Platon: le procès de la démocratie africaine COLLECTION « PENSÉE AFRICAINE » Dirigée par Manga-Akoa François En ce début du XXIème siècle, les sociétés africaines sont secouées par une crise des fondements. Elle met en cause tous les secteurs de la vie. Les structures économiques, les institutions politiques tels que les Etats et les partis politiques, la cellule fondamentale de la société qu'est la famille, les valeurs et les normes socio-culturelles s'effondrent. La crise qui les traverse les met en cause et au défi de rendre compte de leur raison d'être aujourd'hui. L'histoire des civilisations nous fait constater que c'est en période de crise que les peuples donnent et expriment le meilleur d'euxmêmes afin de contrer la disparition, la mort et le néant qui les menacent. Pour relever ce défi dont l'enjeu est la vie et la nécessité d'ouvrir de nouveaux horizons aux peuples africains, la Collection «PENSEE AFRICAINE» participe à la quête et à la création du sens pour fonder de nouveaux espaces institutionnels de vie africaine. Déjà parus Arona MOREAU, Pour refaire l'Afrique... par où commencer ?, 2008. Lucien A YISSI, Corruption et gouvernance, 2007. Lucien A YISSI, Corruption et pauvreté, 2007. Simon MOUGNOL, Pour sauver l'Occident, 2007. Marcel BIVEGHE MEWI, La rencontre des rationalités: cultures négro-africaines et idéal occidental, 2007. Jean-Baptiste KABISA BULAR PAWEN, Singularité des traditions et universalisme de la démocratie, 2007. Joël MYSSE, Mondialisation, cultures et éthique, 2007. Samuel SAME KOLLE, Naissance et paradoxes du discours anthropologique africain, 2007. André Julien MBEM, Mythes et réalités de l'identité culturelle africaine, 2006. Antoine NGUIDJOL Platon: le procès de la démocratie africaine L'Harmattan <D L'Harmattan, 2008 5-7, rue de l'Ecole polytechnique; 75005 http://www.librairieharmattan.com diffusion. harmattan@wanadoo. harmattan [email protected] ISBN: 978-2-296-05593-3 EAN : 9782296055933 fr Paris AVANT PROPOS LES CHANGEMENTS POLITIQUES EN GRECE AuVIème SIECLE AVANT I.-C. «Les événements racontés par le poète n'ont pas toujours en eux-mêmes un bien vif intérêt; [sa pensée] pourtant n'a pas vieilli d'un jour. C'est que l'homme, [...] dont il a tracé la vivante et fidèle image, est encore aujourd'hui ce qu'il était au temps de Périclès et de Nicias, avec les mêmes vices peu s'en faut, avec les mêmes vertus. Le tableau de ses passions, de ses erreurs, de ses crimes, et la consolante peinture de sa magnanimité et de ses dévouements, n'ont pas perdu, ne perdront jamais, cet autre intérêt plus vif et plus intime qui saisit aux entrailles tout lecteur vraiment digne de se dire à luimême le mot du poète: «je suis homme, et rien de ce qui est humain ne m'est étranger.» (pierron, Histoire de la littérature grel'que) L'AGONIE DE L'ARISTOCRATIE ATHENIENNE La disparition de l'aristocratie athénienne s'amorce dès l'époque classique du fait de l'accroissement de la population des villes et, par extension, de la concurrence des métèques enrichis par le commerce et l'artisanat. L'ascension politique de ces derniers doit aussi, dans une certaine mesure, à la rivalité acharnée que se livrent les Eupatridesl, qui pousse certains d'entre eux à solliciter l'appui des classes inférieures et à contribuer indirectement à leur prise de conscience politique. C'est donc: «au cours du Vlème siècle que disparaissent, dans un grand nombre de cités grecques les vieilles constitutions fondées sur le régime aristocratique et le principe de la solidarité familiale, et que triomphe une législation nouvelle mieux adaptée à la situation de fait. Cette évolution [...] a eu pour principale étape une forme de gouvernement originale: c'est la tyrannie. » Oean Hetzfeld, Histoire de la Grèt'eantique, Payot, Paris, 2002, p. 113) Etrange modernité que l'instauration de la tyrannie si l'on se fie au sens que nous lui accordons aujourd'hui2. Historiquement donc, la tyrannie est dans la Grèce du Vlème siècle avant J.