Investir pour l`avenir

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INVESTIR POUR L’AVENIR
Priorités stratégiques d’investissement
et emprunt national
préface
I
Investir pour l’avenir. Parce qu’il faut en finir avec la litanie des mauvaises
nouvelles, avec cette vilaine paresse qu’est l’acceptation du déclin. Un rapide
inventaire des forces de la France prouve ses potentialités.
Investir pour l’avenir. Parce que nous avons confiance.
Et parce qu’il faut réapprendre à voir large et loin : ceux qui se laissent écraser
par la tyrannie du court terme sont condamnés à toujours réagir au lieu d’agir,
à toujours saupoudrer au lieu de choisir, bref à toujours subir.
L’heure est venue de nous mobiliser. D’autres avancent quand nous en
sommes encore à vitupérer l’époque. L’urgence justifie l’action, pour au moins
trois raisons :
– la crise, qui bouleverse les repères et bientôt les hiérarchies ;
– les atteintes à l’environnement, qui d’ores et déjà menacent les grands
équilibres auxquels nous devons la vie ;
– l’accélération du progrès technique : de plus en plus, il divise les pays en
deux catégories, ceux qui inventent et ceux qui copient. On glisse facilement
de la première à la seconde ; si la France veut demeurer parmi les bâtisseurs
d’avenir, elle doit s’en donner, vite, les moyens.
La croissance doit suivre d’autres chemins que ceux d’hier. D’autres besoins
se font jour, notamment celui de mieux respecter notre planète, celui de
toujours plus miser sur la connaissance. Il faut redonner du sens au progrès.
La société doit tirer son dynamisme d’autres moteurs, plus sobres, d’autres
consommations, moins boulimiques. Elle doit aussi prendre soin des femmes
et des hommes fragilisés par les changements permanents, ces ajustements
nécessaires qui sont la marque violente de notre temps.
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
3
À l’aune de ces défis, la France peut faire mieux.
Les usines de demain ne seront pas celles d’hier : elles seront, elles aussi,
tissées d’immatériel et de connaissances. Mais comment avancer dans
la connaissance si on perd peu à peu la passion de la science ? Pourquoi
sommes-nous si bons dans la recherche et si faibles dans sa valorisation ?
Pourquoi tardons-nous tant à mettre en œuvre l’inéluctable : l’adaptation des
villes aux nouveaux enjeux environnementaux ?
La crise a renforcé le rôle des États nationaux. Mais gardons-nous d’oublier
l’Europe. Dans bien des secteurs, aucun progrès ne sera possible sans
coopération avec nos partenaires européens. L’Europe est notre cadre
d’action, notre seul moyen d’exister comme puissance.
Ce rapport a une ambition : aider à l’indispensable transition vers un nouveau
modèle de développement, plus durable.
Après des dizaines d’auditions, il propose des priorités. Il suggère aussi des
méthodes pour employer au mieux le moindre euro recueilli. Il n’a pas la
prétention de vouloir répondre à tout, ni de savoir comment soigner tous
les maux de notre vieille nation. Mais il affirme et réaffirme que la lucidité
aujourd’hui, en même temps que notre seul choix, c’est la confiance.
Il y a deux façons de mal préparer l’avenir : accumuler les dettes pour financer
les dépenses courantes ; mais aussi, et peut-être surtout, oublier d’investir dans
les domaines moteurs.
Les investissements que nous proposons doivent être au seul service des
générations futures. Ils n’ont qu’un objectif, constituer un mode d’emploi pour
permettre aux jeunes de défendre leurs chances et les chances de la France
dans le monde de demain.
Alain Juppé
4
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Michel Rocard
sommaire
1
2
Lettres de mission
7
Composition de la Commission
11
Synthèse
13
INVESTIR POUR PRÉPARER LA FRANCE AUX DÉFIS DE DEMAIN
17
Le monde doit faire face à des risques et des défis majeurs
17
L’économie est globalisée, la compétition aussi
18
Un modèle de développement plus durable est à construire
18
Un effort exceptionnel d’investissement s’impose
20
ENGAGER LA TRANSITION VERS UN NOUVEAU MODÈLE
DE DÉVELOPPEMENT
26
1er axe : Soutenir l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation
27
2e axe : Favoriser le développement des PME innovantes
31
3e axe : Accélérer le développement des sciences du vivant
33
4e axe : Développer les énergies décarbonées et l’efficacité dans la gestion
3
des ressources
35
5e axe : Faire émerger la ville de demain
37
6e axe : Inventer la mobilité du futur
39
7e axe : Investir dans la société numérique
41
METTRE EN PLACE UNE GOUVERNANCE EXEMPLAIRE
43
tableau de synthèse des actions proposées
48
ANNEXES : Fiches de présentation des actions
53
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5
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8
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composition de la Commission
Présidents
Alain JUPPÉ
Ancien Premier ministre
Michel ROCARD
Ancien Premier ministre
Membres de la commission
Édouard BARD
Professeur au Collège de France
Christian de BOISSIEU
Président délégué du Conseil d’analyse économique
Professeur à l’université Paris-I
Monique CANTO-SPERBER
Directrice de l’École normale supérieure
Catherine CESARSKY
Haut commissaire à l’énergie atomique
Élie COHEN
Membre du Conseil d’analyse économique
Directeur de recherche au CNRS
Jacques DELPLA
Membre du Conseil d’analyse économique
Philippe DESSERTINE
Professeur de finances à l’université Paris-Ouest Nanterre
Jean de KERVASDOUE
Professeur au Conservatoire national des arts et métiers
Marion GUILLOU
Présidente du conseil d’administration de l’École polytechnique
Présidente-directrice générale de l’INRA
Alain GRANDJEAN
Membre du comité stratégique de la Fondation Nicolas Hulot
Bettina LAVILLE
Associée du cabinet d’avocats Landwell et associés
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Fatine LAYT
Présidente de Oddo Corporate Finance
Élisabeth LULIN
Directrice générale de Paradigmes et caetera
Claude MANDIL
Ancien président de l’Agence internationale de l’énergie
Véronique MORALI
Président de Fimalac développement et de Terra Femina
Nicole NOTAT
Présidente de Vigeo
Erik ORSENNA
Membre de l’Académie française
Édouard PHILIPPE
Directeur des affaires publiques d’Areva
Denis RANQUE
Président du Cercle de l’industrie
Laurence TUBIANA
Directrice de la chaire de développement durable de Sciences Po
Directrice des biens publics mondiaux au ministère des affaires étrangères
et européennes
Rapporteurs
Rapporteur général
Philippe BOUYOUX, inspecteur général des finances
Rapporteurs généraux adjoints
Olivier FERRAND, président de la Fondation Terra Nova
Geneviève LE BIGOT, conseiller spécial du maire de Bordeaux
Rapporteurs
Jack AZOULAY, inspecteur des finances
Thomas REVIAL, inspecteur des finances
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synthèse
Investir pour l’avenir
La France est un grand pays d’industrie et de savoir.
Pour relever les défis de demain, elle doit investir. La crise nous a appauvris. Le
vieillissement va freiner la population active et la croissance. La compétition
internationale s’étend à de nouveaux domaines, comme l’enseignement supérieur et la recherche. Dans l’industrie, de nouveaux acteurs émergent, y compris
dans les secteurs où l’Europe détient des positions d’excellence, comme l’aéronautique. Notre modèle de développement va buter sur les tensions d’approvisionnement en ressources fossiles et est menacé par les conséquences du
changement climatique.
Nous pouvons, en Europe, construire un nouveau modèle de développement, plus durable.
Il faut aujourd’hui engager la transition vers ce nouveau modèle moins dépendant des énergies fossiles et davantage tourné vers la connaissance. Ce défi ne
saurait être relevé sans une intervention publique résolue.
L’État a une responsabilité directe en matière d’enseignement supérieur et de
recherche publique. Mais sa responsabilité va au-delà. En matière de recherche, d’innovation, de développement de réseaux d’informations, d’efficience
énergétique, les investissements ne doivent pas être appréciés au seul regard
de leur retour financier direct pour l’investisseur privé. Ces investissements
portent en eux des bénéfices pour le reste de la société. L’État doit donc renforcer les incitations à les réaliser. Il peut se porter là où les défaillances de marché sont avérées. Il peut faciliter par exemple le passage de la recherche à son
application industrielle, le stade de la démonstration technologique, quand
le risque industriel est trop grand, l’horizon du retour financier trop éloigné,
l’investissement trop lourd.
L’État en a-t-il les moyens ?
Dans un contexte de recherche d’économies face à la dégradation des finances publiques, la part de l’investissement dans les dépenses publiques recule
depuis le début des années quatre-vingt-dix. Si l’on ne se résigne pas à ce recul
de l’investissement, si l’on croit au contraire qu’il faut investir pour l’avenir et
qu’il y a urgence à le faire, alors l’emprunt s’impose. Il permet d’investir en visant
un retour futur et il permet d’agir vite.
Mais la dette augmente. C’est un risque pour notre capacité à conduire une
politique budgétaire active. C’est un risque pour l’équité entre les générations.
C’est un risque pour notre crédit international. La Commission, au moment de
définir des priorités stratégiques d’investissement à financer par l’emprunt, ne
pouvait donc s’exonérer d’une réflexion sur la dette.
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
13
La gravité de la situation des finances publiques justifie à nos yeux d’engager
un débat sur l’opportunité de règles contraignantes de réduction des déficits.
Dans le cadre des règles existantes, le Gouvernement pourrait en outre envisager de réduire les dépenses courantes à hauteur de la charge d’intérêts supplémentaire générée par l’emprunt national. Concernant ses propres travaux, la
Commission s’est appliqué la plus grande exigence de rigueur dans le choix de
dépenses qui soient effectivement des dépenses d’avenir, avec l’objectif d’un
retour sur investissement, financier ou socio-économique.
Engager la transition vers un modèle de développement plus durable
Il y a deux façons de mal préparer l’avenir : accumuler les dettes pour financer
les dépenses courantes ; mais aussi, et peut-être surtout, oublier d’investir dans
les domaines moteurs.
La Commission a dû rechercher un équilibre, toujours délicat, entre la définition
de priorités trop générales et le soutien à des projets trop précis. La Commission s’est refusé à choisir tout projet individuel, préférant définir de grandes
priorités, en s’appuyant sur un ensemble de critères, et identifier les opérateurs
qui les mettront en œuvre dans un cadre strict de gouvernance, à charge pour
eux d’arbitrer entre les différents projets présentés en constituant si nécessaire
des jurys de sélection.
En trois mois, la Commission et ses présidents ont auditionné plus de deux
cents acteurs et ont examiné plus de trois cents contributions écrites. À l’issue
de cette démarche, nous avons dégagé sept axes prioritaires d’investissements
d’avenir.
Les besoins identifiés au titre de ces priorités stratégiques correspondent
à un investissement de l’État de 35 Md€ tourné vers l’innovation. Près de
la moitié de cette somme recouvre explicitement une démarche transversale
d’investissement dans l’enseignement supérieur et la recherche. L’autre part de
ces investissements, ventilée selon une logique thématique, reflète elle-même
la priorité donnée à l’innovation et la transformation. Elle porte sur des secteurs
et technologies où la France détient des positions fortes et qui vont structurer
notre cadre de vie des vingt prochaines années.
Axe 1
Soutenir l’enseignement supérieur, la recherche, l’innovation
Axe 2
Favoriser le développement de PME innovantes
2 Md€
Axe 3
Accélérer le développement des sciences du vivant 2 Md€
Axe 4
Développer les énergies décarbonées et l’efficacité dans la gestion
des ressources
3,5 Md€
Axe 5
Faire émerger la ville de demain
4,5 Md€
Axe 6
Inventer la mobilité du futur
Axe 7
Investir dans la société numérique
Total
14
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
16 Md€
3 Md€
4 Md€
35 Md€
Par effet de levier vis-à-vis des financements privés, locaux et européens,
l’emprunt national devrait finalement correspondre à un investissement total
de plus de 60 Md€.
Les dépenses d’investissement retenues par la Commission donnent lieu à la
constitution d’actifs à hauteur de près de 60 %. Les autres dépenses sont accompagnées d’une exigence de retour. Dans tous les cas, les dépenses choisies sont
porteuses d’une rentabilité directe (dividendes, royalties, intérêts…) ou indirecte (recettes fiscales induites par une activité économique accrue) pour l’État
et de bénéfices socio-économiques pour la collectivité.
Mettre en place une gouvernance exemplaire
Si les modalités de levée de l’emprunt n’entraient pas dans le mandat de la
Commission, il lui est apparu indispensable de proposer la mise en place d’un
dispositif rigoureux de gouvernance.
Sur le plan financier, il est donc proposé que les fonds levés par l’emprunt national soient affectés à des organismes gestionnaires et gérés de manière étanche
par rapport au reste du budget. Ils doivent apporter un effet additionnel par
rapport aux financements budgétaires habituels et non se substituer aux dotations des organismes gestionnaires ou bénéficiaires des actions financées. Ils
ne peuvent servir au financement de salaires de fonctionnaires.
Sur le plan institutionnel, la Commission préconise la mise en place, auprès
du Premier ministre, d’un Comité de surveillance de l’emprunt national, composé de parlementaires, de personnalités qualifiées et de représentants des
ministères concernés.
La mise en œuvre du plan d’investissement doit faire l’objet d’une contractualisation entre l’État et les organismes gestionnaires. Dans ce cadre contractuel,
le Comité de surveillance serait en charge de préciser leur mandat, de contrôler
la gestion des fonds et de piloter l’évaluation des actions financées. Il devrait
rendre compte périodiquement devant le Parlement de l’utilisation des fonds
et publier les résultats des évaluations. Nos concitoyens pourront ainsi s’assurer
que cet emprunt permet réellement de préparer l’avenir.
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15
Action
ObjectifMontant
1er axe : soutenir l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation 16,0 Md€
1
Favoriser l’émergence de campus d’enseignement supérieur et
de recherche d’excellence
10,0 Md€
2
Investir dans les équipements de recherche, soutenir l’innovation
pédagogique et renforcer l’attractivité de la recherche en France
2,0 Md€
3
Créer quelques campus d’innovation de dimension mondiale, mieux
valoriser les résultats de la recherche publique et soutenir la
recherche partenariale
3,5 Md€
4
Favoriser l’égalité d’accès à l’enseignement supérieur et susciter
l’intérêt pour les sciences dès le plus jeune âge
2,0 Md€
5
Encourager la création d’entreprises innovantes et l’innovation sociale
0,5 Md€
6
Faciliter l’accès au financement des PME innovantes
1,5 Md€
3e axe : accélérer le développement des sciences du vivant 2,0 Md€
7
Soutenir l’innovation dans les agro-biotechnologies
1,0 Md€
8
Dynamiser la recherche partenariale dans le secteur de la santé
et des sciences de la vie
1,0 Md€
4e axe : développer les énergies décarbonées et l’efficacité dans la gestion
des ressources 3,5 Md€
9
Développer les technologies énergétiques décarbonées et
l’économie du recyclage
1,5 Md€
10
Créer des instituts de recherche technologique dans le secteur
des énergies décarbonées
1,0 Md€
11
Préparer les technologies nucléaires de demain
1,0 Md€
5 axe : faire émerger la ville de demain 4,5 Md€
12
Favoriser le développement de villes durables
2,5 Md€
13
Accélérer la rénovation thermique des logements sociaux
2,0 Md€
e
6 axe : inventer la mobilité du futur 3,0 Md€
14
Préparer les véhicules du futur
1,0 Md€
15
Développer l’industrie aéronautique et spatiale de demain
2,0 Md€
e
7 axe : investir dans la société numérique 4,0 Md€
16
Accélérer le passage de la France au très haut débit
2,0 Md€
17
Développer les usages et contenus numériques innovants
2,0 Md€
e
Total
16
0,5 Md€
2e axe : favoriser le développement des PME innovantes I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
35 Md€
Le monde doit faire face à des risques
et des défis majeurs
La première priorité aujourd’hui, pour la France comme pour l’ensemble de nos
partenaires, est d’accélérer la sortie de crise, de retrouver une croissance durable et d’engager la baisse du chômage. Les politiques gouvernementales s’y
emploient et tous les leviers ont été actionnés en ce sens : soutien au secteur
financier et au crédit, politiques monétaires, politiques budgétaires.
Simultanément, il faut penser l’après-crise. La crise a conduit à s’interroger sur
les conséquences d’une régulation insuffisante, sur le rôle de l’État, et à revoir
notre modèle de croissance pour davantage de durabilité. À tous les niveaux, international, européen, national, les politiques
économiques sont questionnées, de nouvelles coordinations, de nouvelles formes
de régulations se dessinent. La montée
en puissance du G20 en est l’illustration
la plus emblématique. La croissance de
demain sera peut-être ainsi plus robuste,
plus soutenable.
1
r
Investir pour prépare
la France aux défis
de demain
Mais cette perspective ne peut être tenue
pour acquise.
D’abord, la crise nous a appauvris, durablement. Même si nous réussissons, comme les pays scandinaves après la
crise financière du début des années quatre-vingt-dix, à retrouver les rythmes
de croissance antérieurs, cela ne suffira pas à récupérer le niveau d’activité que
l’on pouvait projeter avant la crise. Et le cas du Japon, toujours dans les années
quatre-vingt-dix, illustre que le décrochage peut être encore plus sévère.
Ensuite, le vieillissement de la population va réduire le dynamisme de la croissance : spontanément, la progression de la population active va ralentir et avec
elle la quantité de travail « potentielle ».
Le projet de loi de finances pour 2010 indique ainsi qu’après une croissance de
2,1 % par an en moyenne entre 1998 et 2009, la croissance potentielle de l’économie française ne serait plus que de 1,7 % en moyenne entre 2009 et 2013.
L’OCDE évoque même une tendance de seulement 1,4 % sur 2011-2017.
Encore ces perspectives n’intègrent-elles pas les risques qui pèsent sur nos ressources, et d’abord les tensions sur les approvisionnements en pétrole et gaz.
Le défi énergétique et écologique est devant nous.
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
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L’économie est globalisée,
la compétition aussi
La globalisation de l’économie est à la fois source de développement et source
de tensions. Dans les pays industrialisés, la concurrence est l’aiguillon de la productivité et permet des baisses de coût, mais des positions durement acquises
par le passé sont remises en causes, des secteurs souffrent. Dans les pays émergents, l’opportunité est celle du développement, le risque celui du bouleversement des systèmes locaux et de l’accroissement des inégalités.
Mais c’est un fait, nous vivons dans une monde où la concurrence est globale.
Elle s’exerce dans des champs nouveaux, comme l’enseignement supérieur. Elle
s’accroît dans des domaines industriels, comme l’aéronautique, le spatial, où
notre pays a acquis, grâce à des investissements dans la durée et au sein d’une
démarche européenne, des positions de tout premier plan mondial. De nouveaux acteurs s’y développent grâce à des investissements massifs et le plus
souvent publics.
Si, faute d’ambition, par manque de chercheurs, par manque de moyens financiers, ou simplement parce que nous ne savons pas faire le lien entre recherche et industrie, nous ne préparons pas tout de suite les générations suivantes
de modèles, d’équipements, de logiciels, alors d’autres nous dépasseront et la
croissance se dessinera ailleurs.
La France n’avancera pas seule dans le monde qui se prépare.
La majeure partie des actions proposées par la Commission ont vocation à
se dérouler dans le cadre de collaborations internationales. Les partenariats
peuvent être très divers : avec nos partenaires européens bien sûr, mais aussi
avec les États-Unis, le Japon, et les pays émergents, Chine, Inde, Brésil… En
renforçant les capacités de la France, nous ne l’isolons pas, mais lui donnons
au contraire la possibilité d’être mieux intégrée en Europe, de tirer le meilleur
parti des programmes communautaires et, au-delà, de choisir ses partenaires
ou d’être choisie à son tour par les plus performants.
Un modèle de développement plus
durable est à construire
Si l’on ne veut pas se résoudre à l’affaissement de la croissance et de
l’emploi, il faut trouver de nouveaux moteurs, de nouvelles sources de
développement : l’économie de la connaissance et l’économie « verte ».
18
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
Dans ce combat, tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne. Le chemin
n’est pas le même pour un pays émergent, en rattrapage, et pour un grand pays
développé.
La France est un grand pays d’industrie et de connaissance : dans beaucoup de
secteurs d’activité nous avons la chance d’être aujourd’hui en pointe, proches
de ce que les économistes qualifient de « frontière technologique ».
Nous avons la capacité à être de ceux qui déplacent cette frontière technologique, de ceux qui bâtissent l’avenir et en tirent directement les bénéfices en
termes d’activité et de dynamisme.
C’est sur cet atout qu’il faut miser, c’est cette capacité qu’il nous faut renforcer.
La première exigence est donc de former ceux qui déplaceront les frontières de la connaissance : miser sur l’enseignement supérieur et la recherche scientifique, technologique et en sciences humaines, donner les moyens
à nos chercheurs de réussir au plus haut niveau, attirer ou garder en France
les meilleurs talents. Et donner l’envie aux jeunes de s’engager dans cette voie
des sciences, pour y réussir ou simplement pour comprendre le monde de
demain.
Cet investissement dans l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation
constitue le premier axe retenu par la Commission. Les supports de la croissance nouvelle sont à inventer : c’est là la principale frontière à déplacer.
Mais miser sur la recherche ne suffit pas, il faut aussi savoir en valoriser
les résultats et développer une recherche orientée vers le développement
industriel.
Pour qu’il débouche sur la création de richesse, d’emploi et de croissance, encore
faut-il que cet effort puisse se diffuser dans le tissu économique. Le deuxième
axe retenu est ainsi le développement des PME innovantes.
Les champs d’application de cette démarche sont infinis. Ceux identifiés par le
Gouvernement avec les acteurs de la recherche et les industriels, dans la stratégie nationale de recherche et d’innovation, ont été au cœur de nos travaux.
Ainsi, la Commission a souhaité appuyer les investissements dans les technologies de demain, qu’elles soient sectorielles (sciences du vivant, numérique…)
et donc l’objet d’un axe de recommandations spécifique de ce rapport, ou
transversales (comme les nanotechnologies) et donc prises en compte dans les
diverses priorités retenues.
Cet investissement dans la connaissance n’est pas suffisant en lui-même. En
effet, le défi écologique doit être relevé. Si rien n’est fait, la course à la croissance sera vaine, qu’elle bute d’abord sur des tensions sur l’approvisionnement
(ressources fossiles, mais aussi biodiversité et ressources indispensables à la vie,
comme l’eau et les sols) ou sur les conséquences du changement climatique. Le
bien-être ne se résume pas au taux de croissance du PIB, ainsi que l’ont souligné
les travaux de la commission présidée par Joseph Stiglitz sur la mesure des performances économiques et du progrès social. C’est bien notre modèle de déve-
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
19
loppement qui est l’enjeu : il doit être plus sobre, plus économe en ressources.
Les énergies nouvelles, l’évolution des matériaux, la durabilité des objets, le
recyclage, la diminution des consommations énergétiques, bref le passage
d’une économie de gaspillage à une économie de la sobriété sont quelques-uns
des nouveaux moteurs dont nous avons besoin pour la croissance de demain.
Les autres axes retenus par la Commission relèvent de cette finalité : développer les énergies nouvelles et l’efficacité dans la gestion des ressources, inventer
la mobilité et la ville de demain. Pour cela il faut inventer, développer, appliquer de nouvelles technologies, et aussi mettre en place de nouveaux modèles,
de nouveaux comportements. Les actions proposées ici viennent compléter
les incitations mises en place par ailleurs, et en premier la contribution climaténergie, dont l’évolution est essentielle pour faciliter l’émergence de nouvelles
solutions moins carbonées et les changements de comportement.
Au total, il s’agit de sortir de nos anciens schémas de développement
pour nous engager dans la transition vers le modèle de développement
de demain, un modèle de développement durable fondé à la fois sur la
matière grise et l’économie « verte ».
Ce nouveau modèle ne sera pas neutre socialement. Il appelle des mutations
sociales d’envergure, en matière d’emplois, de mobilité et de formation, qui
doivent être identifiées, anticipées et maîtrisées. Les investissements d’avenir
proposés devront ainsi pleinement intégrer la dimension sociale du développement durable.
Un effort exceptionnel d’investissement
s’impose
Les mutations en cours sont profondes, les défis immenses. Ils ne sauront être
relevés à temps sans une intervention publique résolue et raisonnée.
L’État a une responsabilité directe concernant la recherche publique et l’enseignement supérieur.
Mais sa responsabilité va au-delà. En matière de recherche, d’innovation, de
développement de réseaux d’informations, d’efficience énergétique, les investissements ne doivent pas être appréciés au seul regard de leur retour financier
direct pour l’investisseur privé. Ces investissements portent en eux des bénéfices pour le reste de la société. Or ces « externalités positives » ne sont pas prises
en compte dans le calcul de l’investisseur privé. L’État doit donc renforcer l’incitation à réaliser ces investissements. Le dispositif du crédit d’impôt recherche
est une illustration de cette démarche, mais l’urgence impose d’aller au-delà.
En effet, en France comme ailleurs, les entreprises doivent d’abord se relever
20
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
de la crise. Leur capacité à investir est affectée, particulièrement quand il s’agit
de miser sur des technologies encore peu matures et s’il ne faut compter sur
un retour financier qu’à long terme. Le système financier peinera à les soutenir
davantage et à porter leurs paris industriels.
De surcroît, d’autres défaillances, d’autres blocages spécifiques ont pu être
identifiés, à différentes étapes du processus qui va de la recherche à l’innovation et finalement au développement industriel. Trop souvent la phase de
pré-industrialisation, de la preuve de concept jusqu’à la première série bute
sur un manque de financement pour des plateformes technologiques mutualisées ou des démonstrateurs.
Le risque est donc réel d’un manque d’investissement aujourd’hui qui, dans un
contexte de concurrence internationale exacerbée, se traduira par un décrochage demain.
Il y a donc une légitimité et une urgence pour l’État à intervenir de façon
décisive afin d’accélérer la transition vers cette nouvelle économie, plus intelligente, plus innovante et plus sobre.
Mais l’État en a-t-il les moyens ? Dans un contexte de recherche d’économies
face à la dégradation des finances publiques, la part de l’investissement1 dans
les dépenses publiques a reculé : elle en représentait autour de 6 % au début
des années quatre-vingt-dix
mais n’en représente plus désor7%
Formation brute de capital fixe rapportée
mais que 5 %. L’augmentation de
aux dépenses publiques
6
%
l’investissement réalisé par les
collectivités locales depuis une
5%
dizaine d’années n’a pas compensé la diminution continue
4%
des investissements de l’État.
3%
2%
1%
État et administrations centrales
Administrations locales
2008
2007
2006
2005
2004
2003
2002
2001
2000
1999
1998
1997
1996
1995
1994
1993
1992
1991
1990
0%
1989
Si l’on ne se résigne pas à ce recul
de l’investissement, si l’on croit
au contraire qu’il faut investir
pour l’avenir et qu’il y a urgence à
le faire, alors l’emprunt s’impose.
