LES ITEMS DE NOVEMBRE 2015 _ TOME 65 _ NUMÉRO 9 W W W. L A R E V U E D U P R AT I C I E N . F R ITEM 225 ITEM 243 ITEM 336 ITEM 187 Insuffisance veineuse chronique Varices Insuffisance surrénale chez l’adulte et chez l’enfant Hémorragie méningée Fièvre chez un patient immunodéprimé ITEM 80 Anomalie de la vision d’apparition brutale Supplément au tome 65 - numéro 9 de la revue principale • Ne peut être vendu séparément TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN ITEMS-COUV-T65N9.indd 1 09/11/2015 16:43 Les items de larevuedupraticien VOL. 65 n NOVEMBRE 2015 Items 80 225 243 336 187 314, Bureaux de la Colline, 92213 Saint-Cloud Cedex Tél. : 01 55 62 68 00 Fax : 01 55 62 68 12 [email protected] www.larevuedupraticien.fr DIRECTION GÉNÉRALE-DIRECTION DES PUBLICATIONS Alain Trébucq (6903) [email protected] DIRECTION DES RÉDACTIONS MÉDICALES RÉDACTEUR EN CHEF Jean Deleuze RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT Marie-Aude Dupuy SECRÉTARIAT DE LA RÉDACTION Patricia Fabre COMITÉ DE LECTURE ET DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE Jean-Noël Fiessinger, Jean-Michel Chabot, Jean-François Cordier, Claude-François Degos, Richard Delarue, Jean Deleuze, Olivier Fain, Bernard Gavid, Alexandre Pariente, Alain Tenaillon A COLLABORÉ À CE NUMÉRO Hélène Esvant RELECTEURS ET CONSEILLERS SCIENTIFIQUES 2014-2015 P. Bartolucci, J. Belaisch-Allart, J.-F. Bergmann, P. Bey, O. Bouchaud, B. Cariou, D. Choudat, P. Couratier, N. Danchin, Y. Dauvilliers, X. Deffieux, J.-C. Delchier, J.-R. Delpero, F. Desgrandchamps, F. Doz, I. Durrieu, M. Ferreri, T. Girard, C. Glorion, O. Gout, C. Gras-Le Guen, P. Guggenbuhl, A. Hartemann, K. Hoang-Xuan, D. Houssin, C. Isnard-Bagnis, X. Jouven, D. Lebeaux, V. Leblond, C. Lepage, O. Lortholary, J.-L. Mas, G. Meyer, J.-F. Nicolas, J. Orgiazzi, P. Parize, É. Pautas, L. Peyrin-Biroulet, P.-F. Plouin, G. de Pouvourville, B. Riou, C. Robert, M. Tauber, C. Tourette-Turgis, P. Yeni Anomalie de la vision d’apparition brutale Règles générales de prise en charge de l’ulcère variqueux Cécile Formel ITEM 243 ITEM 336 ITEM 187 Insuffisance surrénale chez l’adulte et chez l’enfant Hémorragie méningée Fièvre chez un patient immunodéprimé ITEM 80 Anomalie de la vision d’apparition brutale Supplément au tome 65 - numéro 9 de la revue principale • Ne peut être vendu séparément Sudden vision loss Sofiane Laribi, Pierre-Yves Robert › FOCUS Item 225 • e88 DIRECTRICE ARTISTIQUE W W W. L A R E V U E D U P R AT I C I E N . F R Insuffisance veineuse chronique Varices Item 80 • e83-87 RÉDACTION EN CHEF TECHNIQUE Chantal Trévoux (6806) [email protected] NOVEMBRE 2015 _ TOME 65 _ NUMÉRO 9 ITEM 225 Sommaire COMITÉ D’HONNEUR Dominique Laplane LES ITEMS DE General rules for management ulcer of varicose Jean-Philippe Galanaud, Isabelle Quéré SECRÉTAIRE DE RÉDACTION Cristina Hoareau Item 225 • e89-95 RÉDACTEURS-RÉVISEURS Virginie Laforest, Jehanne Joly Insuffisance veineuse chronique. Varices larevuedupraticien Jean-Philippe Galanaud, Isabelle Quéré est une publication de GLOBAL MÉDIA SANTÉ SAS Principal actionnaire : ATMED SAS www.globalmediasante.fr › FOCUS Item 243 • e96 ® Les pièges diagnostiques de l’insuffisance surrénale aiguë Capital de 4 289 852 e Durée de 99 ans à compter du 30.03.99 N° de commission paritaire : 0217 T 81658 Impression RAS Villiers-le-Bel (95400) Chronical venous insufficiency. Varicose veins Diagnostic pitfalls of acute adrenal insufficiency Mélanie Philippon, Frédéric Castinetti, Thierry Brue Item 243 • e97-103 Insuffisance surrénale chez l’adulte et l’enfant Adrenal insufficiency Mélanie Philippon, Frédéric Castinetti, Thierry Brue › FOCUS Item 336 • e105-106 Imagerie de l’hémorragie méningée Subarachnoid hemorrhage Imaging Grégoire Boulouis, Denis Trystram, François Nataf, Christine Rodriguez, Bertrand Devaux, Catherine Oppenheim, Jean-François Meder, Olivier Naggara Item 336 • e107-112 Hémorragie méningée La revue adhère à la charte de formation médicale continue par l’écrit du Syndicat de la presse et de l’édition des professions de santé (SPEPS) et en respecte les règles. (Charte disponible sur demande). Reproduction interdite de tous les articles sauf accord avec la direction. Les liens d’intérêts des membres du Comité de lecture et de rédaction scientifique sont consultables sur www.larevuedupraticien.fr (Qui sommes-nous ?). Subarachnoid hemorrhage Grégoire Boulouis, Denis Trystram, François Nataf, Christine Rodriguez, Bertrand Devaux, Catherine Oppenheim, Jean-François Meder, Olivier Naggara Item 187 • e113-122 Fièvre chez un patient immunodéprimé Sébastien Gallien, Jean-Michel Molina Acute fever in an immunocompromised patient TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !82!_SUP9_sommaire_papier.indd 82 09/11/2015 15:16 RR Item 80 ANOMALIE DE LA VISION D’APPARITION BRUTALE Sofiane Laribi1, Pr Pierre-Yves Robert2 1. Interne, ophtalmologie, CHU de Limoges, 87000 Limoges, France 2. Chef de service ophtalmologie, CHU de Limoges, 87000 Limoges, France [email protected] Le contexte général est précisé : antécédents oculaires, terrain cardiovasculaire, prise de médicaments. objectifs DIAGNOSTIQUER une anomalie de la vision d'apparition brutale. IDENTIFIER les situations d'urgence et PLANIFIER leur prise en charge. L es anomalies de la vision d’apparition brutale sont un motif fréquent de consultations aux urgences ophtalmologiques. Les causes en sont nombreuses et certaines constituent de véritables urgences diagnostiques et thérapeutiques. Orientation diagnostique Interrogatoire Un interrogatoire bien conduit permet de suspecter très fortement le diagnostic et de bien orienter son examen clinique et les examens complémentaires pertinents. On fait préciser au patient le type d’anomalie de la vision : myodésopsies, phosphènes, ou véritable baisse d’acuité visuelle. La notion de métamorphopsies fait évoquer une origine maculaire alors qu’une altération du champ visuel oriente vers une pathologie du nerf optique ou une cause neurologique. La rapidité d’installation est plutôt brutale dans une occlusion artérielle ou veineuse rétinienne alors qu’elle est rapidement progressive dans un décollement de rétine. La date de début a souvent une valeur pronostique. Les circonstances d’apparition sont importantes (traumatisme, obscurité, matin au réveil). Le caractère unilatéral fait évoquer une atteinte du globe oculaire alors qu’une atteinte bilatérale oriente vers une atteinte chiasmatique ou rétrochiasmatique. Les signes associés doivent être recherchés : douleur oculaire (superficielle ou profonde), céphalées, nausées, vomissements, diplopie… Examen clinique Dans la plupart des causes ophtalmologiques, l'examen clinique permet à lui seul de faire le diagnostic. Il est toujours bilatéral et comparatif. On réalise une acuité visuelle de loin et de près avec correction optique, une mesure du tonus oculaire, un examen à la lampe à fente des différentes structures du segment antérieur : cornée (œdème, précipités rétrodescémétiques, cercle périkératique), chambre antérieure (profondeur, présence de cellules et de protéines en suspension définissant l’effet Tyndall), iris (réactivité pupillaire, présence de synéchies, rubéose irienne évoquant une néovascularisation) et cristallin (présence ou non d’une cataracte). Il faut si possible réaliser un examen du fond d’œil après dilatation pupillaire (sauf en cas de suspicion de glaucome aigu). Un examen de l’oculo-motricité (atteinte des paires crâniennes) et un examen plus général (signes neurologiques associés, pression artérielle, souffle carotidien, etc.) sont associés. Examens complémentaires Ils sont orientés par l’examen clinique. Une échographie oculaire prend toute son importance en cas de fond œil inaccessible, de même qu’une angiographie peut permettre de compléter les données d’un fond d’œil suspect, renforcée par une OCT (optical coherence tomography) de la macula ou de la papille si besoin. Et, selon les données de l’examen, on peut pratiquer des examens biologiques : vitesse de sédimentation (VS) en cas de suspicion de maladie de Horton, bilan sanguin, infectieux et `immunologique en cas d’uvéite) voire une imagerie cérébrale en urgence (en cas de suspicion d’accident vasculaire cérébral ou d’affection neurologique). Vol. 65 _ Novembre 2015 e83 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !83!