Programme des Subventions ROCARE pour la Recherche en Education Edition 2008 Education formelle et réussite des femmes dans le secteur informel urbain en Côte d’Ivoire Chercheurs • • BABA KABORE. EHUI PRISCA JUSTINE. Parrain : Dr KOUTOU N’Guessan Claude Pays : Côte d’Ivoire Recherche financée par le Réseau Ouest et Centre Africain de Recherche en Education (ROCARE) avec le soutien du projet Centre d’Excellence Régionale UEMOA et du Ministère des Affaires Etrangères des Pays Bas ROCARE / ERNWACA • Tel: (223) 20 21 16 12, Fax: (223) 20 21 21 15 • BP E 1854, Bamako, MALI Bénin • Burkina Faso • Cameroun • Centrafrique •Côte d’Ivoire • Gambie • Ghana • Guinée • Mali • Mauritanie • Niger • Nigeria • Sénégal • Sierra Leone • Togo www.rocare.org 2 Résumé Le secteur informel se présente aujourd’hui comme principal pourvoyeur d’emploi dans les pays en crise comme la Côte d’Ivoire, renforçant ainsi son économie dit de type moderne. Face à la croissante exponentielle du taux de chômage, les femmes s’y sont impliquées en y apportant un dynamisme et un savoir-faire insoupçonnés jusque-là. D’où tirent-t-elles cette expertise ? Est-ce le fruit des acquis capitalisés à l’école ? Est-ce le résultat de l’apprentissage ? La présente étude dont le thème est éducation formelle et réussite des femmes du secteur informel, tout en s’appuyant sur l’expérience des femmes d’Adjamé et d’Abobo, aborde ces questions dans ses aspects économique, social, et culturel. En réalité, même si les acquis pédagogiques influent très peu sur leurs performances et n’ont aucun effet sur la richesse qu’elles produisent, ces femmes ont exprimé le besoin d’être encadrées et formées afin de maîtriser toutes les ficelles techniques de leurs métiers. Les recommandations faites à l’issue de ce travail, donneront de précieuses indications aux décideurs pour que la femme améliore ses conditions de travail et reste compétitive dans son secteur d’activité. Mots-clés : Secteur Développement. informel, Education-Formation, Emplois, Activité économique, 3 Liste des sigles et des abréviations BIT : Bureau International du Travail BNETD : Bureau National d'Etudes Techniques et de Développement CFPA : Centre de Formation Professionnelle Artisanale CFPS : Centre de Formation Professionnelle Spécialisée COOPEC : Coopérative d'Epargne et de Crédit de Côte d'Ivoire DEF : Direction de l’Education Féminine INS : Institut National de la Statistique PAS : programme d’Ajustement Structurel PNUD : Programme des Nations unies pour le développement UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest Africaine UNESCO : Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture UNICEF : Fonds des Nations unies pour l'enfance UFR : Unité de Formation et de Recherche UPI : Unité de Production Informelle Liste des tableaux et des figures Pages Tableau 1 : Taux relatifs à l’éducation en Côte d’Ivoire 10 Tableau 2 : Echantillonnage Tableau 3 : Nombre de femmes scolarisées par niveau 19 Figure 1 : Poids de la lecture et de l’écriture dans l’exercice de l’activité 22 Figure 2: Importance de la langue française dans l’exercice de l’activité 24 Figure 3 : Choix du mode de calcul du gain 25 Figure 4 : Revenus des femmes scolarisées selon le niveau 27 Figure 5 : Revenus des femmes scolarisées et des femmes non scolarisées 28 Figure 6 : Mode d’initiation des femmes à l’activité 29 4 SOMMAIRE INTRODUCTION CHAPITRE I: CADRES THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE I-CADRE THEORIQUE I-1-Contexte I-2-Objectifs I-3-Revue de littérature II- CADRE METHODOLOGIQUE II-1- Champ de l’étude II-2- Echantillonnage II-3-Techniques de recueil des données II-4-Méthodes d’analyse CHAPITRE II : L’INFLUENCE DES ACQUIS SCOLAIRES SUR L’ACTIVITE ECONOMIQUE DES FEMMES I. Usage des acquis scolaires dans la gestion de l’activité I-1. Poids de la lecture et de l’écriture I-2. Usage de la langue I-3. Mode de calcul du gain II. Rapport entre le niveau d’étude et le revenu II-1. Etude comparative des revenus des femmes scolarisées selon le niveau II-2. Etude comparative des femmes scolarisées et des femmes non scolarisées III. Influences des activités économiques sur le statut social des femmes IV. Discussion CONCLUSION 5 INTRODUCTION La gestion, le fonctionnement et le développement de toute activité humaine, quelle que soit sa dimension (politique, religieuse et économique) ou l’espace culturel dans lequel elle s’exprime, implique un apprentissage, une éducation. C’est dans cette optique que les groupes sociaux se sont constitués autour d’une organisation de règles ou d’une institution dont le but est de transmettre aux générations futures, une série de procédés, de connaissances, de comportements, de traditions, de techniques et de croyances. Ces différentes valeurs constituent un patrimoine immatériel qui a besoin d’être conservé protégé, et perpétué. Cette triple tâche incombe à l’éducation, qui apparaît comme une action humaine spécifique à chaque aire culturelle et à chaque peuple; elle codifie tous les comportements dans l’exercice des activités en général et de l’activité économique en particulier. Ainsi, l'éducation est perçue comme un outil essentiel qui permet de réduire les disparités et les inégalités et de saisir les opportunités qu’offre la société. C’est en même temps un espace de socialisation et un vecteur de transmission des valeurs qui constituent le fondement de cette société. La formation, autre déclinaison de l’éducation, vise à acquérir des compétences spécifiques liées au monde du travail et à préparer à un emploi productif. Mais en Côte d’Ivoire, le marché du travail s’est rétréci, offrant très peu d’opportunités en cette période de forte récession, aggravée par une crise sociopolitique. Une telle situation accentue la pauvreté et creuse encore plus l’écart entre hommes et femmes. Tous se sont orientés, avec des fortunes diverses, vers le secteur informel où ils trouvent les ressources de leur survie quotidienne. Dans cette dynamique, les femmes jouent un rôle de premier plan. C’est pourquoi, le thème « Education formelle et réussite des femmes du secteur informel urbain » révèle toute son importance. Elle est d’autant plus importante qu’elle s’intéresse non seulement à l’interaction et à l’expression dans une même société, de deux ordres institutionnels différents, mais aussi à un agent dont la participation à la vie économique est souvent sous-estimée, c'est-à-dire la femme. Pour mieux cerner ce thème, notre travail s’articulera autour de deux chapitres, l’un relatif aux cadres théorique et méthodologique et l’autre à la présentation et à l’analyse des résultats. 6 CHAPITRE I: CADRES THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE Ce présent chapitre comprend d’une part le cadre théorique et d’autre part le cadre méthodologique. I. CADRE THEORIQUE Dans ce point précis, il est question d’asseoir l’architecture conceptuelle de notre réflexion à partir des modules scientifiques suivants : contexte, objectifs, revue de littérature, et hypothèses. I-1. Contexte Avec la crise économique des années quatre-vingts et les Politiques d’Ajustement Structurel (PAS) qui ont suivi en Afrique, le taux de chômage s’est accru et les Etats, surendettés, ont été incapables d’employer tous les diplômés, en l’absence d’un secteur privé fort. Le secteur informel se positionne alors comme une voie de recours, une solution de rechange pour régler un problème ponctuel : celui de résorber toute cette population active. Depuis lors, elle connaît une fulgurante croissance. Antérieurement considéré à priori comme un « accident » transitoire du processus de construction d’une économie moderne dans les pays en développement, le secteur informel a révélé par la suite une dynamique d’expansion et de renforcement de son rayon d’action. En Afrique il absorbe 61% de la main d’œuvre urbaine, et on estime qu’il est probablement à l’origine de plus de 93% des nouveaux emplois créés au cours des années 19901. L'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA)2 dans son rapport 2004 démontre que le secteur informel relativement à l’emploi a légèrement augmenté de 1990 à 2003, 76,2% des emplois informels contre 14,2% pour le secteur formel privé et 8,4% pour le secteur public dont 1,8% dans les entreprises publiques. Pour la Banque Mondiale, il est ainsi devenu le lieu d’emploi pour 92% de femmes hors secteur agricole contre 71% pour les hommes3. En Côte d’Ivoire, le secteur est dominé par 63% des femmes, selon Maldonado (2001). 