Emprunter est en effet justifié
lorsqu’il s’agit d’investir en visant
un retour futur. Et l’emprunt permet d’agir vite.
Sécurité sociale
Source : Insee
La situation et les perspectives
préoccupantes de nos finances publiques plaident cependant pour que, dans
la durée, ce soit par le redressement de la situation budgétaire et par la réallocation des dépenses que l’État trouve d’abord les moyens de financer ses investissements.
(1) Formation brute de capital
fixe au sens de la comptabilité
nationale.
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
21
Un contexte financier difficile
Trajectoire prévue de la dette publique
rapportée au PIB
La dette publique a fortement augmenté
avec la crise et va continuer d’augmenter
dans les années à venir. Selon les estimations du Gouvernement dans le cadre
du projet de loi de finances pour 2010,
la dette publique devrait atteindre 90 %
du PIB en 2012 et continuer à croître en
2013.
100 %
90 %
80 %
70 %
60 %
2009
2010
2011
Source : Rapport économique, social et financier – PLF 2010
2012
2013
Cette montée de la dette est porteuse de
risques sérieux.
n Un risque pour notre capacité à
conduire une politique budgétaire active. L’augmentation des charges
de la dette entraîne une érosion progressive des marges de manœuvre budgétaires, déjà faibles aujourd’hui. Ce sont notamment les dépenses
d’investissement et plus généralement les dépenses d’avenir qui risquent d’être
– durablement – sacrifiées.
n Un risque pour l’équité intergénérationnelle. Certes, les générations futures qui supporteront le poids de la dette bénéficieront en contrepartie des
bénéfices des investissements que la dette a permis de financer. Mais la hausse
actuelle de la dette ne relève à l’évidence pas de cette seule logique d’investissement générant un retour ultérieur.
n Enfin, un risque de tensions au sein de la zone euro en cas de divergence
durable dans les trajectoires des finances publiques des différents États. La
« signature » de la France, aujourd’hui excellente, doit absolument être préservée.
Face à ces menaces, la Commission, au moment de définir des priorités
stratégiques d’investissement devant être financées par emprunt, ne pouvait
s’exonérer d’une réflexion sur la dette.
La Commission ne prétend pas se substituer au Gouvernement ni au Parlement dans la conduite de la politique budgétaire du pays. Il ne lui appartient
pas de recommander telle ou telle politique ou réforme. Elle tient cependant à
exprimer sa préoccupation quant aux perspectives alarmantes de dérive des
finances publiques.
La montée de l’endettement appelle une réaction. Elle appelle d’abord à la poursuite ou l’accentuation des efforts de maîtrise de la dépense, engagés notamment dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP).
Nous pensons par ailleurs que les règles législatives actuelles, comme les règles
européennes, ne suffisent pas en elles-mêmes à garantir le retour à une trajectoire soutenable de nos finances publiques.
22
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
Au moment où notre principal partenaire économique, l’Allemagne, se dote
d’une règle constitutionnelle de retour à l’équilibre des finances publiques,
avec un déficit réduit à 0,35 % du PIB à horizon 2016 pour le gouvernement
fédéral, la question d’une règle de portée supra-législative mérite d’être posée
également en France.
Des propositions en ce sens ont été formulées. Elles reposent sur un objectif
de déficit nul pour les comptes de la sécurité sociale et nul ou faible pour le
budget de l’État, hors effet de la conjoncture et hors circonstances exceptionnelles (l’impact de la conjoncture et la survenue de circonstances exceptionnelles étant évalués par un comité indépendant, possiblement placé auprès du
Parlement à l’image du Congressional Budget Office américain).
Dans un tel dispositif, la souveraineté du Parlement dans la conduite de la
politique budgétaire continue de s’exercer pleinement en termes de choix de
dépenses et de recettes, mais dans le cadre d’une contrainte sur le niveau du
solde. Une telle contrainte serait-elle acceptable ? Il n’appartient à l’évidence
pas à la Commission d’en décider.
De ces discussions, nous tirons cependant deux conclusions.
Premièrement, la gravité de la situation des finances publiques justifie à nos
yeux d’engager un débat sur l’opportunité de règles contraignantes de réduction des déficits. Dans le cadre des règles existantes, le Gouvernement pourrait
en outre envisager de réduire les dépenses courantes à hauteur de la charge
d’intérêts supplémentaire générée par l’emprunt national.
Deuxièmement et pour ce qui concerne ses travaux, la Commission devait s’appliquer la plus grande exigence de rigueur pour ne choisir que des dépenses qui
soient effectivement des dépenses d’avenir, avec l’objectif d’un retour, financier
ou socio-économique, sur investissement.
Une démarche exceptionnelle
Contrairement aux dépenses budgétaires courantes, les investissements proposés dans ce rapport devront répondre à l’objectif de la transition vers un
nouveau modèle de développement et s’inscrire dans une perspective de long
terme, pour préparer l’avenir par un effort d’investissement ciblé et exceptionnel.
Les projets examinés par la Commission ont ainsi été soumis à un ensemble de
critères :
– investir dans des domaines qui représentent un enjeu stratégique de moyen
ou long terme dans une logique « transformante », en vue de la transition vers
un nouveau modèle de développement ;
– se concentrer sur des domaines dans lesquels la France dispose d’avantages
comparatifs ;
– financer des dépenses exceptionnelles d’investissement susceptibles de
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
23
faire la différence (ne pas financer des dépenses courantes ni se substituer aux
arbitrages budgétaires) ; chaque fois que cela est possible, il doit y avoir un actif
nouveau en contrepartie de l’apport de l’État ;
– pallier les défaillances de marché (problèmes de financement liés à un horizon trop long ou à un risque élevé…) par une intervention conjointe ou en
appui à une action privée ;
– agir sur des secteurs pour lesquels l’investissement de l’État peut permettre
un déblocage ou l’atteinte d’une taille critique et entraîner des externalités
positives ;
– rechercher chaque fois que possible un effet de levier vis-à-vis des financements privés ainsi que d’autres financements publics, locaux ou communautaires ;
– assurer un retour sur investissement, financier ou socio-économique, et
pouvoir faire l’objet d’une évaluation de l’intervention publique.
Dans l’application de cette démarche, la Commission a dû rechercher un équilibre, toujours délicat, entre la définition de priorités trop générales et le soutien
à des projets trop précis. Elle s’est refusé à choisir tout projet individuel. Elle a
défini de grandes priorités et identifié les opérateurs qui les mettront en œuvre
dans un cadre strict de gouvernance (voir la partie 3 du rapport), à charge pour
eux d’arbitrer entre les différents projets en présence.
En trois mois, la Commission et ses présidents ont auditionné plus de deux
cents acteurs et ont examiné plus de trois cents contributions écrites. À l’issue
de cette démarche, nous avons dégagé les priorités suivantes, détaillées dans
le reste du rapport (voir encadré page suivante).
24
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
Axe 1 : Soutenir l’enseignement supérieur, la recherche, l’innovation
Axe 2 : Favoriser le développement de PME innovantes
Axe 3 : Accélérer le développement des sciences du vivant
Axe 4 : Développer les énergies décarbonées et l’efficacité dans la gestion des ressources
Axe 5 : Faire émerger la ville de demain
Axe 6 : Inventer la mobilité du futur
Axe 7 : Investir dans la société numérique
Les besoins identifiés au titre de ces priorités stratégiques visent à assurer la transition vers un nouveau modèle de développement. Ils correspondent à un investissement de l’État de 35 Md€.
Près de la moitié de cette somme recouvre directement et explicitement une démarche
transversale d’investissement dans l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation.
L’autre part de ces investissements, ventilée selon une logique thématique, reflète ellemême la priorité donnée à l’innovation et la transformation.
En ce sens, les investissements retenus concourent à l’émergence d’une économie de la
connaissance et de l’intelligence, en pleine cohérence avec les objectifs européens. Cette
priorité accordée à la recherche et l’innovation dans le cadre d’une démarche transformante
a conduit a contrario à ne pas privilégier les investissements en infrastructures, en particulier
de transport. Cela ne signifie pas que de tels investissements, notamment en matière ferroviaire et fluviale, ne soient pas souhaitables, mais leur contenu en innovation technologique
est moins déterminant. Ils peuvent, par ailleurs, être financés dans le cadre de procédures
autres que l’emprunt national.
Par effet de levier vis-à-vis des financements privés, locaux et européens, l’emprunt national devrait finalement correspondre à un investissement total de
plus de 60 Md€. Les investissements proposés dans le cadre de projets partenariaux entre les opérateurs publics et le secteur privé et les interventions sous
forme de prêts devraient avoir un effet de levier compris entre un et trois. De
nombreuses actions proposées, par exemple pour le développement du très
haut débit, la constitution de campus d’innovation de dimension mondiale
ou le soutien à des technologies de rupture dans l’aéronautique et le spatial,
doivent servir de catalyseur à des investissements importants, largement
assurés par le secteur privé.
Les dépenses d’investissement retenues par la Commission donnent lieu à la
constitution d’actifs à hauteur de près de 60 %. Les autres dépenses sont accompagnées d’une exigence de retour. Dans tous les cas, les dépenses choisies sont
porteuses d’une rentabilité directe (dividendes, royalties, intérêts…) ou indirecte (recettes fiscales induites par une activité économique accrue) pour l’État
et de bénéfices socio-économiques pour la collectivité.
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
25
2
Engager la transition
vers un modèle
de développement
plus durable
Les travaux de la Commission ont visé la définition de priorités stratégiques
pour la France dans les prochaines années.
Cet emprunt national doit être porteur de sens et d’espoir pour les générations
futures, en facilitant la mutation du modèle actuel de l’économie vers un développement moins dépendant de la dépense publique, moins dépendant des
énergies fossiles, davantage tourné vers la connaissance, adapté aux évolutions
démographiques et articulé avec des positions industrielles d’excellence.
L’emprunt national doit donc financer des projets innovants et « transformants », c’est-à-dire des projets de nature à incarner ou à faciliter l’émergence
des secteurs de l’économie de demain, compatibles avec les ambitions écologiques que l’on souhaite développer.
26
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
AXE 1
Enjeux
L’amélioration des perspectives de croissance dans une économie développée
comme celle de la France passe par des investissements en faveur du développement de la connaissance, du savoir et de l’innovation.
La qualité et le dynamisme de nos meilleurs établissements d’enseignement
supérieur et de recherche constituent en outre un élément important d’attractivité et de visibilité à l’étranger.
Or leur évaluation et l’impact global des travaux de recherche français ne sont
pas à la hauteur de nos ambitions, malgré quelques domaines d’excellence.
Soutenir
l’enseignement
supérieur,
la recherche et
l’innovation
Ainsi, pour critiquables qu’ils soient, les classements et indicateurs internationaux font état de prestations médiocres : le classement de Shanghai2 ne
place que trois universités françaises dans les cent premières (dont la première
à la 40e place seulement en 2009), tandis que le classement du Times Higher
Education Supplement considère que seuls quatre établissements français
figurent parmi les deux cents meilleurs mondiaux. La part de la France dans la
production mondiale de publications scientifiques (toutes disciplines confondues) est tombée de 5,4 % à 4,7 % au cours de la dernière décennie.
Cette position défavorable dans la compétition mondiale s’explique en partie
par la faible diversité des modes de financement de nos établissements d’enseignement supérieur, presque exclusivement publics, alors que les systèmes
étrangers reposent également sur des financements privés (frais de scolarité et
dotations en capital ou endowments). La conséquence en est que les moyens
accordés à l’enseignement supérieur sont inférieurs à la moyenne de l’OCDE et
en légère décroissance par rapport au PIB sur la période 1995-2006, ainsi que le
montrent les deux graphiques ci-dessous (source : OCDE) :
Dépenses au titre des établissements
d’enseignement supérieur en % du PIB en 2006
Évolution des dépenses d’enseignement
supérieur en % du PIB entre 1995 et 2006
Moyenne OCDE
États-Unis
Canada
États-Unis
Suisse
Suède
Japon
Suisse
France
Canada
Japon
Royaume-Uni
Suède
Allemagne
France
Royaume-Uni
Allemagne
0,0
0,5
1,0
1,5
2,0
2,5
3,0
-0,1
0,0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
(2) Classement académique des universités mondiales par l’université Jiao Tong de Shanghai en 2009.
Critères :
• Qualité de l’enseignement (nombre de prix Nobel et de médailles Fields parmi les anciens élèves : 10 %)
• Qualité de l’institution (nombre de prix Nobel et de médailles Fields parmi les chercheurs : 20 % ; nombre de chercheurs les
plus cités dans leurs disciplines : 20 %)
• Publications (articles publiés dans Nature et Science entre 2000 et 2004 : 20 % ; articles indexés dans Science Citation Index
et Arts & Humanities Citation Index : 20 %)
• Taille de l’institution (performance académique au regard de la taille de l’institution : 10 %)
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
27
Cette position reflète également la trop petite taille individuelle de nos établissements, en particulier en cycle « gradué » (masters, doctorants, post-doctorants), car les classements internationaux tendent à prendre en compte de
nombreux facteurs quantitatifs. Si la taille n’est pas en soi un critère d’excellence
et s’il ne faut pas la rechercher au détriment de la qualité ni de la souplesse,
force est de constater que la visibilité et la notoriété internationales sont à ce
prix. Dans un contexte de compétition mondiale croissante dans l’enseignement supérieur et la recherche, ce facteur ne peut désormais être négligé.
La France souffre en outre d’une insuffisante culture de la valorisation des résultats de sa recherche et de la trop faible place accordée à la recherche partenariale public-privé. Les pays les plus dynamiques savent déposer des brevets en
nombre important et réunir des compétences interdisciplinaires de haut niveau
sur un même site, en alliant enseignement supérieur, recherche et développement industriel.
Enfin, la promotion de la mixité sociale et de genres dans les filières d’excellence, le renforcement de l’attractivité des études scientifiques et mathématiques et la diffusion de la culture scientifique constituent des impératifs si l’on
souhaite renforcer la capacité de raisonnement et d’innovation et la qualité de
la recherche scientifique en France à long terme.
Intervention de l’emprunt national
Les investissements publics dans la connaissance sont à même de redynamiser notre économie. L’intervention de l’État est donc pleinement justifiée d’un
point de vue économique.
D’importants efforts ont été réalisés au cours des dernières années : constitution progressive de pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES),
renforcement des moyens publics accordés à l’enseignement supérieur et à la
recherche depuis l’adoption de la loi de programme pour la recherche en 2006
(plus de 10 % d’augmentation des crédits budgétaires en trois ans), développement des financements sur appels à projets avec la création d’une agence
de moyens dédiée (l’Agence nationale de la recherche), autonomie accrue des
universités, Plan Campus d’ampleur en faveur de l’immobilier universitaire…
Une impulsion exceptionnelle et de grande ampleur reste cependant indispensable si l’on souhaite permettre à la France de tenir son rang dans la compétition mondiale et de figurer parmi les nations les plus innovantes et les plus
dynamiques.
La définition d’une stratégie nationale de recherche et d’innovation (SNRI) a
permis, au cours du premier semestre de cette année, de dégager trois axes de
développement prioritaires pour les années à venir :
– la santé, l’alimentation et les biotechnologies ;
– l’urgence environnementale et les écotechnologies ;
28
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
– l’information, la communication et les nanotechnologies.
Les auditions menées par la Commission lui ont permis de confirmer ces orientations, ainsi que l’urgence qu’il y a à mobiliser des moyens importants pour
favoriser l’excellence de notre système d’enseignement supérieur, de recherche
et d’innovation.
Modalités
Pour répondre à ces différents enjeux, vitaux pour l’avenir de notre pays, la
Commission propose d’affecter des sommes importantes sur quatre grands
types d’actions.
Tout d’abord, il s’agit de doter en capital, à hauteur de 10 Md€ (dont 1 Md€
consomptible la première année, afin d’enclencher une dynamique), une Agence
nationale des campus d’excellence à créer, dédiée au financement d’opérations
véritablement transformantes conduites par cinq à dix groupements d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche sélectionnés par un jury
international. L’ambition doit être de faire émerger, sur ces quelques sites, des
campus pluridisciplinaires capables, grâce à ce financement exceptionnel, de
concurrencer les meilleurs mondiaux (action 1).
La deuxième orientation à privilégier est le financement, sur appels à projets ouverts à l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur et de
recherche, d’équipements de recherche, de projets pédagogiques innovants et
de bourses visant à attirer ou faire revenir en France des chercheurs ou postdoctorants de très haut niveau (action 2).
La Commission propose par ailleurs de s’inspirer des meilleures pratiques mondiales pour constituer autour de cinq « campus d’innovation » technologique,
regroupant sur un même site des établissements de formation, des laboratoires de recherche appliquée publics et privés et des acteurs industriels. Ces
écosystèmes d’innovation seraient utilement complétés par un accroissement
des moyens permettant de protéger et de valoriser les résultats de la recherche publique, ainsi que par des incitations financières à favoriser la recherche
partenariale dans un cadre européen (action 3).
Enfin, doter nos concitoyens d’une culture scientifique et d’une attitude positive envers la science, enrayer le déclin progressif de l’intérêt des jeunes – et en
particulier des jeunes filles – pour les études scientifiques, accélérer la création
d’internats d’excellence en favorisant la mixité sociale et de genres dans les filières sélectives du supérieur sont autant de leviers pour assurer le dynamisme
d’une économie de la connaissance (action 4).
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
29
Action 1 :
Soutenir la transformation d’un nombre limité (cinq à dix)
de groupements d’établissements d’enseignement supérieur
et de recherche en institutions pluridisciplinaires de dimension
et de réputation mondiales
Action 2 :
Financer, sur appels à projets, des équipements de recherche,
des projets pédagogiques innovants dans l’enseignement
supérieur et des bourses visant à attirer ou faire revenir en
France des chercheurs de renommée internationale ou
des post-doctorants
Action 3 :
- Rassembler des moyens importants sur le développement
de quelques (4 à 6) « campus d’innovation »
technologique, organisés sur un site unique autour d’instituts
de recherche technologique de dimension mondiale
- Professionnaliser la protection et la valorisation des résultats
de la recherche publique
- Soutenir les Instituts Carnot dans leurs activités de recherche
partenariale, dans un cadre européen
Action 4 :
- Accélérer la création d’internats d’excellence pour le lycée
et les filières sélectives du supérieur
- Contrer la désaffection des jeunes pour les études scientifiques
et mathématiques et rapprocher la science du citoyen
Total axe 1
30
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
10,0 Md€
2,0 Md€
3,5 Md€
0,5 Md€
16,0 Md€
AXE 2
Enjeux
Les PME innovantes rencontrent des difficultés spécifiques dans leur recherche
de financements : elles présentent un risque plus élevé et offrent des perspectives de retour sur investissement plus lointaines que les autres PME ou les grandes entreprises et ont donc difficilement accès au crédit bancaire traditionnel.
Or, permettre aux entreprises innovantes de se créer et de financer leurs projets conditionne la vitalité et le dynamisme de notre économie. Les actions en
faveur de l’émergence et du développement de PME et d’entreprises de taille
intermédiaire (ETI - jusqu’à 5 000 salariés) innovantes sont ainsi complémentaires de celles envisagées dans le premier axe en faveur de l’enseignement supérieur, de la recherche et des écosystèmes d’innovation.
Favoriser le
développement
des PME
innovantes
Si le cadre réglementaire a évolué dans un sens plus favorable à la création
d’entreprises et plus incitatif aux dépenses de recherche privées, notamment grâce au statut de « jeune entreprise innovante » et à l’élargissement du
crédit impôt recherche, des contraintes persistantes d’accès au crédit réduisent
le potentiel d’innovation des PME et ETI et notre potentiel de croissance.
Ces difficultés sont renforcées par la crise financière récente, qui accroît l’aversion au risque et restreint l’offre de crédit. Elles sont aussi accentuées par l’instauration de normes prudentielles internationales qui réduisent l’incitation des
banquiers et assureurs à investir en fonds propres dans les entreprises.
Le résultat en est un « trou » préjudiciable dans notre structure productive par
rapport à nos principaux concurrents (notamment l’Allemagne), lié à un trop
faible développement de nos « gazelles », PME à forte croissance.
Par ailleurs, des besoins de financement existent en matière d’innovation
sociale et d’économie solidaire, avec un rendement socio-économique potentiellement important.
Intervention de l’emprunt national
L’inversion de cette situation permettrait de renforcer notre compétitivité à l’exportation, d’améliorer notre croissance économique et de créer des emplois.
Le plan d’aide aux PME et ETI annoncé le 5 octobre 2009, qui vise à renforcer
leurs fonds propres et à encourager l’investissement, permettra à Oséo de
fournir 1 Md€ de prêts participatifs et au Fonds stratégique d’investissement
d’abonder en fonds propres ou quasi-fonds propres les entreprises à hauteur
de 1 Md€ également. Il ne répond cependant pas à tous les besoins de financement sous forme de prêts pour les PME les plus innovantes ou qui interviennent dans le champ de l’innovation sociale.
Une intervention publique complémentaire en faveur des PME et ETI peut
générer un effet d’entraînement vis-à-vis du secteur privé, tout en favorisant les
comportements écologiquement et socialement responsables.
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
31
Modalités
Deux types d’actions complémentaires sont proposés pour soutenir les PME et
ETI innovantes.
D’une part, il s’agit de soutenir leurs premières années d’existence. Pour cela, un
ou plusieurs fonds à vocation transversale, dont la gestion serait confiée à un
ou plusieurs opérateurs désignés après appel à candidatures, serait créé, afin de
démultiplier les dispositifs d’amorçage publics existants et de couvrir un plus
grand nombre de secteurs d’activité (action 5).
Ces fonds auraient vocation à investir en fonds propres dans des PME innovantes, en particulier dans les secteurs prioritaires définis par la stratégie nationale
de recherche et d’innovation (santé, alimentation et biotechnologies ; information, communication et nanotechnologies ; urgence environnementale et
écotechnologies).
Un ou plusieurs fonds seraient également constitués, selon la même procédure,
en matière d’innovation sociale, afin de favoriser l’entrepreneuriat social et solidaire. Ces fonds d’innovation sociale pourraient également être abondés par
d’autres acteurs : collectivités locales, Caisse des dépôts, investisseurs privés…
D’autre part, l’accompagnement de la phase de développement des PME et ETI
les plus innovantes suppose de renforcer les capacités d’intervention d’Oséo.
La Commission propose par conséquent d’apporter 1,5 Md€ (dont 500 M€ de
fonds propres et 1 Md€ de prêts pour se refinancer) à cet établissement de crédit public, afin de lui permettre d’accorder des prêts et des prêts participatifs à
des entreprises innovantes (action 6).
Un cofinancement privé serait systématiquement exigé pour cette activité,
la part d’Oséo dans le financement bancaire total ne devant jamais excéder
50 %. Cette exigence permettrait de s’assurer d’un réel effet d’entraînement du
secteur bancaire et d’un partage des risques.
Action 5 :
pour accompagner la création de PME innovantes dans
des secteurs prioritaires
- Instituer un ou plusieurs fonds pour l’innovation sociale
Permettre aux PME et entreprises de taille intermédiaire
1,5 Md€
innovantes de trouver les sources de financement nécessaires
à leur développement
Total axe 2
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
0,5 Md€
Action 6 :
32
- Mettre en place un ou plusieurs fonds d’amorçage
2,0 Md€
AXE 3
Enjeux
Les biotechnologies dans le secteur médical et dans celui des matières premières végétales sont parfois regroupées sous le terme « bioéconomie ». De moins
de 1 % aujourd’hui, la contribution de ces activités à la production économique
devrait passer à 2,7 % d’ici à vingt ans dans les pays membres de l’OCDE3.
L’allongement de la durée de vie, l’aspiration à une amélioration continue du
bien-être, l’évolution des modes de vie et de consommation et l’exigence d’une
alimentation saine et sécurisée sont autant d’enjeux sociaux qui appellent une
progression de la connaissance et le développement de solutions nouvelles.
Accélérer le
développement
des sciences
du vivant
Les biotechnologies et les sciences du vivant recouvrent plusieurs secteurs
d’activité innovants, qui peuvent avoir un impact considérable sur la santé et
l’alimentation de nos concitoyens et ouvrent des opportunités de développement industriel considérables :
– les biotechnologies « blanches », dont l’objectif est de développer l’usage
d’enzymes et de micro-organismes pour produire des produits chimiques
ou des bioénergies à partir de la biomasse, utilisée comme matière première
renouvelable ;
– les biotechnologies « vertes », qui visent à produire des variétés végétales
innovantes répondant aux besoins d’une agriculture à haute performance économique et environnementale pour l’alimentation humaine et animale, ainsi
qu’à développer de nouvelles filières d’utilisation du carbone renouvelable en
substitution au carbone fossile (« chimie verte ») ;
– les biotechnologies « rouges » (protéines thérapeutiques, thérapie génique…), et plus généralement la recherche biomédicale d’excellence, qui doit
renforcer ses liens avec la recherche privée et participer de manière active à
l’innovation industrielle ;
– la bioinformatique, qui autorise notamment l’analyse et le séquençage de
génomes ainsi que la modélisation moléculaire, et permettra à l’avenir de personnaliser la prévention et les soins.
Intervention de l’emprunt national
L’importance stratégique du soutien aux sciences du vivant et aux biotechnologies justifie deux actions thématiques, au-delà des actions transversales
en matière d’enseignement supérieur et de recherche, et de financement des
entreprises innovantes. Certaines de ces technologies doivent en effet encore
démontrer leur efficacité industrielle, économique et environnementale, ce qui
justifie l’apport de financements publics pour renforcer l’effort de recherche et
de transfert technologique vers les acteurs économiques.
Les propositions formulées sont de nature à renforcer notre agriculture et notre
industrie agroalimentaire, en les orientant vers des productions à plus forte
valeur ajoutée, plus conformes à notre spécialisation dans le commerce inter-
(3) Source : La bioéconomie
en 2030 : quel programme
d’action ? Rapport de l’OCDE
publié en juin 2009.
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
33
national, et en soutenant le développement scientifique et industriel de nouvelles filières du carbone renouvelable.
Elles visent également à développer la recherche biomédicale d’excellence, ce
qui suppose de mettre en place les conditions de succès observées dans les
pays les plus dynamiques, et à fournir les moyens indispensables à la recherche
épidémiologique.
Modalités
La Commission propose d’une part de rassembler les acteurs publics et privés du secteur agricole, agroalimentaire et biotechnologique, dans le but de
développer des projets et équipements scientifiques, ainsi que des plateformes
technologiques de démonstration de biotechnologies innovantes. Une dotation de 1 Md€, consomptible à hauteur de 10 % par an, permettrait de financer
de tels projets, conjointement avec des investisseurs privés, sur la base d’appels
à projets compétitifs (action 7).
Il s’agirait d’autre part de cofinancer, à hauteur de 500 M€, la création de quelques « Instituts hospitalo-universitaires » (IHU) d’excellence, conçus autour de
talents de renommée mondiale et localisés au sein de centres hospitalo-universitaires. Ces plateformes de soins, de recherche et d’enseignement de niveau
international, organisées autour d’un projet scientifique cohérent, seraient
désignées après un appel à candidatures conduisant à la sélection rigoureuse,
par un jury international, des meilleurs projets dans les secteurs les plus porteurs. Enfin, un fonds de 500 M€ non consomptible serait spécifiquement dédié
au financement sur longue période de cohortes dans les domaines de l’alimentation et de la santé (action 8).