-C. une expérience politique nouvelle. Elle n'implique, au début, aucune idée de domination oppressive et arbitraire. Le mot tyrannie fait simplement référence au pouvoir d'un seul homme découlant non de l'hérédité ou du droit divin, mais du prestige personnel, conjugué avec la faveur du petit peuple et le soutien d'une force militaire efficace. Paradoxalement, si la tyrannie a un ennemi au début, ce n'est pas le peuple, mais les grandes familles qui monopolisent le pouvoir politique et économique. En effet, la plupart des tyrans doivent leur pouvoir à l'assentiment du petit peuple, c'est-à-dire à la majorité. On comprend dès lors pourquoi à cette époque la tyrannie et l'égalité formelle ne sont pas des notions antinomiques. 1 Les Eupatridesreprésententles populationsautochtones,les « bien nés », et, par extension, les nobles Athéniens. 2 C'est que l'on confond généralement la tyrannie classique avec le despotisme. Mais les mots ont une histoire qui les éclaire et à laquelle il est souvent utile de se référer. A titre d'exemple, Pisistrate est le premier tyran d'Athènes. Pourtant il accède au pouvoir en s'opposant au parti aristocratique et en s'appuyant sur le petit peuple à qui il donne des droits politiques et de nouvelles opportunités économiques grâce à une réforme agraire ambitieuse et à l'instauration d'une caisse de crédit agricole. Ceci n'est guère étonnant car Pisistrate fut, avant son accession au pouvoir, le chef de ftie des Diacriens ; un parti essentiellement composé d'ouvriers agricoles auxquels se joignirent peu à peu de nombreux mécontents, des créanciers lésés par la législation de Solon et parfois des citoyens d'origine douteuse3. La situation fut exactement la même dans les colonies grecques du sud de l'Italie où la plupart des dirige an ts étaient à la fois des tyrans mais aussi d'ardents défenseurs de la constitution démocratique. Même le très décrié Denys 1er (voir Platon, Lettre T/II), qui régna sur Syracuse pendant trente huit ans, fut aussi un ardent défenseur de la paix, de la stabilité régionale, des institutions et du peuple: «Ennemi des riches, il confisque leurs biens et libère les esclaves. [Même si] ce geste doit être interprété [...] comme un moyen de s'assurer une majorité à l'Assemblée en créant de «nouveaux citoyens », ou de constituer une masse de manœuvre en cas de danger. [...]. Denys 1er est donc un tyran « populaire », dans la mesure où il ne porte aucun titre précis (d'ailleurs les monnaies qu'il bat ne portent ni son nom ni son effigie), continue de convoquer l'Assemblée et laisse subsister les Magistratures. » (Luc Brisson, Platon Lettres, introduction, p. 44) En conclusion, «Les tyrans du VIème siècle, même lorsqu'ils appartiennent à des familles aristocratiques, sont en principe les défenseurs des droits du peuple; c'est le peuple qui leur confère au début les pouvoirs extraordinaires [...]. Plusieurs d'entre eux créent ou maintiennent des constitutions démocratiques, [...] assurent Ve] développement économique et contribuent à V1 embellissement [de la cité]. La tyrannie à ses débuts est pour les cités grecques une époque de prospérité et de splendeur [...]. Aussi ne faut-il pas s'étonner de rencontrer cette forme de 3 A une époque où la citoyenneté n'était pas accessible à tous et où le nombre des citoyens était largement inférieur à celui des métèques et des esclaves. 8 gouvernement dans les pays où l'hellénisme est le plus entreprenant et ami des nouveautés. En Asie 1vfineure, dès le début du VIème siècle, Thrasybule est tyran de J\1ilet, Pythagoras celui d'Ephèse, Pittacos à Mitylène, Polycrate à Samos... » Oean Hetzfeld, op. cit.) PISISTRATE, LE TYRAN, LE STRATEGE ET LE FONDATEUR DE LA GRANDEUR D'ATHENES Pisistrate, né vers -600, 1er tyran athénien et réformateur; il peut être considéré comme ayant assuré les bases militaires et fmancières de l'impérialisme athénien. «Précurseur des stratèges du Vèmesiècle, il eut le mérite de comprendre que l'avenir de sa patrie était sur la mer. [...]