_SUP9_ref80_robert.indd 83 09/11/2015 16:18 RR Item 80 A NOMAL IE DE L A VISION D’APPAR IT ION B R U TAL E Diagnostic étiologique (fig. 1) Sur les données de l’examen, on peut classer les causes en différentes catégories. Baisse d’acuité visuelle avec œil rouge et/ou douloureux 1.Kératite aiguë On retrouve une baisse d’acuité plus ou moins profonde avec une douleur superficielle, une importante photophobie, à la lampe à fente un cercle péri-kératique, une ou plusieurs lésions de cornée avec prise de fluorescéine (fig. 2). Les causes sont multiples (tableau 1). 2.Uvéite antérieure aiguë La baisse d’acuité visuelle et la douleur sont variables, l’examen à la lampe à fente montre un segment antérieur inflammatoire avec des précipités rétro-cornéens, un Tyndall, des synéchies irido-cristalliniennes, le tonus peut être élevé (herpès). L’examen doit être complété par un fond d’œil à la recherche d’une uvéite postérieure associée. La prise en charge s’attache à rechercher une maladie inflammatoire associée au bilan biologique (HLA-B27, B51, A29, enzyme de conversion, bilan d’auto-immunité et sérologies). Le traitement passe principalement par les collyres antiinflammatoires stéroïdiens et mydriatiques (pour éviter les synéchies). ANOMALIE DE LA VISION D'APPARITION BRUTALE Œil rouge et douloureux ✘ Kératite aiguë ✘ Uvéite antérieure aiguë ✘ Glaucome aigu par fermeture de l'angle Œil blanc et indolore Fond d’œil accessible Fond d’œil inaccessible ✘ Hémorragie intravitréenne ✘ Hyalite normal ✘ Névrite optique rétrobulbaire ✘ Atteinte chiasmatique et rétrochiasmatique ✘ Trouble psychogène anormal ✘ Occlusion d'artère retinienne ✘ Occlusion veineuse rétinienne ✘ Décollement de rétine ✘ Maculopathie ✘ Névrite optique ischémique antérieure ✘ Décollement postérieur du vitré Anomalie transitoire de la vision ✘ Cécité monoculaire transitoire ✘ Insuffisance vertébro-basilaire ✘ Hypertension intracrânienne ✘ Migraine avec aura ✘ Crise épileptique partielle FIGURE 1 Diagnostic étiologique d'une anomalie de la vision d'apparition brutale. e84 Vol. 65 _ Novembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !83!_SUP9_ref80_robert.indd 84 09/11/2015 16:18 3.Glaucome aigu par fermeture de l’angle La crise de glaucome par fermeture de l’angle survient sur un terrain prédisposant (chambre antérieure étroite, forte hypermétropie) et par des facteurs déclenchants (obscurité, collyres ou médicaments anticholinergiques, stress). La douleur est intense irradiant dans le territoire du trijumeau associée à des nausées, des vomissements, des céphalées. Le tonus est très élevé (bille de verre à la palpation digitale), on retrouvera un important œdème de cornée, une chambre antérieure plate, une pupille en semi-mydriase aréflexique. L’examen de l’œil controlatéral retrouve un angle irido-cornéen étroit. C’est une urgence thérapeutique majeure avec la perte totale et définitive de la vision en quelques heures si la crise n’est pas traitée. 1.Hémorragie intra-vitréenne Le contexte est évocateur : patient diabétique mal équilibré, prise d’anticoagulant. La baisse d’acuité visuelle est plus ou moins intense selon l’importance de l’hémorragie (de simples myodésopsies en cas d’hémorragie modérée jusqu’ à la simple perception lumineuse en cas d’hémorragie massive) et souvent précédée d’une impression de « pluie de suie ». L’échographie oculaire en mode B prend ici tout son intérêt notamment afin d’éliminer un décollement de rétine associé relevant d’une prise en charge chirurgicale en urgence. Les principales causes d’hémorragie intravitrénne sont la rétinopathie diabétique proliférante, les occlusions veineuses rétiniennes, les déchirures rétiniennes, voire un décollement de rétine, le syndrome de Terson (passage de sang dans l’œil lors d’une hémorragie méningée). Chez l’enfant, il faut suspecter une maltraitance. 2.Hyalite C’est une inflammation du vitré retrouvée dans le cadre des uvéites. La baisse d’acuité visuelle est plutôt rapidement progressive et indolore. À la lampe à fente on retrouve des cellules inflammatoires dans le vitré (Tyndall postérieur). FIGURE 2 Kératite bactérienne à hypopion. FIGURE 3 Macula rouge cerise dans une occlusion de l'artère centrale de la rétine. TABLEAU 1 Œil blanc avec fond d’œil inaccessible Causes des kératites 1. Kératites traumatiques (corps étranger, brûlure, irradiation) Œil blanc avec fond d’œil anormal 2. Kératites d’exposition (lagophtalmie) 1.Occlusion de l’artère centrale de la rétine (fig. 3) La baisse d’acuité visuelle est profonde, brutale, indolore, elle survient en général sur un terrain cardiovasculaire (athéromateux). À l’examen, on retrouve une pupille en mydriase aréflexique et au fond œil un œdème rétinien blanc avec une macula rouge cerise associée à un rétrécissement diffus du calibre artériel et inconstamment un embol artériel visible. Il faudra rechercher en priorité un athérome carotidien (dissection carotidienne si le sujet est jeune), une cardiopathie emboligène ou une maladie de Horton (tableau 2). 3. Kératites bactériennes (abcès de cornée) 4. Kératites virales (Herpes simplex virus, virus varicelle-zona) 5. Kératites fongiques et parasitaires (notamment kératites amibiennes chez le porteur de lentilles de contact) 6. Kératites immunitaires (polyarthrite rhumatoïde) 7. Kératites par malposition palpébrale (entropion) 8. Syndrome sec sévère Vol. 65 _ Novembre 2015 e85 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !83!_SUP9_ref80_robert.indd 85 09/11/2015 16:18 RR Item 80 A NOMAL IE DE L A VISION D’APPAR IT ION B R U TAL E Anomalie de la vision d’apparition brutale POINTS FORTS À RETENIR Savoir évoquer la maladie de Horton devant un trouble visuel d’apparition brutale du fait du caractère urgent diagnostic et thérapeutique. Savoir différencier une occlusion veineuse d’une occlusion artérielle rétinienne au fond d’œil. Connaître les caractéristiques sémiologiques orientant vers une cause cérébrale devant une anomalie de la vision. FIGURE 4 Occlusion de la veine centrale de la rétine. TABLEAU 2 2.Occlusion de la veine centrale de la rétine (fig. 4) Elle survient en général sur un terrain d’hypertension artérielle et chez le glaucomateux. La baisse d’acuité visuelle est variable selon le type. L’examen du fond d’œil retrouve des hémorragies rétiniennes diffuses en flammèche, une tortuosité et une dilatation veineuse, un œdème papillaire et des nodules cotonneux. Le diagnostic est clinique mais l’angiographie permet de rechercher des signes d’ischémie devant conduire à une panphotocoagulation rapide afin de prévenir l’évolution vers un glaucome néovasculaire. 