Dictionnaires électroniques pour l`écriture des Aztèques

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DICTIONNAIRES
étude de J. Galarza, un codex nahuatl a été
ÉLECTRONIQUES
utilisé pour plaider la cause d'une corrsnunauté indienne
POUR éÉCRITURE DES AZTÈQUES
de la ville de Mexico.
travers de leur goût pOf
Au
la chose pérenne,
les juristes ont assuré la survie de l'écrlure
nahuatl jusqu'au XVIIIe siècle et ont permis
Marc Thouvenot
sa lecture jusqu'à nos jours.
Les religieux,
plus grands
e
L
13 août 1521,
Tenochtitlân
Espagnols.
début
la ville de Mexico-
tombait
Cette
date
aux mains des
marque
de la colonisation,
d'irréparables
aussi le
qui a entraîné
pertes pour le monde indien,
qui ont pourtant
destructeurs
ont aussi contribué à la survie de cette écri-
de Joaquin Galarza : ce chercheur du CNRS
ture. Pour mieux connaître les populations
a, le premier, étudié de façon méthodique
qu'ils voulaient convertir, ils ont ordonné
et systématique l'écriture aztèque. Il a mon-
réécriture
tré que les éléments graphiques
constitutifs
(par
de quelques
exemple
le
de l'écriture
comparable
lisé des codex catholiques,
aztèque compte
Européens, les Aztèques
locuteurs
de la langue
l'irruption
des
et tous les autres
nahuatl
utilisaient
une écriture composée d'images figuratives.
à celle des glyphes, m'is
du Mexique
Les colons, et plus particulièrement
gieux,
l'élaboration de dictionnaires informatiques.
l'œuvre
considéraient
Mexicains
a laissé des traces dans
notre vocabulaire.
animaux
cette destruction
de
parlent le nahuatl. Cette langue
précolombienne
disponibles,
placer par l'écriture
million
En découvrant
plantes,
et boissons, les colonisateurs
les
les reli-
les codex
comme
de Satan, aussi ont-ils détruit tous
les documents
encore, plus d'un
à la
par les Espagnols.
on espère progresser à grands pas grâce à
Aujourd'hui
leur domination
Presque tous les écrits pictographiques
dont nous disposons sont postérieurs
conquête
a perduré.
pour les rem-
européenne.
Malgré
massive, l'écriture nahuatl
Les Indiens
l'anéantissement
ont
résisté
de leur culture,
Espagnols ont compris
l'intérêt
ver quelques documents
En effet, pour
et les
de conserindigènes
comme pour les sociétés européennes,
lot, mezcal, coyote, cacao ainsi que tomate.
écrits. servent de preuves devant les tribu-
L'ancien
nom
de Mexico,
Tenochtitlân,
poussent
sur la) pierre
(tenochtli)»,
et le
nom du fameux volcan Popocatepetl signifie «montagne
Les Aztèques
vallée de Mexico
de
Tepeucila,
Testériano.
politique
et économique,
des informations
en nahuatl
de
;
ils ont fait élabprer des registres d'impôts et
des relevés cadastraux,
comme
le Codex
Mendoza, le Codex de Tepetlaoztoc et le
Codex Vergara. Nous possédons égaiement
des livres d'histoire,
Xolotl
qui traite de trois siècles de l'histoire
tel le Codex
de la cité de Texcoco, voisine de Mexico.
On pense que les informations
consi-
gnées dans les livres avant l'arrivée
Européens
- sur papier,
gion
et de politique.
nahuatl
quelques
D'après
en caractères
des
parchemin
ou
de reli-
des textes
alphabétiques
témoignages
et
espagnols, certains
livres avaient des contenus juridiques, poétiques ou scientifiques, à jamais perdus.
preuves écrites en nahuatl subsiste durant
se sont installés dans la
deux siècles seulement
du XVIIe et au début
avant l'arrivée des Espagnols. Ils ont déve-
Indiens
loppé leur écriture en fusionnant
nommés
les écri-
l'usage
le XVIe siècle (voir par exemple le Codex de
Tepetlaoztoc
Huexotzinco)
(tepetl) qui fume (popoco)».
les
naux. Attesté pour la premiêre fois en 1545
avec le Codex
les
tissu - traitaient aussi d'économie,
ont désignés par leurs noms nahuatl : oce-
désigne le «lieu des figues de barbarie (qui
sollicitaient
à
traditionnels.
les sociétés
Certains religieux ont aussi réa-
Enfin, les dirigeants espagnols, pour asseoir
lecture reste sujette à discussion.
Cette écriture reste difficile à déchiffrer, mais
La langue nahuatl
leur
Telteriano-
Cod~x
Remensiù.
Avant
la
codex traditionnels
de ces images pouvaient avoir une fonction
traditionnelle
nahuatl,
deux décennies seulement, avec les travaux
tant humaines que culturelles. La disparition
parmi ces dernières.
