Cours 2

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COURS 2
Version du 13 septembre 2016.
1.2. Diviseurs de zéro, éléments nilpotents, éléments inversibles, SUITE.
Proposition 1.2.1. Pour un anneau R, les énoncés suivants sont
équivalents :
(1) R est un corps.
(2) Les seuls idéaux de R sont 0 et R.
(3) Chaque morphisme de R vers un anneau non nul est injectif.
Démonstration. Nous avons déjà mentionné que 1 implique 2. (Si R
est un corps, n’importe quel élément non nul de R engendre l’idéal
x1y.) 2 implique 3 parce que le noyau d’un morphisme est un idéal,
donc il devrait être soit 0 (et donc le morphisme est injectif), soit tout
l’anneau, mais vu que nos morphismes envoient 1 sur 1, la seule manière
pour avoir R comme noyau c’est si le morphisme est vers un anneau
nul. Pour démontrer que 3 implique 1, supposons que x P R n’est pas
inversible. Donc xxy ‰ R, et R admet un morphisme R Ñ R{xxy.
Par la supposition 3, cette application est injective, et donc son noyau
xxy “ 0. Donc x “ 0.
1.3. Idéaux premiers et idéaux maximaux.
Définition 1.3.1. Un idéal P est premier si P ‰ x1y et si xy P P
implique x P P ou y P P .
Remarquons que le nom premier s’applique de façon un peu différemment que dans la théorie des nombres élémentaire, où c’est des entiers
(des éléments de l’anneau) qui sont premiers ou non, tandis qu’ici, c’est
des idéaux qui peuvent être premiers.
Exemples. L’idéal principal engendré par n P Z est premier si et
seulement si n est ˘p pour p premier, ou n “ 0. (De temps en temps,
le cas “0” est un détail technique qui n’a pas d’importance pratique.
Ce n’est pas le cas cette fois-ci !)
Exemple. Soit k un corps, et f un polynôme irréductible dans l’anneau krx1 , . . . , xn s. Donc l’idéal engendré par f est premier, à cause du
fait que les polynômes sont un anneau factoriel (anneau intègre dans
laquelle chaque élément à une décomposition comme élément inversible
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fois un produit d’éléments irréductibles, qui est bien défini à ordre et
à multiplication par les éléments inversibles près). (Vous êtes censés
avoir déjà vu cela dans “Théorie des anneaux.”)
x0y est premier si et seulement si R est un anneau intègre.
En général, P est premier si et seulement si R{P est intègre. (Deux
éléments de RzP (pas la même chose que R{P ! – z c’est soustraction
d’ensembles) dont le produit est dans P correspondent à deux éléments
non nuls de R{P dont le produit est nul.
Définition 1.3.2. Un idéal M est dit “maximal” s’il n’y a aucun autre
idéal qui le contient, à part de x1y.
(Le nom est un peu bizarre, vu que x1y est bel et bien un idéal. Mais
c’est standard. “Maximal” veut donc vraiment dire “Maximal parmi
les idéaux propres, où l’on appelle “idéal propre” un idéal qui n’est pas
égal à l’anneau.)
M est maximal si et seulement si R{M est un corps, par Proposition
1.1.1 et Proposition 1.2.1.
Puisque tout corps est intègre, tout idéal maximal est premier. (On
peut le démontrer directement, mais c’est plus facile de le faire comme
cela — une fois que l’on a l’habitude !)
L’implication réciproque est typiquement fausse.
Exemples. Dans Z, les idéaux xpy avec p premier, sont maximaux.
Dans Z, l’idéal x0y est premier, mais n’est pas maximal.
Si f : R Ñ S est un morphisme d’anneaux et Q est un idéal premier
de S, P “ f ´1 pQq est un idéal premier de R, parce qu’il y a une
injection de R{P dans S{Q, donc si S{Q n’a pas de diviseur de zéro,
R{P n’en a pas non plus.
On pourrait se poser la question pourquoi on considère f ´1 et pas f .
Effectivement, si I est un idéal de R, f pIq n’est pas même forcément
un idéal. Par exemple, considérez l’inclusion de Z dans Q. Vu que Q
n’a que x0y comme idéal propre, la plupart des idéaux de Z ne sont pas
envoyés sur des idéaux de Q.
Le même énoncé n’est pas correct avec le mot premier remplacé par
maximale. Par exemple, on peut considérer l’inclusion de Z dans Q.