3.Maculopathie Chez le sujet âgé, on rencontre principalement la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) compliquée de néovaisseaux chez le jeune les étiologies sont variées (néovaisseaux du myope fort, choriorétinite infectieuse ou inflammatoire). Causes des occlusions artérielles Embolies Thromboses Cholestérol, fibrino-plaquettaire (plaque d’athérome, arythmie) Artérite inflammatoire (maladie de Horton, lupus…) Calcaire (valve cardiaque) Coagulopathie (déficit en antithrombine III, protéine C, anticoagulant circulant) Graisseuse (fracture d'un os long) Artérite infectieuse (syphilis, virus) Infectieuse (endocardite) Artérite radique Tumorale (myxome de l’oreillette) Exogène (talc ou Subutex chez les toxicomanes) e86 L’apparition de métamorphopsies (vision des lignes déformées) et d’un scotome central est très évocatrice. L’angiographie associée à l’OCT de macula permet le diagnostic et la recherche des signes d’exsudation (liquide sous-rétinien, décollement de l’épithélium pigmentaire) et la mise en place rapide d’un traitement par anti-VEGF (vascular endothelial growth factor) en intra-vitréen. 4.Décollement de rétine Il se manifeste par un voile augmentant progressivement avec une baisse d’acuité plus ou moins profonde selon qu’il touche ou non la macula. La notion de phosphènes est évocatrice de déchirure rétinienne. On distingue les décollements de rétine rhegmatogènes (du liquide passe en sous-rétinien via une déchirure), des décollements exsudatifs (hypertension artérielle, toxémie gravidique) et des décollements tractionnels (diabète). Le diagnostic se fait au fond d’œil, plus ou moins complété par une échographie oculaire si le fond d’œil n’est pas accessible. On fait systématiquement un examen de l’œil controlatéral à la recherche de lésion prédisposant au décollement de rétine et pouvant bénéficier d’un traitement préventif par photocoagulation laser. Le traitement chirurgical est une urgence, le pronostic étant meilleur lorsque le traitement est précoce. En particulier, le pronostic est meilleur lorsque la macula est restée non décollée jusqu’au moment de la chirurgie (« macula-ON »). 5.Névrite optique ischémique antérieure Elle se manifeste par une baisse d’acuité visuelle profonde, brutale. L’examen montre un déficit pupillaire afférent, au fond d’œil un œdème et des hémorragies de la pupille. Une amputation altitudinale du champ visuel est classiquement retrouvée. Même si dans 90 % des cas elle révèle une pathologie athéromateuse, il faut surtout éliminer une maladie de Horton du fait du risque de bilatéralisation qui est prévenu par une corticothérapie par voie générale en urgence. Vol. 65 _ Novembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !83!_SUP9_ref80_robert.indd 86 09/11/2015 16:18 6.Décollement postérieur du vitré Physiologique avec l’âge, il se manifeste par des myodésopsies. Il correspond à un phénomène physiologique de contraction du vitré avec l’âge. Il impose la réalisation d’un fond d’œil au verre à 3 miroirs car, lorsqu’il existe des lésions prédisposantes en périphérie rétinienne, c’est au moment où le vitré se décolle que peut se déclencher un décollement de rétine. Œil blanc avec fond d’œil normal 1.Névrite optique rétrobulbaire Le patient subit une baisse d’acuité visuelle unilatérale associée à des douleurs à la mobilisation oculaire, l’examen clinique étant peu contributif : « le patient ne voit rien, le médecin non plus ». Le champ visuel peut retrouver un scotome central. On réalise des potentiels évoqués visuels à la recherche d’un allongement de la latence de l’onde P100. Il faudra rechercher des signes neuro­ logiques pouvant faire évoquer une sclérose en plaques. Dans 90 % des cas l’évolution est spontanément résolutive. 2.Atteintes des voies optiques chiasmatiques ou rétro-chiasmatiques Elles se manifestent par des atteintes bien systématisées au champ visuel. Une hémianopsie bitemporale doit faire rechercher une lésion du chiasma optique (adénome hypophysaire). Une hémianopsie ou une quadranopsie latérale homonyme d’installation brutale doit faire évoquer en priorité un accident vasculaire cérébral de l’hémisphère controlatéral) et faire réaliser une imagerie cérébrale en urgence. Une cécité corticale sur lésion occipitale est rare (infarctus dans le territoire des artères cérébrales postérieures). 3.Troubles visuels d’origine psychogène Elle peut se manifester par une baisse d’acuité visuelle uni- ou bilatérale sans aucun signe objectif à l’examen. Cela reste un diagnostic d’élimination. Message de l'auteur Anomalies transitoires de la vision Cécité monoculaire transitoire Les causes d’amaurose transitoire douloureuse sont : ––la dissection de l’artère carotide interne homolatérale ; ––le syndrome d’ischémie oculaire ; ––l'artérite temporale de Horton ; ––la migraine (diagnostic d’élimination). La disparition complète de la vision de façon unilatérale pendant quelques minutes (amaurose fugace) est liée à un défaut de perfusion du globe oculaire brutal et temporaire. Il doit faire rechercher une anomalie carotidienne (sténose ou occlusion athéromateuse par écho-Doppler) et une cardiopathie emboligène (pathologie valvulaire ou trouble du rythme par ECG et échographie cardiaque). Le bilan est réalisé en urgence du fait du risque de survenue d’un accident ischémique (occlusion de l’artère centrale de la rétine, névrite optique ischémique antérieure ou encore accident vasculaire cérébral). Après 60 ans, il faut savoir évoquer une maladie de Horton. Insuffisance vertébro-basilaire Elle se manifeste par une amaurose fugace transitoire bilatérale avec un facteur déclenchant positionnel (rotation cervicale, lever) et doit faire réaliser une imagerie cérébrale à la recherche d’une ischémie dans le territoire vertébro-basilaire. Éclipses visuelles Un flou visuel aux changements de position peut faire évoquer une hypertension intracrânienne avec au fond d’œil un œdème papillaire de stase bilatérale. Migraine avec aura visuelle Le diagnostic se fait à l’interrogatoire avec troubles visuels à type de scotomes scintillants, flashs colorés s’étendant à un hémichamp visuel ou à l’ensemble du champ visuel pendant une vingtaine de minutes et laissant place à une céphalée pulsatile controlatérale en hémicrâne. L’examen après la crise est normal. Crise épileptique partielle Il est facile de débuter un cas clinique par une anomalie brutale de la vision dans un cas clinique transversal : – un patient diabétique mal équilibré développera une rétinopathie diabétique compliquée d’une hémorragie intravitréenne ; – un patient hypertendu pourra perdre la vision sur une occlusion veineuse rétinienne ; – une maladie de Horton peut être découverte sur une névrite optique ischémique antérieure, une occlusion artérielle rétinienne, ou encore une cécité monoculaire transitoire ; – une pathologie cérébrale pourra être découverte via un trouble du champ visuel (accident vasculaire cérébral, tumeur). Une crise à point de départ occipital peut donner une sémiologie hallucinatoire élémentaire latéralisée (phosphène coloré) qui peut être suivie d’une cécité postcritique tandis qu’une crise à point de départ temporal peut donner une sémiologie plus complexe.• S. Laribi et P.-Y. Robert déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts. + POUR EN SAVOIR ● Polycopié national du Collège des ophtalmologistes universitaires de France. Ophtalmologie en urgence, Elsevier-Masson, 2009. Vol. 65 _ Novembre 2015 e87 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !83!