1 KANTE (S), 2001, Le secteur informel en Afrique subsaharienne francophone: vers la promotion d’un travail décent. Document de travail sur l’économie informelle, secteur de l’emploi, BIT 2 Rapport UEMOA, 2004 « secteur informel en Afrique de l’ouest » 3 Rapport Banque Mondiale, 2001 7 Selon l’enquête 1-2-34, l’emploi informel non agricole est passé de 25 % en 1995 à 30 % en 2002. Soit 73,2 % de la population active ivoirienne évolue dans le secteur informel et à Abidjan, les femmes occupent 52,3% de l’emploi dans ce secteur, réparties dans l’industrie, le commerce et les services. Les femmes jouent donc un rôle prépondérant dans cette logique économique. La réflexion portant sur «Education formelle et réussite des femmes dans le secteur informel urbain » relève de deux considérations : l’une socioéconomique et l’autre scientifique. L’économie est une activité humaine qui consiste à la production, à la distribution, aux échanges et à la consommation des biens et services d’une communauté. Sa pratique est l’expression de deux entités complémentaires traduites par ses dimensions mécanique et idéologique. Pendant que l’aspect mécanique regroupe l’ensemble des moyens et actions à chaque étape, la matrice idéologique se compose des représentations culturelle, religieuse, politique et juridique qui soutiennent et orientent les comportements des acteurs sociaux dans leurs différentes actions. Le choix de l’éducation formelle comme indicateur, dans la politique de développement de l’activité économique (des femmes) contribue à la compréhension et à l’appréhension des mécanismes d’adaptation de cette société hétéroculturelle, qui tire sa substance de développement de deux matrices : la tradition et la modernité. L’approche scientifique prendrait alors en considération la capacité des femmes à insérer dans l’ordre économique traditionnel (endogène), les outils et acquis de l’éducation formelle (exogène) dans l’optique d’améliorer et de moderniser leur situation économique et sociale. L’insertion des femmes dans le tissu socioprofessionnel des sociétés africaines, est ralentie par les considérations socioculturelles qui les mettent toujours en conflit avec les hommes. Bien souvent, l’issue de ses conflits leur est défavorable à tous les niveaux. A cet effet, malgré les bouleversements observés dans les systèmes économiques traditionnels (avec surtout l’apparition de l’échange monétaire et le développement économique individuel), les femmes se sont orientées vers des activités dont les stratégies et les pratiques sont loin de répondre aux exigences des normes nationales. Ce qui explique en partie leur présence massive dans ce secteur. Pourtant dans la pratique de leurs activités, 4 Le secteur informel dans les principales agglomérations de sept Etats membres de l’UEMOA : Performances, insertion, perspectives. Principaux résultats de l’enquête 1-2-3 de 2001-2002 réalisée par les Instituts nationaux de statistique des Etats membres, décembre 2004, UEMOA 8 elles doivent se résoudre à tenir compte des apports de l’école, considérée comme un instrument de développement au service des individus et des sociétés. Ainsi, notre réflexion est circonscrite dans un champ dont les différentes variables en interaction sont l’éducation formelle, le secteur informel et la réussite des femmes. Intéressons-nous à présent à leurs définitions afin de clarifier notre champ d’investigation. Qu’appelle-on secteur informel ? Qu’est-ce que l’éducation formelle ? Qu’attendons-nous par réussite des femmes ? La définition du secteur informel est délicate et complexe parce que ce concept fait interagir plusieurs dimensions de la vie économique. C’est pourquoi les spécialistes manipulent ce concept avec prudence quand ils veulent le cerner. Ils tiennent compte de toutes ses dimensions et utilisent des critères juridico - administratifs, le mode de gestion, et l’aspect socio économique. On peut le définir comme l’ensemble des activités économiques légales qui échappent à toute législation en vigueur. Il regroupe les petites activités et entreprises rémunératrices, souvent individuelles ou familiales et se caractérise par l’inobéissance du cadre fiscal et juridique étatique, l’absence d’une comptabilité légalement tenue et des salaires non déclarés. Les embauches, lorsqu’elles existent, sont surtout basées sur l’emploi occasionnel, les liens de parenté ou les relations personnelles et sociales plutôt que sur des accords contractuels comportant des garanties en bonne et due forme. Les unités de production du secteur informel présentent les caractéristiques particulières des entreprises individuelles. Les actifs immobilisés ou autres utilisés n’appartiennent pas aux unités de production, mais à l’entrepreneur. Ces unités ne peuvent réaliser d’opération ou conclure de contrats avec d’autres unités, ni souscrire à des engagements. Les propriétaires doivent se procurer les moyens financiers nécessaires et ils sont personnellement responsables de toutes les dettes et de tous les engagements souscrits aux fins de production. Les dépenses de production sont souvent indifférenciées de celles du ménage. De même, les biens d’équipement, comme les bâtiments et les véhicules, peuvent être indistinctement utilisés pour l’entreprise et pour les besoins du ménage. Il couvre tous les secteurs économiques à savoir primaire, secondaire, tertiaire. Il comprend les marchands ambulants, les marchands sur étalage, les artisans tels que les réparateurs d’outils ménagers, les menuisiers, les maçons, les soudeurs, les tisserands, les cultivateurs, les orfèvres, les employés de maison, etc.5 5 KANTE (S), Op.cit 9 Maldonado6, percevant très bien la complexité de la définition d’un tel phénomène, résume tout ceci en citant les recommandations de la Conférence internationale des Statisticiens du travail, pour qui un établissement qui n’exerce pas une activité moderne par nature et qui ne remplit pas au moins trois des cinq critères suivants sera considéré à posteriori comme informel : 1. appartenance à une personne physique ou à une association de personnes ; 2. absence d’une comptabilité régulière ; 3. moins de cinq salariés permanents; 4. non inscription au registre de commerce ; 5. non affiliation au régime de la sécurité sociale. Quant à l’éducation, elle désigne « un système ouvert composé de ressources, d’activités et de connaissances, lui appartenant en propre ou tirées des autres savoirs fondamentaux et appliqués, dont le but est de permettre aux êtres humains de développer au maximum leurs dispositions et d’atteindre progressivement l’autonomie dans la recherche du sens de leur existence et de leur environnement »7. Elle désigne également une « offre organisée et méthodique de possibilités d’apprentissage par divers moyens, notamment, mais non exclusivement, par le moyen d’établissements d’enseignement. »8 L’éducation est d’une part, l'action de transmettre un ensemble de connaissances et de valeurs morales, physiques, intellectuelles, et scientifiques en vue de développer les facultés d’une personne (enfant, adulte, femme, homme) et d’autre part la transmission des productions des œuvres humaines (culture) d'une génération à une autre. De ce point de vue, l’éducation joue un rôle de socialisation et de conservation des acquis culturels dont elle assure la continuité. L’éducation est un enjeu majeur de progrès pour les sociétés, elle est un défi à relever pour que chaque personne puisse, en continu, accéder à des nouveaux savoirs, à une meilleure compréhension de son environnement, à son épanouissement personnel, à une meilleure intégration sociale et culturelle. Elle renferme trois dimensions, à savoir : l’éducation formelle, l’éducation informelle et l’éducation non formelle. L’éducation formelle est un système éducatif hiérarchiquement nivelé. Elle va du cycle primaire au cycle supérieur en passant par le cycle secondaire et prend en compte une 6 GAUFRYAU (B), MALDONADO (C), et BONNET (F), 2001, «Fonctions macroéconomiques de l’économie informelle en Afrique francophone» in L’économie informelle en Afrique Francophone : structure, dynamiques et politique, BIT, Genève, P 48. 