Une restriction alimentaire et une mutation génétique favorable peuvent-elles avoir des effets cumulatifs sur la longévité ? mouches consistait à diluer la solution nutritive mise à leur disposition. L’effet sur la survie est progressif, avec un maximum atteint pour une dilution de 35% au dela de laquelle l’espérance de vie des drosophiles diminuait, probablement par carence alimentaire. Si la mutation chico augmente l’espérance de vie de la drosophile par le même mécanisme que la restriction alimentaire, alors cette dernière ne devrait pas avoir d’effet supplémentaire. Si au contraire ces deux situations jouent sur la longévité par des mécanismes différents, alors leurs effets devraient être cumulatifs. Lorsque les auteurs font varier la dilution de la solution nutritive, ils s’aperçoivent que si l’optimum de survie est atteint pour une dilution de 0.65 chez les drosophiles témoins, il est déjà obtenu pour une dilution de 0.80 chez les mutants. Cette première observation suggère que la mutation chico a tendance à réduire soit la prise alimentaire spontanée, soit l’assimilation des éléments nutritifs par les drosophiles. Lorsqu’on compare maintenant les durées de vie atteintes par les drosophiles témoins et mutantes lorsque leurs apports alimentaires étaient optimisés par ces dilutions, on s’aperçoit qu’elles sont identiques, indiquant que les effets de la mutation chico et de la restriction alimentaire ne sont pas cumulatifs. Ces expériences montrent tout d’abord qu’en ce qui concerne les études portant sur la longévité, les comparaisons de différents traitements ou interventions génétiques doivent se faire pour des conditions optimales, celles-ci pouvant être différentes entre les groupes expérimentaux. Elles suggèrent également que les modifications de la voie de signalisation liée à l’IIS emprunteraient des mécanismes communs à ceux de la restriction alimentaire, ou inversement que la réduction des apports alimentaires influencerait les substrats ou les récepteurs du système IIS. Les expériences concernant les mécanismes de la longévité sont de plusieurs types. Certaines étudient les effets de la surexpression ou de l’extinction d’un gène sur la survie. D’autres s’intéressent aux modifications de l’environnement telles que la température, les conditions sanitaires ou les apports alimentaires. D’autres enfin testent des molécules susceptibles de ralentir les effets du vieillissement. Ces approches ont pour objectif de mieux comprendre l’influence de telle voie métabolique ou de tel système de signalisation dans le déterminisme des processus de vieillissement, et, si possible, de mettre au point des traitements ou des conseils de prévention applicables à l’homme. Les résultats obtenus ces dernières années par les laboratoires qui se sont engagés dans cette direction sont très encourageants. Plusieurs interventions ont conduit à des augmentations de durée de vie moyenne ou maximale de 50 à 100% dans des modèles expérimentaux comme la mouche drosophile, le vers Caenorhabditis elegans, la souris ou le rat de laboratoire. La variété de ces approches expérimentales pose évidement la question d’un mécanisme commun ou de la juxtaposition de processus indépendants. Pour y répondre, une méthode consiste à associer des interventions de natures différentes et à voir si leurs effets sont additifs ou pas. C’est cette démarche qu’ont choisie deux équipes anglaise et allemande qui se sont intéressées aux effets de la restriction alimentaire chez des mouches drosophiles porteuses de la mutation chico. Cette mutation affecte la voie de signalisation de l’insulin/insulin-like growth factor (IIS), un facteur de croissance lié aux récepteurs de l’insuline. L’espérance de vie des mouches drosophiles portant la mutation chico est supérieure à celles des témoins. Par ailleurs, des expériences maintenant classiques avaient montré qu’une restriction alimentaire était capable d’augmenter la durée de vie moyenne des drosophiles. La méthode utilisée pour contrôler la prise alimentaire de ces B. Corman CEA/Saclay, Gif-sur-Yvette Apports nutritifs en % de la valeur contrôle Durée de vie moyenne, en jours Témoin Mutants chico 100 49 53 80 52 56 65 56 51 50 54 50 30 48 43 15 42 31 Clancy DJ, Gems D, Hafen E, Leevers SJ, Partridge L. Dietary restriction in long-lived dwarf flies. Science 2002, 296:319. ©2002 Successful Aging SA Af 38-2002