Action 7 :
Développer les innovations dans la production de matières
premières agricoles et dans l’utilisation de carbone renouvelable
en substitution au carbone fossile
Action 8 :
Soutenir la recherche biomédicale d’excellence, en donnant
les moyens aux meilleures équipes de continuer à rivaliser
au niveau international (IHU et cohortes)
Total axe 3
34
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
1,0 Md€
1,0 Md€
2,0 Md€
AXE 4
Enjeux
L’évolution tendancielle insoutenable des émissions mondiales de CO2 impose
une transition énergétique pour diviser par deux les émissions d’ici à 2050 à
l’échelle mondiale et par quatre dans les pays développés, afin de contenir le
réchauffement climatique.
Avec le Grenelle de l’environnement, la France s’est engagée dans une politique
ambitieuse de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre de 3 % par an
en moyenne pour atteindre cette division par quatre à l’horizon 2050.
Pour y parvenir, les comportements doivent évoluer vers une gestion plus
économe des ressources et des solutions technologiques nouvelles doivent
être inventées en agissant sur tous les leviers : croissance des énergies renouvelables, amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments, maîtrise de la
mobilité, développement du nucléaire…
Développer
les énergies
décarbonées et
l’efficacité dans
la gestion des
ressources
Les technologies qui enrichiront ce nouveau modèle de croissance ne sont pas
encore matures et constituent un champ d’opportunité industriel à l’échelle
mondiale, dont la France peut tirer bénéfice en s’appuyant sur ses avantages
comparatifs. Pour ce faire, des investissements importants dans la recherche
technologique et l’innovation sont nécessaires.
Intervention de l’emprunt national
Pour que les innovations énergétiques deviennent économiquement viables
et soient la base de nouvelles filières industrielles françaises, des investissements risqués et à long terme sont nécessaires, que les financements privés ne
peuvent assurer seuls. L’intervention de cofinancements publics est justifiée en
raison des externalités qu’ils engendrent (gains environnementaux, sociaux et
économiques).
L’atteinte des objectifs ambitieux que la France s’est fixés en matière climatique
et énergétique et l’urgence environnementale appelle une mobilisation exceptionnelle et rapide de moyens, à laquelle l’emprunt national peut apporter une
contribution décisive.
Modalités
La Commission propose d’identifier un acteur public dédié au développement
de solutions énergétiques décarbonées, qui permette à la France de rassembler
ses forces et ses compétences pour atteindre ses objectifs écologiques ambitieux. Une agence de moyens légère (l’Agence pour les énergies renouvelables),
dotée de la personnalité juridique, pourrait rapidement être créée à cet effet et
financée par l’emprunt national pour co-investir dans la recherche partenariale
et l’innovation dans le domaine des technologies propres et économes, notamment les technologies énergétiques décarbonées (à l’exclusion du nucléaire).
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
35
La Commission propose, par ailleurs, de soutenir le développement des technologies énergétiques décarbonées et de l’économie du recyclage en agissant
dans une double logique de projets et de lieux d’excellence.
D’une part, il est utile d’encourager partout et dans tous les domaines les
meilleurs projets collaboratifs publics-privés afin de tirer le meilleur parti de
l’ensemble du tissu scientifique et industriel français : pour cela, il convient
d’expérimenter de nouvelles technologies dans les énergies décarbonées
(captage-stockage de CO2, stockage de l’énergie, énergie solaire, biocarburants
de troisième génération mais aussi énergies marines et géothermie en outremer, efficacité énergétique des bâtiments…) et l’économie du recyclage en
développant des démonstrateurs et des plateformes coopératives d’expérimentation (action 9).
D’autre part, la concentration de moyens dans des lieux d’excellence pour la
constitution d’écosystèmes technologiques, comme dans la logique des campus d’innovation de l’action 3, est une façon efficace de rassembler les acteurs
de l’innovation, de valoriser les activités de recherche et de structurer des
filières industrielles. La Commission propose donc la création de cinq à dix
instituts de recherche technologique dans le domaine des énergies décarbonées,
sélectionnés par un jury international (action 10).
Enfin, la Commission propose d’accélérer la transition vers les technologies
nucléaires de demain (production de radionucléides à finalité médicale, développement de la quatrième génération de réacteurs électronucléaires) et vers
une gestion encore plus efficace des déchets radioactifs (action 11).
Action 9 :
Développer les technologies énergétiques décarbonées
et l’économie du recyclage
Action 10 : Créer des instituts de recherche technologique dans le
36
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
1,5 Md€
1,0 Md€
secteur des énergies décarbonées
Action 11 : Préparer les technologies nucléaires de demain 1,0 Md€
Total axe 4
3,5 Md€
AXE 5
Enjeux
Parce qu’elle concentre 80 % de la population française, la ville est le principal
point d’application des politiques de développement durable, dans leur dimension environnementale (efficacité énergétique des bâtiments, maîtrise de la
mobilité, gestion des ressources, biodiversité) comme sociale (mixité sociale
des centres-ville, lutte contre la précarité énergétique).
Faire
émerger
la ville
de demain
Au niveau environnemental, la politique urbaine et l’aménagement des villes
conditionnent fortement l’atteinte des objectifs de réduction de nos émissions
de gaz à effet de serre. Cet effort passe à la fois par des innovations dans la
construction et la rénovation des bâtiments et le développement de modes de
transport plus économes en énergie et en carbone mais aussi, au-delà, par une
réinvention plus globale de la ville. Le fonctionnement plus intelligent et plus
sobre des réseaux urbains d’eau, d’électricité, de transports, de chauffage, la
réduction de l’étalement urbain par la densification des centres-ville et le rapprochement des lieux de travail des lieux de vie, l’intégration d’espaces naturels et la préservation de la biodiversité sont autant de défis que les politiques
urbaines doivent relever.
Au niveau social, il existe un risque de précarité énergétique pour les ménages
les plus modestes. Il faut leur donner les moyens d’adapter leur comportement
au moment de la mise en place de la contribution climat-énergie et de la hausse
du prix des énergies fossiles.
Cette situation rend nécessaires des politiques urbaines solidaires et un accompagnement spécifique, pour leur permettre de tirer bénéfice des progrès technologiques qui réduisent notre dépendance aux énergies fossiles. Des politiques urbaines qui favorisent non seulement la mixité sociale et l’accès des
centres-ville aux plus modestes, pour réduire leur dépendance à la voiture,
mais aussi une aide ciblée à la rénovation thermique de l’habitat social sont un
moyen de lutter contre ce risque.
Intervention de l’emprunt national
La transformation des politiques urbaines pour les rendre davantage compatibles avec un développement soucieux des équilibres environnementaux et
de l’égalité sociale suppose d’inventer de nouvelles solutions technologiques
et repose sur un effort d’investissement important et de longue durée, que le
secteur privé, seul, ne peut pas assurer. Le développement d’approches innovantes de la ville et de ses enjeux énergétiques est porteur d’externalités socioéconomiques importantes (gains environnementaux, croissance économique,
emploi, qualité de vie, égalité sociale), qui justifient une intervention de cofinancements publics.
L’urgence environnementale et sociale que nous connaissons aujourd’hui
porte une exigence de mobilisation rapide de tous les moyens et compétences
nécessaires, à laquelle l’emprunt national peut répondre.
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
37
Modalités
La Commission propose d’agir pour l’émergence de villes durables en soutenant deux démarches complémentaires, l’une globale sur l’innovation technologique et l’invention d’un nouveau modèle d’aménagement urbain, l’autre
ciblée sur le parc de logements sociaux et les ménages les plus modestes.
La première démarche vise à promouvoir des projets urbains intégrés et innovants. L’expérimentation de nouvelles technologies d’habitat et de mobilité
durables doit permettre de montrer leur potentiel économique et de construire
en France un savoir-faire valorisable à grande échelle. À ce titre, il est proposé
de cofinancer dix programmes urbains intégrés, qui portent à la fois sur le transport collectif décarboné, le développement expérimental d’infrastructures de
recharge électrique des véhicules propres et l’expérimentation de solutions
nouvelles de rénovation urbaine durable (pour densifier l’espace et assurer la
mixité sociale dans un habitat à haute performance énergétique), de réseaux
intelligents (eau, électricité), de gestion durable des déchets et de maîtrise
de la mobilité (plateformes de télétravail, régulation du trafic automobile…)
(action 12).
La seconde démarche vise à accélérer fortement le rythme de rénovation
thermique de l’habitat social pour les logements les plus énergivores et ainsi
contribuer à l’amélioration du pouvoir d’achat des ménages les plus modestes
(action 13).
38
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
Action 12 : Favoriser le développement de villes durables
2,5 Md€
Action 13 : Accélérer la rénovation thermique des logements sociaux
2,0 Md€
Total axe 5
4,5 Md€
AXE 6
Enjeux
Les engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’un
facteur quatre d’ici à 2050 et le souci de garantir la sécurité des approvisionnements énergétiques rendent nécessaires le développement de nouvelles
solutions de mobilité, moins consommatrices d’énergies fossiles. Cette évolution est d’autant plus indispensable et urgente que le secteur des transports
est le premier émetteur de CO2 en France (33 % des émissions totales) et que
ses émissions ont crû de 8 % entre 1990 et 2008. Cette dynamique est encore
plus marquée dans le transport aérien (croissance de 65 % entre 1990 et 2008),
même s’il ne représente encore qu’une faible fraction de nos émissions totales
(de l’ordre de 4 %).
Inventer
la mobilité
du futur
Cet enjeu environnemental dans les transports se double d’un défi économique et technologique. Économique, d’abord, en raison du poids dans la production française et dans l’emploi des secteurs des transports et des industries
automobile, ferroviaire et aérospatiale et en raison de leur potentiel de développement à l’échelle mondiale autour de solutions innovantes, plus sobres en
énergies fossiles dans un contexte de compétition commerciale toujours plus
intense. Technologique, également, du fait des ruptures techniques qui sont
nécessaires aujourd’hui pour parvenir à atteindre les objectifs de réduction des
émissions de gaz à effet de serre dans les transports et accompagner ainsi le
changement de nos modes de mobilité.
Intervention de l’emprunt national
Le développement de nouvelles technologies dans le secteur des transports a
pour préalable la démonstration de leur intérêt technique et industriel, étape
qui présente des coûts et des risques importants et que les financements privés
ne peuvent prendre en charge seuls. Pour permettre la réalisation de ces ruptures techniques et le décollage de ces nouvelles solutions, un accompagnement
public, national et européen est donc justifié, d’autant plus qu’il est porteur
d’externalités importantes (gains environnementaux, croissance économique,
emploi).
Alors que la compétition économique mondiale se fait de plus en plus pressante dans le secteur des transports et que la nécessité d’une transformation
de nos modes de mobilité n’a jamais été aussi patente, l’emprunt national peut
servir de catalyseur et d’accélérateur pour la réalisation de ces ruptures.
Modalités
La Commission propose de renforcer le développement de nouvelles technologies de mobilité en cofinançant des projets de démonstrateurs et de
plateformes expérimentales dans tous les domaines de la mobilité durable
et des véhicules du futur (batteries, véhicules intelligents, matériaux, écoconception… pour les voitures, camions, navires…) (action 14).
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
39
En complément, il est proposé que la France s’engage spécifiquement dans
un programme européen de démonstration de technologies de rupture pour
l’industrie aéronautique (avion et hélicoptère du futur, gestion de l’espace
aérien…) et spatiale (lanceur de nouvelle génération, satellites de télécommunications et d’observation…) (action 15).
40
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
Action 14 : Préparer les véhicules du futur
1,0 Md€
Action 15 : Développer l’industrie aéronautique et spatiale de demain
2,0 Md€
Total axe 6
3,0 Md€
AXE 7
Enjeux
Le secteur numérique est au cœur du progrès économique et technologique : il
représente plus du quart de la croissance et 40 % des gains de productivité de
l’économie. En plus de constituer un secteur porteur de croissance et d’emplois,
le numérique a un impact diffusant sur le reste de l’économie, en contribuant
à améliorer la compétitivité globale de l’industrie et des services et en étant le
support d’offres innovantes dans tous les secteurs.
Investir
dans la
société
numérique
L’essor de l’économie numérique repose sur deux leviers complémentaires.
D’une part, les infrastructures informatiques et les réseaux constituent l’indispensable substrat des échanges d’information et du développement des services numériques. Le déploiement du haut débit aujourd’hui et le passage au très
haut débit demain représentent, à cet égard, une condition de la croissance de
l’économie numérique. De même, l’accès des entreprises et des ménages à des
infrastructures et des services partagés peut permettre de diffuser largement et
rapidement des usages numériques nouveaux et à forte valeur ajoutée. D’autre
part, les services et les contenus représentent la finalité-même de l’économie
numérique et sont des leviers puissants de modernisation et de compétitivité
des entreprises. La dématérialisation continue des échanges personnels, professionnels, administratifs et commerciaux portent une demande croissante de
services innovants et d’usages numériques nouveaux.
Intervention de l’emprunt national
Le déploiement des infrastructures de très haut débit, pour lesquelles les financements privés sont insuffisants pour une diffusion rapide des nouvelles technologies, suppose un engagement adapté de la puissance publique. De même,
l’innovation dans les services et usages numériques, qui présente des externalités économiques positives et qui suppose des investissements risqués et à
rentabilité de long terme pour réussir la démonstration de leur intérêt technique et économique, justifie l’appui de cofinancements publics.
L’urgence pour la France de trouver de nouveaux relais de croissance et d’investir dans des technologies de rupture, singulièrement dans le secteur numérique, rend légitime une intervention de l’emprunt national dans ce domaine.
Modalités
La Commission propose d’identifier un acteur public dédié au développement
de la société numérique. Une agence de moyens légère (l’Agence pour le numérique), dotée de la personnalité juridique, pourrait rapidement être créée à
cet effet et serait un outil au service de la future délégation nationale au numérique prévue dans le plan France numérique 2012 du Gouvernement.
Financée notamment par l’emprunt national, l’agence pour le numérique
aurait pour objet de co-investir dans l’économie numérique, en agissant à la fois
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
41
sur les infrastructures et sur le développement de nouveaux usages et contenus.
D’une part, il convient d’accélérer la transition de la France vers le très haut
débit en développant les infrastructures les plus pertinentes économiquement
et techniquement (fibre optique, solutions satellitaires, très haut débit mobile...)
pour les zones les moins denses (zones 2 et 3) afin de favoriser l’accès, à terme,
au très haut débit sur l’ensemble du territoire. Un fonds dédié à cet objectif
pourrait être créé au sein de la nouvelle agence pour le numérique (action 16).
D’autre part, la Commission propose de financer des projets partenariaux
publics-privés de recherche et de démonstration visant la conception de logiciels, d’usages et de contenus numériques innovants dans tous les domaines,
en premier lieu dans les réseaux intelligents (électriques et de transport), mais
aussi dans le télétravail, la télémédecine, l’e-santé, l’e-administration, l’e-éducation, l’e-justice, la numérisation des contenus culturels… au besoin en s’appuyant sur le développement d’infrastructures partagées (cloud computing,
super-calculateurs…). Un fonds dédié à cet objectif, distinct du fonds précédent sur les infrastructures, pourrait être créé au sein de la nouvelle agence
pour le numérique (action 17).
42
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
Action 16 : Accélérer le passage de la France au très haut débit
2,0 Md€
Action 17 : Développer les usages et contenus numériques innovants
2,0 Md€
Total axe 7
4,0 Md€
3
Mettre en place
une gouvernance
exemplaire
S’il n’entrait pas dans le mandat de la Commission de se prononcer sur les modalités
pratiques de levée de l’emprunt national, il
lui est apparu indispensable de proposer la
mise en place d’un dispositif rigoureux de
gouvernance, afin de garantir la bonne utilisation des fonds mobilisés dans ce cadre.
Sur le plan financier, les fonds doivent
être affectés à des organismes
gestionnaires et gérés de manière
étanche par rapport au reste du budget
La gestion financière et budgétaire des fonds doit suivre plusieurs règles :
‑ l’affectation des fonds à des organismes gestionnaires clairement identifiés pour financer les dépenses d’investissement proposées. Pour l’essentiel,
la Commission s’appuie sur des organismes publics existants pour réaliser les
investissements d’avenir retenus. Par exception et pour accompagner la mise
en œuvre des grands objectifs d’investissements, il est proposé de créer une
agence des campus d’excellence, une agence pour les énergies renouvelables
et une agence pour le numérique ;
‑ une étanchéité stricte entre le budget de l’État et les fonds alloués dans le
cadre de l’emprunt national ; autrement dit, il ne doit pas être possible d’utiliser
ces fonds pour financer les actions normalement prévues dans le budget de
l’État ;
– un effet additionnel par rapport aux financements budgétaires habituels :
l’affectation de fonds à la suite de l’emprunt national ne doit pas conduire à
une diminution des dotations budgétaires annuelles des organismes gestionnaires ;
– le non-financement de salaires de fonctionnaires, afin d’éviter d’utiliser
l’emprunt pour procéder à des recrutements publics ;
– la pluriannualité de l’utilisation des fonds.
Ces principes doivent rester en conformité avec les règles des finances publiques inscrites dans la Constitution et la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF). Dans ces conditions, le schéma suivant pourrait être
retenu pour la gestion financière :
– une loi de finances pourrait ventiler les fonds levés par l’emprunt national
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
43
dans autant de programmes budgétaires interministériels (rattachés au Premier ministre) que d’axes prioritaires retenus (« Recherche et innovation »,
« PME innovantes »…) ; les fonds levés seraient affectés à ces programmes pour
financer les priorités retenues ;
– les dépenses inscrites dans ces programmes seraient constituées exclusivement de dotations pour les organismes récipiendaires identifiés pour
chaque action à financer (Agence nationale des campus d’excellence à créer,
ANR, Ademe, Oséo, Caisse des dépôts…) en une seule fois en 2010 (voire une
seconde fois en 2011 en cas de levée de l’emprunt sur deux ans) ;
– ces dotations seraient placées, sauf exceptions, sur le compte unique du Trésor à la Banque de France ;
– la gestion financière des dépenses d’investissement d’avenir proposées
(financement de projets, bonification de prêts, prise de participation…) serait
assurée de manière décentralisée par les organismes ainsi dotés.
Les bénéfices qui pourront être tirés des investissements d’avenir financés par
l’État ont vocation à être partagés entre le budget de l’État, pour le remboursement de l’emprunt, et les organismes gestionnaires à titre d’intéressement,
dans des proportions à définir contractuellement organisme par organisme.
Loi de finances
Programme
Enseignement
supérieur,
recherche,
innovation
Dotations
Programme
PME
innovantes
Programme
Sciences
du vivant
Programme
Mobilité du
futur
Fonds
d’investissement
Ademe
ANR
Agence pour
les énergies
renouvelables
CDC
Agence pour
les énergies
renouvelables
Oséo
ANR
Ademe
M21
ANRU
ACSE
44
Programme
Ville
durable
Programme
Numérique
Dépôt sur le compte unique du Trésor à la Banque de France
Agence campus
d’excellence
Gestion
financière
Programme
Énergies et
recyclage
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
CEA
Andra
Oséo
Agence pour
le numérique
Sur le plan institutionnel, un comité
de surveillance devrait contrôler
l’utilisation des fonds dans une logique
de contractualisation
Dans le schéma financier défini supra, la responsabilité budgétaire de doter
les organismes gestionnaires appartient au Premier ministre (responsable des
programmes budgétaires interministériels). Pour assurer cette responsabilité, il
pourrait être assisté d’un comité de surveillance de l’emprunt national.
Ce comité de surveillance, d’une douzaine de membres nommés pour cinq ans,
serait composé à parts égales de parlementaires, de personnalités qualifiées
reconnues pour leur excellence scientifique et de hauts fonctionnaires des différents ministères concernés par les priorités d’investissement retenues. Il serait
présidé par le Premier ministre, qui nommerait une personnalité indépendante
comme président délégué.
Les tâches assignées au comité de surveillance de l’emprunt national
seraient de :
– préciser le mandat et les objectifs des organismes gestionnaires pour la mise
en œuvre de chacune des actions prioritaires retenues (premier semestre
2010) ;
– préparer la contractualisation pluriannuelle de l’État avec chaque organisme
gestionnaire, pour une durée à définir au cas par cas, sur la base d’une proposition de calendrier et de méthode de gestion et d’évaluation des résultats
(définition d’indicateurs de résultats, de critères de sélection pour le choix des
projets…) (au cours de l’année 2010) ;
– contrôler la gestion des fonds versés aux organismes, en bénéficiant du
concours des corps d’inspection de l’État, de la Cour des comptes ou de cabinets privés (une fois par an), afin de s’assurer notamment de leur étanchéité par
rapport à leurs dotations budgétaires ;
– rendre compte au Parlement à intervalles réguliers (deux fois par an par
exemple) de l’état d’avancement des différentes actions financées par l’emprunt national ;
– rendre publics (périodiquement) l’évaluation de la gestion des fonds et les
résultats obtenus grâce aux investissements financés, au moyen d’un site Internet dédié, par exemple ;
– proposer la réallocation ou la récupération des fonds de l’emprunt en cas
de non-respect des contrats pluriannuels par les organismes gestionnaires ou
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
45
d’inadéquation entre les financements alloués et les besoins réellement constatés (une fois par an).
Pour conduire sa mission d’évaluation, le comité de surveillance serait doté
d’une part des fonds de l’emprunt national (par exemple 0,05 % du montant
total, en fonction de ses besoins). Il pourrait notamment s’appuyer à cette fin
sur une future agence indépendante d’évaluation des investissements publics.
Les contrats pluriannuels entre l’État et les organismes gestionnaires pourraient porter sur les points suivants :
– la composition et le fonctionnement des comités de pilotage ou des jurys à
mettre en œuvre dans les organismes gestionnaires concernés ;
– le processus de sélection des projets et les critères à appliquer, notamment
en termes d’impact social et environnemental (par exemple en évaluant le bilan
carbone ou en calculant le coût de la tonne de CO2 évitée des projets lorsque
ces critères sont pertinents) ;
– les objectifs socio-économiques ou opérationnels à atteindre, les indicateurs
nécessaires à leur suivi et le calendrier d’exécution ;
– les modalités d’utilisation des fonds (bonification de prêts, prise de participation, subvention…), les perspectives de retours financiers (dividendes, redevances…) et de remboursement du capital le cas échéant.
Premier ministre
Comité de surveillance de l’emprunt national
• définit le mandat et les objectifs
• valide le calendrier et la méthode
• contrôle
Contractualisation
pluriannuelle
• proposent le calendrier et la méthode
• rendent compte (indicateurs)
Organismes gestionnaires
Agence campus d’excellence
ANR
Oséo
Agence pour
les énergies
renouvelables
Sélection des projets
46
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
Ademe
Agence pour
le numérique
Tableau de synthèse
s
des actions proposée
Action
Structure
de portage
Modalités
1er axe : soutenir l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation
Montant
en Md€
16,0 Md€
1
Soutenir la transformation d’un nombre réduit (cinq à dix) de
groupements d’établissements d’enseignement supérieur et
de recherche en institutions de dimension et de réputation
mondiales
Agence nationale
des campus
d’excellence
10,0 Md€
2
Financer, sur appels à projets, des équipements de recherche, des projets pédagogiques innovants dans l’enseignement supérieur et des bourses visant à attirer ou faire revenir
en France des chercheurs de renommée internationale ou
post-doctorants
ANR
2,0 Md€
ANR
3,5 Md€
- Développer quelques (4 à 6) « campus d’innovation » technologique, organisés sur un site unique autour d’instituts de
recherche technologique de dimension mondiale
3
- Professionnaliser la protection et la valorisation des résultats
de la recherche publique
- Soutenir les Instituts Carnot dans leur démarche de recherche partenariale dans un cadre européen
4
- Accélérer la création d’internats d’excellence pour le lycée et
les filières sélectives du supérieur
- Contrer la désaffection des jeunes pour les études scientifiques et mathématiques et rapprocher la science du citoyen
ANRU + ACSE
M21
2e axe : favoriser le développement des PME innovantes
5
- Mettre en place un ou plusieurs fonds d’amorçage pour
accompagner la création de PME innovantes dans des secteurs prioritaires
- Instituer un ou plusieurs fonds pour l’innovation sociale
6
Permettre aux PME et entreprises de taille intermédiaire
(jusqu’à 5 000 salariés) innovantes de trouver les sources de
financement nécessaires à leur développement
2,0 Md€
Fonds désignés
par le ministère de
l’Économie
0,5 Md€
Oséo
1,5 Md€
3e axe : accélérer le développement des sciences du vivant
2,0 Md€
7
Développer des projets et équipements scientifiques, ainsi
que des plateformes technologiques de démonstration
ouvertes dans les secteurs agricole et agroalimentaire
Ademe
1,0 Md€
8
Soutenir la recherche biomédicale d’excellence, en donnant
les moyens aux meilleures équipes de continuer à rivaliser au
niveau international
ANR
1,0 Md€
4e axe : développer les énergies décarbonées et l’efficacité dans la gestion des ressources
9
48
0,5 Md€
Expérimenter de nouvelles technologies dans les énergies
décarbonées et l’économie du recyclage en développant des
démonstrateurs et des plateformes coopératives expérimentales
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
Agence pour les
énergies renouvelables (technologies
décarbonées) Ademe (recyclage)
3,5 Md€
1,5 Md€
Action
Modalités
10
Concentrer des moyens sur le développement de cinq à dix
instituts de recherche technologique dans le secteur des
énergies décarbonées, selon la logique des campus d’innovation thématiques
11
- Permettre au CEA de développer rapidement une capacité
de recherche et de production de radionucléides à finalité
médicale et de lancer la quatrième génération de réacteurs
- Soutenir les activités de recherche dans le traitement des
déchets radioactifs
Structure
de portage
Montant
en Md€
Agence pour les
énergies
renouvelables
1,0 Md€
CEA
1,0 Md€
Andra
5e axe : faire émerger la ville de demain
4,5 Md€
12
Cofinancer dix programmes urbains intégrés, qui portent à
la fois sur le transport collectif décarboné, le développement
expérimental d’infrastructures de recharge électrique des
véhicules propres et l’expérimentation de solutions nouvelles de rénovation urbaine durable, de réseaux intelligents, de
gestion durable des déchets et de maîtrise de la mobilité
Fonds d’État géré
par la Caisse des
dépôts
2,5 Md€
13
Accélérer la rénovation thermique des logements sociaux les
plus énergivores sur la période 2010-2015
Fonds d’État géré
par la Caisse des
dépôts
2,0 Md€
6e axe : inventer la mobilité du futur
3,0 Md€
14
Cofinancer des projets de démonstrateurs et de plateformes
expérimentales dans tous les domaines de la mobilité durable et des véhicules du futur
Agence pour les
énergies
renouvelables
1,0 Md€
15
Conserver à la France ses avantages comparatifs et son
avance technologique dans le secteur aéronautique et spatial
en investissant dans un programme européen de démonstration aéronautique et spatiale
Oséo
2,0 Md€
7e axe : investir dans la société numérique
4,0 Md€
16
Accélérer la transition de la France vers le très haut débit en
développant les infrastructures les plus pertinentes économiquement et techniquement pour les zones les moins denses
(zones 2 et 3)
Agence pour le
numérique
2,0 Md€
17
Financer des projets partenariaux publics-privés de recherche
et de démonstration visant la conception de logiciels, d’usages et de contenus numériques
Agence pour le
numérique
2,0 Md€
Total
35,0 Md€
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
49
Les membres de la Commission
50
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
51
ANNEXES
Fiches de
présentation
des actions
1 AXE
ER
Soutenir
l’enseignement
supérieur,
la recherche
et l’innovation
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
55
ACTION 1
Favoriser
l’émergence
de campus
d’enseignement
supérieur et
de recherche
d’excellence
Objectif
Soutenir la transformation d’un nombre limité (cinq à dix) de groupements
d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche (indépendamment de leur statut : universités, grandes écoles, fondations de coopération
scientifique…) en institutions pluridisciplinaires de dimension et de réputation
mondiales, avec l’objectif de les faire figurer dans les cinquante premiers des
différents classements mondiaux et du futur classement européen, et d’en faire
entrer deux dans les vingt premiers.