7 LEGENDRE (R). Dictionnaire actuel de l’éducation, 2° édition 10e MILLE, P. 435 8 Op cit 10 variété de programmes spécialisés et d'institutions s'occupant à plein temps de la formation générale, technique et professionnelle. L’éducation informelle, quant à elle est un processus d’apprentissage continu par lequel chaque individu acquiert attitudes, valeurs, aptitudes et connaissances à partir des expériences quotidiennes, des influences et des ressources de son environnement. Elle est aussi qualifiée d’éducation traditionnelle. Pour SIMKINS Ti9, est non formelle toute activité d'éducation organisée en dehors du système formel établi, orientée vers une clientèle bien identifiée avec des objectifs d'apprentissage bien définis. Cet enseignement peut englober des programmes d'alphabétisation des adultes, d'éducation de base, d'éducation non formelle des non scolarisés, l'acquisition des compétences utiles à la vie ordinaire et professionnelle et de la culture générale. Ces programmes ne suivent pas nécessairement une échelle et peuvent être de durée variable. Selon le PNUD10, en Côte d’Ivoire "La fréquentation scolaire des enfants d’âge primaire (6-11 ans) a connu un recul de 2000 à 2006 : de 57% le taux net de scolarisation est passé à 55%. En 2006, l’école semble plus accessible aux garçons qu’aux filles (59% contre 51%) chez les filles, le milieu urbain (67%) semble offrir plus d’opportunité de scolarisation que le milieu rural (48%) et dans les régions Nord (Korhogo, 27%) et NordOuest (32%) la scolarisation y est plus faible." L’UNICEF (2008) présente également un tableau peu reluisant de la situation scolaire des filles. Les différents taux, comparés à ceux des garçons, sont nettement inférieurs, comme présentés dans le tableau suivant. Tableau 1 : Taux relatifs à l’éducation en Côte d’Ivoire Taux d'alphabétisation G 71 F 52 Taux de scolarisation primaire Brut G F 80 63 Net G 62 F 50 Taux de scolarisation Taux net de Taux net de secondaire fréquentation fréquentation primaire secondaire Brut Net G 32 F 18 G 26 F 15 G 66 F 57 G 32 F 22 Sources : Tableau construit par les auteurs à partir du rapport de l’UNICEF 9 SIMKINS (T), 1997, Non formal education and development, Manchester, University of Manchester, p.35 10 Objectifs du Millénaire pour le Développement (Côte d'Ivoire): éducation primaire (Résultat de l'enquête indicateurs multiples de santé (MISC 2006), Taux net de scolarisation des garçons - des filles. http://www.ci.undp.org/omd2.php, 21/12/2008 11 En définitive, on retient que le bilan de l’éducation des filles pose problème en Côte d’Ivoire, aussi bien au niveau de l’accès que du maintien. Le taux de maintien des filles à l’école jusqu’à la fin du cycle primaire au moins, est parmi les enfants de 11 ans, seulement de 15%, et de 17% pour les garçons. On observe alors un important taux d’abandon scolaire de l’ordre de 40%, ce qui nous amène à nous interroger sur ce qu’elles deviennent au sortir du système éducatif. Quand on sait que le secteur informel occupe majoritairement les femmes (63%), il ya de fortes chances que les filles rejetées par le système scolaire s’orientent vers ce secteur où elles développent des stratégies de survie. Cela est d’un grand intérêt dans notre contexte marqué par la lutte contre la pauvreté dans une approche du genre. La présente étude analyse la trajectoire de ces femmes dans le monde du travail en abordant la question de l’apport des acquis scolaires dans le développement de leurs activités dans le secteur informel. Depuis son introduction, par le canal de la colonisation dans la société ivoirienne, l’école est devenue un moyen incontournable pour le développement socio économique. A telle enseigne que, la mise en œuvre d’une scolarisation à 100% est devenue la priorité des priorités des gouvernants. Elle est au cœur de la connaissance et de la formation. Mais l’une des préoccupations qu’il importe de souligner, est de savoir comment cette valeur éducative peut servir de conducteur dans nos systèmes traditionnels, qui ont été longtemps soumis à un ordre culturel spécifique. En d’autres termes, comment la combinaison et la réinterprétation des éléments de l’école moderne et les unités productives traditionnelles, une fois en contact, peuvent créer un nouvel ordre institutionnel conduisant ainsi à un environnement favorable pour le développement des activités économiques des femmes? Ainsi donc, la gestion et le fonctionnement du secteur informel reposent sur des paramètres issus de modèles traditionnels, basés sur l’oralité, l’apprentissage et la transmission, caractérisée par des rites initiatiques dans certaines circonstances. Etudier l’apport de l'éducation formelle sur les activités des femmes du secteur informel nous ramène à une question essentielle : Quel est l’effet de l’éducation formelle sur la vie socioprofessionnelle des femmes du secteur informel ? Ce questionnement lui-même induit une double interrogation : • Quelle est l’influence, de l’éducation formelle sur les gains que capitalisent les femmes ? • Quelle est l’importance de l’éducation formelle sur leur vie socioprofessionnelle? 12 Seule une étude empirique nous permettra de mieux appréhender dans quelle mesure l’éducation influence réellement l’insertion socioprofessionnelle et les gains des femmes dans le secteur informel. Les rapports entre les acquis scolaires des femmes, la gestion et le développement de leurs activités économiques dans cette étude se vérifient à travers les hypothèses suivantes. • Première hypothèse : les compétences scolaires (lecture, écriture, expression orale, calcul) permettent aux femmes du secteur informel d’améliorer leurs performances dans la pratique de leurs activités. • Deuxième hypothèse : l’augmentation des revenus économiques des femmes correspond à leur niveau d’étude. Autrement dit, plus les femmes ont un niveau d’étude élevé (plus elles sont instruites), plus leurs revenus sont élevés. I-2. : Objectifs Les objectifs sont de deux ordres, l’objectif général et les objectifs spécifiques. I-2-1. : Objectif général Cette étude vise d’une part à analyser l’influence de la scolarisation des femmes dans la gestion et le développement de leurs activités économiques et d’autre part à recenser leurs besoins en formation. I-2-2. : Objectifs spécifiques Les objectifs spécifiques sont de trois ordres : • Distinguer les stratégies par lesquelles les femmes appliquent les compétences acquises (lecture, écriture, langue, calcul) à l’école dans la pratique régulière de leurs activités. • Identifier les rapports entre le niveau d’étude et le revenu économique des femmes du secteur informel. • Appréhender le rôle de ces activités économiques dans l’insertion sociale des femmes. A présent, il importe de s’intéresser aux recherches et travaux antérieurs qui ont porté sur le secteur informel. 13 I-3. Revue de littérature Les écrits scientifiques qui nous ont inspirés dans cette étude, peuvent être classés dans trois registres : le premier registre regroupe les chercheurs qui se sont intéressés à une simple description du secteur informel. Le deuxième groupe rassemble les écrits de ceux qui ont recherché les possibilités d’intégrer le secteur formel au cadre normatif, en s’inspirant d’un code juridique adapté. Le troisième comprend quant à lui, l’ensemble des écrits qui abordent le phénomène dans sa spécificité en le mettant en rapport avec l’éducation. Le premier registre que nous qualifions d’approche descriptive dans notre démarche est illustré par les enquêtes 1- 2 – 3 phases 2 et 3 de l’Institut National de la Statistique (INS) ; organisées dans les capitales de sept pays de l’UEMOA que sont : Abidjan, Bamako, Cotonou, Dakar, Lomé, Niamey et Ouagadougou. Bien que ces deux enquêtes aient emprunté une démarche descriptive, il faut toutefois souligner leur spécificité. Les résultats de la première enquête réalisée par les auteurs dont les noms suivent : Alain BRILLEAU, Siriki COULIBALY, Flore GUBERT, Ousman KORIKO, Mathias KUEPIE, Eloi OUEDRAOGO11 ont d’abord fait la lumière sur la définition du secteur informel. A cet effet, ils le définissent comme « l’ensemble des unités de productions dépourvues de numéro d’enregistrement administratif et / ou de comptabilité écrite formelle »12, c'est-à-dire une comptabilité permettant d’élaborer une exploitation et un bilan. Après cette définition, les auteurs tout en s’appuyant sur les données recueillies sur le terrain, ont d’abord reparti par branches les différentes Unités de Productions Informelles (UPI) et les conditions d’exercice des activités. Ils ont ensuite présenté les caractéristiques de la main-d’œuvre. Enfin ils ont insisté sur le capital, l’investissement et le financement dans cet ordre économique. Quant à la deuxième enquête 1-2-3, phase 3 réalisée par Ousman KORIKO et Constance TORELLI13, dans les capitales des pays de l’UEMOA citées plus haut, à l’exception d’Abidjan, compte tenu de la crise sociopolitique que connaît la Côte d’Ivoire, elle 11 BRILLEAU (A), COULIBALY (S) & al, 2000 : le secteur informel : Performances, insertion, perspectives, enquête 1-2-3 ; Phase 2, in STATECO : méthode statistique et économique pour le développement et la transition, N° 99, Paris, p.65-88. 