. Il est probable que ce fut Pisistrate qui assura à la marine athénienne la libre navigation du golfe saronique, en s'emparant [...] de l'île de Salamine. ». (Ibid. p.126) Salamine qui, dans la mémoire des Athéniens restera le lieu mythique où la démocratie triompha déftnitivement de l'oppression. Par son œuvre politique intérieure, Pisistrate prépara l'arrivée de la démocratie en mettant définitivement fm à la domination politique de l'aristocratie, et en assurant la domination militaire et commerciale d'Athènes en mer Egée. C'est lui qui pérennisa l'approvisionnement vital d'Athènes en blé4, une assurance qui permit longtemps à celle-ci de résister efficacement à de nombreuses tentatives de siège. «Pisistrate [...] comprit l'importance du ravitaillement en blé pour une cité qui grandissait sur un sol peu fertile, et où une 4 Sur le caractère vital du commerce du blé pour Athènes, il faut noter que la consommation du blé tenait une place essentielle dans l'alimentation des Athéniens. Depuis toujours, la production de blé n'a jamais suffi à couvrir les besoins de la ville, même si cette dernière possédait deux plaines fertiles, celle du Pédion et celle d'Eleusis où Déméter est supposé avoir révélé les mystères de l'agriculture aux hommes. L'agriculture athénienne marquée par la trilogie blé olivier vigne a toujours accusé un déficit en matière de production céréalière. D'où l'urgence de maintenir un ravitaillement extérieur: de Béotie, d'Italie du sud ou des rives du Pont Euxin, compte tenu des conditions géographiques particulières marquées par la prédominance de montagnes et de rochers. - 9 portion sans cesse croissante de la population se tournait vers le commerce, l'industrie et la marine: c'est pourquoi il voulut lui assurer la libre communication avec les terres à blé de la mer noire par des établissements5 aux Dardanelles. » (Ibid. p.127) A l'actif de Pisistrate aussi le contrôle du commerce en mer Egée, de l'important centre commercial et religieux de Délos, l'acquisition de colonies dans les Cyclades, l'installation de son ami Lygdamis comme tyran de Naxos. Sur le plan intérieur, Pisistrate est l'instigateur d'une vaste réforme politique et sociale qui prolonge l'œuvre de Solon, notamment avec la création de tribunaux ambulants. Il s'attaque aux privilèges des riches, résout la question agraire, favorise l'industrie et le commerce maritime: «A l'intérieur, Pisistrate [...] se contenta d'une réforme électorale qui, supprimant le tirage au sort dans la désignation des archontes6, lui assura chaque année dans ce collège des places pour lui et ses parents et amis; cette situation lui permit de prendre des mesures destinées à consolider la paix civile et à favoriser la prospérité de l'Attique. Il avait le sentiment très juste qu'une classe paysanne contente de son sort était, dans un pays 5 Le terme « établissements» athéniens renvoie aux clérouquies. Une clérouquie, c'était un groupement de citoyens, à qui l'on confiait un morceau de territoire, le klèros, confisqué à une cité étrangère pour sa mise en valeur. La clérouquie se distinguait de la colonie du fait qu'elle était juridiquement un prolongement de la cité d'origine en territoire étranger. C'était comme une sorte de garnison athénienne permanente. Quant à la colonie sa différence essentielle avec la clérouquie portait sur le fait que la première était d'office autonome. La colonie était avant tout une cité à part entière qui pouvait cependant garder des liens politiques et culturels avec la cité d'origine. Mais ce n'était absolument pas indispensable comme le montrent les cas d' Epidamme, de Corcyre et de Corinthe qui, nonobstant le fait d'être les colonies des uns et des autres, furent de redoutables rivaux et les principaux facteurs déclencheurs de la guerre du Péloponnèse. 6 Le terme archonte sert à désigner l'un des magistrats de la cité et renvoie à la hiérarchie politique ancienne dont les pouvoirs furent fortement diminués après la réforme de Clisthène. Il y avait trois archontes dans une cité et cette division correspondait aux trois pouvoirs de l'époque: l'archonte éponyme était le vrai chef de la cité; le fait que l'année au cours de laquelle il exerçait le pouvoir portait son nom était une symbolique très forte; l'archonte-roi présidait le tribunal de l'aréopage et présidait les fêtes religieuses; et l'archonte polémarque qui était le commandant de l'armée. Le pouvoir de ce dernier allait connaître une restriction sensible au bénéfice des stratèges, dont Périclès. 