécanique ; b) augmentant à la charge et c) fonctionnellement limitante, surtout si la lésion est en zone de charge de l’os atteint.4,6 Le score proposé par Mirels (tableau 3) est une aide à la prise de décision.18 Le mes­ sage­clé de ce tableau est qu’un traitement chirurgical pro­ phylactique est indiqué pour un score égal ou supérieur à 9. Ce score peut changer avec l’évolution de la maladie et doit donc être régulièrement réévalué. Evaluer au cas par cas Stabilisation prophylactique ECOG : Eastern Cooperative Oncology Group ; voir www.ecog.org/general/perf_stat.html La métastase doit être évaluée selon chacune des quatre caractéristiques du tableau, et la somme des points attribués donne un score entre 4 et 12. Les recommandations sont basées sur le risque estimé de fracture pathologique en fonction du score obtenu. Ce score peut varier dans le temps en fonction de l’évolution de la maladie. Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 19 décembre 2012 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 19 décembre 2012 29_35_36832.indd 3 0 13.12.12 08:50 gence opératoire. En premier lieu, un bilan exhaustif et une planification préopératoire soigneuse sont impératifs.4,20 Des erreurs qui peuvent compromettre le pronostic vi­ tal et fonctionnel du patient sont listées ci­après.20 Ne pas reconnaître le caractère pathologique d’une fracture Une fracture pathologique peut être la première mani­ festation d’une tumeur dont l’origine restera indéterminée chez 3 à 4% des patients métastatiques.21 La combinaison de cette méconnaissance à des radiographies de mauvaise qualité prive les chirurgiens d’une préparation adéquate et peut conduire à une intervention difficile, lourde de consé­ quences pour le patient. En cas de doute, une anamnèse détaillée et l’examen du schéma de fracture, associés à des examens complémentaires tels que CT ou IRM, permettent de mettre en évidence le caractère pathologique de la lé­ sion. Une stratégie diagnostique structurée21 permet alors de mettre en évidence plus de 85% des sites primaires tu­ moraux. A noter que la biopsie de la lésion osseuse est peu performante, ne permettant d’identifier la tumeur primaire que dans 35% des cas. Métastase a priori ? Traiter une néoplasie osseuse primaire en présuppo­ sant qu’il s’agit d’une métastase peut résulter en une dissé­ mination tumorale qui empêchera par la suite une chirurgie conservatrice du membre et compromettra le pronostic du patient. Une lésion osseuse unifocale ou multifocale, avec ou sans fracture, mais sans notion de maladie métastatique avérée, nécessite la pose d’un diagnostic avant toute prise en charge chirurgicale. Même en cas d’anamnèse positive pour une tumeur traitée dans le passé, la survenue d’une tumeur primaire osseuse reste possible, qu’elle soit spon­ tanée ou consécutive à une radiothérapie, par exemple. Ne pas être préparé Connaître la nature exacte de la métastase permet d’évi­ ter de délicates surprises peropératoires. Par exemple, cer­ taines métastases peuvent être extrêmement vascularisées, notamment celles originaires du rein ou de la thyroïde. Une embolisation préopératoire, réalisée dans les 48 heures avant l’intervention, permettra de réduire efficacement les pertes sanguines.14 Biopsie mal placée Réalisée préférentiellement par un chirurgien expéri­ menté en chirurgie oncologique, la biopsie ouverte est po­ sitionnée de façon à emporter la cicatrice contaminée lors de la résection tumorale définitive. Cependant, une biop­ sie peut aussi être réalisée à l’aiguille par un radiologue. Le chemin le plus direct possible est souvent choisi, mais n’est pas forcément le plus judicieux. Tout le trajet par­ couru par l’aiguille sera considéré comme potentiellement contaminé et son excision devra être envisagée, ce qui peut être problématique s’il traverse des masses musculaires fonctionnellement importantes ou s’il passe à proximité de paquets vasculo­nerveux. Le radiologue devrait toujours avoir la possibilité d’obtenir un avis chirurgical quant au choix du trajet de biopsie.20 0 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 19 décembre 2012 29_35_36832.indd 4 Techniques chirurgicales De façon générale, l’intégralité de l’os touché doit être évaluée. Un implant se terminant au niveau d’une lésion osseuse passée inaperçue créera en effet une zone de stress qui favorisera une fracture par la suite.4 Quelle que soit la technique choisie, l’ajout de ciment polyméthyl­méthacrylate (PMMA) après curetage d’une lé­ sion volumineuse permet d’améliorer efficacement la sta­ bilité mécanique d’un montage.4,6,7,16,22,23 De même, les pro­ thèses seront toujours cimentées en raison du taux inac­ ceptable d’échec des prothèses non cimentées.7 Fémur Les métastases de la tête et du col du fémur seront trai­ tées par résection et arthroplastie.6,17 Le choix d’une tige longue doit être envisagé afin de diminuer le risque de frac­ ture sous­prothétique. Les lésions touchant le massif trochantérien peuvent être traitées de deux façons en fonction de l’espérance de vie du patient. Un enclouage centromédullaire, éventuellement associé à un curetage­cimentage de la lésion, sera proposé aux patients ayant une espérance de vie estimée courte.16 La chirurgie initiale est peu invasive, mais les implants ont une durée de vie moyenne d’un an avant rupture ; la non­ consolidation ou la progression des lésions qui reportent l’intégralité de la charge sur l’implant provoquent cette usure prématurée. Le phénomène est particulièrement fré­ quent en cas de métastases d’origine rénale.24 Les patients ayant une espérance de vie prolongée bénéficieront d’une chirurgie de résection large avec reconstruction prothétique. Bien que l’intervention initiale soit lourde, le résultat fonc­ tionnel est