_SUP9_ref80_robert.indd 87 09/11/2015 16:18 RR FOCUS Item 225 Règles générales de prise en charge de l’ulcère variqueux Voir l’item complet page e89 et sur larevuedupraticien.fr Ce FOCUS attire votre attention sur des points importants. Dr Jean-Philippe Galanaud, Pr Isabelle Quéré Service de médecine interne et maladies vasculaires, hôpital Saint-Éloi, CHU Montpellier, Montpellier, France [email protected] L es ulcères veineux, purs ou associés à une artériopathie, représentent l’immense majorité des ulcères des membres inférieurs (> 90 % des ulcères). Devant tout ulcère des membres inférieurs, chez un patient présentant des signes d’insuffisance veineuse, la première étape, diagnostique, va constituer à déterminer s’il existe une artériopathie des membres inférieurs associée (palpation des pouls, mesure de l’index de pression systolique). En présence d’un index de pression systolique abaissé, il faut réaliser un écho-Doppler artériel des membres inférieurs et une mesure de la pression transcutanée en oxygène afin d’évaluer l’importance de l’artériopathie et les possibilités de cicatrisation spontanée, sans revascularisation. En l’absence d’artériopathie associée, il s’agit d’un ulcère veineux pur. Son traitement est en règle générale ambulatoire et repose sur des soins locaux et le port d’une compression élastique adaptée (bandes ou chaussettes). Quelques règles simples doivent alors être respectées afin d’assurer l’évolution favorable et une prise en charge optimale : ––port d’une compression élastique et cure de déclivité (lit ou fauteuil avec jambes surélevées). L’objectif est de traiter l’insuffisance veineuse par tous les moyens. Ceci ne veut pas dire repos au lit strict. Au contraire, chez le sujet âgé, il est indispensable de prescrire une kinésithérapie de marche pour lutter contre la grabatisation et l’ankylose de cheville ; ––soins locaux : par une infirmière, en pratique tous les 2 jours lorsque la plaie est propre et bourgeonnante et tous les jours en cas de plaie suintante, surinfectée ou fibrineuse à déterser. Il est important de réaliser une bonne détersion de la plaie (contrairement à l’ulcère artériel non revascularisé), puis d’appliquer un pansement gras pour favoriser la cicatrisation (une plaie cicatrise mieux en milieu humide) ; ––en l’absence de signes de surinfection locaux (plaie suintante, malodorante, peau périphérique inflammatoire…) ou généraux (fièvre, syndrome inflammatoire biologique), il n’y a pas d’indication à une antibiothérapie. S’il est important de réaliser des prélèvements locaux, c’est pour avoir une bactériologie de référence pour guider l’antibiothérapie en cas de surinfection ; ––vérifier le statut vaccinal du patient vis-à-vis du tétanos ; ––appliquer la règle des 4 « D » de l’ulcère : dénutrition (fréquente chez le sujet âgé et qui ralentit la cicatrisation ; un bilan nutritionnel est à réaliser et des compléments nutritionnels à prescrire e88 FIGURE Ulcère veineux surinfecté des membres, peu profond, de siège péri-malléolaire présentant des signes de surinfections avec peau inflammatoire péri-ulcéreuse et aspect suintant et macéré. en cas de dénutrition) ; déambulation (kinésithérapie pour éviter la grabatisation) ; douleur (à rechercher et à traiter) ; démoralisation (traiter une éventuelle dépression sous-jacente, fréquente dans ce contexte). Enfin, s’il est très rare que des ulcères se cancérisent, l’inverse est moins vrai. Devant tout ulcère traînant malgré un traitement bien conduit, des biopsies des berges sont indispensables pour éliminer un cancer cutané (spinocellulaire notamment).• J.-P. Galanaud déclare avoir participé à des interventions ponctuelles pour les entreprises Bayer-Healthcare et Daiichi-Sankyo. I. Quéré déclare avoir participé à des interventions ponctuelles pour les entreprises Aspen, Bayer-Healthcare, Daiichi-Sankyo , Leo-Pharma, Thuasne et 3-M. Vol. 65 _ Novembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !88!_SUP9_foc225_galanaud.indd 88 09/11/2015 15:20 RR Item 225 INSUFFISANCE VEINEUSE CHRONIQUE. VARICES Dr Jean-Philippe Galanaud, Pr Isabelle Quéré Service de médecine interne et maladies vasculaires, hôpital Saint-Éloi, CHU Montpellier, Montpellier, France [email protected] objectifs DIAGNOSTIQUER une insuffisance veineuse chronique et/ou des varices. ARGUMENTER l'attitude thérapeutique et PLANIFIER le suivi du patient. L’ insuffisance veineuse chronique regroupe l’ensemble des manifestations fonctionnelles et des signes physiques cutanés secondaires à une stase veineuse. Il s’agit d’une entité clinique et physiopathologique. Les affections veineuses chroniques regroupent l’ensemble des pathologies veineuses chroniques, qu’elles soient ou non liées à l’insuffisance veineuse chronique. Une varice se définit comme une veine sous-cutanée d’un diamètre supérieur ou égal à 4 mm en position debout, dont le trajet devient tortueux, entraînant une circulation pathologique. L’objectif de cette question est d’aider l’étudiant à appréhender le lien entre les différentes affections veineuses chroniques indûment résumées à la notion de varices et d’insuffisance veineuse chronique. Épidémiologie Les affections veineuses chroniques sont fréquentes. Ainsi, dans une étude écossaise en population générale, 80 % des hommes et 85 % des femmes présentaient des télangiectasies, 40 et 16 % des varices, 7 et 16 % des œdèmes variqueux des membres inférieurs et 1 % présentaient ou avaient présenté un ulcère variqueux. L’impact des maladies veineuses sur la santé est important compte tenu de leur prévalence. En France, les manifestations d’insuffisance veineuse toucheraient au moins 12 millions de personnes dont 8 millions présenteraient des varices. Des statistiques anciennes (1991) estiment que le coût de l’insuffisance veineuse chronique s’élevait à 2,24 milliards d’euros. Globalement, 1 à 3 % du budget de la Santé des pays industrialisés est consacré à la prise charge de l’insuffisance veineuse chronique. Il existe une corrélation significative entre la qualité de vie et la sévérité de la maladie veineuse qui est très coûteuse non seulement sur le plan économique mais aussi en termes d’altération de la qualité de vie. Les facteurs de risque d’insuffisance veineuse chronique sont nombreux, comme pour toute maladie multifactorielle. Les principaux sont l’âge, les antécédents familiaux de varices et d’ulcère des membres inférieurs, l’obésité, la grossesse, la station debout prolongée, la grande taille. Le sexe féminin est classiquement retrouvé comme facteur de risque, mais ceci pourrait n’être que la conséquence d’un biais de recrutement, les femmes ayant tendance à consulter plus facilement devant un tableau d’insuffisance veineuse chronique. Physiopathologie Rappels anatomiques Le retour veineux au niveau des membres inférieurs est assuré à 90 % par le réseau veineux profond (veines satellites des artères dont elles partagent le même nom) et à 10 % par le réseau veineux superficiel (veine grande saphène, veine petite saphène et leurs affluents). Le réseau veineux superficiel se draine dans le réseau profond par l’intermédiaire des veines perforantes et des crosses saphéniennes. Des valvules empêchent le sang de refluer. Elles sont particulièrement nombreuses à l’étage sural, moins nombreuses mais plus puissantes au niveau des carrefours fémoraux et poplités. Mécanisme physiopathologique de l’insuffisance veineuse chronique La pression dans les veines est déterminée par deux composantes, l’une hydrostatique (poids de la colonne sanguine) et l’autre hémodynamique (résultant de la contraction musculaire). En position debout immobile, la pression veineuse est d’environ 80 mmHg au niveau de la cheville. Lors de l’initiation de la marche, la contraction musculaire via la semelle plantaire de Le- Vol. 65 _ Novembre 2015 e89 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !89!