10 encore foncièrement agricole, la meilleure des garanties contre les révolutions. Deux créations habiles furent destinées à la satisfaire: d'abord celle d'une sorte de caisse de crédit agricole, avançant aux petits propriétaires les fonds nécessaires pour [...] améliorer leur matériel; ensuite, l'institution de tribunaux ambulants, pour éviter aux paysans ces voyages à la ville qui, dans aucun pays, ne rendent la justice aimable aux cultivateurs. » (Ibid.) Enfin, Pisistrate réforma l'armée et dota Athènes d'une flotte puissante grâce aux subsides tirées de l'exploitation des mines d'or du Pangée et du Laurion. A sa mort en -527, il légua à son flls Hippias une Athènes puissante et prospère qui plus est à la tête d'une fédération puissante, la liguede Délos. LA MORT DE PISISTRATE ET LE DEBUT DE L'AGITATION POLITIQUE EN ATTIQUE Les flls de Pisistrate se partagèrent le pouvoir à la mort de ce demier. Le pouvoir politique et l'administration revinrent à Hippias, le pouvoir religieux, les beaux-arts et la littérature à son cadet Hipparque. La prospérité et la stabilité politique instaurées par Pisistrate durèrent jusqu'à la conspiration d'Harmodios et d'Aristogiton: «Par suite d'une fausse manœuvre, ce fut l'inoffensif Hipparque qui fut assassiné; Hippias, le véritable détenteur du pouvoir survécut. Comme on peut penser, le danger lui aigrit le caractère; il devint un despote violent et soupçonneux [...]. Les Alcméonides, expulsés depuis l'affaire de Cylon, sentirent que le moment était venu de rentrer à Athènes. )} O. Hetzfeld, op. cit.) Une première tentative de pénétrer en Attique échoua, ce qui contraignit les Alcméonides à faire appel à Sparte. «Les trente années qui suivirent sont remplies de luttes: les Eupatrides essayent de défendre leurs anciens privilèges [...] tandis que les petites gens, journaliers des campagnes et ouvriers de la ville, de plus en plus nombreux et de plus en plus remuants, tentent de prendre part au gouvernement de la cité7. En - 560, trois partis 7 L'histoire de I'Hellade ne fut jamais homogène. Tout en tenant compte de quelques modifications de surface, elle était encore celle qu'Hésiode avait décrit deux siècles plus tôt: une tension extrême entre la ville et la campagne; entre l'aristocratie et les masses paysannes. Il étaient en présence: celui des nobles, recrutés parmi les propriétaires de la plaine athénienne (pédiens); celui du juste milieu composé surtout de bourgeois aisés et de commerçants, en particulier ceux qui habitent les petits ports (paraliens) ; enfm celui des démocrates, où figuraient surtout les pâtres, et ouvriers agricoles employés dans les grands domaines (Dia cria) [...] mais auxquels se joignit bientôt toute une population de mécontents, créanciers lésés par la législation de Solon, citoyens d'origine douteuse. Chacune de ces factions était [...] dirigée par un Aristocrate; les Pédiens avaient pour chef Lycurgue; les Paraliens, Mégalès de la grande famille des Alcméonides; les Diacriens Pisis tra te. » (Ibid. p. 124-125) LA CHUTE D'HIPPIAS ET L'AVENEMENT DE CLISTHENE Clisthène, réformateur et homme politique athénien né en 570, accède au pouvoir après qu'Hippias ait été lâché par ses alliés spartiates. De retour de Delphes où il s'était exilé après la brouille avec Hippias, Clisthène affronta Isagoras que les spartiates venaient de porter au pouvoir en remplacement d'Hippias. Mais ce dernier ne put s'imposer. De plus, le parti aristocratique était en proie à de graves dissensions internes: «L'agitation qui, depuis l'expulsion d'Hippias, se remarquait dans le parti aristocratique, donna à Clisthène l'occasion de proposer aux Athéniens d'importants changements constitutionnels. [...]. Clisthène remplaça les quatre vieilles tribus ioniennes par dix tribus d'un caractère tout à fait artificiel8, qui n'étaient plus elles-mêmes des circonscriptions locales, mais qui comprenaient chacune trois «trittyes », c'est-àdire des portions de territoire situées l'une dans la ville ou ses faubourgs immédiats, la deuxième sur la côte, la troisième à 8 Le synoecisme est cette technique de l'aménagement du territoire inventée par Clisthène consistant à regrouper les « maisons », c'est-à-dire les villages de manière à constituer des entités territoriales nouvelles composées chacune de parties de la côte (paralia), de la ville (astu) et de la campagne (mésogéia). Le synoecisme est donc la formation d'une seule communauté politique faite de plusieurs bourgades qui « décident d'habiter ensemble» sans qu'il y ait besoin d'un transfert de population. La nouvelle cité, désormais constituée d'un seul corps civique, se dote d'une assemblée du peuple, d'un conseil permanent et de magistratures. 