Enjeux
n Les moyens traditionnels de financement des établissements d’enseignement supérieur français ne leur permettent pas toujours de lutter à armes
égales dans la compétition internationale et ne les incitent pas suffisamment à
s’engager dans des projets transformants.
n L’Allemagne a engagé depuis 2006 une initiative d’excellence visant à soutenir ses neuf meilleures universités. Les établissements, sélectionnés à l’issue
d’un concours, bénéficient de dotations de soutien à leurs stratégies d’avenir
(Zukunftkonzepte), qui s’élèvent en moyenne à 21 M€ par an et par université.
n L’emprunt national doit permettre de faire émerger quelques campus pluridisciplinaires d’excellence pour soutenir la comparaison sur les divers plans
nécessaires dans un monde universitaire désormais en compétition mondiale :
– le niveau académique de l’enseignement et de la recherche, même si ce
critère ne peut être exclusif ;
– la capacité d’attirer et de former les meilleurs étudiants et chercheurs français
et internationaux, dans le cadre de partenariats avec d’autres institutions de
même rang et en internationalisant le corps enseignant et les enseignements
eux-mêmes ;
– le tissu des relations avec la recherche privée et avec les entreprises, mesuré
notamment par les partenariats de recherche et développement, les créations
d’entreprises et la valorisation des brevets ;
– l’existence ou le projet de constitution d’un campus attractif et structuré sur
un périmètre limité ;
– la taille, qui sans être en elle-même un critère décisif, est devenue un facteur
de visibilité (à cet égard, ce n’est pas le nombre total d’étudiants, peu significatif
en termes de concurrence mondiale, qui doit être pris en compte, mais uniquement celui d’étudiants en cycle « gradué ») ;
– la capacité à améliorer le taux de réussite de leurs étudiants ;
– une organisation et une gouvernance conformes aux standards mondiaux,
garantissant la poursuite permanente de la qualité et du progrès dans tous les
domaines.
56
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
Atouts
n L’enseignement supérieur et la recherche française excellent dans certains
domaines, ainsi qu’en attestent par exemple les classements internationaux
pour les mathématiques.
n Les grandes écoles et les meilleurs établissements d’enseignement supérieur ont pris conscience de la nécessité de s’inscrire dans une logique de
concurrence mondiale et de se hisser au niveau des standards internationaux,
en constituant des groupements et rassemblements d’établissements. L’émergence progressive de pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES)
depuis 2006 est une évolution positive, qui peut contribuer à accroître la visibilité
internationale de nos établissements.
Faiblesses
n Le financement des établissements d’enseignement supérieur est presque
exclusivement public, contrairement aux systèmes étrangers qui reposent
également sur des financements privés (frais de scolarité et dotations en capital
ou endowments).
n En l’absence de sources de financement exceptionnel, les établissements
d’enseignement supérieur français risquent de décrocher dans la compétition
mondiale. Le classement de Shangaï, pour critiquable qu’il soit, ne place le
premier établissement français qu’à la 40e place mondiale en 2009.
Montant et modalités d’action
n La Commission propose de doter, à hauteur de 10 Md€, un fonds spécifique
dédié au financement d’opérations véritablement transformantes permettant
de faire émerger quelques campus à vocation mondiale.
n Ce fonds serait logé au sein d’une Agence nationale des campus d’excellence à créer et permettrait de financer les projets les plus innovants et porteurs d’avenir présentés par cinq à dix groupements d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche.
n Cette action prendrait la forme d’un défi lancé aux institutions ou groupements d’institutions susceptibles de prétendre à ce statut, en les poussant à se
dépasser et à accomplir en quelques années le chemin qu’ils mettraient spontanément des décennies à parcourir. Pour atteindre cet objectif, ces structures
bénéficieraient de moyens financiers conséquents et diversifiés : le financement exceptionnel fourni par l’emprunt national s’ajouterait en effet aux
dotations budgétaires traditionnelles, aux sommes versées dans le cadre du
Plan Campus (pour celles qui en sont bénéficiaires), ainsi qu’aux fonds privés
qu’elles parviendraient à attirer.
n La sélection se ferait par une analyse approfondie du point de départ et de
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
57
l’ambition du point d’arrivée et un examen critique de l’adéquation du programme de transformation envisagé, sous la supervision d’un jury international
ad hoc réuni à intervalles réguliers. Elle prendrait en compte les divers classements internationaux et évaluations existantes relatives aux différents candidats.
n Les projets soumis devraient présenter des objectifs globaux, des indicateurs
de suivi et le type d’actions envisagées. Ils devraient nécessairement impliquer le regroupement de plusieurs partenaires, afin de constituer un ensemble
pluridisciplinaire d’excellence, dans une logique de transformation. Les établissements d’enseignement supérieur et/ou opérant de la recherche en France
seraient éligibles, sans conditions statutaire ni de tutelle spécifiques.
n Les sommes allouées seraient versées annuellement, pendant une période
de cinq ans, aux fondations ayant une personnalité morale créés par les cinq
à dix groupements d’établissements bénéficiaires. À l’issue de ce délai, les
bénéficiaires pourraient candidater à nouveau, sous réserve d’avoir atteint les
objectifs fixés et de présenter de nouveaux projets porteurs à financer.
n Les structures réceptrices de ces sommes mises en place par les bénéficiaires auraient la possibilité de déposer leurs fonds au Trésor et devraient en tout
état de cause respecter une contrainte forte de limitation du risque encouru,
compte tenu de la nature des projets financés. Elles seraient ouvertes à des
compléments de financement privés, ce qui initierait une démarche encore
balbutiante en France, en incitant les groupements bénéficiaires à rechercher
des fonds privés pour compléter le capital de leur fondation. Cet effet de levier
permettrait d’accélérer le rythme des transformations engagées, en mobilisant
le secteur privé en complément des fonds publics.
n Une grande souplesse devrait être accordée aux institutions bénéficiaires
quant au type de dépenses financées par ce biais : équipements de recherche,
rémunérations sur contrat d’enseignants ou de chercheurs de renommée internationale, mise en place de projets pédagogiques et de formations particulièrement innovants, création d’instituts de recherche technologique, incitations
et accompagnement en matière d’innovation et de valorisation socio-économique des découvertes jusqu’à la coopération industrielle… Seule l’atteinte des
objectifs du campus serait mesurée périodiquement par l’Agence, qui ne serait
pas sollicitée pour donner son aval avant chaque opération menée.
Type de retour attendu et gouvernance
n La rentabilité de cet investissement est d’ordre socio-économique.
n En l’absence de structure susceptible de porter de tels projets de transformation dans la durée, la Commission propose d’instituer une Agence nationale
des campus d’excellence.
n Celle-ci se verrait affecter la dotation initiale et serait chargée de constituer
58
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
un jury international pour procéder à la sélection des candidatures. Ce jury
devrait réunir une expertise internationale et serait composé d’une majorité
d’étrangers. Il préciserait les critères de sélection garantissant l’excellence et le
niveau d’ambition des projets.
n Afin d’engager rapidement des opérations d’envergure réellement transformantes, la Commission propose qu’une somme de 1 Md€, à caractère consomptible, soit versée aux bénéficiaires dès la première année. Les 9 Md€ restants,
non consomptibles, seraient quant à eux placés auprès du Trésor par l’Agence nationale des campus d’excellence. Les intérêts générés permettraient de
verser annuellement des dotations consomptibles aux groupements d’établissements sélectionnés.
n La mesure de l’atteinte des objectifs fixés, à l’aide d’indicateurs fiables, et la
réouverture périodique de la compétition sont indispensables pour maintenir
un niveau d’émulation élevé et garantir l’ampleur des transformations engagées. Au terme de la première période de cinq ans, l’Agence nouvellement
créée réaliserait ainsi une évaluation précise des résultats obtenus. Elle reconstituerait un jury international pour attribuer de nouvelles dotations, pour une
période de cinq ans, sur la base des nouveaux dossiers de candidatures qui lui
seraient présentés.
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
59
ACTION 2
Investir dans
les équipements
de recherche,
soutenir
l’innovation
pédagogique
et renforcer
l’attractivité
de la recherche
en France
Objectifs
n Financer, sur appels à projets, des équipements de recherche, en ciblant
notamment les domaines prioritaires définis par la stratégie nationale de
recherche et d’innovation (SNRI), ainsi que des projets pédagogiques innovants
dans l’enseignement supérieur.
n Instituer des bourses permettant d’attirer ou de faire revenir en France des
post-doctorants et des chercheurs de renommée internationale.
NB : Les établissements ou groupements d’établissements bénéficiaires de l’action 1 (relative aux campus d’excellence) ne pourraient pas candidater aux procédures de la présente action. Ils resteraient naturellement éligibles aux autres
sources de financement existantes (notamment les appels d’offres de l’ANR).
Enjeux
n Les moyens traditionnels de financement des universités et organismes de
recherche (budgets récurrents et financements nationaux ou européens sur
appels à projets) permettent difficilement de financer :
– l’acquisition d’équipements de recherche de taille moyenne, dits « mi-lourds »
(plusieurs centaines de milliers à quelques millions d’euros) ;
– des équipements ou projets pédagogiques innovants (numérisation de fonds
documentaires, développement de l’enseignement numérique à distance,
enseignements novateurs sur les systèmes complexes ou l’ingénierie des
connaissances, etc.).
n Cette situation a conduit à un sous-investissement en équipements et bases de données nécessaires pour une utilisation sur longue période, pénalisant
les chercheurs concernés et atténuant l’attractivité des centres de recherche
français. Elle réduit également l’accès à la connaissance et ne permet pas aux
établissements d’enseignement supérieur d’être à la pointe des avancées technologiques en termes de télé-enseignement.
n L’accueil de chercheurs et d’enseignants-chercheurs de haut niveau venant
de l’étranger témoigne de l’attractivité d’un pays au plan international. Dans ce
contexte, les conditions d’environnement et les moyens mis à leur disposition
pour conduire leur projet sont un facteur décisif de choix pour les meilleurs
candidats. L’accueil temporaire ou définitif des meilleurs scientifiques au plan
international permet, outre des retombées en termes d’image, de renforcer le
potentiel de recherches novatrices et de structurer dans la durée de nouvelles
thématiques.
n Le séjour post-doctoral à l’étranger des jeunes chercheurs français ou étrangers ayant soutenu leur thèse en France représente un atout majeur dans leur
parcours scientifique. Le retour en France de ces jeunes chercheurs est essentiel, tant pour le développement d’actions de recherche aux enjeux d’avenir
que pour la consolidation d’initiatives menées avec des pays étrangers.
60
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
Atouts
n L’Agence nationale de la recherche (ANR), créée en 2005, est habituée à gérer
des procédures d’appels d’offres compétitifs et le cas échéant mettre en place
les jurys de sélection compétents.
n L’existence d’une stratégie nationale de recherche et d’innovation1 ayant
dégagé trois axes prioritaires permet, tout en restant le cas échéant ouvert à
des propositions très novatrices sur d’autres sujets, d’orienter les efforts d’investissement sur :
– la santé, l’alimentation et les biotechnologies ;
– l’information, la communication et les nanotechnologies ;
– l’urgence environnementale et les écotechnologies.
n En matière de programmes d’attractivité dans la recherche, la France peut
s’appuyer sur de premières expériences encourageantes lancées par l’ANR :
– le programme « Chaires d’excellence » a pour objectif d’attirer en France des
chercheurs d’âge variable, étrangers ou français expatriés, de très haut niveau.
Ce programme leur offre, avec le concours des établissements et organismes
d’accueil, des moyens substantiels (de 500 k€ à 1 M€ par chaire au maximum)
pour constituer une équipe et réaliser un projet ambitieux dont un impact visible est attendu2. L’ANR a ainsi attribué 35 M€ à 78 chaires d’excellence au cours
des quatre dernières années ;
– le programme « Retour post-doctorants », mis en place en 2009, a pour objectif de faciliter le retour en France de jeunes chercheurs ayant effectué un séjour
post-doctoral à l’étranger et dont les travaux témoignent d’un niveau d’excellence déjà reconnu au plan international. Les lauréats se voient offrir, pendant
une durée maximale de trois ans, les moyens appropriés pour poursuivre sur
le territoire national leur projet de recherche. Pour la première édition de ce
programme, plus d’une centaine de dossiers de candidature ont été soumis à
l’ANR, dont seuls 27 ont pu être financés, pour un montant total de 12,5 M€3.
Faiblesses
n En l’absence de sources de financement exceptionnel pour doter les centres
de recherche et d’enseignement de haut niveau en équipements et en outils
innovants, les laboratoires et établissements français risquent de décrocher
dans la compétition mondiale.
n Les principales universités étrangères proposent des crédits d’équipement
d’accueil (start-up funds), permettant aux professeurs recrutés de monter leur
laboratoire. L’insuffisance de sources de financement pour les équipements est
donc un frein important au recrutement de chercheurs de talent et au maintien en France des meilleurs chercheurs, porteurs de projets prometteurs et
onéreux, dans un contexte de compétition internationale. Cette faiblesse peut
(1) La Stratégie nationale de
recherche et d’innovation (SNRI) a
été initiée en septembre 2008. Ce
travail a mobilisé 600 chercheurs
et représentants de la société civile
pendant le premier semestre de
l’année 2009 pour analyser les
performances de notre système de
recherche.
(2) Le programme « Chaires
d’excellence » fonctionne par
appels à projets ouverts à toutes
les disciplines de recherche, qui
visent à financer, sur la durée du
projet (18 à 48 mois), des dépenses
d’équipement, de fonctionnement
et de personnels recrutés sur
contrat à durée déterminée (postdoctorants notamment).
(3) L’aide financière apportée par
l’ANR, plafonnée à 700 000 €, peut
couvrir tout ou partie du salaire
du jeune chercheur, ainsi que les
charges associées à la constitution
d’une petite équipe.
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
61
également nuire à l’attractivité des établissements d’enseignement supérieur
français par rapport à leurs concurrents internationaux.
n La majorité des bacheliers poursuivent des études supérieures après l’obtention de leur baccalauréat : 98 % des bacheliers généraux, 78 % des bacheliers technologiques et 23 % des bacheliers professionnels s’inscrivent dans le
supérieur, long ou court. Pourtant, autour de 20 % d’entre eux quittent l’enseignement supérieur sans diplôme, selon la dernière enquête « Génération » du
Céreq.
n En matière d’attractivité internationale, les moyens de l’ANR ne lui permettent pas de faire monter en puissance les dispositifs qu’elle propose, alors que
les candidatures sont nombreuses. De plus, les procédures actuelles gérées
par cette agence ne permettent pas toujours une mobilisation suffisamment
rapide de paquets d’accueil susceptibles de convaincre un professeur de
renommée internationale de s’installer en France. Il s’agit donc à la fois de
permettre le financement d’un plus grand nombre de bourses d’excellence
et une plus grande réactivité, qui passe par une autonomie accrue accordée
aux institutions bénéficiaires.
Montant et modalités d’action
n La Commission propose de doter l’Agence nationale de la recherche (ANR)
d’un capital de 2 Md€, réparti entre deux fonds non consomptibles :
– un fonds de 1 Md€ spécifiquement dédié au financement d’équipements de
recherche, de bases de données et de projets pédagogiques innovants ;
– un fonds de 1 Md€ finançant des bourses d’attractivité, qui permettrait de
changer d’échelle en doublant les moyens consacrés à cet objectif.
1. Le fonds « équipements et projets pédagogiques innovants »
n Une logique d’appel à projets visant à financer les projets d’excellence les
plus innovants permettrait une sélectivité adaptée, opérée par l’ANR.
n Les équipements, bases de données et projets pédagogiques retenus
devraient être pour l’essentiel ciblés sur les priorités définies dans la SNRI, afin
de capitaliser sur les axes de développement de la recherche à privilégier. Pourraient également être retenus des projets visant à réduire le taux d’échec des
étudiants en premier cycle universitaire.
n Des établissements publics pourraient concourir aux appels à projets
organisés par l’ANR dans ce cadre, sous réserve de proposer des projets pouvant bénéficier à des étudiants ou à des chercheurs (par exemple en matière de
numérisation de bases de données ou de fonds bibliographiques).
62
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
2. Le fonds « attractivité des établissements d’enseignement supérieur
et de recherche »
n Ce second fonds serait également géré par l’ANR, appuyée le cas échéant par
un comité spécial. Il se substituerait aux dispositifs existants de l’agence. Les
moyens de l’ANR se trouveraient ainsi renforcés, ce qui lui permettrait d’accroître le financement de ses autres activités (programmes de recherche dans les
priorités de la SNRI, soutien aux Instituts Carnot, etc.).
n L’ANR procéderait, à intervalles réguliers, à une sélection compétitive
d’établissements ou de groupements d’établissements (indépendamment
de leur statut : universités, PRES, grandes écoles, fondations de coopération
scientifique…), sur la base d’un appel à candidatures. Elle s’appuierait pour cette
sélection sur la qualité de leur projet pédagogique et scientifique, sur
l’excellence du laboratoire d’accueil envisagé pour les chercheurs internationaux (mesurée notamment à partir des évaluations nationales et internationales existantes le cas échéant) et sur l’ambition des recrutements envisagés.
n L’ANR notifierait alors aux bénéficiaires un montant plafond pluriannuel
(par exemple sur une durée de quatre ans) disponible pour verser des bourses
d’excellence à des chercheurs étrangers ou à des post-doctorants ayant quitté
la France et souhaitant y revenir4.
n Les sommes (d’un montant unitaire maximal de 1,5 M€) seraient versées par
l’ANR dès notification de l’acceptation d’un candidat (sous réserve que celui-ci
respecte l’exigence de qualité des recrutements permis par ce fonds) et seraient
libres d’emploi pour une durée maximale de quatre ans. Elles permettraient
ainsi de financer à la fois le salaire du chercheur sous contrat, les charges associées
à la constitution d’une petite équipe (techniciens de laboratoire, doctorants,
post-doctorants…), des petits équipements si nécessaire, etc.
Type de retour attendu et gouvernance
n La rentabilité de ces investissements est d’ordre socio-économique.
n Les appels à candidatures périodiques pour les deux fonds seraient portés
par l’ANR. Un comité spécial d’expertise pourrait l’assister pour le second fonds,
afin de fixer les critères de sélection et garantir l’excellence des projets retenus. Dans les deux cas, tous les établissements d’enseignement supérieur et/
ou opérant de la recherche en France, ainsi que leurs groupements, seraient
éligibles, sans conditions statutaire ni de tutelle spécifiques. La seule restriction
concerne les groupements d’établissements retenus dans le cadre de l’action 1,
qui bénéficieraient déjà à ce titre de financements conséquents.
n Les actions financées seraient inscrites sur des lignes budgétaires distinctes
de la programmation de l’agence, qui ne seraient pas susceptibles d’être redéployées vers d’autres dépenses par son conseil d’administration. Les sommes
affectées à ces fonds ne seraient pas consomptibles, seuls les intérêts générés
permettant de financer les opérations retenues.
(4) La somme des plafonds
notifiés aux différents
bénéficiaires doit correspondre
aux intérêts générés par le fonds
sur la période.
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
63
n L’ANR procèderait à une évaluation annuelle a posteriori de l’utilisation des
fonds attribués. En cas de sous-utilisation manifeste ou d’application inadaptée
de l’enveloppe attribuée, l’agence aurait la possibilité de réviser périodiquement le montant alloué à un bénéficiaire du programme « attractivité », afin de
financer des chaires d’excellence dans d’autres établissements.
n L’ANR doit également pouvoir, en concertation avec ses tutelles, réviser la
répartition du capital apporté par l’emprunt national entre les deux fonds créés
par la présente action s’il s’avère, après évaluation périodique des résultats
obtenus, que l’un des deux objectifs nécessite des moyens plus importants.
64
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
ACTION 3
Objectifs
n Rassembler des moyens importants sur le développement de quelques
(4 à 6) « campus d’innovation » technologique, organisés sur un site unique autour d’instituts de recherche technologique de dimension mondiale, afin de dynamiser l’innovation et de permettre à la France d’atteindre
l’excellence dans des secteurs clés d’avenir.
n Professionnaliser la protection et la valorisation des résultats de la recherche
publique par la constitution d’équipes de haut niveau, ainsi que le financement
de la « preuve de concept » et de l’accélération du transfert de technologie dans
les sociétés de valorisation des PRES, des fondations de coopération scientifique et des organismes de recherche nationaux.
n Inciter les Instituts Carnot à accroître leurs activités en coopération avec des
entreprises et à rechercher des cofinancements européens.
Enjeux
Créer quelques
campus
d’innovation
technologique
de dimension
mondiale et
mieux valoriser
les résultats de
la recherche
publique
1. Constitution de campus d’innovation de taille mondiale
n L’effort dans la recherche technologique constitue un enjeu stratégique,
puisqu’elle permet de valoriser les connaissances issues de la recherche fondamentale pour imaginer des produits innovants conduisant à des applications
industrielles et créant de la valeur économique. Or la recherche technologique
nécessite des investissements conséquents dans des plateformes coopératives
public-privé, afin d’atteindre la masse critique permettant de s’imposer dans la
compétition mondiale.
n L’enjeu consiste ainsi à induire une transformation significative et à forte
valeur ajoutée dans la capacité à développer simultanément recherche appliquée, formation et innovation sur quelques sites en France. Cette dynamique
repose sur l’agrégation, sur un site unique, de compétences interdisciplinaires
de haut niveau (y compris dans les sciences humaines et sociales) et alliant
enseignement supérieur, recherche et développement industriel. Elle peut
nécessiter le déplacement de structures existantes, afin de concentrer géographiquement compétences et moyens.
n Le développement de campus d’innovation nécessite donc un soutien
public important, concentré sur un petit nombre de centres de dimension mondiale. L’enjeu est de susciter, dans ces creusets d’innovation géographiquement
délimités, des dynamiques cohérentes de campus d’excellence et de pôles de
compétitivité mondiaux, complétées par la création d’instituts de recherche
technologique de stature internationale cofinancés par les industriels concernés. Ces écosystèmes pourraient alors jouer un rôle moteur dans des réseaux
de recherche partenariale internationaux.
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
65
Illustration : des modèles analogues de « campus d’innovation » sont développés dans plusieurs pays, par exemple :
– le technopôle Tiger-M en Bavière, qui s’est construit en regroupant les moyens
de deux universités réputées, de grands laboratoires de recherche, d’une centaine d’entreprises de biotechnologies et de cinq multinationales (notamment
dans la pharmacologie), et qui se concentre sur les biomarqueurs et les protéines thérapeutiques ;
– l’ITRI à Taïwan, qui a notamment généré par essaimage les deux leaders
mondiaux de la fonderie silicium (usines géantes de production de masse des
puces de silicium les plus complexes) ;
– le campus AIST de Tsukuba au Japon, qui regroupe sur un même campus plus
de 60 universités et centres de recherche autour des nouvelles technologies de
l’information et de la communication ;
– en France, le laboratoire d’électronique et des technologies de l’information
(Leti) du CEA à Grenoble est un institut de recherche technologique qui figure
parmi les principaux mondiaux dans le domaine de la micro et la nanoélectronique. Avec ses 400 brevets déposés par an, il irrigue en innovations technologiques plusieurs centaines d’entreprises françaises et a essaimé dans une
trentaine de jeunes pousses. Son maintien dans le peloton de tête mondial a
nécessité des investissements importants et le rassemblement des compétences académiques, technologiques et industrielles dans un pôle d’innovation
(Minatec), incarné désormais par un pôle de compétitivité mondial très dynamique (Minalogic). Ce pôle rassemble, sur 20 hectares autour du Leti, l’enseignement supérieur, avec trois écoles d’ingénieurs, des laboratoires académiques
communs au CEA, au CNRS et aux universités locales, une pépinière d’entreprises cogérée avec les collectivités locales et un centre d’animation.
2. Amélioration de la protection et de la valorisation de la recherche
publique
(5) Il s’agit d’un rapport établi sous
la supervision d’Henri Guillaume,
qui examine les retombées
économiques de la recherche
publique à travers les contrats
avec les entreprises, la gestion
des brevets, les « jeunes pousses »
et la mobilité des chercheurs
vers l’industrie. Sur l’ensemble
de ces points, les performances
françaises s’avèrent médiocres par
comparaison avec les principaux
pays de l’OCDE et ont peu progressé
depuis dix ans.
66
n La recherche doit s’inscrire dans une logique d’innovation dans des secteurs
d’activités où la capacité des entreprises françaises à convertir les résultats
de la recherche en avantages économiques est importante. Le paysage de la
propriété intellectuelle connaît une mutation considérable au plan mondial,
avec un accroissement substantiel des brevets et de leur reconnaissance par
le marché en tant qu’actifs valorisables financièrement. De nouveaux métiers
sont apparus (banques d’affaires spécialisées, vente aux enchères de brevets,
fonds d’investissements, sociétés d’invention) et un marché boursier de la
propriété intellectuelle est annoncé pour l’année 2010.
n Pour passer de la découverte à l’innovation puis à la création de richesse,
il est nécessaire, au-delà de la recherche fondamentale, d’encourager les phases suivantes de valorisation. Or les scientifiques français s’y intéressent insuffisamment aujourd’hui, ainsi que le montre un rapport de janvier 20075 faisant
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
état de déficiences importantes dans les stratégies de valorisation mises en
œuvre dans les universités. Une modification des critères d’évaluation des
scientifiques serait ainsi souhaitable en complément des propositions formulées
dans la présente action, afin de mieux prendre en compte l’activité de ceux qui
accompagnent la valorisation de leur découverte et travaillent avec les acteurs
socio-économiques susceptibles d’y être intéressés.
n Les sociétés de valorisation existantes ou en cours de création en France
ont donc besoin de moyens importants pour exercer plus efficacement leurs
missions.