_SUP9_ref225_galanaud.indd 89 09/11/2015 16:21 RR Item 225 INS UF F ISANC E VE INE U SE C HR ONIQU E . VAR IC E S jars (dépendant de la statique plantaire et du déroulement du pas), la pompe musculaire du mollet, et le système abdomino-diaphragmatique, permet de faire rapidement diminuer cette pression à moins de 30 mmHg, sous réserve d’un bon fonctionnement des valvules. Malgré le large spectre de manifestations cliniques, il est vraisemblable que tous les symptômes d’insuffisance veineuse sont la conséquence d’une hyperpression veineuse prolongée qui serait responsable d’une inflammation chronique avec développement d’une micro-angiopathie entraînant in fine des troubles trophiques. Qu’elle soit consécutive à une altération primitive de la veine et de ses valves ou secondaire à une dysfonction de la pompe veino-musculaire (compression des veines par le système musculo-aponévrotique, principalement au mollet, propulsant le sang des membres inférieurs vers la veine cave), l’insuffisance veineuse entraîne une dégradation et un remodelage de la paroi veineuse, parallèlement à une dilatation (varices) avec auto-aggravation des troubles en vertu de la loi de Laplace. Trois mécanismes principaux contribuent à la défaillance du retour veineux et à la stase qui en résulte : la maladie variqueuse, le syndrome post-thrombotique et l’insuffisance veineuse fonctionnelle. Étiologie de l’insuffisance veineuse chronique (fig. 1) Maladie variqueuse 1.Définitions Une varice a une définition anatomique. Il s’agit d’une veine souscutanée d’un diamètre 4 mm en position debout, dont le trajet devient tortueux, entraînant une circulation pathologique (fig. 2). Lors de la caractérisation des varices, il convient de distinguer si elles sont : ––systématisées (développées aux dépens des réseaux grande et petite saphènes ou de leurs proches affluents) ou diffuses (non développées aux dépens d’un réseau anatomique précis) ; ––essentielles ou primaires (d’origine multifactorielle lorsque les seuls facteurs favorisants retrouvés sont un terrain familial de varices, l’âge, des grossesses, une obésité, une sédentarité ou une station de bout prolongée…) ou secondaires à une altération pariétale, principalement à une maladie post-thrombotique ou plus rarement constitutionnelle (agénésie ostiale ou valvulaire, hypoplasie…). Les varices sont à distinguer (fig. 3) des : ––télangiectasies : confluence de veinules intradermiques dilatées dont le calibre n’excède pas 1 mm et qui, en dehors de la corona phlebectatica de siège périmalléolaire, sont rarement liées à l’insuffisance veineuse mais davantage à une imprégnation hormonale ; –– veine réticulaire : veine sous-dermique, bleutée, dilatée et sinueuse, d’un diamètre compris entre 1 et 3 mm. Cette définition exclut les veines superficielles du sportif ou du sujet maigre qui sont des veines normales saillantes ou très visibles du fait de l’atrophie du tissu adipeux sous-cutané. 2.Complications propres aux varices Ce sont, indépendamment de l’évolution de l’insuffisance veineuse chronique vers un ulcère des membres inférieurs, les suivantes. Les complications thrombotiques Thromboses veineuses superficielles :il convient de déterminer si elles sont : ––localisées (segmentaires), avec un potentiel thromboembolique modeste. Leur traitement en phase aiguë nécessite des anticoagulants à posologie préventive avec une autorisation de mise sur le marché spécifique pour le fondaparinux ; Insuffisance veineuse chronique Maladie variqueuse ✗ Dysfonction valvulaire superficielle (constitutionnelle ou acquise) ± ✗ Incontinence des perforantes ± ✗ Dysfonction ou avalvulation profonde FIGURE 1 Insuffisance veineuse fonctionnelle (défaillance de la pompe musculaire du mollet) ✗ Ankylose cheville ✗ Amyotrophie ✗ Hémiplégie ✗ Immobilisation Syndrome post-thrombotique (séquellaire d'une thrombose veineuse profonde) ✗ Syndrome obstructif ✗ Dysfonction valvulaire profonde Principales causes d'insuffisance veineuse chronique. e90 Vol. 65 _ Novembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !89!_SUP9_ref225_galanaud.indd 90 09/11/2015 16:21 ––extensives à proximité des crosses : le risque de thrombose veineuse profonde (et d’embolie pulmonaire) est alors considéré comme suffisamment élevé pour justifier la mise en route d’un traitement anticoagulant à dose curative (i.e. comme pour les thromboses veineuses profondes). À distance de l’épisode thrombotique aigu, il faut envisager le traitement chirurgical (éveinage) ou endoveineux de la veine variqueuse. Thromboses veineuses profondes :la prise en charge est traitée dans l’item 124 (i.e. principalement traitement anticoagulant à posologie curative). Les complications hémorragiques : c'est la rupture d’une ampoule variqueuse, nécessitant une surélévation du membre et une compression locale. Un traitement chirurgical ou par sclérose de la veine est alors en règle générale nécessaire pour prévenir les récidives. Syndrome post-thrombotique Entre 20 et 50 % des patients présentant une thrombose veineuse profonde développent un syndrome post-thrombotique (SPT). C’est une insuffisance veineuse secondaire à une thrombose veineuse profonde. Le risque de développer un syndrome post-thrombotique est d’autant plus élevé que la thrombose est proximale, qu’il s’agit d’une récidive homolatérale, que le patient est obèse ou âgé. La qualité du traitement anticoagulant en phase initiale de thrombose veineuse profonde constitue un élément déterminant dans le développement d’un syndrome post-thrombotique. Le délai de survenue peut être retardé, jusqu’à plusieurs années après la survenue de la thrombose. Le diagnostic est clinique, associant les signes et symptômes d’insuffisance veineuse habituels : douleur, œdème, chaleur, démangeaisons, crampes, brûlures au niveau du membre, aggravés par la marche et la station debout et soulagés par le repos et la surélévation du membre. À ces symptômes peuvent s’associer des signes cliniques (qui peuvent être isolés). Cette symptomatologie est la conséquence d’une hyperpression veineuse par obstruction veineuse ou insuffisance valvulaire (destruction valvulaire). Le diagnostic est clinique et le mécanisme précisé par l’écho-Doppler. Sa prévention en cas de thrombose veineuse profonde repose sur le port de bas de contention dont la durée et la force et même l’efficacité sont débattues, surtout en cas de thrombose distale (2 ans force 3 après une thrombose proximale dans les recommandations de l’Afssaps) et une anticoagulation optimale en phase aiguë de thrombose veineuse profonde. En cas de syndrome post-thrombotique constitué, le traitement, comme pour toute insuffisance veineuse, repose sur le port d’une compression élastique. L’utilisation des veinotoniques ne se conçoit pas en première intention, et leur usage ne doit pas faire surseoir au port de bas de contention. FIGURE 2 Varice tronculaire + dermite ocre. FIGURE 3 Télangiectasies et varices réticulaires. Vol. 65 _ Novembre 2015 e91 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !89!