été les
d'écrits
ou
tvïatrïcuto
la
de
et au début du XVIIe. À la fin
ont rédigé
du XVIIIe siècle, les
un groupe
Techialoyan,
Les dictionnaires
informatiques
de codex,
pour défendre
leurs
L'écriture
nahuati
n'est
plus
pratiquée
depuis le XVIIIe siècle. Les linguistes s'y inté-
tures traditionnelles de la région et l'écriture
intérêts devant les tribunaux de la Nouvelle-
ressent depuis le XVIe siècle, plus particuliè-
mixtèque, en usage depuis plusieurs siècles
Espagne.
rement depuis une centaine d'années, mais
..
dans la province de la Mixteca,
à quelques
mètres
L'écriture
centaines
nahuatl
des
personnages
utilise deux
picturaux
et
:
des
~
glyphes. Les personnages sont
constitués des diverses parties
~
du corps, tandis que la compo-
'"
sition des glyphes ne manifeste
bien souvent
aucun rapport
à la suite
d'une
."
&
de kilo-
au Sud de Mexico.
sortes d'éléments
Récemment,
!
(iffirffilrrm
l'étude de l'écriture nahuatl balbutie encore
naires existants sont aberrants:
ils suivent
l'ordre
alphabétique
de la retranscription
tique
l}
: un dictionnaire
adéquat fait défaut. Les diction-
comme
phoné-
des caractères
; c'est
si un dictionnaire
çais-espagnol
selon l'ordre
était
fran-
ordonné
alphabétique
des
mots espagnols!
"
direct avec le réel. Alors qu'on
pensait
que les personnages
étaient de simples illustrations,
les glyphes
sont considérés
depuis longtemps
comme
signes d'écriture.
Les person-
des
nages ont accédé au statut de
constituant de l'écriture depuis
124
t . Fragment du folio 5 du Codex de Tepetloaztoc, liste
d'impôts. Les noms de trots localités figurent dans les cadres
supérieurs : Oztotlaquetzalcalco, Tenanco et Yyauhtenco.
Elles ont payé un tribut de services personnels, représenté
par un personnage, muni d'un uictli, "instrument pour
travailler la terre». Le personnage est surmonté des
chiffres 3 x 5. L'ensemble se lit probablement caxtolli tequimacehualtin, «quinze hommes du peuple tributaires».
L'informatique
aujourd'hui
apporte
une solution
à la
réalisation de dictionnaires
pic-
tographiques
nahuatl : elle per-
met de diversifier les critères de
classification
et de manipuler
les images d'une manière totalement
nouvelle.
Nous
avons
© POUR LA SCIENCE
•
•
programmes
Toutefois,
élaboré
deux
nommés
POHUA et TLACHIA. Ces deux mots
nahuatl signifient,
de lecture,
respectivement,
ter, lire» et «voir, ibservep>.
programmes,
nous
difficulté
~
Grâce à ces
pouvons
e
.'
«comp-
des éléments
ses images,
l'éditer
des outils permettant
Chaque
présenté
graphiques
imbriqués
comportent
des glyphes
nages, eux-même
graphiques.
Comme
langue parlée est encore en usage.
d'un
traduction.
tonna-
au passage
parlée.
12
mot mène directene
Lorsqu'il rencontre
un lecteur
c
2. Écrrn du dictionnaire de nahuatl
a
:~
«pleurer», tentli
trIèvres»,
«dent» et tzontli «cheEn cliquant sur ces images, on
- connoitre leurs valeurs phoS1Oi:t visva/iser tous les glyphes
- e6!s /igcreRt dans le codex analysé.
daSSl.lx:ations thématiques
par le décomposer
un dictionnaire
leurs valeurs
Par exemple,
GrtaIogue
phcri'P:s.
es
phabétique
-
éléments : Cutot; "ca eme-,
-
sons
~
-
:::::J;;:e;~ de ces éléments
- es planches
es
garde en tête la phonétique
puis
glyphe,
eurs phoniques
d'un
d'un mot, mais
la machine (du moins dans l'état actuel de
l'informatique)
graphique.
qu'une
ne reconnaît que sa forme
Pour l'ordinateur,
suite de lettres;
un mot n'est
il le détecte si la
première lettre du mot cherché correspond
à la première lettre d'un mot du texte, puis
la deuxième
lettre du mot cherché corres-
pond à la deuxième
lettre et ainsi de suite
jusqu'à la dernière
lettre du mot proposé.
Si l'on
ihuan,
recherche
l'ordinateur
+ a + n. Toute
ne
i+h +U
trouve que les mots composés de
lettre étrangère à cette série
un échec.