bon et durable.17 Au niveau de la diaphyse, l’implant de choix est le clou centromédullaire. Les clous de type «reconstruction» sont recommandés, comportant des vis cervicales qui protègent le col fémoral d’une éventuelle future fracture.6,16 Au niveau du fémur distal, deux options sont proposées : plaque verrouillée, associée au cimentage de la lésion ou ré­ section large avec arthroplastie totale de genou, notamment en fonction de la présence ou non d’une atteinte articulaire. Humérus Les métastases situées au niveau de l’humérus proxi­ mal peuvent être traitées par résection­arthroplastie ou par curetage de la lésion, PMMA et ostéosynthèse par plaque.7 Le remplacement prothétique permet un excellent contrôle antalgique, en sacrifiant toutefois souvent une part de fonc­ tion de l’épaule ;4 cette option sera proposée aux patients ayant un pronostic vital suffisamment long, surtout en cas de métastase unique. La stabilisation par plaque verrouil­ lée renforcée de PMMA offre un contrôle tumoral local adé­ quat, une bonne stabilisation mécanique et une préserva­ tion satisfaisante de la fonction.22,23 L’enclouage centromédullaire permet de traiter la majo­ rité des métastases diaphysaires, éventuellement renforcé par PMMA. Il offre un bon effet antalgique, permet une mo­ bilisation rapide et est grevé de peu de complications.19 Au niveau de l’humérus distal, le traitement consistera en une ostéosynthèse par plaque verrouillée, augmentée d’un cimentage de la lésion. Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 19 décembre 2012 2449 13.12.12 08:50 Autres localisations Le tibia est le troisième os long atteint en termes de fré­ quence. Les lésions atteignant l’épiphyse proximale seront traitées principalement par curetage­cimentage et stabili­ sation par plaque. L’arthroplastie totale de genou est réser­ vée aux lésions atteignant la surface articulaire, en raison du risque non négligeable de complications lié à la couver­ ture des tissus mous.4 Au niveau diaphysaire, l’enclouage centromédullaire est là encore le choix de référence. Trouver des métastases osseuses sur des positions en­ core plus éloignées du squelette axial est rare. Radius, ulna, fibula, métacarpes et métatarsiens sont ainsi souvent épar­ gnés. Dans le cas contraire, ces positions seront stabilisées par plaque renforcée de PMMA. Au niveau des petits os de la main ou du pied, une radiothérapie est en général suffi­ sante pour obtenir l’indolence. Complications Dans la période peropératoire, les risques principaux sont liés aux saignements, aux embolies graisseuses dues à l’insertion d’un clou centromédullaire,25 ou au cimentage d’une prothèse. Le risque hémorragique peut être diminué par un recours judicieux à l’embolisation préopératoire des tumeurs hypervascularisées.4 Le risque embolique peut être théoriquement diminué en réalisant un trou de décharge distal ou en utilisant une technique d’alésage sous aspira­ tion.26 Il est également déconseillé d’intervenir sur deux sites lors d’un même temps opératoire (enclouer les deux fémurs à la suite par exemple). Dans la période postopératoire immédiate, la mortalité est liée principalement à une défaillance cardiorespiratoire.5 On s’attachera donc à prévenir les événements thrombo­ emboliques et à mobiliser de façon précoce ces patients dont la pathologie cancéreuse les soumet tout particulière­ ment aux coagulopathies. Le risque infectieux est également majoré chez ces pa­ tients, notamment en lien avec les traitements de chimio­ thérapie et radiothérapie, administrés dans la période en­ tourant l’intervention. Le status nutritionnel et la préven­ tion des escarres doivent compléter les précautions prises afin de diminuer le taux d’infections qui, rappelons­le, peut atteindre 10% pour les endoprothèses.4,6 A plus long terme, la complication principale est l’échec d’implant, qu’il s’agisse de descellement de prothèse ou de rupture d’implant mécanique, impliquant une reprise chirur­ gicale non souhaitable. Les facteurs liés à l’échec d’implant sont avant tout une espérance de vie prolongée du patient, mais également des erreurs techniques (mauvais choix d’im­ plant), la progression tumorale, une non­union de la fracture ou la présence d’une métastase d’origine rénale.24 conclusion L’espérance de vie des patients atteints de métastases osseuses est en constante progression grâce au développe­ ment des traitements oncologiques modernes. Ce temps gagné ne doit pas l’être au détriment de la qualité de vie du patient, et le chirurgien orthopédiste joue un rôle cardinal dans ce contexte lors de l’élaboration du plan thérapeutique en colloque multidisciplinaire. Conflit d’intérêt Les auteurs n’ont aucun conflit d’intérêt à déclarer. Implications pratiques > Les praticiens prenant en charge des patients métastatiques devraient pouvoir avoir accès aisément à une consultation orthopédique spécialisée > Une chirurgie prophylactique offre plus de bénéfices et moins de complications qu’une intervention en urgence pour une fracture pathologique déjà constituée > Des douleurs mécaniques en progression malgré un traitement médical bien conduit doivent faire suspecter une fracture pathologique imminente > Les patients ayant une espérance de vie de moins de six semaines ne retireront aucun bénéfice d’une intervention chirurgicale > La prise en charge d’une fracture pathologique est une ur- gence diagnostique, mais jamais une urgence opératoire. Un diagnostic de certitude doit être posé avant toute intervention Bibliographie 1 OFS. Cancer – Données, indicateurs : Importance du cancer. 2009 ; Available from : www.bfs.admin.ch/bfs/ portal/fr/index/themen/14/02/05/key/01/01.html 2 Roodman GD. Mechanisms of bone metastasis. 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