12 l'intérieur [. ..]. Dans cette organisation nouvelle, l'esprit régionaliste qui avait amené Pisistrate au pouvoir était condamné à disparaître ; d'autre part, perdus dans la masse des citoyens qu'accroissait l'admission dans la cité d'étrangers, d'affranchis et d'esclaves [...] les anciens groupements, familles, phratries, tribus aristocratiques, centres de conspiration et soutiens d'un droit archaïque et périmé, ne devaient plus subsister que comme d'inoffensives associations paroissiales d'un caractère essentiellement religieux. Les dix tribus servirent de base à la création du conseil de 500 membres élus à raison de 50 par tribu ~a Boulè).» (Ibid. p. 129-130) En somme, la réforme de -508 ruina à tout jamais l'ancienne répartition politique reposant sur la richesse et l'origine familiale au profit d'une nouvelle répartition territoriale. L'Attique était désormais composée de la ville, de la côte et de l'intérieur, chaque partie du territoire étant à son tour composée de dix dèmes ou l'antonspar lesquels se défmissait désormais la citoyenneté athénienne. Les dèmes eux-mêmes se réunissaient en trittyes ou districts,et ces derniers en tribus. La réunion des tribus formait la cité. Clisthène fut donc le premier à inaugurer la répartition districts - tribus auxquels des Assembléesparticulières. politique du territoire en l'anIonscorrespondaient LA RESISTANCE DU PARTI REFORMES DE CLISTHENE : Il est naturel dicter un nouvel ne put instaurer l'image de celles ARISTOCRATIQUE AUX que le parti aristocratique ne se soit pas laissé ordre politique sans réagir. Et même si Clisthène une constitution radicalement démocratique à qui verront le jour au Vème siècle avant J.-C. - parce que les grandes magistratures civiles et militaires restaient encore aux mains des quatre classes censitaires - il n'en reste pas moins que les aristocrates s'inquiétaient de voir leurs anciens privilèges et leur autorité s'amenuiser. En réaction, ils fomentèrent un coup d'Etat, aussitôt soutenu par Cléomène, l'un des rois de Sparte. 13 «Le parti aristocratique s'inquiétait de ces restrictions successives apportées à son prestige et à son autorité. Il se prépara à la résistance. Il trouva un appui assez inattendu [...] chez l'un des rois de Sparte, Cléomène qui, à la tête d'une petite armée, entra en Attique, s'installa sur l'Acropole et exigea le départ de Clisthène. » (Ibid. p.130). Mais le coup de force échoua lamentablement. Cléomène fut militairement contraint de quitter l'Acropole. Clisthène reprit le pouvoir. Sa réforme politique put ainsi voir le jour. THEMISTOCLE ET LA CREATION GUERRE ATHENIENNE DE LA MARINE DE Thémistocle fut le premier à comprendre que malgré la bravoure de ses marins et la configuration géographique de ses côtes qui mettait la ville théoriquement à l'abri des menaces, Athènes restait toujours vulnérable du côté de la mer. Et bien qu'il soit né d'une famille de commerçants sans grande culture ni fortune, Thémistocle concentrait en lui les qualités essentielles de l'homme d'Etat. Il possédait notamment le don de prévision de l'avenir et une capacité rapide de décision et d'improvisation. Déjà bien avant la bataille de Marathon qui signa la première grande victoire des Grecs sur les Perses, il avait repris les grands projets de Pisistrate, notamment les grands travaux d'aménagement du port du Pirée. Lorsqu'on découvrit en 485 les gisements d'argent de Maronnée, le mérite revint à Thémistocle de faire voter par l'Assemblée que cette manne financière fut intégralement affectée à la création d'une véritable marine de guerre. Décision qui s'avéra décisive pour Athènes lors de la bataille de Salamine9. CIMONI0, STRATEGE LEADER DU PARTI IMPERIALISTE LE PLUS POPULAIRE DEVENU LE D'ATHENES Le jeune Cimon s'était imposé comme le leader incontesté d'Athènes; au grand dam des protestations du vieux Thémistocle 9 Qui libéra définitivement Athènes de toute intervention perse en Attique. La marine de guerre athénienne eut aussi un rôle décisif dans la première partie de la guerre du Péloponnèse. 10Cimon est le fils du Général athénien Miltiade, le vainqueur de Marathon. 