FMOB215 – Ethnobotanique et interactions bioculturelles Plante étudiée : Citrullus lanatus Etudiant : Valentin Phelippeau Formation : M1 IEGB 1. Morphologie de la plante et étymologie Citrullus lanatus est une plante herbacée annuelle mesurant environ 50 centimètres de hauteur et appartenant à la famille des Cucurbitaceae (comme le melon, le concombre ou encore la courge). Elle dispose de tiges rampantes et certaines de ses feuilles sont vrillées, permettant ainsi à la plante de s’accrocher et de grimper sur des supports variés. Le nom vernaculaire « pastèque » désigne à la fois la plante et son fruit. D’un point de vue étymologique, Citrullus dérive de Citrus, en référence à la forme globuleuse du fruit qui peut faire penser à celle du citron. D’autre part, lanatus fait référence aux poils denses et laineux présents sur les parties les plus jeunes de la plante. 2. Exigences écologiques Citrullus lanatus pousse spontanément dans des milieux prairiaux ou dans la brousse. Cette espèce a besoin de chaleur et est intolérante à l’ombre, ce qui explique pourquoi de nombreux agriculteurs taillent régulièrement ses feuilles. Elle affectionne les sols sableux situés à proximité d’un cours d’eau ou de points d’eau. Ainsi, les sols alluviaux, les sols hydromorphes ou encore les sols ferrugineux de cordon dunaire à nappe phréatique perchée sont prédisposés à accueillir la pastèque. Citrullus lanatus a pu être observée de 0 à environ 2000 mètres d’altitude. 3. Biologie de la reproduction Citrullus lanatus est une plante monoïque (fleurs mâles et femelles séparées mais sur la même plante) qui fleurit de janvier à avril, tout du moins en Afrique australe. La plupart des variétés produisent des fleurs femelles imparfaites tous les sept noeuds et des fleurs mâles à chaque nœud. Les fleurs ne restent ouvertes que quelques heures et sont pollinisées par autogamie ou entomogamie (principalement les abeilles). La fructification a lieu quant à elle de février à mai (toujours dans le cas de l’Afrique australe) et aboutit à la formation d’un péponide (fruit à cuticule dure et imperméable) qui peut être dispersé par zoochorie ou hydrochorie. Les graines de pastèque sont viables pendant dix ans maximum, ce qui augmente leur probabilité de dispersion et facilite leur stockage par les populations locales. Ces dernières, comme nous le verrons par la suite, utilisent les graines de pastèque de bien des manières. La domestication de Citrullus lanatus a permis de produire des plants stériles en croisant des plantes diploïdes et tetraploïdes. Cela aboutit à des plantes triploïdes donnant des pastèques sans graines qui peuvent être conservées plus longtemps car leur activité enzymatique est réduite à la chair. Toutefois, ces plantes doivent être pollinisées par des plants à graines. Enfin, il est important de noter que la pluviométrie annuelle influence fortement la période, la durée et l’intensité de la floraison et de la fructification. 4. Origine et évolution de l’aire de répartition Citrullus lanatus pousse spontanément en Afrique centrale et australe : Botswana, Zimbabwe, Mozambique, Zambie, Malawi, Namibie et Afrique du Sud. Bien que de nombreuses incertitudes demeurent au sujet de l’évolution passée de son aire de répartition, certains événements semblent aujourd’hui avérés. Ainsi, la pastèque serait originaire du désert Kalahari, qui chevauche la Namibie, le Botswana et l’Afrique du Sud. Les conditions abiotiques caractérisant cette zone auraient conduit les hommes à domestiquer cette plante en vue de profiter de la ressource en eau qu’elle représente. Les découvertes archéologiques ont quant à elles permis de mettre à jour des hiéroglyphes et des tombeaux prouvant que Citrullus lanatus était présente en Egypte au moins 3000 ans avant J.C. D’autres découvertes ont permis de dater les premières traces de culture à environ 2000 ans avant J.C. La pastèque aurait ensuite était introduite en Afrique méditerranéenne, au Moyen Orient, en Asie de l’ouest et possiblement en Inde. Ce n’est qu’au XIIIème siècle que Citrullus lanatus aurait fait son arrivée en Europe par l’intermédiaire des envahisseurs musulmans, avant d’être diffusée à l’ensemble des pays méditerranéens via les navires marchands. Au XVIème siècle, l’espèce atteint le Japon mais aussi le Brésil et l’Amérique du Nord, notamment grâce aux colons européens et aux esclaves africains. La pastèque est un fruit qui fait l’objet d’un commerce international très développé. Nous reviendrons par la suite sur les principaux pays producteurs de pastèques à l’heure actuelle. 5. Phylogénie De nombreuses études sont en cours afin de déterminer un éventuel ancêtre de Citrullus lanatus. Le genre Citrillus compte quatre espèce (Citrullus colocynthis, Citrullus ecirrhosus, Citrullus rehmii et Citrullus lanatus), et les recherches laissent actuellement supposer qu’il pourrait s’agir de Citrullus ecirrhosus. D’autre part, Citrullus lanatus est divisée en trois sous-espèces (Citrullus lanatus vulgaris, Citrullus lanatus mucosospermus et Citrullus lanatus lanatus) comportant chacune d’entre elles de nombreuses variétés. Leur étude pourrait permettre de connaître l’ancêtre sauvage de la pastèque cultivée. Ainsi, deux variétés de Citrullus lanatus lanatus (indigène à la région Kalahari) retiennent l’attention des scientifiques : caffer et citroides. 