12 Ibidem, P 65 13 KORIKO (O), TORELLI (C), 2005, La consommation et le rôle du secteur informel dans la satisfaction des besoins des ménages, enquête 1-2-3 phase 3, in STATECO : méthode statistique et économique pour le développement et la transition, N° 99, Paris 14 révèle la place qu’occupent les unités productrices du secteur informel dans la vie des ménages. Selon leurs résultats, cette importance s’explique surtout par leur proximité géographique et la modicité des prix. Ce qui permet de conclure que les services offerts par le secteur informel correspondent plus ou moins aux besoins de la population, qui très souvent vit en dessous du seuil de pauvreté. Cette approche descriptive est aussi utilisée par Carlos MALDONADO et autres 14 dans leur analyse multidimensionnelle du secteur informel. L’intérêt de ces travaux pour notre étude réside dans la qualité des informations relatives aux caractéristiques propres à l’économie informelle. Ces informations nous ont permis d’avoir une bonne connaissance de cet ordre économique, mais elles ne permettent pas d’appréhender le rapport que nous voulons établir entre le développement des activités du secteur informel et l’éducation formelle. C’est pourquoi, nous nous sommes orientés vers la deuxième vague de chercheurs. Pour cette catégorie de chercheurs, l’écart entre le secteur formel et le secteur informel, réside dans la rigidité des normes juridiques et institutionnelles qui gouvernent la vie économique des différents Etats. A cet effet, Carlos MALDONADO15 en s’inspirant de l’exemple de certains pays de l’Amérique du Sud, tels que la Bolivie, le Brésil, le Mexique, le Venezuela pour ne citer que ceux-là, a montré l’importance du secteur informel dans le développement économique des pays. Pour lui, les cinq réformes prioritaires ci-dessous permettront aux Etats d’insérer l’informel dans un cadre institutionnel. - préconiser des mesures de dégrèvement fiscal tenant compte de la capacité contributive des activités informelles afin de relever progressivement leur degré de conformité aux prescriptions légales, - assouplir les lois régissant le contrat de travail en ce qui concerne les charges salariales, - instituer des régimes de prestations sociales adaptées aux ressources mobilisables par le secteur lui-même, MALDONADO (C), GAUFRYAU (B), BONNET (F), 2001 « Fonctions macroéconomiques de l’économie informelle en Afrique francophone » in L’économie informelle en Afrique : structure, dynamiques et politique, BIT, Genève, P 39-98. 15 -MALDONADO (C), 1999, « entre illusion de la normalisation et le laisser faire : vers la légalisation du secteur informel en Afrique ? » in Le secteur informel en Afrique face aux contraintes légales et institutionnelles, Genève, BIT, P.2. 14 15 - alléger les principales contraintes économiques qui pèsent sur les petits entrepreneurs en prenant un ensemble de mesures visant à faciliter leur accès aux ressources productives et à leur ouvrir de nouveaux marchés, – réduire le nombre et le coût des procédures administratives. Abondant dans la même logique de normalisation du secteur informel, Augustin NIANGO16, en prenant l’exemple de la Côte d’Ivoire, préconise une modification de comportement de l’administration publique et un allègement du cadre légal et réglementaire, qu’il trouve très complexe et contraignant pour les agents du secteur informel. Ces deux auteurs n’orientent pas leurs études dans le même sens que le notre, mais leur démarche nous a permis de cerner la structure de chaque ordre économique et les fondements juridiques et idéologiques qui en constituent les fondements. Les deux registres passés en revue ont une approche beaucoup plus globale et générale, contrairement au dernier qui a une orientation centrée sur la Côte d’Ivoire. Les tenants de ce troisième point, ont effectué des études spécifiques à la Côte d’Ivoire, en mettant en évidence d’une part, l’importance numérique de la femme dans le secteur informel et d’autre part, le rapport étroit entre le développement de ce secteur et l’éducation formelle et non formelle. Deux tendances se dessinent. Dans la première, l’importance numérique de la femme dans le secteur informel est une évidence. L’on constate une sexualisation des activités dans la mesure où les femmes sont plus représentatives dans les activités de marché et de vente de produits alimentaires ; leur participation aux activités évaluée à 90 % est loin d’être négligeable. Selon Bertrand GAUFRYAU et Carlos MALDONADO, « La part des hommes travaillant dans le secteur informel en Côte d’Ivoire représentant 34,9 % en 1985 et 37,1 % en 1990, les données correspondantes pour les femmes étant respectivement 65,1 % et 62,9 % » 17. Pour la deuxième tendance, le développement économique des activités du secteur informel est lié à l’éducation. Dans cette catégorie, il importe de séparer ceux qui mettent l’accent sur l’éducation non formelle de ceux qui insistent sur l’éducation formelle dans le processus de développement des activités. NIANGO (A), 1999: « Abidjan »in Le secteur informel en Afrique face aux contraintes légales et institutionnelles, Genève, BIT, p177-214. 17 GAUFRYAU (B) et MALDONADO (C) 2001, « Côte d’Ivoire » in L’économie informelle en Afrique Francophone : structure, dynamiques et politique, BIT, Genève, P 269 -310, P.276-278. 16 16 Pour les premiers18, c'est-à-dire ceux qui mettent l’accent sur l’éducation non formelle, les politiques d’appui institutionnel basées sur la formation, l’apprentissage et le perfectionnement à travers la construction de centres de formation sont indispensables dans ce processus de développement. Ils expliquent que cette vision a conduit à la création, dans les années 1980 à 1990, de différents centres tels que les Centres de Formation Professionnelle Artisanale (CFPA), les Centres de Formation Professionnelle Spécialisée (CFPS) et bien d’autres, en Côte d’Ivoire. Le but de ces centres est de compléter l’apprentissage (forme ancienne de transmission des savoir-faire dans le cadre de l’exercice pratique d’un métier) par l’enseignement technique et la formation professionnelle. Cette politique éducative insiste sur l’acquisition des connaissances techniques et technologiques pouvant faciliter l’insertion des bénéficiaires dans la vie active et développer leurs capacités intellectuelles. C’est ainsi que la mission de promouvoir la situation économique et sociale des femmes dans tous les secteurs d’activité a été confiée au Ministère de la Promotion de la Femme. La structure technique chargée de la mise en œuvre de cette mission est la Direction de l’Education Féminine, qui s’occupe de la formation et de l’éducation. Sa politique repose sur les foyers féminins et avec des auditrices regroupées selon les activités (classes d’alphabétisation, atelier de couture, ou de tricot, démonstration culinaire, coiffure, couture). Pour la seconde vague de cette approche, l’éducation formelle détermine le développement des activités économiques. En prenant les femmes pour cible, et en mettant en rapport leur éducation (définie par les variables d’alphabétisation et de niveau d’instruction) et leur position socio-économique, Nome Marie LATTROH ESSOH19, démontre que l’école est un moyen incontournable pour l’épanouissement de celles-ci. Elle écrit à cet effet : « l’éducation des femmes a un effet sur leur position sociale et économique, l’éducation donne aux femmes, la possibilité de choisir leur mode de vie, leur accorde un certain statut, aide les femmes à s’aider elles-mêmes en participant aux systèmes politique et économique »20. Son étude qui porte sur la femme ivoirienne active, démontre que la majorité des femmes occupées n’est pas instruite, soit 73,3 % contre 26,7 % pour les hommes. Pour elle, bien que ce manque d’instruction soit une entrave à l’accès pour un certain type d’emploi, les femmes ivoiriennes exercent des activités économiques leur permettant de Ibidem. P 284 – 288. ESSOH (N.M), Mai 2001, Analyse des résultats du thème N°8, situation socio économique de la femme, Deuxième draft,, 139 P. 20 Ibidem, P 24. 