14 qui n'eut de cesse d'alerter les Athéniens sur les dangers découlant de l'approbation de la politique expansionniste que souhaitait Cimon. Mais ce dernier - auréolé de ses victoires sur les Perses sur les côtes de Pamphylie en -468, du passé glorieux de son père Miltiade, vainqueur de la bataille de Marathon, de sa richesse et de sa générosité - n'avait plus aucun rival politique à sa taille. «Thémistocle, qui essaya de s'opposer à ce courant, y perdit son prestige; non content de se débarrasser de lui par l'ostracisme (en -472), ses adversaires profitèrent de son absence pour monter contre lui une accusation destinée à réussir dans une cité où le nationalisme était exacerbé [...]. On prétendit qu'il entretenait, ainsi que Pausanias [...] des rapports avec la cour de Suse; des racontars absurdes [...] le représentèrent négociant secrètement avec Xerxès dès le lendemain de Salamine. Pausanias fut mis à mort; Thémistocle dut quitter la Grèce et se réfugier en Asie I\1ineure. [...]. Son départ laissa le champ libre à ses adversaires. » O. Hetzfeld, op. cit. p. 185) La politique de Cimon, dans laquelle la cupidité fmancière et matérielle se conjuguait parfaitement avec l'esprit expansionniste, inquiéta bientôt les alliés d'Athènes. En Thrace, les populations locales massacrèrent par dépit les forces athéniennes envoyées pour s'approprier les richesses minières de Maronnée. Et Thasos, en désaccord avec la mainmise athénienne sur une région qu'elle fut la seule à exploiter, décida en guise de protestation, de quitter la confédération. En réaction, les forces athéniennes l'assiégèrent par la mer et la contraignirent à livrer ses vaisseaux et à lui payer un tribut. Quant à Naxos, d'alliée au départ, les Athéniens ne tardèrent pas à en faire une sujette devant lui payer un tribut: «Ainsi se modifiait peu à peu la nature de la confédération athénienne. Elle devenait un empire dont Athènes prenait la tête. Bien des cités durent subir le sort de Naxos et de Thasos, les uns contre leur gré, les autres par leur faute, trop heureuses de se libérer de toute obligation militaire et de s'en remettre à la flotte athénienne pour la protection de la mer Egée. » (Ibid.) 15 PERICLES: ALLIES L'HERITAGE D'UN EMPIRE EN CRISE AVEC SES Le rêve oriental de Cimon, en Egypte notamment, s'était terminé dans un bain de sang; ce qui contraignait son successeur Périclès à devoir réorienter la politique extérieure d'Athènes vers la stabilisation de la confédération; car déjà la Béotie, après avoir affronté les troupes athéniennes à Chéronée en - 447, avait reconstitué sa propre ligue; tandis que Mégare et l'Eubée entraient en insurrection contre Athènes. Pour se donner du temps, Périclès proposa habilement une convention de paix valable pour trente ans à Spartell qui commençait elle aussi à s'inquiéter de l'impérialisme athénien. Par cette convention, Athènes renonçait à toute prétention sur Mégare et sur le Péloponnèse. LA GUERRE DU PELOPONNESE Cette «grande» guerre12 commence territoriale entre deux voisins13. par une banale dispute Epidamme dont le territoire est envahi par les Illyriens demande à Corcyre de l'aider à s'en débarrasser militairement. Mais Corcyre n'y prête aucune attention14. Désemparée, Epidamme se tourne vers Corinthe qui s'empresse de l'aider, trouvant là l'occasion de protester vigoureusement contre la concurrence économique que Corcyre lui mène dans la mer Adriatique. Il Sparte apparaît au yème siècle avant J.-C. comme une cité brillante et puissante face aux Perses et comme la première rivale de l'Etat athénien avec lequel elle livrera une guerre longue de 27 ans (de -431 à -404). 12Qui ne laisse aucunement augurer d'une conflagration générale. 13 Ce d'autant plus que Sparte fut lente à s'émouvoir de l'importance stratégique que prenait Athènes, et notamment de sa singulière tendance à s'immiscer dans les affaires intérieures des cités voisines. 