_SUP9_ref225_galanaud.indd 91 09/11/2015 16:21 RR Item 225 INS UF F ISANC E VE INE U SE C HR ONIQU E . VAR IC E S Insuffisance veineuse fonctionnelle L’insuffisance veineuse fonctionnelle est la conséquence d’un retour veineux défaillant malgré des veines morphologiquement normales. Cette situation se rencontre en cas d’altération de l’hémodynamique veineuse par le biais d’une diminution de la fonction musculaire : défaut de marche (station debout immobile prolongée) ou ankylose de la cheville (atteinte de la semelle plantaire de Lejars), amyotrophie des muscles du mollet, altération de la dynamique respiratoire. La dysfonction de la pompe du mollet est le principal pourvoyeur d’’insuffisance veineuse chronique notamment chez le sujet âgé. Autres causes Enfin, il existe d’autres causes beaucoup plus rares d’insuffisance veineuse (1-3 % des cas) : ––dysgénésies valvulaires (hypoplasies, agénésies) responsables d’insuffisance veineuse chronique sévère chez le sujet jeune ; ––angiodysplasies ; ––fistules artério-veineuses congénitales ou acquises ; ––compression veineuse extrinsèque chronique. Manifestations cliniques de l’insuffisance veineuse chronique Les manifestations cliniques de l’insuffisance veineuse chronique peuvent être limitées à des signes fonctionnels subjectifs ou au contraire se manifester par des signes cutanés avec troubles trophiques. Signes fonctionnels Ils sont fréquents, variés et peu spécifiques. Il s’agit classiquement de jambes lourdes ou douloureuses, de crampes, de démangeaisons. Le caractère veineux de la symptomatologie est suspecté en cas de majoration : ––au cours de la journée ; ––après stations debout/assise prolongées ; ––par la chaleur (ou en été). Et par leur amélioration en cas de : ––exercice physique ; ––contention/compression veineuse ; ––surélévation des membres inférieurs ; ––froid (ou hiver). Certains signes d’insuffisance veineuse sont moins fréquents et moins connus et peuvent induire des errements diagnostiques : ––impatience nocturne (besoin impérieux de mobiliser les jambes), faisant suspecter un syndrome des jambes sans repos ; ––brûlures et rougeur du pied, nocturnes soulagées par le froid, réveillant le patient et pouvant faire suspecter une érythermalgie (l’érythermalgie touche généralement les 4 membres, et prédomine aux membres inférieurs) ; e92 ––claudication veineuse intermittente, en cas d’insuffisance veineuse chronique secondaire à une obstruction chronique généralement proximale, ilio-cave. La douleur augmente au cours de la marche du fait de l’obstacle et ne cède que lentement à l’arrêt et après mise en décubitus avec surélévation du pied. Signes cliniques Ils n’accompagnent pas nécessairement les symptômes et surviennent généralement de façon graduée, en rapport avec l’ancienneté et la sévérité de la dysfonction veineuse. Ils doivent être recherchés chez un malade en position debout. Ils comprennent des signes de stase puis des troubles trophiques cutanés et sous-cutanés. 1.Signes de stase Œdème du pied : blanc, mou, prenant le godet, initialement au niveau de la cheville et respectant l’avant-pied. Cet œdème est à prédominance vespérale et disparaît après un repos allongé. Il est lié à une augmentation de la filtration plasmatique au niveau de l’unité microcirculatoire du fait de l’augmentation de la pression veineuse. Une fraction du plasma passe dans le tissu interstitiel sans être complètement réabsorbée par le versant veineux du capillaire et le système lymphatique. Il n’y a pas de rétention hydrosodée et donc pas de prise de poids. La fibrose tissulaire induite par l’œdème et les surinfections favorisées par l’accumulation des toxines, macromolécules et débris cellulaires peuvent secondairement altérer le système lymphatique. L’œdème prend alors les caractéristiques d’un œdème lymphatique ou lymphœdème avec peau épaissie et cartonnée, et atteinte de l’avantpied avec orteils boudinés (lymphœdème). C’est une complication tardive et inconstante. Corona phlebectatica : varicosités bleues situées au niveau des malléoles et de l’arche plantaire directement corrélées au degré d’hyperpression veineuse. 2.Signes du retentissement tissulaire Dermite ocre : conséquence de l’extravasation des hématies dans le derme et de l’oxydation de l’hème. Cette lésion indélébile apparaît au début sous forme d’un piqueté ocre périmalléolaire puis sous forme de plaques brunâtres. Elle peut être associée à des éléments purpuriques au cours des poussées évolutives de la maladie. Eczéma : dermatite érythémateuse, localisée au tiers inférieur de jambe, responsable de vésicules, d’un suintement ou de squames. Elle est souvent exclusivement secondaire à l’insuffisance veineuse chronique mais peut être aussi la conséquence d’un eczéma de sensibilisation lié à l’utilisation de topiques locaux. Dermo-hypodermite de stase (lipodermatosclérose) : complique des épisodes d’hypodermites de stase ou infectieuses, engendrant une sclérose engainante et rétractile des tissus qui s’étend peu à peu en circonférence et en hauteur et donne un aspect en mollet de coq. Un enraidissement de la cheville s’installe progressivement, entraînant un cercle vicieux. C’est un tournant évolutif de la maladie car elle altère définitivement la dynamique du retour veineux. Vol. 65 _ Novembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !89!_SUP9_ref225_galanaud.indd 92 09/11/2015 16:21 Atrophie blanche de Milian : plaque scléro-atrophique, porcelaine, lisse de siège essentiellement périmalléolaire. Elle correspond à une zone de raréfaction capillaire au sein d’un tissu fibreux et fait le lit des ulcères. Ulcère variqueux : stade évolutif ultime de l’insuffisance veineuse chronique. Il est classiquement indolore, non creusant, à fond humide et périmalléolaire. Classification de l’insuffisance veineuse La classification CEAP permet de classer en différents stades évolutifs la maladie veineuse chronique en fonction de critères cliniques, étiologiques, anatomiques et physiopathologiques (tableau). Cette classification, d’usage compliqué, est réservée en pratique à la recherche clinique et permet d’avoir des critères objectifs de comparaison entre les études. À titre informatif, il convient de noter que la CEAP est la classification des affections veineuses chroniques. En effet, dans cette classification, le terme d’insuffisance veineuse chronique est généralement réservé aux seuls patients ayant une maladie évoluée, œdème (C3), altérations cutanées (C4), ulcères veineux (C5-C6). Diagnostic d’insuffisance veineuse chronique Interrogatoire TABLEAU Celui-ci renseigne l’âge, le sexe, le motif de consultation (plainte fonctionnelle, esthétique…), les antécédents personnels ou familiaux de varices ou de thrombose veineuse, et recherchera des facteurs aggravants (profession, tabac, obésité…) ou modifiant la prise en charge tel un désir de grossesse ultérieure. Examen physique Il est réalisé en position debout, idéalement sur un escabeau de phlébologie avec appui unipodal alterné avec recherche des signes cliniques d’insuffisance veineuse précédemment cités et palpation des trajets saphènes. En présence de varices, on recherche leur caractère systématisé ou non. À l’issue de cet examen clinique, on est en mesure d’affirmer ou non la présence d’une insuffisance veineuse. Le Doppler continu et l’écho-Doppler couleur éventuellement réalisés en précisent le mécanisme. Il convient de ne pas oublier de palper les pouls et de réaliser un examen neurologique simple des membres inférieurs afin de ne pas méconnaître un diagnostic différentiel ou un facteur aggravant associé. Examens complémentaires En l’absence de symptômes et en présence de seules télangiectasies, il n’y a pas d’indication formelle à la réalisation d’examens complémentaires. Dans les autres situations cliniques, on réalise un Doppler continu et un écho-Doppler pulsé qui confirment le diagnostic et en précisent le mécanisme (fig. 4). 1.Doppler continu Cet examen, qui peut être réalisé en même temps que l’examen clinique, permet de mettre en évidence un reflux veineux pathologique (par insuffisance valvulaire ou ostiale), une incontinence au niveau des perforantes et une possible obstruction. 2.