3. Renforcement de la recherche partenariale
n Le développement de la recherche partenariale public-privé, insuffisante en
France, constitue une priorité pour favoriser l’innovation, en particulier au sein
des PME.
n Les Instituts Fraunhofer en Allemagne alimentent ainsi en innovations
technologiques protégées l’important tissu de PME industrielles allemandes et
peuvent constituer un modèle pour nos Instituts Carnot.
Atouts
n La France dispose d’atouts importants dans plusieurs domaines technologiques de pointe (notamment les nanotechnologies, l’intégration de
systèmes complexes, l’aéronautique et le spatial, les technologies de santé,
les biotechnologies, etc.), dans lesquels elle peut acquérir ou conforter une
position dans le peloton de tête mondial dans la décennie à venir, sous réserve
d’investissements importants et concentrés sur des infrastructures de recherche technologique.
n L’existence de pôles de compétitivité mondiaux a permis de faire émerger
des thématiques et des territoires susceptibles de lutter efficacement dans la
compétition internationale.
n Les pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) qui se constituent
progressivement depuis 2006 ont vocation à fédérer des universités, grandes
écoles et organismes de recherche. Ils permettent d’accroître la visibilité internationale et d’attirer ou de susciter la création d’entreprises innovantes, grâce
notamment à la création de filiales de valorisation.
n Les organismes de recherche se sont dotés de filiales de valorisation et
d’accélération du transfert de technologie permettant de faire mûrir des
projets innovants et de protéger les résultats de leur recherche.
n L’ANR possède une expérience dans la valorisation depuis la mise en place
du programme « Émergence » (26,3 M€ entre 2005 et 2008), qui soutient la
maturation de projets de biotechnologie issus du monde académique à fort
potentiel de valorisation, avant tout partenariat industriel. Dans le cadre de
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
67
ce programme, l’ANR soutient les développements technologiques et les études complémentaires visant à consolider la preuve de concept, la protection
intellectuelle et industrielle, et l’exploitation des découvertes et des inventions.
Ces étapes sont en effet indispensables pour faciliter la valorisation et donner
toutes les chances à ces découvertes et inventions de devenir de réelles innovations, grâce à un transfert vers un partenaire industriel ou à la création d’une
entreprise à un stade attractif pour les investisseurs.
n L’existence de 33 Instituts Carnot, laboratoires publics de recherche labellisés pour une durée de quatre ans et bénéficiant d’abondements de l’ANR en
fonction du montant des contrats de recherche financés par des acteurs privés,
constitue une avancée significative pour favoriser la recherche partenariale.
Faiblesses
n La recherche technologique doit progresser dans notre pays :
– la France est un retard dans la valorisation de sa recherche et dans le développement de solutions technologiques et industrielles nouvelles, susceptibles de
permettre la création d’activité et d’emplois industriels à forte valeur ajoutée ;
– elle dispose d’un bon niveau de recherche fondamentale mais n’est pas toujours capable de la valoriser ni d’en tirer un profit financier. Dans le domaine
des nanotechnologies par exemple, la France produit chaque année plus de
publications que la Corée du Sud (3 530 contre 3 160 en 2006) mais dépose huit
fois moins de brevets (290 contre 2 160 en 2005) ;
– les moyens financiers publics ont tendance à être partagés entre un nombre important d’acteurs du fait de la difficulté à fixer des priorités claires et à
soutenir et renforcer les éléments d’excellence, pourtant seuls capables de
trouver leur place dans la compétition mondiale.
n La protection et la valorisation des résultats de la recherche publique sont
insuffisantes en France :
– les structures existantes sont sous-dotées par rapport à leurs besoins et aux
budgets de leurs concurrentes dans les autres pays de l’OCDE et doivent parfois élever significativement leur niveau de compétence pour s’aligner sur les
standards internationaux ;
– les structures de valorisation existant au niveau des universités n’atteignent
généralement pas la taille critique suffisante.
n Les Instituts Carnot disposent de moyens limités (60 M€ en 2009) en comparaison de ceux des Fraunhofer en Allemagne.
n Le taux de PME faisant de l’innovation, mesuré par Eurostat (autour de 40 %),
place la France dans une position médiocre (plus de 60 % en Allemagne par
exemple). Or les Instituts Carnot sont davantage incités à réaliser des activités
de recherche pour le compte d’entreprises qui les sollicitent et les financent
directement qu’à mener des démarches de prospection, notamment auprès de
68
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
PME moins spontanément innovantes en leur proposant d’élaborer un projet
communautaire conjoint6.
Montant et modalités d’action
1. Constitution de campus d’innovation de taille mondiale
n La Commission propose de constituer un jury indépendant pour sélectionner les quelques (quatre à six) campus d’innovation de dimension mondiale à
financer, en partenariat avec les acteurs industriels et les collectivités locales
concernés.
n Pour ce faire, une dotation consomptible de 2 Md€ pourrait être faite au
bénéfice de l’Agence nationale de la recherche (ANR) pour qu’elle organise en
pratique et assure la gestion administrative du cofinancement de la constitution de ces campus technologiques d’excellence. Elle serait chargée dans ce
but, en concertation avec les ministères concernés, de constituer un jury international divers, composé d’experts reconnus dans les domaines scientifiques,
technologiques et industriels, chargé de la sélection des campus.
n Plusieurs critères devraient être fixés dans l’appel à projets. Les projets de
campus d’innovation ne pourraient être retenus que :
– s’ils visent une position dans le peloton de tête mondial dans un domaine
scientifique ou technologique d’avenir à finalité industrielle ;
– s’ils sont présentés conjointement par des établissements ou groupements
d’établissements d’enseignement supérieur, des laboratoires publics, des
collectivités territoriales et des industriels regroupés autour d’un pôle de
compétitivité mondial ;
– si la part de financement de l’État dans l’ensemble du projet est inférieure à
50 % ;
– s’ils couvrent l’ensemble du processus d’innovation, à savoir la recherche
fondamentale, la recherche technologique et la recherche industrielle ;
– s’ils prévoient le regroupement d’une masse critique suffisante de moyens
et de compétences d’excellence (au moins 1 000 « technologues », chercheurs
ou ingénieurs) sur un même lieu physique (rayon géographique de l’ordre de
1 km), condition indispensable pour assurer la visibilité internationale de ces
campus et pour favoriser l’émulation collective (« effet cafétéria »).
n Les sommes allouées permettraient de financer à la fois la création d’instituts
de recherche technologique, des incitations et un accompagnement en matière d’innovation et de valorisation socio-économique des découvertes jusqu’à
la coopération industrielle, ainsi que des équipements et des constructions de
recherche.
n Aucune condition de statut ni de tutelles ne serait fixée aux établissements
(6) Ainsi que le montre le rapport de
l’Inspection générale des finances
sur l’accès des PME au programme
cadre pour la recherche et le
développement technologique
(PCRDT), publié en mars 2009.
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
69
d’enseignement supérieur, groupements d’établissements et organismes de
recherche (établissements publics de coopération scientifique, fondations de
coopération scientifique, PRES…) candidats, le seul critère étant l’excellence et
la capacité à porter un projet permettant d’acquérir une visibilité internationale.
Type de financement : subvention versée aux opérateurs locaux désignés par
les partenaires des projets de campus d’innovation retenus par le jury constitué
par l’ANR. Le bénéficiaire peut, selon les cas, être un opérateur public, un pôle
de compétitivité mondial ou une structure coopérative souple, mais devra dans
tous les cas disposer des compétences et moyens nécessaires pour mettre en
œuvre le projet retenu.
Cofinancement : cofinancements privés et des collectivités locales systématiques, à hauteur de 50 % au moins du budget total des projets ; cofinancements
européens sollicités.
2. Amélioration de la protection et de la valorisation de la recherche
publique
n La Commission propose de constituer un fonds national de valorisation
des projets innovants, doté en capital de 1 Md€. Ce fonds aurait pour objet de protéger et valoriser les résultats de la recherche publique, ainsi que
d’accélérer les transferts de technologie entre la recherche fondamentale et les
entreprises.
n Grâce à ses interventions, la recherche publique française pourrait mieux
protéger ses inventions, en déposant davantage de brevets, et susciter la création de jeunes entreprises innovantes en plus grand nombre. Le fonds ainsi
constitué permettrait à la fois de combler le déficit d’investissement dans la
phase de maturation des projets, maillon insuffisamment financé de la valorisation en France, et de contribuer à la professionnalisation et à la mutualisation
des dispositifs d’accompagnement du transfert de technologie.
n Ce fonds national serait porté par l’ANR mais serait distinct de sa programmation habituelle et non utilisable à une autre fin par le conseil d’administration
de l’agence. Il permettrait deux types d’intervention :
– des dotations à vocation géographique, sur appel à candidatures, des structures régionales de valorisation et d’accélération du transfert de technologies
mises en place au sein des PRES ou des fondations de coopération scientifique,
qui devront se mettre au service des pôles de compétitivité ;
– des dotations de nature thématique aux filiales de valorisation des organismes de recherche nationaux ou à des structures ad hoc (par exemple dans le
secteur des nanotechnologies). Les bénéficiaires devraient le cas échéant offrir
leurs services aux alliances thématiques en cours de constitution, afin d’accompagner la constitution de portefeuilles de brevets par grands champs discipli-
70
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
naires. Ces sociétés de valorisation et d’accélération de transfert de technologie
devraient également conduire une veille stratégique sur les grands secteurs de
l’innovation, offrir des services de négociation de licences aux structures locales
et augmenter leur capacité de financement de l’amorçage de jeunes pousses.
n Le fonds pourrait prendre des participations dans des structures de valorisation à hauteur de 10 % de son capital initial chaque année au maximum, jusqu’à
épuisement de ses capacités. L’objectif est en effet que les structures de valorisation atteignent un équilibre financier après une dizaine d’années, grâce aux
revenus générés par les licences concédées et par les prises de participation
dans des jeunes pousses, ainsi le cas échéant que grâce à un soutien financier
pérenne versé par les établissements ou organismes de recherche, les collectivités locales et/ou l’Union européenne.
n Le fonds pourrait s’engager à verser aux bénéficiaires une dotation pluriannuelle, dont le montant annuel serait modulé en fonction de l’atteinte
d’objectifs précis, mesurés par des indicateurs fiables (nombre de projets détectés, sélectionnés accompagnés, entreprises créées, licences signées…).
n Seules les structures de valorisation répondant à un cahier des charges précis
seraient éligibles à une dotation du fonds national :
– les sociétés retenues doivent devenir le guichet unique pour les chercheurs
et les entreprises sur un territoire ou pour une thématique donnée à l’échelle
nationale, idéalement en se substituant aux dispositifs existants (notamment
les structures de valorisation des universités faisant partie du PRES et les
structures locales des organismes de recherche) ;
– tous les bénéficiaires doivent financer et accompagner la maturation de projets à fort potentiel, puis les valoriser sous forme de licences ou de création
d’entreprises ;
– les sociétés retenues peuvent accueillir des actionnaires minoritaires
(collectivités locales, filiales de valorisation d’autres institutions, Caisse des
dépôts, investisseurs privés…).
3. Renforcement de la recherche partenariale
n La Commission propose de constituer, au sein de l’ANR, un fonds non
consomptible doté de 500 M€, afin de soutenir le développement des Instituts
Carnot, éléments majeurs de renforcement de la recherche partenariale.
n Les intérêts générés permettraient de compléter le financement de ces laboratoires de recherche labellisés, en abondant prioritairement les contrats financés par le programme-cadre européen pour la recherche et le développement
technologique. Outre l’effet de levier ainsi permis, un tel abondement inciterait
davantage d’entreprises françaises, et notamment de PME, à s’engager dans
une démarche de recherche partenariale et à innover.
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
71
Type de retour attendu et gouvernance
1. Constitution de campus d’innovation de taille mondiale
n Le retour attendu est principalement d’ordre socio-économique mais serait
aussi indirectement financier, du fait du développement de l’activité économique escompté.
n Gouvernance : création d’un fonds « campus d’innovation » au sein de l’ANR,
chargée de lancer les appels à candidatures (avec comité de sélection indépendant) pour subventionner les projets présentés.
n Chaque projet retenu se verrait fixer des objectifs globaux et des indicateurs
de suivi, adaptés aux actions envisagées. Un suivi de la réalisation des objectifs
de chaque campus serait assuré à intervalles réguliers.
2. Amélioration de la protection et de la valorisation de la recherche
publique
n La rentabilité serait à la fois socio-économique et potentiellement économique (revente de jeunes pousses et redevances liées aux brevets déposés).
L’objectif est d’atteindre un modèle économique autosuffisant pour les sociétés
de valorisation ainsi dotées à horizon d’une dizaine d’années.
n Un comité de sélection composé d’experts, choisis pour leur expérience dans
le domaine de la valorisation de la recherche et du capital-risque, serait constitué au sein de l’ANR et chargé de donner un avis sur les structures financées,
ainsi que la modulation annuelle des dotations versées.
3. Renforcement de la recherche partenariale
n La rentabilité serait à la fois socio-économique et potentiellement économique. L’effet de levier pourrait être important en termes de financements
communautaires.
n Le fonds, non consomptible, serait géré par l’ANR. Il serait distinct de sa
programmation habituelle et ne serait pas utilisable à une autre fin.
72
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
ACTION 4
Objectifs
n Accélérer la création d’internats d’excellence pour le lycée et les filières sélectives du supérieur (classes préparatoires aux grandes écoles, instituts universitaires de technologie et sections de techniciens supérieurs), afin d’y favoriser la
mixité sociale et de genres.
n Contrer la désaffection des jeunes pour les études scientifiques et mathématiques et rapprocher la science du citoyen, afin de renforcer la capacité de
raisonnement et d’innovation et la qualité de la recherche scientifique en
France à long terme.
Enjeux
Favoriser
l’égalité d’accès à
l’enseignement
supérieur et
susciter l’intérêt
pour les sciences
dès le plus
jeune âge
1. Égalité d’accès à l’enseignement supérieur
n L’éducation est un levier majeur de croissance économique. Or l’origine
sociale et l’environnement familial, qui peuvent constituer des handicaps
susceptibles de raccourcir la durée d’études, jouent un rôle décisif en matière
de réussite scolaire.
n La reproduction sociale des élites est une réalité statistique, comme en
atteste le graphique ci-dessous7.
Accès aux études supérieures en fonction
de la catégorie socio-professionnelle de la famille
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
Agriculteurs,
artisans,
commerçants
et chefs
d'entreprise
Cadres et
professions
intellectuelles
supérieures
Total enseignement supérieur
Professions
intermédiaires
Employés
Classes préparatoires
Ouvriers
Retraités
et inactifs
Population française
n Le développement d’internats d’excellence et d’internats dans l’enseignement supérieur constitue un outil de réussite éducative et de lutte contre les
inégalités sociales et territoriales :
– il permet d’aider les jeunes issus des quartiers sensibles à s’engager dans des
formations longues et qualifiantes en leur offrant une solution de logement ;
– il offre aux jeunes un cadre structurant, avec une prise en charge à coût très
(7) Source : ministère de
l’enseignement supérieur et de la
recherche, 2008.
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
73
modéré de leurs besoins matériels (pension complète) et immatériels (accès au
numérique, à un centre de documentation ou à une bibliothèque) ;
– il supprime ou réduit les coûts et temps de transport ;
– l’internat est articulé à un projet pédagogique et éducatif qui permet au jeune d’exprimer son potentiel : tutorat, suivi scolaire personnalisé, compléments
disciplinaires, ouverture culturelle et à l’actualité, prise en charge par des spécialistes de l’orientation, des assistants sociaux et des médecins psychologues.
2. Intérêt pour les sciences
n De nombreuses études ont mis en évidence un déclin progressif de l’intérêt
des jeunes pour les études scientifiques8 et mathématiques, alors que les compétences que celles-ci permettent d’acquérir sont essentielles pour assurer le
dynamisme d’une économie de la connaissance.
n Ce déclin est particulièrement sensible chez les femmes, qui représentent
désormais moins de 30 % des diplômés en sciences et mathématiques.
n Il est plus généralement important de doter tous les citoyens d’une
culture scientifique et d’une attitude positive envers la science. Les connaissances scientifiques jouent en effet un rôle important dans la compréhension
des enjeux environnementaux, médicaux et économiques d’une complexité
croissante auxquels sont confrontées nos sociétés modernes.
n Ainsi que cela a été souligné par le groupe de haut niveau sur l’enseignement
scientifique mis en place par la Commission européenne en 2007, il est vital
de pouvoir former et retenir en Europe des scientifiques et ingénieurs de haut
niveau afin d’assurer notre développement économique et technologique
futur.
n Une évolution dans l’enseignement et la présentation des sciences au grand
public, en s’appuyant davantage sur une démarche d’investigation qui laisse
plus de place à l’observation et à l’expérimentation, constitue le meilleur moyen
d’accroître l’intérêt et la culture scientifiques, ainsi que le nombre d’étudiants et
étudiantes en sciences.
Atouts
n Le dispositif « Internats d’excellence », lancé dans le cadre de la dynamique
Espoir banlieues, a permis de labelliser 1 653 places dans 259 établissements en
2008-2009. Ces expériences valident l’intérêt de cette formule pour favoriser la
mixité sociale :
(8) Plus précisément les sciences
physiques et chimiques, les sciences
de la vie et de la terre, ainsi que
les sciences et technologies
informatiques.
74
– le nombre important de candidatures des familles pour inscrire leurs enfants
dans l’internat d’excellence qui vient d’ouvrir ses portes à Sourdun (274 demandes, 120 candidatures retenues) témoigne d’une forte demande potentielle ;
– la création de parcours sécurisés d’accès aux filières d’excellence est indis-
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
pensable pour atteindre l’objectif de porter à 50 % d’une classe d’âge le taux
de diplômés de l’enseignement supérieur en 2012. Le dispositif « Cordées de la
réussite » constitue à cet égard un levier de lutte contre l’autocensure, en aidant
les jeunes issus des quartiers sensibles à s’engager dans des formations longues
qualifiantes9.
n La France dispose d’avantages et de points d’appui pour favoriser la diffusion
d’une culture scientifique :
– la proportion d’étudiants en mathématiques et en sciences de l’ingénieur
reste comparativement élevée en France, grâce notamment à la qualité de
l’enseignement supérieur dans ces matières et à l’attrait des grandes écoles
scientifiques ;
– nos grands établissements culturels scientifiques peuvent jouer un rôle majeur dans l’éducation informelle et l’éveil du goût pour les sciences, autour notamment de la Cité des sciences et de l’industrie et du Palais de la découverte
(qui vont fusionner pour former le « musée du XXIe siècle »), du Muséum d’histoire naturelle ou du musée des arts et métiers. Avec près de 15 millions de
visiteurs chaque année en cumulé, ils disposent de la crédibilité et du savoirfaire pour concevoir et développer des outils nouveaux de sensibilisation et de
formation à l’actualité des enjeux scientifiques pour les différents publics, mais
aussi pour les enseignants et médiateurs scientifiques ;
– née en 1996 à l’initiative de l’Académie des sciences, l’opération La main à la
pâte vise à rénover et développer l’enseignement de science et technologie à
l’école primaire. Elle préconise une pédagogie d’investigation associant exploration du monde, apprentissages scientifiques, expérimentation et raisonnement, permettant à chaque enfant de développer curiosité, créativité et esprit
critique ;
– depuis 2000, un réseau de centres pilotes visant à promouvoir cet enseignement scientifique fondé sur l’investigation s’est développé. Le projet européen
Pollen, qui a permis de créer des « villes pépinières de sciences » dans douze
pays depuis 2006, entre dans la même logique et alimente cette dynamique ;
– dans le sillage de La main à la pâte, un enseignement scientifique intégré
(sciences de la vie et de la terre, physique-chimie et technologie) est expérimenté dans des collèges volontaires depuis 2006. Une évaluation de cette
expérimentation a montré son efficacité ;
– diverses autres initiatives ont été développées au cours des dernières
années pour diffuser la culture scientifique et technique auprès du public, et
notamment des jeunes : réseau des centres de culture scientifique, technique
et industrielle (CCSTI), ouverture de l’Exploradôme à Vitry-sur-Seine en octobre
2009, actions de la Fondation C. Génial, etc.
(9) Ces partenariats entre des
établissements d’enseignement
supérieur, des lycées avec classes
préparatoires aux grandes
écoles (CPGE) et des lycées situés
notamment dans les quartiers
prioritaires, se déclinent en actions
de tutorat et de sensibilisation. Ce
dispositif a permis à plus de 30 % de
boursiers d’être admis en CPGE lors
de la rentrée 2009.
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
75
Faiblesses
n L’offre d’internats (environ 220 000 places) est aujourd’hui insuffisante et mal
répartie sur le territoire :
– cette situation conduit à une saturation à Paris, Grenoble, Lyon, Montpellier ou Versailles alors que le taux d’occupation est inférieur à 70 % dans les
académies de Rouen, Reims, Dijon et Clermont-Ferrand. D’après le rapport
parlementaire de M. Anciaux publié en 2008, « le parc social public (…) permet
de loger un peu moins de 8 % de l’ensemble des étudiants en France et 33 % des
étudiants boursiers de l’enseignement supérieur » ;
– parmi les craintes formulées par les jeunes des quartiers sensibles quant à la
possibilité de subvenir à leurs besoins lors d’études coûteuses, la difficulté de
se loger en centre-ville ou à proximité de leur établissement arrive en première
position ;
– les jeunes filles souffrent plus particulièrement de l’insuffisance d’internats
pouvant les accueillir.
n La France souffre d’handicaps en matière de promotion de la culture
scientifique :
– selon les données publiées par l’OCDE en mai 2006, la part d’étudiants
entrants et de diplômés en science et technologies est en recul par rapport au
nombre total d’étudiants, en particulier chez les jeunes filles ;
– l’évolution de la part des doctorants dans ces disciplines par rapport au total
place la France parmi les pays les plus mal classés au sein de l’OCDE, avec un
recul annuel moyen de plus de 4 % ;
– les différents centres de sciences existants couvrent imparfaitement le territoire national et coopèrent insuffisamment entre eux.
Montant et modalités d’action
1. Favoriser l’égalité d’accès à l’enseignement supérieur
n La Commission propose de développer des internats d’excellence et des
internats dans l’enseignement supérieur, afin d’offrir de bonnes conditions de
travail et de lutter contre le décrochage scolaire. Ces internats doivent créer une
dynamique de réussite, renforcer la mission républicaine d’égalité des chances
qu’offre l’école et permettre de favoriser la diversité sociale et de genres.
n Une dotation globale de 200 M€ permettrait à l’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) de créer, dans les académies où l’offre est aujourd’hui
insuffisante et en s’assurant d’un renforcement de la mixité, de l’ordre de :
– 5 000 places dans une dizaine d’internats d’excellence pour l’enseignement
secondaire – il pourrait s’agir d’internats dits « de projet », c’est-à-dire ancrés à
un pôle de compétitivité (sur l’environnement, le numérique ou la culture par
76
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
exemple), en donnant ainsi à chaque internat une identité qui constituera un
facteur d’attractivité et accroîtra sa mixité sociale ;
– 15 000 places d’internat pour des élèves de classes préparatoires aux grandes écoles dans les établissements publics locaux d’enseignement qui en sont
dotés, en procédant à leur extension et/ou restructuration ;
– 5 000 places dans des « internats de ville » communs à plusieurs établissements d’enseignement supérieur dans des grandes agglomérations souséquipées.
n Une dotation complémentaire de 50 M€ permettrait à l’Agence nationale
pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSE) de mettre durablement à disposition des animateurs, afin d’assurer le fonctionnement de ces
internats.
2. Susciter l’intérêt pour les sciences
La Commission propose trois actions complémentaires pour développer le
goût et l’intérêt pour les sciences :
n Donner les moyens au futur « musée du XXIe siècle » (M21) de développer un projet porteur d’avenir permettant d’assurer le rayonnement de la
culture scientifique et technique, et lui confier la tâche de coordonner les
actions encourageant l’excellence des grands établissements culturels
scientifiques (150 M€ de dotation consomptible au futur M21).
n Donner une nouvelle impulsion à la culture scientifique sur tout le territoire,
en s’appuyant sur les conclusions du forum territorial de la culture scientifique
qui doit être organisé au printemps 2010. En pratique, il s’agirait de doter le
M21 de 75 M€ pour lancer un appel à projets à destination des collectivités
locales visant à constituer sur l’ensemble du territoire un réseau d’une vingtaine
de centres de culture scientifique destinés à un public familial :
– ces centres, qui pourraient inclure des structures existantes désireuses de se
développer, auraient également vocation à fournir un soutien pédagogique
aux enseignants de sciences et à permettre des rencontres entre chercheurs et
grand public ;
– ils bénéficieraient d’une aide de l’État pour financer leur équipement et leur
aménagement initiaux mais devraient ensuite pouvoir subvenir à leurs besoins
de fonctionnement grâce à des recettes propres, du mécénat et le cas échéant
des subventions des collectivités territoriales ;
– le M21 jouerait un rôle de tête de réseau, en mutualisant les coûts de
conception et en s’appuyant sur les diverses initiatives existantes (CCSTI,
Exploradôme…).
n Charger le M21 de lancer un appel à projets visant la rénovation de l’enseignement scientifique à l’école et au collège, en concertation avec le
ministère de l’éducation nationale, en le dotant d’un fonds dédié de 25 M€.
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
77
Cet investissement doit permettre en quelques années de constituer un centre
national, plusieurs dizaines de centres de référence sur l’ensemble du territoire et un ensemble d’outils d’autoformation et de ressources pédagogiques
disponibles sur Internet.
Type de retour attendu et gouvernance
1. Favoriser l’égalité d’accès à l’enseignement supérieur
n La rentabilité de cet investissement est socio-économique. Il permettrait
à la fois de lutter contre le décrochage scolaire et de promouvoir l’accès aux
filières d’excellence des jeunes des quartiers défavorisés, et particulièrement des
jeunes filles.
n Le projet pourrait être porté par l’ANRU, sur appel à projets auprès des collectivités territoriales concernées, dès lors que celles-ci pourraient être appelées
à assumer un rôle pour la viabilisation financière de ces internats. La dotation
versée à l’ACSE serait consomptible sur une période de dix ans.
n Enfin, les financements alloués par l’emprunt national devraient permettre
de conduire une évaluation par cohortes des parcours et de l’orientation, à
prévoir dès l’intégration des élèves dans les internats.