18 19 LATTROH 17 sortir de leur situation d’agents de reproduction biologique, de pourvoyeurs de main-d’œuvre ou de productrices de cultures de subsistance. Des stéréotypes longtemps développés par les systèmes de pensées et d’idées traditionnelles, qui ont soumis les femmes à un mode de vie particulier. Certes, ces chercheurs ont montré les avantages de l’éducation dans la vie économique des femmes, mais ils ne mettent pas en évidence son impact réel sur le développement de leurs activités économiques. En nous inscrivant dans cette démarche, mais avec une certaine spécificité, notre étude vise à montrer l’influence de l’éducation formelle sur l’exercice des activités des femmes du secteur informel. II. CADRE METHODOLOGIQUE Le cadre méthodologique est cet autre axe de la recherche qui offre les rudiments techniques et leur procédure d’application sur le terrain d’étude. Il est composé dans la présente réflexion du champ de l’étude, de l’échantillonnage, des techniques de recueil de données et des méthodes d’analyse. II-1. Champ de l’étude Dans cette section nous présentons le terrain d’étude dans sa dimension géographique et sociologique II-1-1. Champ géographique La présente étude s’est déroulée dans le Sud de la Côte d’Ivoire, plus précisément à Abidjan la capitale économique. Le choix s’est porté sur deux communes : Abobo, une commune périphérique de la banlieue Nord et Adjamé, une commune du centre ville. Les raisons qui motivent ces choix sont spécifiques à chaque commune. Selon les renseignements tirés du livre blanc de la commune d’Abobo, confectionné par le Bureau National d'Etudes Techniques et de Développement (BNETD) en 1998, Abobo est la commune la plus peuplée d’Abidjan et même de la Côte d’Ivoire, avec 1,5 millions d’habitants. Elle abrite 20,75 % de la population Abidjanaise, ce qui signifie qu’à Abidjan, 1 habitant sur 5 vit à Abobo. Les jeunes prédominent avec une proportion de 85 % de la population totale et celle de la jeunesse féminine est estimée à 51 %. En plus, Elle se caractérise par sa très forte concentration en activités informelles ; cinquante deux (52) types d’activités ont été identifiées, avec une prédominance du commerce (29%) et de la couture 18 22 %21. Le choix de la commune d’Abobo a donc été guidé par deux facteurs : son importance démographique, et sa densité en matière d’activités informelles. Quant à la commune d’Adjamé, son choix se justifie par l’importance de l’activité économique qui se traduit par la présence d’une multitude de marchés ou centres commerciaux dont le célèbre Marché Gouro (lieu d’approvisionnement et de déchargement des vivriers en provenance de l’intérieur du pays), le Forum (ou Grand Marché), Petit Lomé, le Black Market. Le nombre de personnes y exerçant dans le secteur informel est impressionnant, car la plupart viennent de communes avoisinantes, ce qui forme dans notre population cible, un fort contraste intéressant à étudier. I-1-2. Champ sociologique : population d’enquête. L’étude porte sur les femmes exerçant dans le secteur informel en tant que propriétaires ou employées. Notre population de base se constitue alors, des femmes de toute nationalité, instruites ou non, exerçant dans l’industrie, le commerce ou les services, résidant ou non à Adjamé et à Abobo, mais exerçant au sein de l’une des deux communes dans lesquelles se déroule l’enquête. Le nombre de femmes à interroger est déterminé par notre échantillon. II-2. Echantillonnage La priorité dans cette recherche est mise sur la qualité des informations utiles pour notre analyse. A cet effet, le choix de nos enquêtées répond surtout aux caractéristiques qui déterminent notre population d’enquête. Il s’est donc opéré en tenant compte de trois principales caractéristiques. Il ya d’abord le caractère physiologique (être une femme), ensuite le caractère socioprofessionnel (exercer dans le secteur informel) et enfin le caractère géographique (exercer dans l’une des deux communes choisies). La précision de ces caractéristiques nous oriente vers deux questions essentielles : comment choisir les enquêtées ? Combien d’enquêtées doit-on choisir ? Les techniques d’échantillonnage utilisées dans cette étude sont l’échantillon par le choix raisonné et l’échantillon sur place. Par le choix raisonné, tout en tenant compte des caractéristiques de notre population de base, de l’approche qualitative de l’étude et surtout de l’inexistence de statistiques fiables relatives à ce secteur d’activités, nous avons choisi 40 femmes par secteur. Soit, 40 dans le secteur industriel, 40 dans le secteur commercial et 40 autres dans les services pour 21 Ehui (P.J), 2000-2001, Etude de la criminalité financière à Abidjan : Cas de la commune d’Abobo, Mémoire de fin de Cycle (maîtrise) Université de Cocody, UFR Criminologie, Annexe I. 19 chacune des communes. Cette démarche a été utilisée dans les deux communes. Ce qui donne 120 femmes par commune, on totalise ainsi 240 femmes à interroger. L’échantillon sur place, a consisté à interroger les femmes trouvées sur le lieu de travail (sur place) et qui ont accepté de répondre à nos questions, jusqu’à atteindre le nombre imparti à chaque sous-secteur de chaque commune. Le tableau suivant illustre notre échantillonnage. Tableau 2: Echantillonnage Abobo Adjamé Industrie 40 40 Commerce 40 40 Services 40 40 Total 120 120 Total général 240 II-3-Techniques de recueil des données Deux techniques de recueil ont été utilisées pour conduire l’enquête ; ce sont la documentation, l’entretien et le questionnaire. • L’entretien Vu le caractère qualitatif de notre étude, l’entretien a été l’une des techniques privilégiée. Ce procédé a été utilisé en vue d’obtenir des informations essentielles et des éléments de réflexion auprès des femmes afin de cerner la spécificité et les caractéristiques de ce secteur. Cette démarche nous a permis d’appréhender l’organisation pratique des activités tout en faisant référence au rôle que peut jouer l’école dans cette gestion. Elle a surtout permis de connaître les motifs réels de l’arrêt de la scolarité, le choix de l’activité et les problèmes effectivement vécus dans l’exercice de ces activités. • Le questionnaire Le questionnaire, composé de questions ouvertes et de questions fermées, a permis principalement de recueillir les informations relatives à l’utilisation des acquis pédagogiques dans le secteur informel. Par ce questionnaire nous avons pu comparer les données relatives aux femmes scolarisées à celles concernant les femmes non scolarisées. Il est 20 composé de modules permettant de caractériser la situation de chaque femme vis-à-vis du marché du travail, de déterminer le type d’éducation reçue et de formuler une demande en formation. Les dimensions suivantes peuvent être examinées : (l’activité, l’expérience, l’ancienneté, l’âge, la religion, le revenu, le revenu hors emplois, le lieu d’habitation, le type de maison habitée, les différentes charges financières, les dépenses journalières). Concernant l’éducation, les questions posées renseignent sur le type d’enseignement reçu, le niveau d’éducation atteint, les diplômes obtenus, le type d’établissement fréquenté (public, privé, privé confessionnel,) le niveau de scolarisation des parents, le niveau d’alphabétisation atteint (exploitation des réponses posées sur la capacité à lire et à écrire en français ou dans une autre langue). II-4. Méthodes d’analyse Deux méthodes ont servi à l’analyse dans cette étude. • L’analyse dialectique En mettant en rapport éducation formelle et le secteur informel, on met en évidence deux registres institutionnels, dans une suite dualiste, régis par la modernité et la tradition. Ces deux repères participent dans la complémentarité et dans l’opposition, à la construction d’un nouvel ordre économique construit sur des bases modernes et traditionnelles. Or, un processus évolutif qui s’opère sous le contrôle des systèmes modernes et traditionnels est alimenté par des va-et-vient, qui expriment l’acceptation et le refus, la rupture et la permanence. Le choix de la méthode dialectique dans cette logique, répond au souci d’appréhender les mécanismes par lesquels les femmes s’adonnent à leurs activités économiques (guidés par des référentiels traditionnels) tout en introduisant d’autres valeurs institutionnelles exogènes (acquis pédagogiques), par l’acceptation ou le refus. En clair, elle permet de saisir les incohérences, les contradictions et les compatibilités nées de la rencontre économie informelle et éducation formelle. Pour nous résumer, notre méthode met en valeur deux référentiels aux effets d’influences réciproques, ayant des relations de consolidation mutuelle. Elle éclaire également la double trajectoire des deux référentiels en fonction de leur nature propre et de la manière dont elles se manifestent dans le corps social. • L’analyse fonctionnaliste 21 Cette méthode vise à saisir les lois qui conditionnent et orientent le fonctionnement de l’école. En tant qu’institution multidimensionnelle (personnelles, sociales, économiques, collectives) ses fonctions méritent d’être connues afin de comprendre leur influence sur le développement des activités des femmes aux plans économique et social. 