Le frelon asiatique

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Texte : Michel Guillaume et Jean-Paul Bardoul
En septembre 2012, un nid de Frelon asiatique a été découvert au Val-André. Bien camouflé et difficilement accessible au sommet d’un conifère, il a cependant été détruit mais trop tard malheureusement
car les femelles reproductrices l’avaient déjà quitté. Ce qui était à prévoir est donc en train d’arriver :
ces femelles au nombre de plusieurs centaines ont maintenant fondé de nouvelles colonies… et les apiculteurs inquiets (car le Frelon asiatique se nourrit d’abeilles et en nourrit ses larves) essaient de les piéger.
Portrait et aire d’origine
Le Frelon asiatique ou Frelon à pattes jaunes (Vespa velutina nigrithorax) est plus petit que notre Frelon indigène (Frelon européen, Vespa crabro) et s’en distingue par ses couleurs : un thorax entièrement noir… un
abdomen avec des segments bruns et, vers l’arrière de celui-ci, une large bande orangée bien visible… une
tache orange sur le front… et enfin les extrémités des pattes bien jaunes.
Frelon asiatique
(3 cm)
Frelon européen
(4 cm)
Photos comparatives des 2 espèces
Il n’est pas naturellement agressif pour l’homme si celui-ci ne s’approche pas trop près du nid (entre 5 et 10
mètres) et ne le dérange pas. Les gardiennes sortent et volent autour du nid ; si elles aperçoivent une menace éventuelle, elles donnent l’alerte et ce sont alors des dizaines de frelons qui sortent et attaquent
l’intrus. La piqûre du Frelon asiatique n’est cependant pas plus dangereuse que celle des Frelons européens,
des bourdons, des guêpes ou des abeilles.
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Râle d’eau n°155
Dossier : Le Frelon asiatique
Son aire d’origine occupe une vaste zone du sud-est asiatique, du nord de l’Inde jusqu’en Chine.
Aire d’origine des frelons. Source : Claire Villemant, MNHN, 2008
Sècheresse estivale, humidité et longueur de l’hiver... sont les facteurs limitants pour l’espèce dans ces régions ; on a cependant remarqué que les abeilles locales (Apis cerana) utilisent un moyen de défense collectif qui consiste à entourer à plusieurs dizaines le frelon et à le maintenir encerclé dans un espace où elles
font monter la température jusqu’à 50 degrés, ce qui tue celui-ci.
Introduction et progression de l’invasion
En France, les premiers signalements remontent
à 2004 : à Tonneins (Lot-et-Garonne) quelques
femelles reproductrices auraient été introduites
accidentellement dans un lot des poteries pour
bonzaïs en provenance de Shanghai. A partir de
là l’expansion a été rapide : en l’espace de deux
ans, 12 départements du Sud-Ouest sont touchés et on évalue le nombre de nids à plus
d’une centaine ; en 2007 l’espèce est présente
dans 21 départements et le nombre de nids est
estimé à plus de 1000. Depuis, la progression
s’est poursuivie, le Frelon asiatique est présent
sur près des deux tiers du territoire métropolitain.
Répartition connue du Frelon asiatique en France en 2012. Source : Quentin Rome, INPN/MNHN, carte actualisée en mars 2013.
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Dossier : Le Frelon asiatique
En Côtes d’Armor les signalements se sont multipliés ces dernières années :
Signalements de Frelons asiatiques en Côtes
d’Armor de 2010 à 2012.
Source : FECODEC 22
Signalements de Frelons asiatiques
en Côtes d’Armor depuis 2010
Source : FECODEC 22
Mode de vie
Dans les grandes lignes, le mode de vie du Frelon asiatique rappelle celui du Frelon européen.
A la fin de l’automne, la vieille reine, les mâles et les ouvrières meurent. Les nouvelles femelles reproductrices qui ont quitté le nid et qui se sont accouplées vont passer l’hiver (les autres passent également l’hiver ;
au printemps, on capture 40% de femelles sexuées qui n’ont pas été fécondées…). Elles se réfugient dans des
anfractuosités ou des souches d’arbres et, à la sortie de l’hiver, s’activent pour fonder de nouvelles colonies.