Pour pallier la raideur de l'ordinateur,
suffit
de lui fournir,
pour
chaque
les
et enfin
élément.
possibles. Cette
le lecteur perçoit facilement
À
diverses
formes,
il
mot,
fois, on se heurte aux limites humaines:
codex,
d'un
le mot
l'homme
toutes les retranscriptions
planche, les glyphes de cette
les éléments
reconnaît
sont le point
: on peut visua-
d'un
une de ces formes,
expérimenté
(voir la figure
mais on accède aussi au
~17..AŒIA,
d'une
accomdirecte-
des dictionnaires
se
éléments
: cihuatt »: --~
«pierre» (te) et CDFIi:J c-;;;:r-r,-.""
donne
graphiques
""'ée préférentiel
l'ensemble
se Ii
co m po rte trois él-lé-r..f:r.:~
ihuan (<<eD»a
mais pas l'ordinateur;
provoque
qu'il transcrit
...i3 éiérnents
son», sera cal ; quelZnlt
zal», sera quetzal. le
quetzalcalco. Le se<Dild 5
de la désigna-
e ses variantes,
tE'5
CIe -
«dent», donne
utilise
c..-\O-i1A, chaque élément,
de lieux de la fiqure
tlantli
et for-
des éléments
œs éiéments.
dêcomposons
mier, en haut à gauche,
ozto ;
«oreille», ixtelolotli
.œU-r ixayoquiz.a
éléments constitutifs, puis on cheJrlie
glyphes
TLA-
On voit six éléments du thème
CHIA..
En principe, pour lire
on commence
dans l'alphabet
S?
~
et des person-
nécessaire
à la langue
nétique
qui
bâtis à partir d'é1érrle:n::s
Ces derniers portent ri
tion phonique
l'image
en zones
autre
un même
loon. iuan. ivô, ivan, ihoan, ioan, yhua.
yhuô. ytïuan. yoa, yoâ, yoan. yuan, yvan.
=ffi
~:I:==::lk:===:j~====~ihuan,
: le codex est consti-
séparées
V
~
§.
se
une série d'ensembles
tué de planches
une
pour
été écrit de 17 manières : inuo. ihuan, ioà
de
et offrir
pictographique
: la multiplicité,
latin. Ainsi un mot comme
de le lire.
document
comme
constitutifs
en CD-Rom
des données
révèle
mot, des retranscriptions
disséquer
toutes les images d'un codex, élaborer un
dictionnaire
l'acquisition
paléographiques
si
la similarité de
l'opération
inverse
qui
consiste, à partir d'une graphie, à imaginer
toutes les autres est beaucoup plus compli-:
quée!
Pour résoudre
ce problème,
avons
conçu
un logiciel
TEMOA,
nous
de re-
cherche sur les chaînes de caractères dans
relative dé deux. éIé-r.;o:a:;;
1ffSe. on peut commencer
une étude à
les textes nahuatl, et GENOR, un générateur
(yauh), tent5, e'reS»
. d'une
valeur phonique,
puis visuali-
d'orthographe
ou les éléments
susceptibles
graphes possibles d'un mot.
mite» (co). La
.3B"
les lèvres donne le
élément
a transcrire,
Puisque
figuratives
voir
ensuite
es qui comportent
yyauhtenro.
examiner
les -
tous
les
ces éléments,
dans quels contextes
et
ces
es s'inscrivent.
et pee
qui crée toutes
Un exemple
ces outils
simple
informatiques.
l'on rencontre
toponymique
les ortho-
illustre l'utilité
Supposons
dans un codex
de
que
le glyphe
'U;V'~,
de classer leurs ~r'F"""'"
ce principe
de •..•o,='"V'=
avons adopté dans
avons classé les ••-r.;;.-r-.=,.......,."
-.-:.,...
dix sections thémE::D::e::
o.•• =-c,,-=
flore, cosmos,
La paléographie
••..• ~
Grâce
aux dictionnaires
"OHUAITLACHIA,
de lecture lorsqu'on
du temps). C~
inconnus
subdivisées
hypothèses sont confortées
nombre
abstraits
XVI"
"','t=>'~'l='"
Cependant,.
trop
on est capable de formuler
considéré
est r
les mémorise ais(m~
document.
dans
les textes
Aussi l'aide de l'informatique
est-elle maxi-
intègre toutes les données
de la paléographie
Aussi proposons
nahuatl
écrits
phique
de for
es s
cercles, formes ov -
Quelques
documents,
dores et déjà été paléographiés
quadrillages,
duits
encore rectanqulases,
© POUR LA SCIE Œ
=- -
du
comparable.
résultant
fo
Ces
lorsque le mot
siècle, dans un contexte
male lorsqu'elle
po -
dans l'une de ces - - _
ces éléments,
des hypothèses
rencontre des glyphes
dans un autre
existe
avec
les sons trans-
crits du nahuatl. Connaissant
couleurs, indën
él érnen ts on t été o=n:-.,..-r-;;::cF'"
en
élaborés
on identifie
en
des textes
caractères
composé
de tetl «pierre» (te) et de nochtli
«figue de barbarie» (noch). On utilise alors
TEMOA sur un corpus de textes nahuatl
XVIe siècle,
et on pose la question
du
sui-
vante : quels sont les noms de lieux qui
comprennent
à la fois la chaîne
te et la
chaîne noch? La réponse sera Tenochtitl6n.
Si l'on obtient, dans ce cas bien connu,
une réponse
positive,
il y a tout
lieu de
penser que l'utilisation
de tels outils per-
mettra
sur la voie
de progresser
d'une
meilleure connaissance de cette écriture.
latins.
de toute nature, ont
dans ce qui constitue
thèque nahuatl informatisée.
et intro-
une biblio-
Marc Thouvenot est chercheur au Centre
d'étude des langues indigènes d'Amérique
(CEL/N, du CNRS.
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