22 CHAPITRE II : RESULTATS ET ANALYSES Pour appréhender l’usage des acquis scolaires dans la gestion et le développement des activités, nous nous sommes appuyés sur les acquis scolaires et le niveau d’étude des femmes interrogées. Nous avons mis les acquis scolaires en rapport avec la gestion pratique et le niveau d’étude avec le développement économique des femmes. I. Usage des acquis scolaires dans la gestion L’usage des acquis scolaires par les femmes dans la pratique de leurs activités économiques fait référence aux compétences scolaires que sont : la lecture, l’écriture, la langue et le calcul. I-1. Poids de la lecture et de l’écriture L’enquête révèle que sur 240 femmes interrogées, 142 ont affirmé savoir lire et écrire, soit 59,14% contre 40,8% dont 98 femmes ne savent pas lire et écrire contrairement à l’impression générale qui se dégage. Cela est illustré par le diagramme 1 ci-dessous. Figure 1 : Poids de la lecture et de l’écriture dans l’exercice de l’activité 40,83% Sait lire et écrire Ne sait ni lire ni écrire 59,17% Dans cette catégorie de femmes sachant lire et écrire, il ya celles, plus nombreuses, dont la compétence se limite à la reconnaissance des lettres et des chiffres. Elles sont incapables de passer une commande, de faire une lettre ou de gérer un stock toutes seules. 23 A côté de celles-ci, se trouvent celles dont on peut classer les arguments en trois points, en fonction de l’usage qu’elles font de la lecture et de l’écriture : • • • L’achat de marchandises destinées à la vente, ou à la composition de produits (secteur industriel). Les traces écrites lors de ces transactions évitent les surprises désagréables dues aux promesses non tenues, pratique courante dans ce milieu. Constituer une épargne et en suivre les mouvements dans une banque ou dans une tontine, nécessite de savoir lire et écrire. Les femmes parlent rarement de leurs gains et gardent une totale discrétion sur leurs avoirs. Savoir lire et écrire confère une certaine confidentialité dans la tenue et le suivi de leurs activités. Ces résultats nous permettent de conclure qu’une grande proportion de femmes sait lire et écrire, mais ne sait pas encore utiliser ces acquis pour gérer leurs affaires. I-2. Usage de la langue dans l’activité Dans le contexte économique, la communication est le passage obligé qui permet à une personne d’entrer en relation avec autrui. Elle peut être interpersonnel (entre deux personnes) ou de masse (reliant une personne à plusieurs autres). Elle a pour objectif de : - faire passer un message, créer une relation de dialogue entre l’émetteur et le récepteur, obtenir une influence dans le cas d’un échange commercial, pour inciter un client à s’intéresser à un objet, donner l’identité et le prix d’un objet, source initiatrice de la communication. Compte tenu de cette importance, la première condition pour réaliser cet échange de manière cohérente et efficace consiste toujours à s’adresser à celui qui reçoit le message dans la même langue, de façon claire et précise, afin de capter l’attention, d’inciter à l’achat ou à la commande et de conclure la transaction. Les données recueillies auprès de nos enquêtées permettent de s’apercevoir que la langue française est le moyen de communication le plus utilisé. Le diagramme 2 montre que 225 femmes enquêtées, soit 93,75 %, utilisent le français pour communiquer, contre 15 seulement, c’est à dire 06,20 %, qui optent pour une langue locale. 24 Figure 2 : Importance de la langue française dans l’exercice de l’activité 6,25% utilise une langue locale utilise le Français 93,75% Les langues locales utilisées sont le Dioula, le Baoulé, l’Ebrié et l’Agni. En comparant ces chiffres avec ceux relatifs à la compétence en lecture et en écriture, on s’aperçoit que l’usage du Français est près de deux fois plus développé. On ne peut pas expliquer cela uniquement par la réminiscence des acquis scolaires, compte tenu du fait que celles qui ne sont jamais allées à l’école, l’ont apprise « sur le tas » ou par l’éducation non formelle. Cela s’explique car l’environnement linguistique est à forte coloration francophone. Au demeurant, l’usage du Français n’est pas exclusif : les femmes utilisent incidemment l’une et/ou l’autre des langues citées plus haut en fonction du choix linguistique du récepteur. Cela les prédispose à développer la faculté de maîtriser et de parler plusieurs langues à la fois ; la majorité des femmes de ce secteur est polyglotte. Dès lors, la langue française, comme moyen de communication, apparaît comme une « approche marketing » pour les opératrices de ce secteur. I-3. Mode de calcul du gain Dans cette section nous avons voulu savoir comment les femmes calculent ellesmêmes leurs différents coûts (approvisionnements, charges courantes) et déterminent leurs marges bénéficiaires (journalières, hebdomadaires ou mensuelles). Nous avons privilégié trois modes qui sont le calcul mental (sans usage de l’écriture), l’usage de la calculatrice et la tenue d’un cahier (usage d’un stylo et d’une feuille). Les résultats illustrés par le diagramme 3 montrent que 223 femmes, soit 92,92% optent pour le calcul mental, 14 pour la calculatrice, soit 5,83% et 3 seulement, soit 1,25% utilisent de façon permanente un stylo et une feuille. 25 Figure 3 : Choix du mode de calcul du gain 1,25% 5,83% Calcul mental Calcul à l'aide d'une calculatrice Calcul à l’aide d’un stylo et d’une feuille 92,92% L’option pour le calcul mental se justifie par sa rapidité qui permet aux femmes d’être compétitives et de libérer le plus tôt leurs clients pour en recevoir de nouveaux. Il est plus pratique et s’adapte parfaitement au cadre et au type de l’activité. Il est plus rapide, efficace et spontané, dans un environnement fortement concurrentiel. Il cultive l’esprit et forme la mémoire des femmes. Cette compétence acquise à l’école ou pendant l’apprentissage s’est renforcée avec la pratique quotidienne. Même si elle n’est pas exclusivement tributaire de l’école, la plupart des femmes scolarisées reconnaissent que les techniques apprises en mathématiques ont été déterminantes dans la maîtrise du calcul mental. On peut donc considérer que les acquis pédagogiques et ceux de l’apprentissage se complètent dans l’usage de ce mode. Quant aux 14 femmes qui utilisent la calculatrice, l’étude a montré que leurs activités disposent d’un minimum de commodités et de confort (un local doté d’un comptoir, de chaises ou de bancs). Bien que souvent rudimentaire, ce dispositif d’accueil permet au client d’attendre, le temps pour elles d’effectuer les opérations de calcul. Pour les 03 femmes qui tiennent un cahier de recettes, qui utilisent donc un stylo et une feuille, leurs expériences méritent qu’on s’y attarde, tant elles son riches en enseignements. La première est une vendeuse de mèches de tresse, la seconde possède un atelier de confection de vêtements pour femmes et enfants et la troisième tient un magasin de pagne. Chacune a une gestion adaptée à la nature et à la taille de son entreprise. Mais comme points communs, leurs structures sont plus grandes, comparées à celles des 237 femmes observées dans le paragraphe précédent. Elles ont toutes des employés et des locaux modernes, ne sont pas souvent en place, ont un style d’organisation et de « management » au dessus de la moyenne par rapport aux autres femmes enquêtées), délèguent certains pouvoirs aux collaborateurs. Chacune gère son activité comme suit. • La vendeuse de mèches : elle a deux employées dans son magasin. La première gère la clientèle et la seconde, nièce de la patronne, gère les stocks, tient la caisse et les cahiers (recettes et tontine). Elle a aménagé le pas-de-porte en y installant