14 La véritable raison, raconte Hérodote, c'est que les démocrates épidammiens avaient eu la malheureuse idée d' ostraciser les aristocrates de leur pays. Ces derniers ayant trouvé refuge en Illyrie voisine venaient semer de graves troubles dans leur pays d'origine, ce que les démocrates épidammiens supportaient de moins en moins. Aussi décidèrent-ils d'en finir en lançant une offensive militaire à laquelle ils demandèrent à Corcyre de s'associer. Mais Corcyre refusa son aide. 16 Les Corinthiens envoient donc une escadre aux Epidammiens. Mais la bataille qui s'engage se solde par la victoire des Corcyréens. Pour se venger de l'humiliation, les corinthiens se préparent à une attaque de plus grande envergure. Les corcyréens apeurés se tournent alors vers Athènes. L'Assemblée athénienne, présidée par Périclès accorde son soutien. Les corinthiens interprètent le vote de l'Assemblée athénienne comme une rupture de la convention de paix de trente ans et sollicitent à leur tour l'engagement militaire de Sparte à leurs côtés. Les spartiates hésitent, mais un autre événement vient bientôt envenimer la situation: « peu de temps après [...] un décret athénien ordonne à Potidée en Chalcidique, ville de la confédération, mais ancienne colonie corinthienne restée en rapport avec sa métropole, de raser ses fortifications, de donner des otages, et de chasser les magistrats que Corinthe y envoyait chaque année. En même temps, Athènes décidait l'envoi d'une escadre et d'un corps de débarquement de deux mille hommes [...]. Corinthe envoyait deux mille hommes de secours [...]. Cette fois les hostilités étaient directes. » 0 Hetzfeld, histoire de la Grèce antienne, p. 243-244) Corinthe vole au secours de Potidée, tandis que Sparte envahit l'Attique en -431 comme le stipule un accord secret. *** Les dix premières années de la guerre se soldent par un équilibre général des forces, Athènes conservant la suprématie en mer, Sparte celie de la terre grâce à ses redoutables hoplites. En -430, une épidémie de peste dévaste Athènes, menaçant de lui faire perdre la guerre. Périclès, élu stratège pour la quatorzième fois, ne voit d'autre issue que dans un accord de paix avec Sparte, ce qui lui vaut d'être désavoué par ses concitoyens, démis de ses fonctions et mis à l'amende. Il moura plus tard des suites de la peste, remplacé par Démosthène15. Ce dernier inflige deux défaites à la ligue du 15Démosthène, homme d'Etat athénien, orateur de grand talent et adversaire de Philippe II de Macédoine, père du futur Alexandre le grand. En plus d'être le commandant en chef des armées athéniennes qui remplaça Périclès et s'illustra dans les batailles décisives qui contraignirent Sparte à signer la « paix de Nicias» en -421 - il est aussi l'auteur des Philippiques. 17 Péloponnèse en -426. D'autres victoires décisives permettront à Athènes de contraindre Sparte à accepter la paix dite « de Nicias» en -421. La paix de Nicias Athènes conserve, aux termes de cet accord l'intégralité de son territoire, de sa flotte ainsi qu'une position avancée en territoire ennemt. Tandis que Sparte signe la « paix de Nicias », d'autres membres s'y refusent, semant ainsi la division au sein de la ligue du Péloponnèse. Corinthe et Argos décident de créer une ligue concurrente appelée la « ligue d'Argos ». La paix dite « de Nicias» signée pour durer cinquante ans vole soudain en éclats. La ligue d'Argos elle-même ne résiste pas à l'alliance stratégique conclue entre Argos et Athènes sous l'influence d'Alcibiade16. Sparte gagne toutefois la bataille décisive de Mantinée en 418 avant J.-C., contraignant du même coup Argos à quitter sa coalition avec Athènes. La conquête de Syracuse Lorsque Athènes attaque Syracuse en -415, Sparte se porte immédiatement au secours de cette dernière. La Sicile était alors réputée pour ses richesses dont l'étalage venait renforcer le mythe du luxe dans lequel vivaient les cités 16 Alcibiade, né en -450 d'une famille aristocratique, meurt en -404 au moment où Athènes, vaincue par l'armée spartiate, est intégrée de force dans la ligue du Péloponnèse. Eduqué par son tuteur Périclès, il fut aussi le disciple de Socrate avec lequel il participa à la bataille de Potidée, au début de la guerre du Péloponnèse en -431. Il incarnait l'avenir de l'idéal démocratique et la puissance politique et matérielle d'Athènes. Pourtant, ce général doué et fort bien éduqué se fera remarquer négativement par ses nombreux scandales qui lui vaudront d'être convoqué pour un procès auquel il échappera en demandant asile en territoire ennemi. Condamné par contumace, il reviendra cependant à Athènes, à nouveau commandant de l'armée, gagnant même quelques batailles, mais en perdant un certain nombre. Ayant perdu finalement tout prestige, il se réfugiera en Thrace où il sera assassiné sur ordre de Lysandre en -404. 