Écho-Doppler continu Cet examen représente la méthode de choix pour diagnostiquer un reflux veineux ou mettre en évidence un syndrome obstructif. Classification CEAP* (simplifiée) Clinique « C » Étiologique « E » C0 : pas de signe visible ou palpable de la maladie C1 : télangiectasies ou veines réticulaires C2 : veines variqueuses C3 : œdème C4 : atteinte cutanée C4a : dermite ocre ou eczéma C4b : hypodermite scléreuse ou atrophie blanche C5 : ulcère cicatrisé C6 : ulcère non cicatrisé (A) : asymptomatique (S) : symptomatique Ec : congénitale Ep : primitive Es : secondaire (post-TVP) En : pas d’étiologie retrouvée Anatomique « A » As : système veineux superficiel Ad : système veineux profond Ap : veines perforantes An : pas de lésion anatomique identifiée Physiopathologique « P » Pr : reflux Po : obstruction Pr,o : obstruction et reflux Pn : pas de mécanisme physiopathologique identifié * Remarque sur la CEAP : il s’agit d’une classification des affections veineuses chroniques. Le stade C0s concerne les patients présentant une affection veineuse chronique indétectable cliniquement mais symptomatique (lourdeur de jambe, œdème vespéral). Le stade C2a correspond à la présence de varices sans manifestation fonctionnelle. Vol. 65 _ Novembre 2015 e93 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !89!_SUP9_ref225_galanaud.indd 93 09/11/2015 16:21 RR Item 225 INS UF F ISANC E VE INE U SE C HR ONIQU E . VAR IC E S Il se pratique le patient debout pour l’exploration de l’étage proximal suprapoplité, et en position assise pour les veines poplitées et du mollet. Il s’attache à explorer tous les segments veineux, superficiels comme profonds, sans omettre les veines perforantes. Ainsi, une veine perforante est incontinente lorsque son flux est inversé, c’est-à-dire qu’il va de la profondeur vers la superficie. La plupart du temps, un reflux superficiel et/ou profond lui est associé. Traitement de l’insuffisance veineuse chronique Principes du traitement Son objectif est de soulager la symptomatologie fonctionnelle et de prévenir l’apparition de troubles trophiques. L’insuffisance veineuse chronique est la conséquence d’une stase veineuse, et son traitement repose sur le port d’une compression élastique qui fait disparaître la stase veineuse et l’œdème, toujours complété par des mesures hygiéno-diététiques. Les autres traitements se discutent au cas par cas, notamment en fonction du mécanisme initial de l’insuffisance veineuse. 1.Règles hygiéno-diététiques Le respect de certaines règles simples d’hygiène de vie ayant pour objectif de favoriser le retour veineux est fondamental en matière d’insuffisance veineuse chronique, et il est indispensable A B Évaluation d’une insuffisance veineuse à l’écho-Doppler. A : veine continente, absence de reflux. B : veine incontinente avec reflux après manœuvre de chasse. L'opérateur comprime le segment de membre sous-jacent (manœuvre de chasse veineuse, trait vert (A) et provoque un flux doppler). En cas d'incontinence du segment veineux, le sang va refluer, entraînant un flux inversé au doppler (B) FIGURE 4 e94 Insuffisance veineuse chronique. Varices POINTS FORTS À RETENIR L’insuffisance veineuse chronique est une affection fréquente, consécutive à une stase veineuse. L’examen clinique se fait le patient en position debout. Une présentation clinique caractéristique est suffisante pour faire un diagnostic positif. L’écho-Doppler veineux des membres inférieurs permet de confirmer le diagnostic clinique d’insuffisance veineuse chronique (en cas de présentation atypique) et d’en préciser le mécanisme pour guider le traitement. L’ulcère variqueux est le stade ultime des complications cutanées de l’insuffisance veineuse chronique. Le traitement de l’insuffisance veineuse chronique repose sur le port d’une compression élastique complété des règles d’hygiène de vie, associées ou non à des mesures spécifiques traitant le mécanisme de l’insuffisance veineuse chronique. de bien les expliquer au patient : lutte contre la sédentarité et le piétinement, éviter la position assise jambe pendante, réduire toute surcharge pondérale, marche régulière en déroulant le pas, éviter l’exposition prolongée à la chaleur, le chauffage par le sol, surélévation des pieds la nuit assurant un drainage postural et, bien sûr, port de bas de compression élastique (habituellement appelés dans le langage courrant « bas de contention ») dès le lever. 2.Compression élastique La compression élastique présente de multiples effets bénéfiques sur l’insuffisance veineuse chronique et agit à plusieurs niveaux en exerçant une pression tissulaire continue au repos et lors de l’effort musculaire : elle réduit la dilatation des veines et augmente ainsi le débit sanguin ; elle diminue le volume du membre avec un effet anti-œdémateux en augmentant la pression interstitielle, ce qui diminue l’augmentation de filtration capillaire liée à l’hyperpression veineuse ; elle améliore l’efficacité de la pompe musculaire du mollet lors de la marche. Les bandes et les bas de compression élastique constituent la pierre angulaire efficace et indispensable de la prise en charge de l’insuffisance veineuse chronique. Il existe 4 classes de contention, classées de façon croissante en fonction de la pression exercée au niveau de la cheville : ––contention faible, classe I (10-15 mmHg) : prévention des thromboses veineuses profondes, insuffisance veineuse chronique fonctionnelle ; ––contention moyenne, classe II (15-20 mmHg) : varices, thrombose veineuse profonde ; Vol. 65 _ Novembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !89!_SUP9_ref225_galanaud.indd 94 09/11/2015 16:21 Message de l'auteur Le cas clinique le plus classique serait un dossier de thrombose veineuse profonde se compliquant à distance d’une maladie post-phlébitique et d’un ulcère dont il faudrait discuter et argumenter le diagnostic (veineux) et la prise en charge (ambulatoire, compression veineuse, etc.). En dehors de ce type de cas clinique, les principales questions susceptibles d’être posées sur le thème de l’insuffisance veineuse et les varices concerneraient un diagnostic différentiel de douleur des membres inférieurs, un dossier de démarche diagnostique devant un ulcère des membres inférieurs. Crénothérapie : certaines stations thermales sont agréées pour la prise en charge notamment d’insuffisance veineuse chronique sévère avec troubles trophiques.• J.-P. Galanaud déclare avoir participé à des interventions ponctuelles pour les entreprises Bayer-Healthcare et Daiichi-Sankyo. I. Quéré déclare avoir participé à des interventions ponctuelles pour les entreprises Aspen, Bayer-Healthcare, Daiichi-Sankyo , Leo-Pharma, Thuasne et 3-M. + POUR EN SAVOIR ● larevuedupraticien PUBLICATION MENSUELLE DE FORMATION MÉDICALE CONTINUE www.larevuedupraticien.fr DOSSIER DU MOIS États délirants ÉPREUVES CLASSANTES NATIONALES Hépatites virales • Fièvre prolongée • Dermatoses bulleuses √ DOSSIER MALADIE VEINEUSE THROMBOEMBOLIQUE Monographie Maladie veineuse thromboembolique ÉTATS DÉLIRANTS Février 2015 - Tome 65 - N° 2 (149-296) Février 2015 - Tome 65 - N° 2 larevuedupraticien ––contention forte, classe III (20-36 mmHg) : thrombose veineuse profonde, syndrome post-thrombotique ; ––contention très forte, classe IV (36-49 mmHg) : insuffisance lymphatique. Les classes européennes sont décalées d’une classe vers le haut. Le port de la contention est contre-indiqué en cas d’artériopathie évoluée des membres inférieurs (pression artérielle à la cheville < 70 mmHg), de pontage vasculaire infrapoplité, de peau fragile. 