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Râle d’eau n°155
Dossier : Le Frelon asiatique
« Lundi 17 octobre 2011, je parcours le bois de la Moglaie à
Lamballe en préparation d’une animation pour une classe
d’élèves de primaire. Je suis à la recherche d’éléments à
observer susceptibles d’intéresser mes jeunes naturalistes.
En soulevant une écorce sur un arbre abattu je découvre un
insecte assez volumineux ressemblant à une grosse guêpe.
Il semble endormi mais vibre des ailes lorsque je le taquine.
Je prends quelques photos et je replace l’abri de ce pensionnaire bien étrange. Quelques jours plus tard, de passage à
Saint-Brieuc, j’en profite pour soumettre ces clichés à mes
amis de VivArmor afin d’identifier l’animal… »
Sylvie Danio, animatrice à VivArmor Nature
Photo : Sylvie Danio
Les femelles reproductrices qui ont passé l’hiver dans des abris variés vont devenir actives et construire un
premier nid pour s’y abriter et pondre dès que le temps le leur permettra. Les ouvrières qui vont y naître aideront ensuite la reine à s’alimenter, si bien que celle-ci consacre tout son temps à pondre, et le nid prend du volume.
Alors un second nid est généralement construit très haut…
dans un arbre (le plus souvent) ou encore sous le toit d’un hangar, en haut d’un pignon de maison couvert de lierre ou d’une
autre plante couvrante… on en trouve parfois dans des haies
(d’autres espèces de guêpe y construisent aussi leurs nids).
Nid sous le toit d’un hangar
Photo : Michel Guillaume
Ce nid peut atteindre des dimensions importantes et contenir
des milliers de frelons (dont des centaines de femelles reproductrices). Les nids sont tous abandonnés, au plus tard en décembre, et ne seront pas réutilisés l’année suivante : détruire
un nid en novembre-décembre n’a donc pratiquement aucun
intérêt.
L’impact sur les abeilles
Le Frelon asiatique capture des abeilles pour nourrir sa progéniture. Il arrive que plus d’une vingtaine de frelons soient aux aguets près de l’entrée d’une ruche : les abeilles ne peuvent alors plus sortir ni s’approvisionner et la ruche périclite, sans compter bien sûr le grand nombre d’ouvrières chargées de pollen et de nectar,
capturées et dépecées à leur retour.
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Dossier : Le Frelon asiatique
On estime que les abeilles constituent 60% des captures du Frelon asiatique vivant dans les villes et 30 %
pour les frelons vivant à la campagne ; pour le reste, ce sont des insectes divers qui sont utilisés comme
nourriture pour les larves, ou encore de la viande ou du poisson exposés à l’air libre sur les étals des commerçants dans les régions (et les villes) où l’espèce est devenue très abondante.
Dessin de Luc Delemotte
L’espèce a été déclarée danger sanitaire pour l’abeille domestique en France en 2012 et sa destruction est
donc recommandée. Deux moyens sont utilisés :
- le piégeage, à condition qu’il soit le plus sélectif possible. Si l’on détruit en effet
d’autres insectes que les Frelons asiatiques (et c’est le cas pour les « piègesbouteilles » traditionnels), le remède est pire que le mal car on élimine ainsi des
espèces qui interviennent dans les équilibres naturels. C’est pourquoi les pièges
doivent être posés uniquement auprès des ruches pour abaisser la pression de prédation sur les abeilles ouvrières, de fin juillet à novembre.
Un piège-bouteille. Photo : Michel Guillaume
Selon le Museum National d’Histoire Naturelle, compte tenu du risque pour les autres insectes, le piégeage entre février et mai, parfois envisagé pour éliminer les femelles reproductrices, est à proscrire.
Bien que chaque nid en produise plusieurs centaines, la compétition entre ces femelles, très importante à cette époque de l’année, entraine une mortalité naturelle élevée.
- la destruction des nids est la méthode la plus efficace, à condition que celle-ci
soit faite au bon moment. Il faut si possible repérer et détruire les nids avant que
les femelles reproductrices ne les quittent pour s’accoupler puis hiverner. Comme
nous l’avons déjà dit, le nid abandonné en décembre ne sera pas réutilisé.
Photo : Michel Guillaume
Remerciements : Merci à Quentin Rome du Museum National d’Histoire Naturelle pour sa correction avisée et à la FECODEC
(Fédération de lutte contre les ennemis des cultures des Côtes d'Armor) pour l'ensemble des signalements transmis.
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