2. Susciter l’intérêt pour les sciences
n Le futur musée M21 serait le porteur de cette action. Pour le développement
des centres de sciences en région et l’appel à projets d’enseignement innovant
des sciences à l’école, un comité de sélection ad hoc serait constitué sous la
responsabilité du M21. Ce comité permettrait de s’assurer de la qualité des projets, de l’implication du tissu académique régional et de la volonté du porteur
de projet (collectivité locale ou autre initiative régionale) de le soutenir dans la
durée. Les sommes réservées à ces actions seraient cantonnées dans des fonds
dédiés gérés par le M21 et ne seraient pas fongibles avec le budget de fonctionnement de cet établissement.
n La rentabilité escomptée est d’ordre socio-économique. La réussite de cette
action pourrait se mesurer :
– au nombre de visiteurs des grands établissements culturels scientifiques ;
– au nombre de centres de sciences créés sur le territoire et à leur fréquentation ;
– au nombre de classes ayant bénéficié de formations et ressources pédagogiques innovantes ;
– à plus long terme, à l’évolution du nombre d’inscrits dans les filières scientifiques et techniques de l’enseignement supérieur, ainsi qu’au nombre de
jeunes et à la part de jeunes filles s’engageant dans des carrières scientifiques,
78
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
capables, à terme, de participer activement à l’effort de recherche et d’innovation.
n Outre l’implication des collectivités territoriales pour les projets de centres
de sciences en région, des financements européens pourraient venir en complément des actions proposées, notamment dans le cadre des initiatives Pollen
et Sinus-Transfer.
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
79
2 AXE
E
Favoriser le
développement
des PME
innovantes
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
81
ACTION 5
Encourager
la création
d’entreprises
innovantes
Objectifs
n Mettre en place un fonds d’amorçage pour accompagner la création de PME
innovantes dans les secteurs prioritaires définis par la SNRI :
– la santé, l’alimentation et les biotechnologies ;
– l’information, la communication et les nanotechnologies ;
– l’urgence environnementale et les écotechnologies ;
n Soutenir l’innovation sociale.
Enjeux
n Permettre aux entreprises innovantes de se créer et de financer leurs projets
conditionne la vitalité et le dynamisme de l’économie française.
n La logique de partenariats public-privé est à privilégier, dès lors que la
présence au capital de PME d’un acteur renommé ou de financements publics
est de nature à rassurer des co-investisseurs et à réduire le coût de financement
des projets innovants.
n L’investissement en fonds propres permet d’influencer la gouvernance
des entités bénéficiaires, ce qui nécessite de disposer de capacités d’analyse
et d’une bonne connaissance des secteurs dans lesquels l’argent public est
investi.
n Des besoins de financement existent en matière d’innovation sociale et de
soutien à l’économie sociale et solidaire, avec un rendement socio-économique
potentiellement important si les créateurs d’entreprises sont bien accompagnés. Le développement, par des personnes rencontrant des difficultés d’insertion sociale et professionnelle, d’activités innovantes en matière par exemple
de services à la personne ou de recyclage et de valorisation des déchets, peut
permettre de répondre à des besoins sociaux ou environnementaux non ou
mal satisfaits aujourd’hui.
Atouts
n Le statut de « jeune entreprise innovante », mis en place par la loi de finances
pour 2004, apporte un soutien significatif à de jeunes entreprises très actives
en R&D et leur permet de passer le cap difficile de leurs premières années de
développement.
n La Caisse des dépôts, investisseur de long terme traditionnel des entreprises
à fort potentiel de croissance, dispose d’une filiale (CDC Entreprises) spécialisée
dans le financement en fonds propres des PME. Celle-ci représente en moyenne
35 % des fonds d’amorçage et 18 % des fonds de capital risque en France. Les
fonds financés par cette société de gestion ont investi près de 900 M€ dans
760 PME non cotées en 2008, contribuant à générer un écosystème réglemen-
82
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
taire et financier favorable au développement de jeunes entreprises innovantes.
n Le dispositif « France Investissement », fondé sur un partenariat entre la
Caisse des dépôts et des institutionnels privés, doit permettre d’investir 3 Md€
en six ans au capital des entreprises françaises.
n La Commission européenne envisage de soutenir l’innovation sociale, par
le biais des fonds structurels, et encourage l’échange de bonnes pratiques
entre pays européens. Plus de 4 000 structures d’insertion par l’activité
économique interviennent aujourd’hui en France, en employant plus de
200 000 personnes.
Illustration : Les fonds d’amorçage Emertec et Emertec 2 ont été créés respectivement en 2000 et 2005 par CDC Entreprises, en partenariat avec le CEA, et
ont été souscrits par des investisseurs des secteurs bancaire et industriel. Le
premier, doté de 23 M€, a pour objet d’investir au stade de l’amorçage dans
des sociétés qui développent des innovations majeures sur le secteur des technologies matérielles (électronique, microélectronique, matériaux et instrumentation). Le second, doté de 21 M€, finance des sociétés issues de la recherche
publique dans le domaine des micro et nanotechnologies. Un fonds analogue
a été constitué dans le domaine de l’énergie et de l’environnement (15,6 M€)
en 2003.
Faiblesses
n Malgré les différents financeurs existants, les PME peinent à financer leurs
projets les plus innovants, en raison d’horizons de retour sur investissement
jugés trop éloignés, des risques associés à ces projets et de niveaux de rentabilité appropriable par le secteur privé insuffisants.
n Ces difficultés sont renforcées par la crise financière récente, qui accroît
l’aversion au risque et restreint l’offre de crédit. Elles sont aussi accentuées
par l’instauration de nouvelles normes prudentielles internationales (Bâle 2 et
Solvabilité 2), qui réduisent l’incitation des banquiers et assureurs à investir en
fonds propres dans les entreprises.
n Le manque est particulièrement criant au stade de l’amorçage, les fonds
d’investissement privés étant peu présents sur ce segment et le secteur
bancaire n’ayant pas toujours développé l’expertise nécessaire à l’analyse des
dossiers de ce type. Or les besoins en capitaux pour développer des technologies
innovantes peuvent être particulièrement importants dans certains secteurs, notamment les énergies renouvelables et les technologies d’économie
d’énergie.
n Les organisations innovantes dans le secteur de l’économie sociale et solidaire sont encore trop souvent de très petite taille et peinent à financer leur
développement, malgré les externalités sociales et environnementales qu’elles
peuvent générer.
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
83
Montant et modalités d’action
n La Commission propose de créer un ou plusieurs fonds à vocation transversale, dont la gestion serait confiée à un ou plusieurs opérateurs désignés après
appel à candidatures. L’objectif est de changer de dimension et de couvrir un
plus grand nombre de secteurs d’activité que ce que permettent les quelques
fonds d’amorçage publics existants.
n La part publique alimentée par l’emprunt national se monterait à 450 M€.
Des investisseurs privés et des collectivités locales pourraient abonder ce ou
ces fonds, afin de porter leur capacité d’investissement à un niveau supérieur.
n Ces fonds, qui interviendraient au stade de l’amorçage (premières années
d’existence de l’entreprise), auraient vocation à investir en fonds propres dans
des PME innovantes intervenant dans les secteurs prioritaires définis par la SNRI
ou dans des fonds d’amorçage actifs dans ces secteurs d’activité.
n Par ailleurs, la Commission propose que soit institué un ou plusieurs fonds
pour l’innovation sociale. Ceux-ci, dotés au total de 50 M€, viseraient à favoriser l’entrepreneuriat social mais pourraient également intervenir dans la phase
suivante de développement des entreprises innovantes de l’économie sociale
et solidaire, afin de soutenir leur croissance. Leur gestion serait confiée à un ou
plusieurs opérateurs désignés, là encore, après appel à candidatures. Ils pourraient également être abondés par d’autres acteurs : collectivités locales, Caisse
des dépôts, investisseurs privés…
Type de retour attendu et gouvernance
n La gestion des fonds envisagés serait confiée à des opérateurs publics ou
privés après deux appels à candidatures distincts organisés par le ministère
chargé de l’économie. Celui-ci serait responsable de la rédaction des cahiers
des charges et de la sélection des fonds.
n En ce qui concerne le ou les fonds de capital-amorçage constitués, les organismes publics spécialisés pourraient être associés à la gouvernance pour les
investissements dans leur secteur d’expertise, en tenant compte cependant du
risque de conflit d’intérêts.
n Les retours attendus sont à la fois financiers (dividendes, plus-values éventuelles) et socio-économiques (financement de l’innovation, insertion sociale
des bénéficiaires du fonds d’innovation sociale).
84
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
ACTION 6
Objectif
Permettre aux PME et entreprises de taille intermédiaire (jusqu’à 5 000 salariés) innovantes de trouver les sources de financement nécessaire à leur développement. Cette action est complémentaire de l’action 5, qui vise à favoriser
l’émergence de ces PME innovantes.
Faciliter l’accès
au financement
des PME
innovantes
Enjeux
n Les PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI) rencontrent parfois des
difficultés à faire financer par le secteur bancaire leurs investissements dans des
projets innovants, du fait du niveau de risque élevé, de perspectives de retour
lointaines et/ou de l’insuffisante expertise des investisseurs face à la complexité
des projets.
n Cette contrainte d’accès au crédit réduit le potentiel d’innovation du tissu
des PME et ETI et donc le potentiel de croissance de la France.
n Le plan d’aide aux PME et ETI, annoncé le 5 octobre 2009 pour renforcer
leurs fonds propres et encourager l’investissement, permettra à Oséo de fournir 1 Md€ de prêts participatifs (prêts accordés sur cinq ou sept ans avec un
remboursement différé les deux premières années) et au Fonds stratégique
d’investissement d’abonder en fonds propres ou quasi-fonds propres les entreprises, à hauteur de 1 Md€ également. Il ne répond cependant pas à tous les
besoins de financement sous forme de prêts pour les PME les plus innovantes.
Atouts
n La France dispose d’un acteur majeur au service de l’innovation et des entreprises : Oséo. En sa qualité d’établissement de crédit, Oséo intervient notamment au côté des banques pour financer des investissements immatériels innovants ou des projets de montants élevés présentés par des PME et des ETI.
n La crédibilité de ses décisions d’investissement lui permet d’intervenir dans
des conditions de prise de risque correspondant aux standards qui s’imposent
à un établissement de crédit et en créant un fort effet d’entraînement auprès
des autres banques. En matière de prêts participatifs, l’intervention d’Oséo est
le plus souvent limitée au tiers du montant total prêté lorsque les co-investisseurs sont des banques et à la moitié lorsqu’il agit avec des sociétés de capitalrisque.
Faiblesses
n Oséo manque de moyens pour faire monter en puissance ses activités de
financement des investissements dans l’innovation.
n Oséo risque également de rencontrer des difficultés de refinancement de
cette activité dans les années à venir, du fait notamment de l’importante mobilisation des fonds d’épargne de la Caisse des dépôts.
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
85
Montant et modalités d’action
n La Commission propose de permettre à Oséo de changer d’échelle dans ses
interventions en financement des investissements des PME et ETI dans l’innovation, par la création d’un fonds dédié à ces activités.
n Cette action se traduirait par un apport en fonds propres à Oséo de 500 M€
et par un prêt complémentaire de 1 Md€ pour lui permettre de se refinancer.
Ces sommes, qui seraient complétées par les ressources de refinancement traditionnelles d’Oséo, permettraient à cet opérateur d’accorder des prêts et des
prêts participatifs à des entreprises innovantes.
n Un cofinancement privé serait systématiquement exigé pour les prêts accordés, la part d’Oséo dans le financement bancaire total ne devant jamais excéder
50 %. Cette exigence permettrait de s’assurer d’un réel effet d’entraînement du
secteur bancaire et d’un partage des risques.
Type de retour attendu et gouvernance
n Oséo devrait rendre compte à intervalles réguliers de l’utilisation des fonds
dont elle aura été dotée, sur le modèle retenu pour le fonds créé dans le cadre du plan de relance, afin de s’assurer notamment de la prise en compte des
externalités sociales et environnementales des prêts qu’elle accorde.
n Les sommes ainsi confiées à Oséo feraient l’objet de retours financiers, qui
s’ajouteraient aux fortes externalités positives en terme d’innovation et de
croissance économique durable.
86
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
3 AXE
E
Accélérer le
développement
des sciences
du vivant
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
87
ACTION 7
Soutenir
l’innovation
dans les agrobiotechnologies
Objectif
Permettre le développement d’innovations dans la production de matières
premières agricoles et dans l’utilisation de carbone renouvelable en substitution au carbone fossile.
Enjeux
n Le développement de nouvelles technologies pour l’utilisation de la biomasse végétale constitue un enjeu stratégique :
– l’évolution démographique (la population mondiale devrait croître de 50 %
d’ici à 2050), la hausse du niveau de vie et l’évolution des modes de consommation vont conduire à une forte hausse de la demande agricole et agroalimentaire mondiale dans les décennies à venir, alors que le marché de l’alimentation
représente déjà 20 % du PIB mondial ;
– la raréfaction des ressources fossiles, la lutte contre le réchauffement climatique et l’accroissement des exigences sanitaires dans la production industrielle10 invitent à remplacer progressivement le carbone fossile par du carbone
renouvelable issu de molécules d’origine végétale. La France s’est ainsi fixé pour
objectif d’atteindre 15 à 20 % de carbone renouvelable en tant que matière
première pour la chimie à horizon 2017, soit une multiplication par quatre du
niveau actuel ;
– la croissance du marché de la chimie provient d’ores et déjà majoritairement
des biotechnologies industrielles et agricoles.
n Des défis importants doivent être relevés dans le domaine des biotechnologies, notamment :
– l’enrichissement de l’alimentation en composants bénéfiques pour la santé
(jus de fruits antioxydants, emballages à atmosphère modifiée…) ;
– l’amélioration génétique de la biomasse végétale ;
– l’utilisation des micro-organismes ;
– le développement de la chimie verte.
n Ces évolutions appellent le développement des connaissances et des outils
et leur valorisation industrielle : ces technologies doivent encore démontrer
leur efficacité industrielle, économique et environnementale, ce qui justifie
l’apport de financements publics pour renforcer l’effort de recherche et de
transfert technologique vers les acteurs économiques (financements publics à
hauteur de 2 Md$ aux États-Unis depuis 2007 par exemple).
Atouts
(10) La directive REACH requiert
que soit faite la preuve de
l’innocuité des produits sur la santé
et l’environnement avant mise sur
le marché.
88
n Avec plus de 160 Md€ de chiffre d’affaires et plus de 410 000 emplois, la
France est la première puissance agroalimentaire européenne et la deuxième
mondiale.
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
n Elle compte de nombreux acteurs publics et privés de premier rang mondial
dans le domaine des biotechnologies et de la chimie du végétal. La France s’est
ainsi d’ores et déjà engagée dans le développement scientifique et industriel
de l’usage du carbone renouvelable à plusieurs niveaux :
– le programme Génoplante de génomique fonctionnelle ouvre le champ à des
applications décisives en permettant à l’amélioration des plantes de passer au
stade du haut débit ;
– des programmes sur les biocarburants de 2e et de 3e génération ont été
lancés pour obtenir des sources énergétiques fiables et économiques à
partir de biomasse ligno-cellulosique puis de micro-algues ;
– des programmes sont en cours, notamment dans le cadre de pôles de
compétitivité, en matière de chimie verte, afin de trouver des solutions industrielles de substitution à la pétrochimie.
Faiblesses
La position concurrentielle de notre agriculture et de nos industries agroalimentaires est cependant fragile :
– parmi les cinquante plus grandes entreprises agroalimentaires mondiales,
seules trois sont françaises (Danone, Lactalis et Pernod Ricard) ;
– de nombreux pays développés (États-Unis et Japon notamment) et émergents
(Inde, Chine et Brésil en particulier) développent un effort de recherche massif
dans le domaine des biotechnologies végétales, qui pourrait leur permettre de
prendre un avantage décisif dans la production agricole et dans les procédés
bio-industriels de demain ;
– l’agriculture française perd des parts de marché à l’exportation depuis
quelques années.
Montant et modalités d’action
n Il est proposé de s’appuyer sur l’expérience de l’Ademe pour rassembler les
acteurs publics et privés du secteur agricole, agroalimentaire et biotechnologique, dans le but de développer des projets et équipements scientifiques, ainsi
que des plateformes technologiques de démonstration.
n Une dotation de 1 Md€, consomptible à hauteur de 10 % par an, pourrait être
versée à cet organisme pour financer ces opérations, conjointement avec des
investisseurs privés et sur la base d’appels à projets compétitifs.
n Cette initiative pourrait concerner à la fois :
– les biotechnologies vertes (avec le développement de capacités de
génotypage à haut débit, d’ingénierie cellulaire et moléculaire…). Celles-ci
doivent permettre de produire des variétés végétales innovantes répondant aux
besoins d’une agriculture à hautes performances économique et environne-
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
89
mentale pour l’alimentation humaine et animale, ainsi que de développer
de nouvelles filières du carbone renouvelable en concevant notamment des
produits et des procédés chimiques à partir d’amidon ou d’oléagineux, en
substitution aux produits pétroliers (« chimie verte ») ;
– les biotechnologies blanches, qui visent à développer l’usage d’enzymes et
de micro-organismes pour produire des produits chimiques ou des bioénergies
à partir de la biomasse ;
– la bioinformatique, qui vise notamment l’analyse et le séquençage de
génomes ou la modélisation moléculaire.
Type de financement : dotation consomptible à hauteur de 10 % par an pour
le cofinancement de projets, d’équipements et de plateformes de démonstration avec engagement de retour financier en cas de succès commercial.
Cofinancement : cofinancement privé systématique, sauf pour les équipements.
Type de retour attendu et gouvernance
n Le retour économique pour la part de financement public serait direct en
cas de succès technologique (par exemple sous forme de redevances sur le
chiffre d’affaires généré par l’activité commerciale) au bout de quelques années.
Au-delà, le gain serait de nature socio-économique, avec des effets positifs en
matière de santé et de développement durable.
n En termes de gouvernance, il s’agirait de créer un fonds dédié à l’Ademe,
piloté par un comité associant des experts scientifiques nationaux et internationaux dans les différents domaines concernés. Ce comité de pilotage serait
chargé de fixer le calendrier d’utilisation des fonds et de valider les projets qui
lui sont soumis.
n Une évaluation annuelle devrait être réalisée par une expertise indépendante, afin de mesurer les résultats obtenus et de réorienter les fonds le cas
échéant.
90
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
ACTION 8
Objectif
Soutenir la recherche biomédicale d’excellence, en donnant les moyens aux
meilleures équipes de continuer à rivaliser au niveau international et de participer aux innovations dans ce domaine évolutif.
Enjeux
n La recherche biomédicale française est de très bon niveau. Elle a ouvert de
nombreuses pistes nouvelles, par exemple en matière d’imagerie médicale, de
biologie, de robots, d’optique, d’appareils implantables ou de matériaux. Si les
réussites industrielles sont remarquables pour le médicament et les produits
d’origine humaine, elles sont en revanche moins nombreuses en biotechnologies et très limitées pour tout ce qui touche aux autres industries de santé, à
l’exception de l’optique.
Dynamiser
la recherche
partenariale
dans le secteur
de la santé et
des sciences du
vivant
n Par ailleurs, l’industrie pharmaceutique est confrontée à un ralentissement
progressif de la productivité de sa recherche. Les nouveaux médicaments sont
plus rares et apportent des améliorations moins nettes par rapport aux traitements existants. La recherche médicale doit donc se préparer à une véritable rupture pour retrouver des capacités de développement répondant aux
besoins de santé. La révolution des biotechnologies, même si elle tarde dans
ses applications, demeure prometteuse et doit être confortée. Elle exige une
meilleure compréhension du patient dans sa globalité, mais aussi des processus biologiques à l’œuvre, notamment les cycles de protéines.
n Outre la recherche clinique traditionnelle, les dernières décennies ont montré l’importance cruciale de la recherche épidémiologique pour appréhender
les interactions entre mode de vie (habitudes alimentaires, conditions de travail, exercice physique, vie familiale…), soins médicaux et état de santé. De
telles études nécessitent la création de cohortes11 de volontaires qui acceptent
d’être suivis pendant de longues années.
n La croissance exponentielle des recherches fondamentales et cliniques rend
nécessaires une hiérarchisation et un classement de ces données pour les
chercheurs et les praticiens des professions médicales et paramédicales. Cette
organisation des connaissances scientifiques passe par la numérisation et la
structuration de bases de données médicales. De plus, la prise en charge efficace des patients nécessite la coordination et donc le partage d’informations
de plusieurs professionnels de santé, à l’hôpital comme en ville. La sécurité
et la qualité des soins nécessitent ainsi l’enregistrement de données sur des
supports électroniques. Cette industrie de l’informatique de santé française, cruciale pour la santé de la population et, par ailleurs, créatrice d’emplois
doit prendre son essor et rivaliser avec les meilleures entreprises étrangères
(cf. action 17 sur les usages et contenus numériques innovants).
n Enfin, l’accélération de la recherche biomédicale française suppose de mettre
en place les conditions de succès observées dans les pays les plus dynamiques :
(11) Une étude de cohorte consiste
à observer l’évolution de la santé
des membres d’une population de
volontaires choisis soit parce qu’ils
représentent un échantillon de la
population, soit parce qu’ils font
partie d’une catégorie déterminée,
définie notamment par des critères
d’âge, de sexe, d’occupation, de
lieux de résidence… Pour chacun
des participants, la survenue
d’événements médicaux ou les
effets bénéfiques de certains
régimes alimentaires sont
suivis dans le temps, selon un
protocole de recueil de données
adapté aux objectifs de l’étude :
examens de santé, entretiens,
prélèvements biologiques,
analyse de dossiers… Ces études
permettent d’identifier et d’analyser
des liens entre des facteurs de
nature diverse (génétiques,
biologiques, environnementaux,
comportementaux,
démographiques, sociaux,
culturels…) et la survenue
ultérieure d’événements de santé
(maladies, accidents, troubles du
comportement…).
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
91
attirer les meilleurs talents, concentrer des financements significatifs sur des
priorités clairement définies, décloisonner initiatives et investissements publics
et privés, créer les conditions propices à la valorisation de la recherche, dans le
cadre d’« écosystèmes » incitatifs.
Atouts
n Au 5e rang mondial de la production scientifique en sciences de la vie et de la
santé, la France dispose d’une excellente recherche dans ces domaines.
n Le CNRS, l’Inserm, le CEA, l’Inra, l’Inria, l’IRD, l’Institut Pasteur, la Conférence
des présidents d’université ont créé l’Alliance nationale pour les sciences de
la vie et de la santé en avril 2009, afin d’assurer une coordination stratégique,
scientifique et opérationnelle de leur action dans ces domaines.
Faiblesses
n La recherche biomédicale peut encore renforcer son positionnement et
sa place au niveau mondial. Mais elle doit surtout accroître ses liens avec la
recherche privée et participer de manière active à l’innovation industrielle, qui
requiert toujours la mise en commun de plusieurs savoirs, de plusieurs disciplines, y compris dans le domaine des sciences humaines et sociales.
n Malgré l’organisation d’appels à projets, en 2008 et 2009, dans le cadre de
la coordination pour les plateformes de recherche et le développement des
grandes cohortes biomédicales, les chercheurs français dans les domaines de
la santé et de l’alimentation manquent de financements de long terme pour
des cohortes médicales et nutritionnelles.
n La pléthore d’articles scientifiques couplée à l’insuffisante disponibilité
de bases de données biomédicales en français et de moteurs de recherche
adaptés ne permet pas aux médecins praticiens de suivre simplement, à leur
rythme, l’évolution des connaissances. Un fossé risque donc se creuser entre
les chercheurs et les praticiens et il est à craindre que les patients français ne
bénéficient pas tous des avancées permises par les dernières recherches ni des
dernières innovations biomédicales (cf. action 17 sur les usages et contenus
numériques innovants).
Montant et modalités d’action
Deux actions complémentaires sont proposées :
(12) Cette dénomination est
celle retenue par le rapport de la
commission de réflexion sur l’avenir
des centres hospitalo-universitaires
présidée par le Professeur
Marescaux, remis le 11 mai 2009.
92
n Il s’agirait d’une part de créer un nombre limité (cinq au maximum) de centres biomédicaux d’excellence ou « Instituts hospitalo-universitaires »12 (IHU),
conçus autour de talents de renommée mondiale et localisés au sein de centres
hospitalo-universitaires. Ces plateformes de soins, de recherche et d’enseignement de niveau international, organisées autour d’un projet scientifique cohérent, seraient désignées après un appel à candidatures (en une ou deux vagues)
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
conduisant à la sélection rigoureuse, par un jury international, des meilleurs
projets dans les secteurs les plus porteurs. Les lauréats de cette procédure compétitive se verraient conférer pour une durée suffisamment longue (quatre ou
cinq ans) un statut spécifique permettant d’attirer et de retenir les meilleurs
talents internationaux et de simplifier les collaborations entre la recherche et
l’industrie. Pour être retenues, ces structures d’excellence en nombre très limité
devraient :
– proposer une offre de soins monothématique sur un site unique ou un
périmètre géographique limité ;
– offrir un niveau d’excellence permettant d’attirer (et de rémunérer en conséquence) les meilleurs spécialistes mondiaux ;
– prévoir un volet recherche et enseignement en plus de l’offre de soins et
intégrer un objectif de transferts technologiques, ce qui suppose des relations
étroites avec les acteurs industriels ;
– inclure un partenariat et donc un cofinancement systématique par le secteur
privé, ainsi éventuellement que par les collectivités locales concernées, afin de
favoriser le développement de la recherche dite « translationnelle » ou partenariale.
n D’autre part, un fonds spécifiquement dédié au financement sur longue
période de cohortes dans les domaines de l’alimentation et de la santé serait
créé. La non-consomptibilité du capital qui y serait affecté constitue la garantie indispensable de la pérennité des financements de ces cohortes, certaines
pouvant durer dix à vingt ans. Des redevances pourraient être exigées pour le
recours aux cohortes par des chercheurs du secteur privé.
Type de retour attendu et gouvernance
n Gouvernance : l’appel à projets pour sélectionner les IHU pourrait être
organisé matériellement par l’Agence nationale de la recherche, qui serait
dotée en ce sens de 500 M€ (consomptibles) au sein d’un fonds dédié. Elle
serait chargée, en lien avec l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de
la santé, de constituer un jury de sélection international, très majoritairement
composé d’étrangers. Ce fonds permettrait de financer divers types de dépenses, y compris le cas échéant des dépenses de personnel pour les praticiens de
renommée mondiale et leurs collaborateurs recrutés dans ce cadre.
n En ce qui concerne le financement des cohortes, le fonds dédié pourrait également être confié à l’ANR, sous forme de dotation non consomptible dédiée de
500 M€. L’agence serait chargée de conduire les appels à projets et de procéder
à la sélection des cohortes à financer grâce aux intérêts générés par ce fonds.
n Le type de retour attendu est socio-économique à long terme, mais également financier en partie (redevances sur le recours aux cohortes).
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
93
4 AXE
E
Développer
les énergies
décarbonées
et l’efficacité
dans la gestion
des ressources
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
95
ACTION 9
Développer les
technologies
énergétiques
décarbonées
et l’économie
du recyclage
Objectif
Expérimenter de nouvelles technologies dans les énergies décarbonées et
l’économie du recyclage en développant des démonstrateurs et des plateformes coopératives d’expérimentation.