L’image inverse de l’idéal maximal de Q est 0 qui n’est pas maximal.
Theorème 1.3.1. Tout anneau non nul R a un idéal maximal.
Pour démontrer cela, il nous faut le lemme de Zorn. Je le rappelle.
Soit X un ensemble, et soit W un ensemble de sous-ensembles de X.
On dit que C Ă W est une chaı̂ne si pour tous éléments A, B P C, on a
soit A Ď B, soit B Ď A. Pour C une chaı̂ne, on appelle la réunion de la
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chaı̂ne, la réunion des ensembles dans
Ť la chaı̂ne, c’est-à-dire,
Pour alléger la notation, je le note C.
3
Ť
APC
A.
Lemme 1.3.1 (Lemme de Zorn). Soient X et W comme déjà décrits.
Si pour toute chaı̂ne dans W, la réunion de la chaı̂ne est dans W alors
il existe un ensemble maximal dans W.
Ce lemme est équivalent à l’axiome du choix. (D’où la devinette :
qu’est-ce qui peut te couper les doigts, et est équivalent à l’axiome du
choix ? – La lame de Zorn.)
On peut aussi énoncer le lemme de façon plus générale, mais finalement les différentes formulations sont équivalentes. La formulation que
je donne c’est effectivement celle de Zorn. Comme d’habitude dans les
mathématiques, ce n’est toutefois pas lui qui a été le premier à énoncer
un tel principe.
Pour mieux comprendre le lemme de Zorn, constatons que ça ne sert
à rien quand W ne contient qu’un nombre fini de sous-ensembles, parce
que la réunion d’une chaı̂ne finie, c’est juste l’élément le plus grand de
la chaı̂ne. C’est quand il y a des chaı̂nes infinies que ça devient sportif.
Aussi, considérons un cas où le lemme de Zorn ne s’applique pas.
Mettons X “ Z, et mettons que W est l’ensemble d’ensembles finis
d’entiers. On a plusieurs chaı̂nes dans W, comme t1u, t1, 2u, t1, 2, 3u, . . . .
La réunion de cette chaı̂ne serait t1, 2, 3, . . .u “ Zą0 . Mais Zą0 n’est
pas dans W. Donc les suppositions du lemme de Zorn ne sont pas satisfaites. Ce qui est bon, parce que la conclusion n’est pas vraie non
plus : il n’y a aucun sous-ensemble fini maximal de Z – à n’importe quel
ensemble fini de Z, on pourrait toujours en ajouter un autre élément.
Démonstration du théorème. Mettons R pour X, et l’ensemble d’idéaux
propres de R, pour W. Si l’on a une chaı̂ne C dans W, et on en prend la
réunion, on vérifie facilement que leŤrésultat est encore un idéal. Ť
(Par
exemple, supposons que l’on a x, y P C. Il faut vérifier que x`y P C.
Or x P I P C, et y P J P C. Mais du fait que C est une chaı̂ne, on sait
que, soit I Ď J, soitŤJ Ď I. Donc x ` y P le plus grand de deux idéaux,
et donc c’est dans C.)
Mais est-ce que c’est égal à x1y ? Non ! Parce que 1 n’est inclus dans
aucun des idéaux de C, et donc ce n’est pas dans leur réunion non plus !
Donc on peut appliquer le lemme de Zorn pour déduire l’existence
d’un idéal propre maximal.
Normalement, si l’on s’intéresse à un anneau en particulier, on n’a
aucune difficulté à démontrer l’existence d’idéaux maximaux. Ce qui
est intéressant ici c’est que nous n’étions pas obligés de supposer quoi
que ce soit à propos de l’anneau.
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Corollaire 1.3.1. Pour tout idéal I ‰ p1q de R, il y a un idéal maximal
de R qui contient I.
Démonstration. On peut soit le démontrer de la même manière que le
théorème, soit on peut appliquer le théorème à l’anneau R{I, et utiliser
Proposition 1.1.1.
Corollaire 1.3.2. Chaque élément non inversible de R est contenu
dans un idéal maximal.
Démonstration. Un élément non inversible est contenu dans l’idéal qu’il
engendre, qui n’est pas p1q. Maintenant, appliquez le corollaire précédent.
Un anneau R qui a un seul idéal maximal M est appelé local. Dans
ce cas, R{M est appelé le corps résiduel.
Exemples : Les corps sont locaux. Z{xpn y pour p premier est local.
t ab | a P Z, p ffl bu est local pour p premier.
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