de confortables bancs pour permettre aux tresseuses (une douzaine) d’exercer, moyennant un 26 pourcentage sur chaque cliente. En retour, les tresseuses s’approvisionnent dans le magasin, peuvent y épargner leurs gains à travers une tontine et le cas échéant, y emprunter de l’argent. En jouant de ses relations, la patronne met son carnet d’adresses à la disposition de ses filleules, à qui elle trouve de « juteux contrats ». Celles-ci se rendent dans des domiciles pour exercer leurs talents et accroître ainsi leurs gains. Elles y tissent de précieuses relations qui rehaussent leur statut social. Ces nouvelles relations induisent de nouveaux comportements. Toutes possèdent des téléphones portables pour être en relation permanente avec la clientèle ; elles diversifient l’offre de service (pédicure, manucure, soins du visage) pour être compétitive et offrir un « package » à ces grandes dames. L’entreprise attire toutes les tresseuses des environs qui veulent y exercer désormais. Deux fois par semaine, la patronne vérifie les comptes avec ses collaboratrices avant d’aller elle-même faire le versement à la Coopérative d'Epargne et de Crédit de Côte d'Ivoire (Coopec). La relation commerciale initiale entre ces différents acteurs s’est transformée en une véritable entreprise grâce à la diversification des activités. On voit comment cette dame, de simple vendeuse, est devenue une femme d’affaires, en créant de par son génie propre une « banque », des emplois, et comment en véritable chef d’entreprise et grâce à son entregent, elle « coache » les filles qui veulent bien appartenir à son écurie. • La couturière : au début, elle s’est installée avec juste une machine dans un petit local. Aujourd’hui elle a agrandi le local, acheté 05 nouvelles machines, engagé un professionnel qui gère tous les aspects techniques, confié la gestion financière à son jeune frère et encadre plusieurs jeunes (des connaissances pour la plupart) comme apprentis. Une fois par semaine, elle fait les comptes avec ses deux principaux collaborateurs. Le responsable financier se charge de faire les versements à la Coopec. Il est beaucoup plus autonome, car il fait les dépenses (courant, loyer, petit matériel, avance sur salaire, ration des apprentis) puis rend compte à la patronne en lui présentant les pièces justificatives. Il gère également son agenda ainsi que les différentes échéances et fixe les rendez-vous avec les clients après l’avis du professionnel. Il réglemente le fonctionnement de la structure (ponctualité et assiduité des agents, respect des normes établies). • La vendeuse de pagne : elle gère son magasin, de taille moyenne, avec sa fille aînée, titulaire d’un BTS en Secrétariat, aidée par une salariée. Dans son mode de fonctionnement, la structure est très proche du formel (arrière-boutique climatisée, ordinateur, factures avec en-têtes, comptes en banque) mais sa gestion correspond à celle d’une unité informelle. La patronne refuse catégoriquement toute inscription dans le registre officielle, malgré l’insistance de sa fille et son niveau d’étude qui correspond à la classe de Terminal. En procédant ainsi, elle veut éviter les nombreux harcèlements de l’administration fiscale. On peut donc dire que « La peur du formel », attitude observée chez la plupart des femmes exerçant dans ce secteur, ne s’explique pas uniquement par leur bas niveau d’instruction. Il ya surtout les contraintes des impositions et des fréquents contrôles (la Douane, les impôts, la mairie, etc.) qui dictent ce comportement de louvoiement. Comme conséquence, cette peur limite les perspectives d’agrandissement de l’entreprise, malgré son potentiel, sa marge d’évolution et la qualité de son personnel, employés et patronnes y compris. 27 II. RAPPORT ENTRE LE NIVEAU D’ETUDE ET LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE DE L4ACTIVITE L’analyse portant sur le rapport entre le niveau d’étude et le développement de l’activité des femmes s’appréhende sur deux axes : - le premier axe est relatif à la comparaison de l’activité des femmes scolarisées selon les niveaux d’étude (primaire, secondaire et supérieure), et le deuxième axe qui met en évidence la comparaison faite entre l’activité des femmes scolarisées et des femmes non scolarisées. II-1. Etude comparative des revenus des femmes scolarisées selon les niveaux Pour apprécier l’influence du niveau d’étude sur le rendement économique (mis en évidence par le revenu mensuel) des femmes, on a identifié les enquêtées selon leurs niveaux d’étude. Le tableau suivant montre cette situation : Tableau 3 : Nombre de femmes scolarisées par niveau Niveau Primaire Secondaire Supérieur Nombre 65 50 05 Pourcentage 54 ,16 41,66 04,16 Parmi les femmes enquêtées, 120 ont un niveau d’étude. 65 ont le niveau primaire, 50 le niveau secondaire et 05 ont le niveau supérieur. Pour appréhender l’influence du niveau d’étude sur le revenu mensuel, nous avons fractionné les gains mensuels par tranche de 50 mille francs comme présenté ci-dessus. Figure 4 : Revenu des femmes scolarisées selon le niveau Au regard des différentes tranches de revenus mensuels, malgré le déséquilibre numérique des effectifs, on retient qu’il n’existe pas de caractéristique propre aux différents 28 niveaux d’étude. On peut alors souligner que le rendement économique dans le secteur informel n’est pas forcement lié au niveau d’étude. II-2. Etude comparative des revenus des femmes scolarisées et des femmes non scolarisées L’étude comparative des revenus mensuels des femmes scolarisées et des femmes non scolarisées consiste à identifier les différentes tranches de chaque catégorie afin de faire ressortir les différences. Au regard de ce qui précède, il n’existe pas de différence nette entre les revenus par tranche des deux catégories de femmes. Toutefois, il est nécessaire de souligner que les femmes non scolarisée dominent au niveau des 1ere et 2e tranches alors que les scolarisées sont plus représentatives dans les troisième et quatrième tranches comme indiqué dans le graphique suivant. Figure 5: Revenus des femmes scolarisées et des femmes non scolarisées Cette variation des effectifs dans les tranches citées s’explique plus par l’expérience acquise des femmes sur le terrain. En définitive, les résultats relatifs au rapport entre le niveau d’étude et le développement de l’activité, indiquent que celui-ci n’influence pas le revenu économique des femmes. Cette invariance peut s’expliquer par le caractère endogène des activités et par le mode d’initiation des femmes. La notion d’endogénéité des activités explique le fait que le choix des femmes dans ce secteur est effectué à travers un prisme culturel. D’ailleurs, leur orientation est le fruit d’un certain héritage familial. Ce qui permet de parler d’une « ethnisation » des activités économiques dans le secteur informel. Par exemple, sur le terrain, l’on pu constater que certaines activités sont réservées à un groupe ethnique précis: l’attiéké et l’huile rouge (sous secteur industrie) sont réservées aux femmes Akan lagunaires, la vente de l’éponge aux femmes Krou et Mandé du sud, la restauration aux femmes akan, la fabrication du kabakourou (savon local fabriqué à base d’huile rouge et de potasse) est détenue par les femmes Mandé du nord. Ainsi, pour le développement desdites activités, les femmes font référence aux connaissances traditionnelles transmises par les générations passées, plutôt qu’aux données économiques étrangères qu’elles jugent souvent inadaptées à leurs réalités. 29 L’apprentissage qui constitue la transmission des rudiments du métier par un maître et l’initiation sur le tas, c'est-à-dire l’autoformation, demeurent les deux modes d’initiation que l’enquête a mis en évidence ; ce que traduit la figure suivante. Figure 6 : Mode d'initiation à l’activité 37,92% Initiée par apprentissage Initiée sur le tas 62,08% En clair, le choix des femmes n’a pas été orienté par la formation scolaire. C’est pourquoi, elles font usages de leurs compétences habituelles acquises pendant l’apprentissage. Dans ce cas précis, les connaissances scolaires sont perçues comme théoriques et abstraites, qui ne répondent pas aux exigences d’activités pratiques longtemps alimentées par des savoirs traditionnels. En s’inspirant des résultats relatifs aux acquis scolaires dans la gestion pratique des activités et du rapport entre le niveau d’étude et le développement économique des activités, il ressort la question du choix rationnel des populations dans un processus d’acculturation. En effet, les femmes en faisant usage de l’écriture, de la lecture et de la langue font un choix rationnel qui consiste à prouver l’acceptation et l’adaptation de ces valeurs exogènes émises par l’école dans leur quotidien. Par l’absence de variance entre le niveau d’étude et le développement économique des revenus, il est question du refus d’intégrer dans le système traditionnel, une valeur incompatible. Du coup, le comportement de ces femmes traduit simultanément les notions de refus et d’acceptation, de rupture et de permanence. L’un des objectifs de notre étude consiste également à montrer l’amélioration du statut social des femmes grâce à leurs activités. III. INFLUENCE DES ACTIVITES ECONOMIQUES SUR LE STATUT SOCIAL DES FEMMES. L’étude des avantages sociaux qu’offrent les activités économiques est réalisée grâce à la nature des dépenses et des réalisations des femmes. 