Enjeux
n La France s’est fixé pour objectif de porter la part des énergies renouvelables à
au moins 23 % de sa consommation d’énergie finale d’ici à 2020 et d’augmenter
à 75 % dès 2012 la part du recyclage des déchets d’emballages ménagers et des
déchets des entreprises13. Le secteur des écotechnologies représente un marché mondial important, de l’ordre de 1 000 Md€ de revenus générés en 2008, et
en croissance très forte. Pour autant, les technologies de production d’énergie
renouvelable et de recyclage ont encore des coûts de production élevés et des
rendements insuffisants : il faut développer des solutions technologiques rentables et économiquement viables, qui puissent être diffusées largement.
n Pour les filières industrielles émergentes (non matures), les positions de
leadership ne sont pas encore assurées au niveau international : la France peut
encore se placer dans les toutes premières places à condition de valoriser sa
recherche d’excellence et de faire émerger des acteurs industriels. C’est le cas
pour l’économie du recyclage (économie circulaire) et les technologies énergétiques décarbonées : captage-stockage de CO2, stockage de l’énergie, énergie
solaire, biocarburants de 3e génération mais aussi énergies marines, géothermie, notamment outre-mer… y compris dans le domaine de l’efficacité énergétique des bâtiments (écomatériaux, utilisation du bois de construction, intégration des énergies renouvelables dans les bâtiments, procédés de chantier...).
n Le développement de ces nouvelles technologies suppose le transfert de
concepts et de connaissances de la recherche fondamentale vers la production industrielle. La « preuve de concept », étape clé du processus d’innovation, présente des coûts et des risques importants. Pour permettre le décollage
de ces nouvelles solutions, un cofinancement public de démonstrateurs et de
plateformes coopératives d’expérimentation associant centres de recherche
publics, grands industriels et PME et s’inscrivant dans des réseaux technologiques à l’échelle européenne et mondiale est généralement nécessaire.
L’atteinte des objectifs ambitieux que la France s’est fixés et l’urgence environnementale appellent une mobilisation exceptionnelle de moyens, à laquelle
l’emprunt national peut apporter une contribution décisive.
(13)Entreprises hors bâtiment
et travaux publics, agriculture,
industries agroalimentaires et
activités spécifiques.
96
n Illustration : un effort important est engagé au niveau mondial dans
la démonstration de nouvelles technologies énergétiques. L’Union européenne a lancé des initiatives, par exemple dans le captage-stockage du CO2.
Un démonstrateur a ainsi été installé dans la centrale électrique au charbon
d’Esbjerg au Danemark, dans le cadre du projet européen Castor, piloté par
l’Institut français du pétrole. Ce démonstrateur, qui met en œuvre l’une des
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
différentes techniques de captage-stockage, récupère une partie du CO2 émis
par la centrale et en assure le stockage souterrain par injection dans un réservoir naturel. D’autres démonstrateurs sont nécessaires pour tester la viabilité
industrielle et économique des différentes techniques de captage-stockage de
CO2.
Atouts
n La France dispose d’avantages comparatifs :
– des atouts industriels historiques (BTP, service de gestion de l’eau et des
déchets, agro-industrie) qui donnent à la France une avance dans les secteurs
du recyclage, de l’efficacité énergétique des bâtiments et des biocarburants ;
– des atouts naturels grâce à un domaine côtier à forts vents, une grande
surface agricole et forestière, des régions à bon ensoleillement, des sources
géothermiques et une façade maritime importantes dans les départements et
territoires d’outre-mer notamment ;
– des atouts politiques, à la suite du Grenelle de l’environnement, avec des
objectifs fixés et connus de protection de l’environnement, d’efficacité énergétique et de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et des incitations
sous forme de soutien à la demande et de réglementation. Un fonds Démonstrateurs a ainsi été créé et doté de 400 M€ sur la période 2008-2012. Ce fonds
vise à vérifier la viabilité technologique et économique de procédés issus de
la recherche et à provoquer la création de consortiums entre laboratoires et
industriels. Depuis sa création, le fonds Démonstrateurs a lancé des appels à
projets pour les véhicules décarbonés, le captage et la séquestration du carbone et les biocarburants de 2e génération. Des appels à projets sont également
en cours pour les énergies marines et les réseaux intelligents. Sur les premiers
appels à projets, l’effet de levier est environ de 3 (autrement dit, 3 euros privés
sont levés pour chaque euro public investi).
Faiblesses
n La France est en retard dans la diffusion des énergies renouvelables (hors
hydraulique) et dans la production d’équipements, qui porte pourtant une part
importante de la valeur ajoutée et des emplois du secteur des écotechnologies : il n’existe aucun leader français dans les deux technologies matures et
à forte croissance aujourd’hui (éolien, solaire) en raison d’un déficit de tissu
industriel et de compétitivité.
n En 2008, la capacité de production électrique à partir d’éoliennes était
ainsi de 24 000 MW en Allemagne et de 17 000 MW en Espagne contre environ
3 400 MW en France. De même, la capacité installée de production électrique
solaire était en 2007 de 3 800 MW en Allemagne contre 70 MW en France.
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
97
Montant et modalités d’action
n La Commission propose de changer d’échelle dans le soutien à la démonstration technologique et de pérenniser le développement de nouvelles technologies énergétiques et de recyclage. Pour ce faire, deux actions sont proposées :
– doter la nouvelle agence pour les énergies renouvelables (voir la partie 2
du rapport) de 1,25 Md€, consomptibles à hauteur de 10 % par an, afin d’inscrire l’action publique dans la durée. Cette somme permettrait le développement, avec le secteur privé, de démonstrateurs et de plateformes coopératives d’expérimentation dans les technologies énergétiques décarbonées
(captage-stockage de CO2, stockage de l’énergie, énergie solaire, biocarburants de
3e génération mais aussi énergies marines et géothermie en outre-mer…),
y compris dans le domaine de l’efficacité énergétique des bâtiments (écomatériaux, utilisation du bois de construction, intégration des énergies renouvelables dans les bâtiments, procédés de chantier en construction neuve et en
rénovation...) ;
– doter l’Ademe de 0,25 Md€, consomptibles à hauteur de 10 % par an, pour
lui permettre de mener une action de cofinancement de projets de démonstrateurs et de plateformes expérimentales dans le secteur de l’économie
circulaire : tri et valorisation des déchets, dépollution, écoconception de produits industriels…
n Dans les deux cas, les agences concernées seraient chargées de sélectionner
et de cofinancer les projets les plus innovants de démonstrateurs et de plateformes coopératives d’expérimentation, portés par des laboratoires, notamment
ceux qui relèvent des organismes de l’Alliance nationale pour la coordination
de la recherche dans l’énergie (ANCRE), et des industriels au sein des pôles de
compétitivité spécialisés sur les sujets énergétiques et de recyclage.
n Le choix des projets à financer devrait être sélectif et les projets devraient
répondre à plusieurs conditions : avoir une taille critique suffisante ; impliquer
systématiquement des cofinancements privés ; prévoir un retour économique
direct pour la part de financement public en cas de succès technologique.
Type de financement : dotation consomptible à hauteur de 10 % par an pour
le cofinancement de démonstrateurs et de plateformes coopératives d’expérimentation avec engagement de retour financier en cas de succès commercial.
Cofinancement : exigence de cofinancements privés et recherche de financements européens.
Type de retour attendu et gouvernance
Retour attendu :
– retour économique direct pour la part de financement public en cas de
succès technologique (sous forme de royalties ou de redevances sur le chiffre
98
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
d’affaires généré par l’activité commerciale, d’autant plus grandes que le financement intervient plus en aval dans la phase de préindustrialisation) au bout de
quelques années ;
– retour socio-économique (réduction des émissions de gaz à effet de serre).
Gouvernance :
– technologies énergétiques décarbonées : création d’un fonds dédié au sein
de la nouvelle agence pour les énergies renouvelables, dirigé par un comité de
pilotage associant, par exemple, l’ANR et Oséo, qui fixe le mandat de gestion du
fonds et procède à son suivi – évaluation périodique indépendante.
– économie circulaire : création d’un fonds dédié à l’Ademe, dirigé par un comité
de pilotage associant, par exemple, l’ANR et Oséo, qui fixe le mandat de gestion
du fonds et procède à son suivi – évaluation périodique indépendante.
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
99
ACTION 10
Créer des
instituts de
recherche
technologique
dans le secteur
des énergies
décarbonées
Objectif
Concentrer des moyens sur le développement de cinq à dix instituts de recherche technologique, dans le secteur des énergies décarbonées, selon la logique
des campus d’innovation thématiques.
Enjeux
n La recherche technologique est l’étape nécessaire pour valoriser les connaissances issues de la recherche fondamentale et imaginer des produits innovants
conduisant à des applications industrielles nouvelles et à la création de valeur
économique.
n Malgré le rapprochement de la recherche et de l’industrie dans les Instituts
Carnot et les pôles de compétitivité, la France est encore en retard dans la valorisation de sa recherche et dans le développement de solutions technologiques
et industrielles nouvelles.
n Le secteur énergétique (énergies renouvelables, efficacité énergétique…)
constitue un marché en forte croissance et à fort potentiel économique dans
lequel de nombreuses technologies ne sont pas encore matures et sont l’objet
d’une vive compétition internationale entre États pour gagner une position de
leadership.
n Le retard de la France dans la valorisation de sa recherche et l’urgence d’avancer vers un modèle de développement moins carboné appellent un investissement exceptionnel pour permettre la concentration de moyens et de compétences, de manière partenariale entre l’enseignement supérieur, la recherche
et l’industrie. Le rassemblement des acteurs publics et privés sur un même
lieu, autour d’équipements aux standards internationaux, est gage d’efficacité,
d’échanges et de visibilité. Il requiert un cofinancement public, en raison à la
fois de son caractère transformant et des externalités importantes qu’il engendre (gains environnementaux, sociaux et économiques).
Illustration : l’Institut national de l’énergie solaire (INES à Chambéry) a montré
qu’il était possible de créer des instituts de recherche technologique de haut
niveau faisant le lien entre recherche académique et application industrielle sur
des sujets énergétiques d’avenir. L’INES répond à la fois à l’absence en France
d’acteur de la recherche technologique de taille critique dans le domaine du
solaire et à l’inexistence d’une filière industrielle française du solaire. Comptant plus de 200 ingénieurs-chercheurs, l’INES figure parmi les quatre premiers
instituts de technologie du domaine en Europe et dessert en technologies
solaires plus de 80 industriels français.
Atouts
n La France est bien positionnée dans le domaine de l’énergie sans émissions
de gaz à effet de serre, grâce à l’énergie nucléaire et au grand hydraulique, a
100
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
un fort potentiel pour les énergies renouvelables (bon niveau d’ensoleillement,
grand potentiel agricole et forestier, façade maritime diversifiée grâce aux
départements et territoires d’outre-mer) et dispose d’un réseau électrique de
qualité. Par ailleurs, l’existence de grands acteurs industriels français est un
atout pour le développement de solutions énergétiques nouvelles.
n Des instruments de coopération entre la recherche publique et l’industrie ont été mis en place depuis plusieurs années (Instituts Carnot, pôles de
compétitivité).
Faiblesses
n La France est en retard dans la valorisation économique et industrielle de
sa recherche, à la fois au stade de la propriété intellectuelle (brevets) et au
niveau du transfert des solutions technologiques à l’industrie (prototypes puis
production).
n La France n’a pas réussi à développer de filière industrielle dans les technologies énergétiques de 1re génération (éolien et photovoltaïque).
Montant et modalités d’action
n Comme dans le cas des campus d’innovation de dimension mondiale
(cf. action 3), la valorisation des activités de recherche dans le secteur de l’énergie requiert une concentration de moyens et de compétences dans des lieux
délimités (« effet cafétéria »). Le cœur de ces lieux thématiques se matérialise
dans des instituts de recherche technologique partenariaux public-privé.
n La Commission propose d’encourager la création de cinq à dix instituts de
recherche technologique dans le domaine des énergies décarbonées, qui
s’inscrivent dans une logique de campus d’innovation thématique. Une dotation consomptible de 1 Md€ serait faite à la nouvelle agence pour les énergies renouvelables (voir la partie 2 du rapport) pour cofinancer des projets
d’instituts de recherche technologique liés à des établissements d’enseignement supérieur et associant un pôle de compétitivité.
n L’agence constituerait le jury international (majoritairement composé de
personnalités scientifiques et industrielles étrangères), chargé de sélectionner
les cinq à dix projets les plus innovants dans le domaine des énergies décarbonées (captage-stockage de CO2, stockage de l’énergie, énergie solaire, biocarburants de 3e génération, énergies marines, géothermie, efficacité énergétique des
bâtiments…).
n La sélection des projets pourrait s’appuyer sur plusieurs conditions :
– présence dans le projet d’un Institut Carnot et d’un pôle de compétitivité ;
– implantation sur un lieu unique de tous les acteurs (établissement d’enseignement supérieur, institut de recherche technologique, industriels) autour
d’équipements partagés ;
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
101
– cofinancement du projet par des acteurs privés et des collectivités territoriales ;
– gestion du projet par l’Institut Carnot, compte tenu de son rôle central dans
le campus d’innovation.
Type de financement : dotation consomptible.
Cofinancement : exigence de cofinancements privés.
Type de retour attendu et gouvernance
Retour attendu :
– retour socio-économique (réduction des émissions de gaz à effet de serre,
emplois et développement économique) ;
– retour indirect (rentrées fiscales, conséquences du développement de l’activité économique).
Gouvernance : création d’un fonds dédié au sein de la nouvelle agence pour
les énergies renouvelables, chargé de faire un appel à projets (avec jury de
sélection international) pour déterminer les cinq à dix projets les plus innovants
de constitution d’instituts de recherche technologique dans le domaine des
énergies décarbonées, portés par des Instituts Carnot (opérateurs des projets),
qui s’inscrivent dans une logique de campus d’innovation thématique – évaluation périodique indépendante.
102
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
ACTION 11
Objectif
Renforcer la recherche nucléaire, en particulier sur la gestion des déchets
radioactifs, et engager le développement des réacteurs électronucléaires de
4e génération.
Enjeux
Préparer les
technologies
nucléaires
de demain
n La France s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre d’un
facteur quatre d’ici à 2050 et la garantie de la sécurité de ses approvisionnements énergétiques constitue un enjeu important.
n La France est un acteur majeur de l’industrie nucléaire dans le monde, industrie dont le potentiel de croissance est très élevé avec le souci grandissant et
partagé à l’échelle internationale de disposer de sources d’énergies fiables, peu
coûteuses et non émettrices de gaz à effet de serre.
n Le développement d’une industrie électronucléaire moderne repose sur
l’amélioration des performances et de la sécurité des réacteurs de puissance
existants et à venir, ce qui suppose un effort continuel de recherche sur les
combustibles, les matériaux innovants et les déchets radioactifs. Par ailleurs, la
tension sur le marché de l’uranium et la question du traitement du combustible
usé plaident pour le développement de la technologie des réacteurs à neutrons
rapides refroidis au sodium, moins consommatrice de combustibles et capable
de recycler l’uranium appauvri et le plutonium.
n Compte tenu de son caractère stratégique et de son effet structurant sur
l’ensemble de la filière industrielle, la recherche dans le secteur nucléaire justifie des investissements publics importants, dont le retour est élevé sur longue période pour le consommateur (coût faible de l’électricité) et pour l’État
(dividendes des entreprises publiques du secteur). Un investissement de
l’emprunt national dans le développement des technologies nucléaires d’avenir peut utilement servir de catalyseur et d’accélérateur.
Illustration : le CEA a lancé deux projets ambitieux, qui peuvent servir de base
à l’industrie nucléaire de demain et lui conserver une avance technologique
importante :
– le projet de réacteur de recherche Jules Horowitz, qui doit remplacer le réacteur Osiris à l’horizon 2015 dans le cadre d’une coopération européenne, doit
offrir une capacité d’irradiations expérimentales pour étudier le comportement
des matériaux et combustibles intervenant dans la production d’électricité
à partir de l’énergie nucléaire. Par ailleurs, ce réacteur de recherche permet
de sécuriser14 la production de radioéléments à usage médical (technétium
99m principalement) et offre ainsi une rentabilité à l’investissement public
envisagé ;
– le projet Astrid de prototype de réacteur à neutrons rapides refroidi au
sodium vise à doter la France, à l’horizon 2020, du premier réacteur de
(14) La production de radioisotopes pour l’imagerie médicale
connait une crise mondiale. Le
projet de réacteur Jules Horowitz
est à ce jour le seul réacteur en
cours de construction offrant la
possibilité d’un renouvellement de
cette capacité de production.
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
103
4e génération au monde et à démontrer à l’échelle industrielle la portée des
dernières innovations dans la technologie nucléaire, notamment la transmutation des déchets nucléaires. Ce projet prépare la France aux enjeux de demain,
à savoir la question des ressources énergétiques et la sécurité d’approvisionnement, en raison de son excellente utilisation de la ressource en uranium15
et de sa capacité à recycler le plutonium et à brûler les actinides mineurs. Le
prototype Astrid contribuerait, par ailleurs, à la production électrique française
(capacité de 500 MW), ce qui permettrait de rentabiliser une partie de l’investissement public nécessaire à son financement.
Atouts
n La France dispose d’avantages comparatifs nombreux, scientifiques, technologiques, industriels et commerciaux dans la filière électronucléaire, grâce à la
présence de grandes entreprises et organismes publics (CEA, Areva, EDF).
n La France a structuré depuis plusieurs décennies une filière de gestion
des déchets radioactifs et a acquis dans ce domaine une connaissance et un
savoir-faire internationalement reconnus. À cet égard, l’Agence nationale pour
la gestion des déchets radioactifs (Andra) est chargée de la recherche et de la
mise en œuvre de solutions de gestion durable, jusqu’au stockage, de tous les
déchets radioactifs français.
Faiblesses
n Le développement de la 4e génération de réacteurs électronucléaires
s’inscrit dans un contexte de compétition internationale croissante. L’Inde
s’apprête ainsi à mettre en service un réacteur à neutrons rapides refroidi au
sodium s’inspirant très fortement des avancées françaises dans ce domaine.
Parallèlement, la Russie poursuit le développement de cette technologie.
n Dans l’attente de la mise en service à l’échelle industrielle de la 4e génération
de réacteurs électronucléaires, la gestion des déchets radioactifs demeure une
question sensible et appelle des efforts continus de recherche et développement.
Montant et modalités d’action
(15) Contrairement aux réacteurs
actuellement exploités sur le parc
nucléaire français et aux futurs EPR,
qui ne consomment qu’à peine 1 %
de l’uranium naturel, les réacteurs
à neutrons rapides ont la capacité
de consommer plus de 80 % de la
ressource.
104
n La Commission propose, en premier lieu, de donner au CEA les moyens financiers et la visibilité sur plusieurs années nécessaires, d’une part, au développement rapide d’une capacité de recherche et de production de radionucléides à
finalité médicale, d’autre part, aux études et à la première phase de construction du prototype de réacteurs de 4e génération à neutrons rapides. Pour ce
faire, un fonds dédié, doté de 900 M€ consomptible et géré par le CEA, pourrait
être créé.
n La Commission propose, en second lieu, de soutenir les activités de recher-
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
che de l’Andra, qui doivent lui permettre d’inventer des solutions innovantes
de traitement des déchets radioactifs pour réduire encore leur volume et leur
dangerosité. Pour ce faire, un fonds dédié de 100 M€ consomptible, géré par
l’Andra, pourrait contribuer au développement de filières de recyclage des
métaux et de traitement de déchets contenant une part organique ou chimiquement réactive, dans le cadre du plan national 2009 de gestion des matières
et déchets radioactifs en cours de finalisation.
Type de financement : dotations consomptibles.
Cofinancement : recherche systématique de cofinancements privés et étrangers.
Type de retour attendu et gouvernance
Retour attendu :
– retour financier en partie (production de radioéléments à usage médical) ;
– retour socio-économique à long terme (sécurité des approvisionnements,
production électrique à faible coût).
Gouvernance :
– création d’un fonds dédié au sein du CEA et dirigé par un comité de pilotage
associant l’État pour financer la création d’une capacité d’irradiations expérimentales et lancer la 4e génération de réacteurs électronucléaires – évaluation
périodique indépendante ;
– création d’un fonds dédié au sein de l’Andra et dirigé par un comité de
pilotage associant l’État – évaluation périodique indépendante.
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
105
5 AXE
E
Faire
émerger
la ville
de demain
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
107
ACTION 12
Favoriser le
développement
de villes
durables
Objectif
Favoriser une approche intégrée d’aménagement urbain, d’excellence énergétique de l’habitat et de maîtrise de la mobilité. Pour cela, soutenir des projets
innovants de transports collectifs propres, de développement expérimental
d’infrastructures de recharge électrique des véhicules décarbonés et d’expérimentation de solutions urbaines et énergétiques écologiques.
Enjeux
n La question de l’urbanisme est au cœur de la problématique d’un développement énergétique durable : 80 % de la population française vit en ville, y
travaille, s’y loge, se déplace et donc y consomme de l’énergie et émet des gaz
à effet de serre. La lutte contre le changement climatique ne peut faire l’économie d’une réforme majeure de l’urbanisme afin de densifier les villes, de rapprocher les lieux de travail des lieux d’habitation et de réconcilier la ville avec les
territoires environnants.
n L’aménagement des villes doit donc constituer l’un des chantiers prioritaires
des politiques environnementales des dix ans à venir. La prolongation de la tendance au développement, en périphérie des villes, de zones pavillonnaires mal
desservies par les grands réseaux d’énergie et de transport risque de conduire à
une impasse dans un futur proche. Les ménages modestes, qui s’éloignent des
centres-ville en raison du coût élevé du foncier sont et seront, si rien ne bouge,
totalement dépendants de leurs voitures et, donc, directement touchés par les
variations des prix de l’énergie. Les PME qui ont fait le choix des transports routiers pour leurs approvisionnements comme pour la distribution de leur production seront également en situation difficile.
n Il faut donc densifier les villes, mieux et moins occuper le territoire, tout en
sortant du modèle du « tout voiture ». Pour cela, une politique ambitieuse de
l’État et des collectivités territoriales investissant dans un réaménagement
des villes est nécessaire pour remodeler le paysage urbain autour de zones de
densification urbaine, rapprochant les zones de résidence des zones d’activités économiques. L’expérimentation de telles politiques urbaines, s’appuyant
notamment sur la démonstration de nouvelles technologies d’habitat et de
mobilité durables, doit permettre de montrer leur potentiel économique et de
construire en France un savoir-faire valorisable à grande échelle, y compris à
l’export.
n Un effort public est nécessaire pour le financement de ces politiques en raison des externalités importantes qu’elles engendrent (gains environnementaux,
sociaux et économiques) et du besoin de ressources de long terme pour des
projets risqués, qui ne peuvent pas facilement être trouvées auprès des acteurs
économiques privés. L’atteinte des objectifs ambitieux que la France s’est fixés
et l’urgence environnementale appellent une mobilisation exceptionnelle de
moyens, à laquelle l’emprunt national peut apporter une contribution décisive.
108
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
Illustration :
n L’Union européenne finance d’ores et déjà des programmes de démonstration d’efficacité énergétique des bâtiments et de transports propres dans le
cadre de projets d’urbanisme durable. Les initiatives Civitas (transports
urbains), EcoBuildings (bâtiments durables) et Concerto (stratégie énergétique
à l’échelle d’un territoire), dotées de plusieurs centaines de millions d’euros
depuis plusieurs années ont permis de faire la démonstration à petite échelle
de la pertinence de technologies d’efficacité énergétique et de leur potentiel
d’intégration dans une politique urbaine durable.
n Une nouvelle initiative de grande ampleur pour le développement de « villes intelligentes » (Smart Cities) est proposée par la Commission européenne,
dotée de 2 à 3 Md€ sur la période 2010-2015 pour une trentaine de villes.
Cette initiative a pour objectif de soutenir les villes qui transformeront leurs
bâtiments, leurs réseaux d’énergie et leurs systèmes de transports pour en faire
les infrastructures de demain en faisant la démonstration de concepts et de
stratégies de transition vers une économie à faible intensité carbonique.
Atouts
n Sur le plan économique et industriel, la France a une grande expertise dans
les secteurs du bâtiment, des transports urbains et de l’efficacité énergétique.
n Sur le plan juridique, la loi Grenelle I fixe l’objectif de prendre en compte dans
le droit de l’urbanisme la lutte contre l’étalement urbain, l’amélioration de la
performance énergétique des bâtiments et le développement des transports
en commun.
n Sur le plan des politiques publiques, l’État a lancé en 2009 un plan Ville
durable, avec plusieurs volets, qui ont fait l’objet d’appels à projets et d’une
sélection par le ministère de l’écologie :
– la démarche ÉcoCités (aménagement urbain durable dans une logique de
forte croissance démographique) a conduit à la sélection de treize projets ;
– le concours ÉcoQuartiers (valorisation de bonnes pratiques en matière
de gestion de l’eau, de biodiversité et de nature en ville, de mobilité, de
sobriété énergétique, de densité, d’écoconstruction et de la gestion des
déchets) a distingué 28 projets ;
– l’appel à projets Transports collectifs (accélération d’une cinquantaine de
projets de transports en site propre avec financement de l’État de 1 Md€).
Faiblesses
n La France a connu des évolutions récentes, qui justifient un effort important
pour le développement de la ville durable :
– l’étalement urbain se poursuit fortement, avec l’urbanisation de plus de
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
109
1 000 km² par an en France, hors des agglomérations constituées ;
– les émissions de CO2 ont crû entre 1990 et 2008 dans deux secteurs : le
résidentiel-tertiaire (+ 7 %) et les transports (+ 8 %) ;
– l’usage des transports collectifs stagne dans les grandes agglomérations.
Montant et modalités d’action
n Au-delà des initiatives existantes, la Commission propose de promouvoir
dix programmes urbains intégrés, qui reposent sur une conception innovante
et durable de l’urbanisme.
n Pour ce faire, un fonds dédié de 2,5 Md€ pourrait être créé. Il serait géré par la
Caisse des dépôts, sous la tutelle de l’État. Ce fonds serait dirigé par un comité
de pilotage associant l’État et des personnalités qualifiées indépendantes.
n L’objectif de ce fonds serait de cofinancer dix programmes urbains intégrés,
qui portent à la fois sur le transport collectif décarboné, le développement
expérimental d’infrastructures de recharge électrique des véhicules décarbonés et l’expérimentation de solutions nouvelles de rénovation urbaine durable (pour densifier l’espace et assurer la mixité sociale dans un habitat à haute
performance énergétique), de réseaux intelligents (eau, électricité), de gestion
durable des déchets et de maîtrise de la mobilité (plateformes de télétravail,
régulation du trafic automobile…).
n La moitié au moins du fonds devrait être réservée pour la bonification de
prêts aux collectivités territoriales et pour le financement de projets pilotes
innovants avec exigence de retour économique.
n Le comité de pilotage du fonds serait chargé de sélectionner par appels
à projets les dix programmes urbains intégrés les plus innovants présentés
par des collectivités territoriales ou leurs établissements publics. Les lauréats
actuels et futurs du plan Ville durable du gouvernement (concours ÉcoQuartiers et démarche ÉcoCités) seraient éligibles à ces appels à projets.
n Pour être sélectionnés, les programmes intégrés devraient répondre à
plusieurs conditions :
– s’inscrire dans une stratégie urbaine intégrée de densification, d’amélioration
énergétique de l’habitat et de maîtrise de la mobilité, qui vise la division par
quatre des émissions de gaz à effet de serre et la création de villes à énergie
positive ;
– développer une démarche innovante et expérimentale, qui vise à faire la
démonstration de l’intérêt économique et écologique de nouvelles solutions
d’aménagement urbain et de mobilité ;
– faire l’objet majoritairement de cofinancements des collectivités territoriales,
des opérateurs privés et de l’Union européenne.