18 grecques du sud de l'Italie. Ce mythe, vivace auprès des Grecs de Grèce suscitait la convoitise dont allait se nourrir l'impérialisme athénien et l'ambition démesurée d'un Alcibiade. Le mythe de la prospérité de la Sicile et de Syracuse en particulier provoqua en effet deux tentatives d'invasion dont la plus célèbre fut l'œuvre des Athéniens. *** En -427, cédant à la tentation expansionniste, Syracuse attaque Léontinoi. Cette dernière, invoquant un traité de défense signé en -433, fait appel à Athènes qui se porte aussitôt à son secours en lui envoyant une vingtaine de trières. Ce conflit dure deux ans et ne prend fm provisoirement qu'au congrès de Géla en -424. Mais l'agitation politique reprend du poil de la bête deux ans plus tard en Sicile: «Les oligarques de Léontinoi, pour empêcher un partage des terres réclamé par les démocrates, font appel aux Syracusains qui dispersent les éléments « populaires» et qui accueillent les riches à Syracuse. Quelques-uns, insatisfaits, retournent à Léontinoi, où ils sont rejoints par la majorité des démocrates, et font appel à Athènes. [...]. Alcibiade, l'avocat le plus ardent de l'invasion arrive à convaincre l'Assemblée d'intervenir. Athènes décide alors d'envoyer, en juin -415 deux cent cinquante navires et vingt cinq mille hommes commandés conjointement par le général Nicias17, Lamachos et Alcibiade18. » (Luc Brisson, Platon uttres, op. cit. p. 41) Le scandale des Hermès L'expédition athénienne prend la mer sous le commandement de Nicias, de Lamachos et d'Alcibiade. Mais au cours du périple, ce dernier est urgemment rappelé à Athènes pour répondre des délits dont il est accusé, et particulièrement au sujet du scandale des Hermès. Cependant, au lieu de rentrer à Athènes, Alcibiade décide de trahir sa patrie en demandant l'asile politique à Sparte. 17 18 Le Général Nicias est mis en scène par Platon dans le Lachès. Alcibiade est l'un des personnages du Banquet 19 de Platon. Privés d'Alcibiade, et, après avoir reçu renforts et subsides, Lamachos et Nicias attaquent Syracuse au printemps -414, mais rapidement ils perdent l'avantage que leur procurait l'effet de surpnse. Lamachos meurt lors de l'expédition, laissant Nicias seul aux commandes de l'armée athénienne. L'espoir renaît chez les Athéniens lorsque le Général Démosthène est envoyé en renfort au printemps -413. Mais la situation se détériore à nouveau après quelques succès lorsque les spartiates envoient le général Gylippe mener la contre-offensive. Les Athéniens subissent une série de revers militaires qui tournent au véritable massacre. Les survivants Athéniens sont jetés dans les carrières de Syracuse. D'autres sont vendus comme esclaves. La mise à mort de Nicias et de Démosthène en -413 conclut la piteuse campagne de Syracuse qui voit s'éloigner le rêve athénien de s'approprier les richesses mythiques de l'une des cités les plus florissantes du sud de l'Italie. La défaite des troupes athéniennes à Syracuse sonne le glas du prestige d'Athènes, entraînant de nombreuses défections au sein de la ligue de Délos. Seules les cités de Lesbos et de Samos lui restent fidèles. Au demeurant, la défaite athénienne provoque un coup d'Etat oligarchique. Le régime démocratique est remplacé. Mais l'armée et la marine athéniennes refusent de se rallier au nouveau régime dit « des quatre cents» qui [mit par s'effondrer au bout de quatre mois d'existence. Alcibiade, rappelé de son exil spartiate essaie de redorer le blason des troupes athéniennes; mais après une série de victoires, il ne peut résister au rouleau compresseur de l'armée spartiate. Les troupes coalisées encerclent Athènes, la soumettent à un blocus terrestre et maritime absolu. La ville affamée capitule en -404. Elle est contrainte de dissoudre la ligue de Délos, d'abattre ses fortifications du Pirée et de livrer sa flotte. Les spartiates installent à Athènes un régime oligarchique qui se transforme peu à peu en tyrannie, la « tyrannie des trente» à laquelle participent des parents de Platon, Critias et Charmide. 20