30 Les dépenses sont affectées aux charges relatives d’une part à l’activité, y compris les salaires des employés et d’autre part, aux charges du ménage. Quant aux réalisations, elles mettent en évidence les acquis matériels et immatériels des femmes grâce à leurs activités économiques. C’est pourquoi, les activités peuvent être vues comme un moyen d’autonomie financière, de prise en charge personnelle et de contribution au bien être de la famille. Au niveau personnel, les femmes ont pu s’octroyer des biens composés essentiellement d’appareils électroménagers, de pagnes, de terrains, de maisons, de produits de beauté. Au niveau familial, la participation des femmes est une contribution à l’épanouissement de la famille soit en soutenant le mari pour celles qui sont mariées, soit en supportant les charges quotidiennes et mensuelles (nourriture, facture, loyer) en tant que chef de ménage. Une grande majorité de ces femmes prend en charge la scolarisation de leurs enfants. Cette situation est fréquente compte tenu du fait que seulement 124 soit 51,60% des femmes interrogées sont mariées. Pendant que les 116 autres sont soit divorcées, soit veuves ou célibataires. En résumé, grâce à ces activités, les femmes s’émancipent politiquement et économiquement, jouant parfois le rôle chef de ménage. Cela transforme peu à peu les mentalités et les représentations socioculturelles préétablies qui rendent la femme inférieure à l’homme. IV- Discussion Les résultats de la réflexion portant sur « éducation formelle et réussite des femmes dans le secteur formel » peuvent s’apprécier sous deux angles. Premièrement, ils rejoignent les recherches qui accordent au secteur informel un moyen économique permettant aux femmes d’avoir un nouveau statut social et une autonomie économique .Les femmes deviennent des agents économiques soucieuses du bien être de leur famille. A cet effet, en s’inspirant des données recueillies sur le terrain d’étude, il a été constaté que grâce aux revenus tirés des activités, les femmes possèdent des réalisations et effectuent des dépenses liées à l’activité et au ménage. De ce point de vue, les activités économiques des femmes s’apprécient comme un moyen d’émancipation politique et économique. Deuxièmement, nos résultats viennent contredire les théories et approches (plus spécialement les théories du capital humain) qui ont longtemps perçu l’éducation formelle comme un moyen de développement et d’épanouissement intellectuel, qui contribue de manière indiscutable à l’augmentation des rendements. Elles proposent, dans cette optique la formation comme une nécessité pour les acteurs économiques. Notre étude retient cette 31 dernière proposition mais dans le cadre d’une formation continue adaptée à l’environnement économique et prenant en compte les besoins des femmes. Dans l’intention de cerner l’impact de l’éducation formelle sur la gestion et le développement économique des activités des femmes, il a été mis en rapport les compétences scolaires et la gestion pratique d’une part, et d’autre part le niveau d’étude et le revenu mensuel. Contrairement aux thèses énoncées plus haut, l’école ne se perçoit plus comme un moyen indispensable pour le développement économique des activités mais un instrument d’accompagnement. C’est pourquoi, pendant que l’écriture et la lecture jouent le rôle sécurité et de confidentialité pour les femmes, l’usage de la langue française se perçoit comme une « approche marketing » de première importance dans le processus de communication. Les résultats découlant de cette enquête, traduisent sa spécificité. En effet, abordée dans une approche pragmatique, qui a consisté à s’intéresser aux stratégies par lesquelles les femmes du secteur informel font usage der leurs compétences scolaires, la réflexion dévoile le syncrétisme culturel c'est-à-dire l’usage complémentaire des éléments de deux systèmes éducatifs (éducation formelle et éducation informelle) dans leurs activités économiques. A telle enseigne, qu’il est difficile de circonscrire le champ d’action de chacune d’entre elles. Au vu de ces constats, nous sommes amenés à formuler ces interrogations : Pourquoi le niveau d’étude n’influe t-il sur le développement économique des activités ? - Comment peut-on cerner le champ d’action de l’école moderne dans la gestion et le développement des activités ? - Qu’est ce qui explique l’usage simultané des acquis de l’école moderne (la langue française) et de l’école traditionnelle (le calcul mental, la langue maternelle) par les femmes? 32 CONCLUSION Les deux hypothèses que nous avons avancées au début de notre travail et qui nous ont permis de construire notre réflexion, nous ont révélé deux faits majeurs, à la lumière de l’enquête sur le terrain. La première hypothèse est confirmée en partie. L’étude a montré que très peu de femmes se servent des acquis scolaires pour le développement de leurs activités. Ces quelques femmes ont amélioré leurs performances dans la pratique et le suivi régulier de leurs activités quotidiennes. Quant aux plus nombreuses, elles ne se servent pas du tout des acquis scolaires, alors que leurs affaires prospèrent. Notre deuxième hypothèse est infirmée car nos résultats montrent que le niveau d’étude et le niveau de revenu n’évoluent pas dans le même sens. Des femmes sans aucun niveau d’étude gagnent bien leur vie, s’occupent de leur famille et s’émancipent économiquement. Cette invariabilité entre niveau d’étude et niveau de revenu s’observe également parmi les femmes scolarisées de niveaux différents. Les niveaux primaire, secondaire et supérieur n’ont aucune incidence sur les gains capitalisés par les femmes. Ce qui compte le plus dans ce milieu, c’est l’expérience acquise sur le terrain. Elle forge l’expertise, et développe des compétences que l’éducation formelle, bien souvent trop théorique, ne peut offrir. En conclusion de notre étude, on peut affirmer que les acquis scolaires ne servent que très peu aux femmes pour le développement de leurs activités, alors que leur niveau d’étude n’a aucune incidence sur leurs gains. Toutefois, au regard de la réalité du terrain, il s’avère opportun de faire des recommandations sous deux axes de réflexion que l’on peut décliner en autant d’actions. La première action, en conformité avec le souhait exprimé par les femmes d’être formées spécifiquement aux techniques de leurs corps de métiers, est la formation continue. La plupart des centres existants, ouvrent la voie à des formations qualifiantes et diplômantes, mais très peu prennent en compte la formation continue de ces braves dames. C’est pourquoi on pourra leur proposer des modules de formation axée sur : - la gestion des stocks, la gestion d’une coopérative, la gestion des commandes, la gestion des comptes, la conclusion des contrats La seconde action vise à rassembler les femmes autour de groupes porteurs de projets ou de groupe à vocation coopératives. Les quelques rares coopératives rencontrées ont une organisation ethnique et dissuadent les femmes d’ethnies différentes d’y avoir accès. Pour la cohésion et la paix sociales, il n’est pas pertinent de concentrer tout un secteur aux mains d’un groupe qui n’a d’autre point commun, en plus de l’activité, que l’ethnie. Une coopérative à vocation purement économique se révèle plus crédible face aux agences d’aide au développement. 33 BIBLIOGRAPHIE BRILLEAU, A. COULIBALY, S. & al. (2005). le secteur informel : Performances, insertion, perspectives. Enquête 1-2-3 ; Phase 2. 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