6. D’une culture traditionnelle à un commerce mondialisé En Afrique, les paysans sèment et maintiennent leurs cultivars locaux de Citrullus lanatus, caractérisés par des fruits à longue conservation mais à la chair amère voire incomestible en raison de sa forte concentration en cucurbitacines. Sur ce continent, l’espèce est caractéristique des systèmes de culture traditionnels utilisant ni engrais ni herbicides et dont les façons culturales sont réalisées manuellement. Pour limiter l’impact des ravageurs de culture et de nombreux champignons, les paysans procèdent à une culture de rotation, plantant des pastèques tous les quatre à six ans. En outre, la pastèque y est souvent cultivée en association avec une céréale (sorgho, mil pénicillaire etc.) pour l’huile de ses graines et pour lutter contre les adventices de culture. Pour l’ensemble de ces raisons, Citrullus lanatus est présente dans 40 % des parcelles cultivées au Nord-Cameroun. Cependant, elle peut elle-même devenir une adventice subspontanée dans certaines cultures annuelles. Cette domestication de Citrullus lanatus a abouti à une très grande diversité de formes, de couleurs et de goûts des fruits. Selon les variétés, le type de sol ou encore le climat, leur taille peut elle aussi être influencée. En effet, le « diamètre » des fruits peut varier de 30 à 60 centimètres et leur masse de 2 à 35 kilogrammes. Cependant, la tendance est aujourd’hui à l’homogénéisation de la pastèque à l’échelle du globe. Avec 95 millions de tonnes produites chaque année, ce fruit connaît un succès considérable. La recherche de productivité a poussé les producteurs à faire pousser de 2500 à 9000 plants par hectare, en alternant la plupart du temps une rangée de pastèques sans graines (stériles) et une rangée de pastèques avec graines afin qu’elles pollinisent les premières. Chaque plant possède généralement deux ou trois fruits. La Chine représente plus de de 70 % de la production mondiale, très loin devant la Turquie (4 %), l’Iran (2 %), le Brésil (2 %), le Maroc (2 %), les Etats-Unis (2 %), l’Egypte (2 %), la Russie (1 %) etc. (cf. tableau en annexe). On remarque que le continent africain, où le fruit trouve ses origines et pousse spontanément, est largement sous-représenté. 7. Les usages Le tableau qui suit récapitule la plupart des usages que l’homme peut faire de la pastèque (sources : sites internet et articles scientifiques). Alimentation - Source d’eau - Zestes - Pectine - Chair (variétés à chair amères cultivées pour graines, à chair blanche pour le bétail ou la confiture, à chair rouge sucrée et turgescente) - Crues - Grillées - Farine au goût de noisette - Pulpe épaississante - Huile - Fermentées en édulcolorant - Fourrage pour le bétail - Cuites Fruits Graines (surtout en Afrique, où les fruits sont amers) Pharmacologie - Oedèmes - Calculs rénaux - Fièvre - Crises cardiaques - Diurétique - Ecorce marinée ou confite régule glycémie Cosmétologie - Masques visage Outils - Récipient pour cuisiner ou stocker - Mucoprotectrices - Diurétiques - Tonifiantes - Vers intestinaux - Huile - Goudron pour tanner le cuir Feuilles - Vomitives - Purgatives Racines La pastèque est reconnue pour ses vertus nutritives. Composée à environ 90 % d’eau (profitant d’un système racinaire composé de racines superficielles, d’une racine pivotante et de nombreuses racines latérales), elle est hydratante, désaltérante et peu calorique. De plus, elle est riche en antioxydants, en vitamines et en potassium. Cette espèce est très étudiée en génétique car elle est caractérisée par un petit génome possédant de nombreux gènes mutants ainsi qu’une forte variabilité génétique des traits des graines (couleur, taille) et du fruit (forme, couleur et zébrures de l’écorce et de la chair). 8. L’art et la pastèque La sculpture sur pastèque est un phénomène culturel largement répandu à travers le monde. Les teintes des différentes couches composant le fruit se prêtent à la confection de motifs du plus bel effet. D’autre part, des agriculteurs japonais sont parvenus à produire des pastèques cubiques (plus faciles à empiler et à stocker mais plus chères) en les faisant pousser dans des bocaux en verre. 9. Conclusion Citrullus lanatus est loin d’avoir dévoilé tous ses secrets et de nombreuses recherches seront nécessaires pour mieux connaître son histoire et ses potentialités évolutives. Cela sera d’autant plus nécessaire dans un contexte de réchauffement climatique où la préservation de la diversité variétale issue de la domestication pourrait être synonyme d’autosuffisance pour les populations locales. Références bibliographiques Articles scientifiques : Andrus C.F., Seshadri V.S. & Grimball P.C. (1971) Production of seedless watermelons. USDA Technical Bulletin No. 1425. Accessed on Google Books. Banholzer W.F. & Vosejpka L.J. (2011) Risk taking and effective R&D management. Annual Review of Chemical and Biomolecular Engineering 2: 173-188. Burkill H.M. (1985) The useful plants of West Tropical Africa. 2nd Edition. Volume 1, Families A-D. Royal Botanic Gardens, Kew, Richmond, United Kingdom. 960 pp. Cappers J.R.T. 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