Type de financement : intervention en bonification de prêts et en cofinance-
110
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
ment de projets pilotes innovants avec exigence de retour économique.
Cofinancement : exigence de cofinancements majoritaires des collectivités
territoriales, d’opérateurs privés et de l’Union européenne.
Type de retour attendu et gouvernance
Retour attendu :
– retour socio-économique (réduction des émissions de gaz à effet de serre,
emplois et développement économique, amélioration de la qualité de vie) ;
– retour économique direct pour la part de financement public sur des projets pilotes en cas de succès technologique (sous forme de royalties ou de
redevances sur le chiffre d’affaires généré par l’activité commerciale, d’autant
plus grandes que le financement intervient plus en aval dans la phase de
préindustrialisation) ;
– retour économique indirect (rentrées fiscales, conséquences du développement de l’activité économique).
Gouvernance : création d’un fonds dédié, géré par la Caisse des dépôts, sous
la tutelle de l’État et dirigé par un comité de pilotage associant l’État et des
personnalités qualifiées indépendantes – évaluation périodique indépendante.
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
111
ACTION 13
Accélérer
la rénovation
thermique des
logements
sociaux
Objectif
Accélérer la rénovation thermique des logements sociaux les plus énergivores
pour réduire les émissions de CO2 et améliorer le pouvoir d’achat des ménages modestes. En cela, accompagner la montée en puissance de la contribution
climat-énergie.
Enjeux
n La rénovation thermique du parc immobilier social présente des enjeux de
différentes natures :
– au niveau environnemental : les 4,2 millions de logements sociaux représentent 11 % des émissions de CO2 des résidences principales en France ;
– au niveau social : 60 % des ménages logés par les organismes HLM appartiennent au tiers le plus modeste de la population ; pour ces ménages, la facture
énergétique pèse de manière non négligeable sur leur pouvoir d’achat ;
– au niveau économique : le secteur HLM représente 8 Md€ d’investissements
et près de 3 Md€ de dépenses d’entretien par an, ce qui en fait un acteur majeur
du secteur du bâtiment.
n Suite au Grenelle de l’environnement, il a été décidé de lancer un premier
programme de rénovation thermique pour les 800 000 logements sociaux les
plus énergivores (consommation annuelle supérieure à 230 kW/m² – catégories
E, F et G) sur la période 2008-2020. Un second programme a ensuite été défini
pour la moitié des 2,4 millions de logements de consommation intermédiaire
(consommation annuelle entre 150 et 230 kW/m² – catégorie D) sur la période
2010-2020.
n Le financement du premier programme de rénovation est assuré jusqu’en
2010 majoritairement par emprunt auprès de la Caisse des dépôts (écoprêt
social à taux bonifié de 1,9 % sur 15 ans) et en partie par des hausses de loyers
pour partager les économies d’énergie avec le locataire. À lui seul, ce premier
programme réduit sensiblement la capacité d’investissement des organismes
HLM sur leur fonds propres jusqu’en 2030.
n Un effort public exceptionnel est donc utile pour le financement de la
rénovation thermique de l’habitat social, afin d’en accélérer le rythme sur les
logements les plus énergivores (catégories E, F et G) et ainsi contribuer à l’amélioration du pouvoir d’achat des ménages les plus modestes (l’économie de
charges de chauffage est d’environ 400 € par an par logement rénové).
Montant et modalités d’action
n La Commission propose d’accélérer la rénovation thermique des logements
sociaux les plus énergivores (consommation annuelle supérieure à 230 kW/m²
– catégories E, F et G), en la concentrant sur la période 2010-2015, en apportant
112
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
une bonification supplémentaire aux écoprêts sociaux de la Caisse des dépôts.
n Pour ce faire, un fonds de 2 Md€ pourrait être créé et géré par la Caisse des
dépôts, sous la tutelle de l’État, pour le financement de prêt à taux zéro sur
quinze ans. Ce fonds, dirigé par un comité de pilotage associant, par exemple,
l’État et les organismes HLM, couvrirait la totalité de la bonification pour la
rénovation de 140 000 logements des catégories E, F et G par an pendant cinq
ans (soit un doublement de la vitesse de réalisation). Un bilan du fonds pourrait
être réalisé après deux années d’activité et son champ d’intervention pourrait alors
être étendu à des projets de rénovation thermique proposés par les collectivités
territoriales, notamment dans le domaine social.
n Ce dispositif pourrait s’inscrire dans la démarche proposée par la Commission européenne de constitution de fonds nationaux d’efficacité énergétique.
n Les ressources dégagées par ce financement supplémentaire devraient
procurer des marges de manœuvre pour la réalisation des travaux de rénovation sur le reste du parc social (logements moins énergivores – catégorie D).
Type de financement : bonification de prêts à taux zéro sur quinze ans pour la
rénovation thermique des logements sociaux énergivores.
Type de retour attendu et gouvernance
Retour attendu :
– retour socio-économique (réduction des émissions de gaz à effet de serre,
emplois et développement économique) ;
– retour indirect (rentrées fiscales, conséquences du développement de
l’activité économique).
Gouvernance : création d’un fonds de bonification géré par la Caisse des
dépôts sous la tutelle de l’État et dirigé par un comité de pilotage associant, par
exemple, l’État et les organismes HLM – évaluation périodique indépendante.
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
113
6 AXE
E
Inventer
la mobilité
du futur
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
115
ACTION 14
Préparer
les véhicules
du futur
Objectif
Expérimenter de nouvelles technologies de mobilité moins consommatrices
d’énergie et moins émettrices de gaz à effet de serre.
Enjeux
n Les engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’un
facteur quatre d’ici à 2050 et le souci de garantir la sécurité des approvisionnements énergétiques rendent nécessaires le développement de nouvelles
solutions de mobilité, moins consommatrices d’énergies fossiles, sachant que
le secteur des transports est le premier émetteur de CO2 en France (33 % des
émissions totales) et que ses émissions ont crû de 8 % entre 1990 et 2008.
n Le secteur de la mobilité et des transports représente une part majeure de
l’économie française et son potentiel de développement sur des technologies nouvelles est important dans les pays développés comme dans les pays
émergents, en raison de la prise en compte croissante de la problématique
écologique.
n Les filières industrielles émergentes dans le secteur de la mobilité durable ne
sont pas encore dominées par des acteurs majeurs à l’échelle internationale. La
France peut espérer se positionner dans les toutes premières places à condition
de valoriser sa recherche d’excellence et de faire émerger des acteurs industriels. Au-delà des programmes déjà lancés avec le soutien de l’État, il est utile
d’envisager le développement des véhicules du futur dans une logique globale,
sur le plan technologique (recherche sur le stockage de l’énergie mais aussi sur
la conception des équipements et leur intégration dans les véhicules) et sur le
plan de la mobilité (maîtrise de la mobilité, intégration des véhicules dans la
ville – cf. action 12 sur le développement des villes durables).
n L’enjeu du développement de nouvelles technologies suppose notamment
de réussir la démonstration de leur intérêt technique et économique, étape
qui présente des coûts et des risques importants. Pour permettre le décollage
de ces nouvelles solutions, un cofinancement public de démonstrateurs et de
plateformes expérimentales associant centres de recherche publics, grands
industriels et PME est généralement nécessaire.
Illustration : les constructeurs automobiles français ont engagé des investissements importants pour le développement de la voiture du futur (électrique
ou hybride). Cantonnée jusqu’à présent à un marché de niche, la filière des
véhicules décarbonés connaît une accélération (de nombreux lancements sont
prévus dès 2010-2012 par les grands constructeurs). L’État apporte son soutien au développement industriel de cette filière en investissant dans plusieurs
projets, notamment pour la fabrication de batteries (projet Renault-CEA à
Flins…).
116
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
Atouts
n Au niveau industriel, la France compte de grands industriels de la construction automobile et des équipements.
n Au niveau des politiques publiques, le succès du bonus-malus automobile
traduit un changement de comportement des Français et une demande forte
pour des véhicules moins polluants.
n Au niveau écologique, le faible contenu carbone de notre électricité et son
prix compétitif rendent pertinent le développement de solutions électriques
ou hybrides pour les véhicules.
Montant et modalités d’action
n La Commission propose de renforcer le développement de nouvelles technologies dans tous les secteurs de la mobilité (voiture, camion, navire…)
en s’appuyant sur l’expérience du fonds Démonstrateurs créé à la suite du
Grenelle de l’environnement. Pour ce faire, une dotation de 1 Md€, consomptible à hauteur de 10 % par an, serait faite à la nouvelle agence pour les énergies
renouvelables (voir dans la partie 2 du rapport) pour cofinancer des projets de
démonstrateurs et de plateformes expérimentales dans tous les domaines de
la mobilité durable et des véhicules du futur (batteries, véhicules intelligents,
matériaux, écoconception…).
n L’agence serait chargée de sélectionner et de cofinancer les projets les plus
innovants de démonstrateurs et de plateformes expérimentales, portés par des
laboratoires et des industriels appartenant à des pôles de compétitivité.
n Le choix des projets à financer doit être sélectif et ces projets doivent répondre à plusieurs conditions :
– avoir une taille critique suffisante ;
– impliquer systématiquement des cofinancements privés ;
– prévoir un retour économique direct pour la part de financement public en
cas de succès technologique.
Type de financement : dotation consomptible à hauteur de 10 % par an pour
le cofinancement de démonstrateurs et de plateformes expérimentales avec
engagement de retour financier en cas de succès commercial.
Cofinancement : cofinancements privés systématiques et recherche de financements européens.
Type de retour attendu et gouvernance
Retour attendu :
– retour économique direct pour la part de financement public en cas de
succès technologique (sous forme de royalties ou de redevances sur le chiffre
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
117
d’affaires généré par l’activité commerciale, d’autant plus grandes que le financement intervient plus en aval dans la phase de préindustrialisation) au bout de
quelques années ;
– retour socio-économique (réduction des émissions de gaz à effet de serre).
Gouvernance : création d’un fonds dédié au sein de la nouvelle agence pour
les énergies renouvelables, dirigé par un comité de pilotage associant, par
exemple, l’État et Oséo, qui fixe le mandat de gestion du fonds et procède à son
suivi – évaluation périodique indépendante.
118
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
ACTION 15
Objectif
Conserver à la France ses avantages comparatifs et son avance technologique
dans le secteur aéronautique et spatial, dans le cadre d’un programme européen de démonstrateurs de technologies de rupture.
Enjeux
n La transition de l’industrie aéronautique et spatiale vers un nouveau modèle
présente des enjeux de différentes natures :
Développer
l’industrie
aéronautique
et spatiale
de demain
– au niveau environnemental : à l’échelle mondiale, les émissions de CO2 du
transport aérien ont crû de près de 90 % depuis 1990 et représentent près de
4 % des émissions totales ;
– au niveau économique : le secteur aéronautique et spatial français emploie
plus de 200 000 personnes et contribue positivement à la balance commerciale
française (15 Md€ en 2008) ;
– au niveau industriel : l’aéronautique et l’aérospatial sont des industries
fortement intensives en hautes technologies, avec un effet de diffusion à
l’ensemble de l’économie ;
– au niveau commercial : les États-Unis mais aussi les pays émergents (Brésil,
Russie, Inde et Chine) investissent massivement dans le secteur aéronautique
et spatial ; dans le domaine spatial, les investissements des États-Unis sont huit
fois plus élevés qu’en Europe et progressent annuellement de 6 % tandis que
ceux de la Chine croissent de 12 % et ceux de l’Inde de 25 %.
n Pour relever ces défis et aller au-delà des technologies utilisées aujourd’hui
dans l’industrie aéronautique et spatiale et qui ont été développées dans
certains cas il y a plus de 40 ans, il est indispensable de préparer la nouvelle
génération d’aéronefs, de lanceurs et de satellites, qui prennent en compte
particulièrement les opportunités du développement durable et la diminution
de l’empreinte environnementale du système de transport. La rupture technologique nécessaire pour y parvenir requiert la réalisation d’un vaste programme
de démonstration.
n Un effort public à l’échelle européenne est nécessaire pour le financement de
ce programme de démonstration technologique en raison de ses externalités
(diffusion de technologies à forte valeur ajoutée dans toute l’économie, gains
environnementaux, sociaux et économiques) et d’un besoin important de
ressources financières concentrées sur une courte période avec des temps de
retour longs. La réalisation d’une rupture technologique justifie un financement exceptionnel apporté par l’emprunt national.
Atouts
n La France et l’Europe disposent d’une position industrielle de premier plan
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
119
au niveau mondial. Le secteur investit fortement dans la recherche et développement (16 % du chiffre d’affaires en 2008), principalement dans la recherche environnementale. Plusieurs pôles de compétitivité, dont le pôle mondial
Aerospace Valley, concentrent une part importante de l’écosystème français de
recherche et de production du secteur aéronautique et spatial.
n L’industrie aéronautique s’est engagée sur des objectifs écologiques ambitieux (division par deux de la consommation et des émissions de CO2, réduction
de 80 % des émissions de NOx et diminution du bruit perçu d’un facteur deux
à l’horizon 2020), qui doivent permettre au transport aérien de diminuer son
impact environnemental et notamment de faire face au défi climatique.
Faiblesses
n La chaîne de création de nouvelles technologies, qui va de la recherche à la
phase d’industrialisation, comprend un maillon faible au niveau de la démonstration technologique. Les investissements nécessaires à ce niveau sont risqués,
présentent des taux de retour longs et produisent des externalités scientifiques
et techniques, ce qui justifie l’intervention de financements publics.
Montant et modalités d’action
n La Commission propose d’engager la France dans un programme européen
de démonstration de technologies de rupture pour l’industrie aéronautique
(avion et hélicoptère du futur, gestion de l’espace aérien…) et spatiale (lanceur
de nouvelle génération, satellites de télécommunications et d’observation…).
L’emprunt national financerait ce programme à hauteur de 2 Md€ au sein
d’Oséo, montant qui pourrait être utilisé sous forme d’avances remboursables
ou de garantie de prêts, conditionnées à l’obtention de financements de nos
partenaires européens et de l’Union européenne.
n Ce programme doit permettre le développement de technologies de rupture
dans des démonstrateurs et le financement de plateformes d’essai, intégrant
ces technologies.
n Ce programme doit être concentré dans les pôles de compétitivité existants et bénéficier à l’ensemble de l’écosystème concerné (PME sous-traitantes,
équipementiers, laboratoires de recherche…).
Type de financement : avances remboursables dans le cadre des règles européennes qui les régissent (existence de défaillances de marché, typiquement
durée trop longue du retour sur investissement ; conditions de remboursement
en fonction du succès, avec des redevances sur le chiffre d’affaires par exemple ;
couverture d’une partie du risque seulement) ou garantie de prêts.
Cofinancement : exigence de cofinancements des partenaires européens et
des acteurs privés.
120
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Type de retour attendu et gouvernance
Retour attendu :
– retour socio-économique (réduction des émissions de gaz à effet de serre,
amélioration de la connaissance scientifique, emplois et développement
économique) ;
– retour économique direct (remboursement et redevances sur le chiffre
d’affaires en cas de succès technologique) ;
– retour indirect (rentrées fiscales, conséquences du développement de
l’activité économique).
Gouvernance : gestion des fonds par Oséo sous la direction d’un comité de
pilotage regroupant, par exemple, l’État, la DGAC et le CNES – évaluation périodique indépendante.
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121
7 AXE
E
Investir
dans la
société
numérique
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ACTION 16
Accélérer le
passage de la
France au très
haut débit
Objectif
Favoriser l’accès au très haut débit pour l’ensemble des entreprises et de la
population.
Enjeux
n Le développement de l’économie numérique constitue un enjeu stratégique
pour la croissance de demain et le très haut débit en est un substrat important :
– le secteur du numérique connaît une très forte croissance (+ 6 % par an) ;
– la demande en débit double tous les 18 mois et elle devrait atteindre
100 Mbit/s vers 2013 ;
– les infrastructures numériques de très haut débit sont nécessaires pour permettre le développement de services à forte valeur ajoutée pour les ménages
et pour les entreprises (télétravail, télémédecine…).
n Le déploiement des infrastructures de très haut débit, pour lesquels les
financements privés sont insuffisants pour une diffusion rapide des nouvelles
technologies, suppose un engagement adapté de la puissance publique :
– la France a accumulé du retard sur les systèmes d’exploitation et le
hardware (ordinateurs, serveurs, stockage) – elle ne doit pas passer à côté des
prochains – ;
– le coût du déploiement de la fibre optique sur l’ensemble du territoire
(compris entre 20 et 40 Md€ selon les sources), dont une partie importante
devrait être assumée par des subventions publiques (pour la zone la moins
dense dite zone 3), est de nature à ralentir le développement du très haut débit
sauf à privilégier d’autres solutions (satellite, très haut débit mobile...).
Illustration : la Corée du Sud s’est dotée d’un plan d’équipement en très haut
débit jusqu’à 10 Gbit/s visant à raccorder les foyers coréens d’ici à 2013 à un
réseau en fibre optique plus performant. Un financement de l’État de 0,7 Md€
(4 % du total de l’investissement) doit permettre le lancement du plan de
déploiement des nouvelles infrastructures pour un investissement total de
17,8 Md€. L’objectif de ce plan est de développer des services interactifs
nouveaux sur Internet.
Atouts
n La France dispose d’avantages comparatifs nombreux, qui lui permettent de
saisir les opportunités de développement de la société numérique :
– elle dispose d’une expertise reconnue dans le secteur des télécoms et des
infrastructures de communications ;
– le niveau de pénétration du haut débit (10 Mbit/s), essentiellement en technologie ADSL, est supérieur à la moyenne de l’OCDE (28 accès pour 100 habitants
124
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
fin 2008 contre une moyenne de 22) grâce à des prix compétitifs. La France
constitue le quatrième marché au monde en termes de nombre d’abonnés au
haut débit (près de 18 millions d’abonnés fin 2008) ;
– la France s’est engagée dans le développement des technologies de très haut
débit, notamment au niveau local.
Faiblesses
n Le débit moyen des connections en France est modeste (7,5 Mbit/s en débit
descendant contre 21,8 Mbit/s en Corée du Sud et 16,1 Mbit/s au Japon).
n La France n’a pas réussi à déployer la technologie du câble dans de bonnes
conditions.
n Elle est en retard dans le déploiement du très haut débit (100 Mbit/s) : 180 000
foyers en bénéficient actuellement (contre 14 millions au Japon).
Montant et modalités d’action
n La Commission propose de créer un fonds dédié pour accélérer la transition
de la France vers le très haut débit. Ce fonds, doté de 2 Md€, serait confié à la
nouvelle agence pour le numérique (voir la partie 2 du rapport), principal outil
de la future délégation nationale au numérique.
n Ce fonds aurait pour objectif de soutenir le développement des solutions les
plus pertinentes techniquement et économiquement (fibre optique, solutions
satellitaires, très haut débit mobile...), en complément de l’action des collectivités territoriales pour les zones les moins denses (zones 2 et 3), afin de favoriser
l’accès au très haut débit sur l’ensemble du territoire à terme.
Type de financement : l’intervention de ce fonds pourrait prendre la forme, au
moins pour moitié, d’investissements en fonds propres, d’avances remboursables ou de garantie de prêts et, pour le reste, de subventions et de bonification
de prêts.
Cofinancement : recherche systématique de cofinancements privés, des
collectivités territoriales et de l’Union européenne.
Type de retour attendu et gouvernance
Retour attendu :
– retour sur investissement (à rechercher systématiquement) ;
– retour socio-économique.
Gouvernance : création d’un fonds dédié au sein de la nouvelle agence pour le
numérique – évaluation périodique indépendante.
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ACTION 17
Développer
les usages
et contenus
numériques
innovants
Objectif
Investir dans la conception d’usages et de contenus numériques innovants, en
premier lieu dans les réseaux intelligents, mais aussi dans les autres applications
(télétravail, télémédecine, e-santé, e-administration, e-éducation, e-justice,
numérisation du patrimoine culturel…) au besoin en accompagnant le développement d’infrastructures partagées (cloud computing, super-calculateurs…).
Enjeux
n Le secteur numérique est au cœur du progrès économique et technologique : il représente plus du quart de la croissance de l’économie et 40 % des
gains de productivité. En plus de constituer un secteur économique porteur
de croissance et d’emplois, le numérique a un impact diffusant positif sur le
reste de l’économie, en contribuant à améliorer la compétitivité globale de l’industrie et des services et en étant le support d’offres innovantes dans tous les
secteurs.
n Au-delà des infrastructures, l’enjeu du numérique porte sur le développement des contenus et services numériques, qui représentent 60 % des investissements du secteur et ont une croissance annuelle de 20 %.
n Plusieurs applications particulières des nouveaux usages numériques
présentent des enjeux importants :
– en lien avec le souci largement partagé de développement durable, la
gestion de l’équilibre des réseaux (d’électricité, de transports…) pourrait être un
point d’application d’innovations dans le numérique. Le fonctionnement actuel
des réseaux produit des externalités (surconsommation de ressources énergétiques, insécurité routière, congestion) dommageables économiquement et
écologiquement. L’utilisation des technologies numériques peut permettre de
mieux gérer les flux de ces réseaux grâce à des dispositifs intelligents et de faire
émerger de nouveaux services à forte valeur ajoutée ;
– l’efficience du fonctionnement de l’État constitue un autre point d’application
du numérique. La dématérialisation des relations entre les administrations et les
usagers est une voie de progrès substantiels vers une qualité de service accrue
et un coût de fonctionnement des services de l’État réduit. Le développement
de l’e-administration peut trouver des applications dans de nombreuses politiques publiques (justice, éducation, relation avec les entreprises…) et permettre
d’optimiser les moyens de fonctionnement des administrations ;
– le développement de l’e-santé (à l’exclusion du projet de dossier médical
personnel, financé par les voies budgétaires traditionnelles) est un autre point
d’application du numérique. Il contribuerait à l’amélioration de la qualité et à la
personnalisation des soins médicaux, en favorisant notamment la mise au point
de supports informatiques permettant de mieux coordonner la prise en charge
des patients ou de favoriser le maintien à domicile des personnes dépendantes.
126
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Il pourrait être complété par la conception d’applications de télémédecine et
par la constitution de bases de données médicales hiérarchisées par grandes
disciplines médicales (cf. action 8).
n Le retard relatif de la France dans le développement des nouveaux usages
du numérique et dans leur diffusion n’est pas définitif : beaucoup de services
numériques sont émergents et ne constituent pas un marché mature, dominé par des acteurs majeurs au niveau mondial. Il y a encore place pour un
effort dans l’innovation et dans la démonstration de l’intérêt économique de
nouveaux usages numériques et pour la constitution d’acteurs économiques
français et européens de premier plan. Pour permettre le décollage de ces
solutions numériques nouvelles, un investissement public dans l’innovation
numérique en lien avec les centres de recherche publics, les grands industriels
et les PME est justifié.
Illustration : l’innovation dans les différents secteurs économiques dépend
désormais fortement du développement numérique. À titre d’exemple, l’électronique et le logiciel embarqués représentent aujourd’hui 20 % à 30 % de la
valeur d’un véhicule automobile et sont impliqués dans 80 % des innovations.
Atouts
n La France peut s’appuyer sur des acteurs économiques de dimension mondiale dans des domaines tels que les services informatiques, les télécommunications et les cartes à puces, et sur des écosystèmes d’excellence, rassemblés
sur des pôles de compétitivité mondiaux dans des domaines technologiques
stratégiques.
n L’Île-de-France est la région d’Europe la plus dense en emplois sur les
secteurs numériques (100 000 emplois dans l’audiovisuel et 400 000 emplois
dans les technologies de l’information et de la communication).
n Le soutien public au développement de nouveaux usages et de nouvelles
technologies dans le secteur numérique est important et il est apporté notamment par le fonds unique interministériel, qui concentre près du tiers de ses
financements sur les pôles de compétitivité du numérique, par Oséo et par
l’ANR.
Faiblesses
n La France a accumulé un retard sur les systèmes d’exploitation et le hardware
(ordinateurs, serveurs, stockage) et est en retrait dans l’industrie logicielle, en
raison de l’absence d’acteurs de taille significative et de la difficulté des jeunes
entreprises du secteur à se développer.
n L’usage des TIC dans les entreprises françaises, en particulier dans les PME,
est plus faible que dans d’autres pays développés et le niveau d’investissement
dans le numérique des entreprises françaises est deux fois moins important
I N V E S T I R P O U R L’ A V E N I R
127
que celui des entreprises américaines. En 2008, seulement 50 % des entreprises françaises étaient ainsi connectées à l’Internet haut débit, 30 % disposaient
d’un site Internet, 2,5 % disposaient d’un site Internet capable d’effectuer
des transactions et 500 000 PME étaient encore totalement déconnectées de
l’économie numérique. Par ailleurs, le télétravail concerne en France autour de
7 % de la population active, contre 13 % en moyenne en Europe et 25 % aux
États-Unis.
Montant et modalités d’action
n La Commission propose de créer un fonds de numérisation de la société,
géré par la nouvelle agence pour le numérique (voir la partie 2 du rapport) et
doté de 2 Md€, pour soutenir les projets d’innovation dans les usages et les
contenus numériques et favoriser leur diffusion dans la société, particulièrement dans les entreprises.
n Le fonds de numérisation de la société aurait pour objectif de financer des
projets partenariaux public-privé de recherche et de démonstration visant le
développement de logiciels, d’usages et de contenus numériques innovants
dans tous les domaines, en premier lieu les réseaux intelligents (électriques
et de transport) mais aussi les autres applications (télétravail, télémédecine,
e-santé, e-administration, e-éducation, e-justice, numérisation des contenus
culturels…) au besoin en accompagnant le développement d’infrastructures
partagées (cloud computing, super-calculateurs…).
n Le fonds interviendrait en avances remboursables et en prêts avec exigence
de retour économique.
n Le choix des projets à financer devrait être sélectif et les projets devraient
répondre à plusieurs conditions : être innovants ; avoir une taille critique
suffisante ; impliquer systématiquement des cofinancements privés ; prévoir un
retour économique direct.
Type de financement : fonds doté de 2 Md€ pour financer des avances
remboursables et des prêts avec exigence de retour économique.
Cofinancement : exigence de cofinancements privés et recherche de cofinancements européens.
Type de retour attendu et gouvernance
Retour attendu :
– retour économique direct pour les avances remboursables et les prêts
(remboursement avec intérêt, royalties ou redevances sur le chiffre d’affaires
généré par l’activité commerciale) ;
– retour socio-économique (développement économique).
Gouvernance : création d’un fonds dédié au sein de la nouvelle agence pour le
numérique – évaluation périodique indépendante.
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