3.Traitements spécifiques Ces traitements ne se conçoivent qu’en complément des règles hygiéno-diététiques et du port de la contention. Maladie variqueuse : en présence de varices, l’objectif de prévention primaire est d’éviter la survenue d’une insuffisance veineuse chronique. En prévention secondaire, on essaie de diminuer ou d’éviter l’aggravation des signes d’insuffisance veineuse chronique. Les traitements spécifiques aux varices sont la sclérose (injection d’un produit sclérosant pour traiter des varices non systématisées ou en complément d’un éveinage), l’écho-sclérose à la mousse et le laser endovasculaire (tous deux permettant de traiter même des varices systématisées), la phlébectomie ambulatoire au crochet, ou chirurgie classique (éveinage par stripping de varices systématisées). Le principe commun est l’exclusion du tronc veineux variqueux. Avant tout traitement de ce type, il est indispensable d’avoir réalisé un examen écho-Doppler exhaustif analysant la continence des réseaux veineux superficiels, profonds mais aussi des perforantes. Il convient aussi de bien peser l’indication d’un éveinage saphène, surtout chez un patient à risque cardiovasculaire dont les saphènes pourraient servir pour un éventuel pontage. Enfin, une veine vicariante qui assure la suppléance du drainage veineux en cas d’occlusion des troncs veineux profonds est une contre-indication à ces traitements qui aggraveraient l’obstacle au drainage. Maladie post-thrombotique : son traitement repose, d’un point de vue préventif, sur le respect d’une anticoagulation efficace et du port prolongé (au moins 2 ans) d’une compression élastique. En présence d’un syndrome post-thrombotique avéré, l’attitude thérapeutique la plus courante est la poursuite de la compression en n’hésitant pas à passer à la classe supérieure en cas d’inefficacité thérapeutique. Insuffisance veineuse fonctionnelle : le traitement d’appoint spécifique repose sur la kinésithérapie afin de lutter contre l’ankylose de la cheville, à remuscler les muscles du mollet, avec si besoin une aide diététique en cas de dénutrition associée. 4.Autres traitements Veinotoniques : ces molécules sont réputées avoir notamment un effet hémodynamique et anti-inflammatoire veineux. Leur utilisation doit être limitée à la prise en charge des symptômes fonctionnels de l’insuffisance veineuse chronique, et ce de façon discontinue par cures de courtes périodes. On ne doit pas associer deux veinotoniques entre eux et ces traitements ne dispensent pas du port de la compression. MONOGRAPHIE Maladie veineuse thromboembolique Rev Prat 2015;65(2): 173-219 ET AUSSI : vaccination, trisomie 21, hépatite auto-immune ; et sur le Web, photothèques, quiz, images mystérieuses Mais aussi : VALMI. Livre de poche de médecine vasculaire par le Collège des enseignants de médecine vasculaire. Traité de médecine vasculaire. Par la Société française de médecine vasculaire et le Collège des enseignants de médecine vasculaire. Éditions Elsevier-Masson. Vol. 65 _ Novembre 2015 e95 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !89!_SUP9_ref225_galanaud.indd 95 09/11/2015 16:21 RR FOCUS Item 243 Les pièges diagnostiques de l’insuffisance surrénale aiguë Voir l’item complet page e97 et sur larevuedupraticien.fr Ce FOCUS attire votre attention sur des points importants. Dr Mélanie Philippon, Dr Frédéric Castinetti, Pr Thierry Brue Aix Marseille Université, Assistance publique-hôpitaux de Marseille, service d’endocrinologie, diabète et maladies métaboliques, hôpital de la Conception, Marseille, France [email protected] L’ insuffisance surrénale aiguë est l’exemple typique du diagnostic qu’on n’oublie pas au cours de son externat (du fait des répétitions successives en cours des études de médecine sur les pièges diagnostiques), mais qu’on oublie ensuite dans sa pratique (en privilégiant systématiquement les traitements symptomatiques du tableau abdominal, ce qui, sans hydrocortisone, aura des répercussions fatales). Une brève mise au point sur les façons de réorienter le diag­ nostic devant un tableau clinique souvent non spécifique est donc utile. Sur le plan clinique, l’insuffisance surrénale aiguë se pré­ sentera souvent sous la forme d’un tableau abdominal aigu. Il peut donc être difficile d’évoquer le diagnostic en présence de diarrhée, vomissements, douleurs abdominales, voire hypo­ tension artérielle, qui doivent toujours faire rechercher en pre­ mier lieu un syndrome péritonéal. C’est la discordance entre la sévérité des signes cliniques par rapport à la stricte norma­ lité de la palpation abdominale (absence de défense en parti­ culier) qui doit conduire à se poser des questions. Dans tous les cas, la rareté de l’insuffisance surrénale par rapport aux causes digestives devra rendre prioritaire ce second diagnostic, en allant, le cas échéant, jusqu’à un examen d’imagerie abdo­ minale rapide. Le deuxième argument pouvant orienter vers ce diagnostic est la mélanodermie dans le cas de l’insuffisance surrénale primaire, ou l’existence d’antécédents personnels ou familiaux d’auto-immunité. Là encore, ces arguments ne doivent pas faire oublier la possibilité d’un vrai tableau abdominal sousjacent. Garder également en tête la possibilité qu’un vrai tableau abdominal soit à l’origine de la décompensation aiguë de l’in­ suffisance surrénale chronique. Enfin, garder en tête la pauvreté des signes de la décom­ pensation aiguë du déficit corticotrope, par rapport à la dé­ compensation aiguë de l’insuffisance surrénale primaire. Le maintien intact de la sécrétion de minéralocorticoïdes fait que l’hypotension artérielle est moins sévère et peut égarer le diag­ nostic. En résumé, sur le plan clinique, évoquer l’insuffisance e96 surrénale aiguë chez tout patient avec antécédent d’insuffi­ sance surrénale chronique (la situation la plus simple), ou en cas de tableau digestif sévère avec hypotension artérielle sans anomalie abdominale clinique et d’imagerie évidente, ou en cas d’antécédent de maladie auto-immune (la première cause d’insuffisance surrénale étant provoquée par des anti­ corps anti-21-hydroxylase). Attention, à l’inverse, le tableau abdominal est inconstant, et il existe des insuffisances surrénales aiguës avec uniquement une hypotension artérielle sévère… Sur le plan biologique, il est communément admis que l’in­ suffisance surrénale aiguë se manifeste par l’association hypo­ natrémie (à natriurèse conservée) et hyperkaliémie. Cette pré­ sentation biologique est inconstante, et peut être faussée par les troubles digestifs (pouvant être à l’origine d’une hypoka­ liémie) et l’état d’hydratation (pour la natrémie). À l’inverse, un patient avec insuffisance rénale aiguë a le droit de présenter une hyperkaliémie avec une natrémie limite basse sans que ce soit une insuffisance surrénale aiguë. Toujours penser à regarder (s’il est fourni) l’ionogramme urinaire : un fort argument de présomption est l’existence d’une natriurèse inadaptée en regard d’une natrémie basse. Enfin, dernier point : les troubles hydroélectrolytiques sont présents en cas d’insuffisance sur­ rénale primaire décompensée. La conservation de la fonction minéralocorticoïde en cas d’insuffisance surrénale secondaire rend ces considérations biologiques inutiles. Tout au plus estil possible d’observer une hyponatrémie isolée en cas de dé­ ficit corticotrope. Un seul message en conclusion : la phase cruciale du diag­ nostic d’insuffisance surrénalienne est le moment où l’on évoque le diagnostic, puisqu’on passe bien souvent à côté, ce qui induit un retard thérapeutique majeur pour cette patho­ logie à risque vital.• M. Philippon déclare n’avoir aucun lien d’intérêts. F. Castinetti et T. Brue déclarent avoir participé à des travaux scientifiques, rapports d’expertise, activités de conseil et conférences pour l’entreprise Viropharma/Shire. Vol. 65 _ Novembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !96!_SUP9_foc243_brue.indd 96 09/11/2015 15:22 RR Item 243 INSUFFISANCE SURRÉNALE CHEZ L’ADULTE ET L’ENFANT Dr Mélanie Philippon, Dr Frédéric Castinetti, Pr Thierry Brue Aix Marseille Université, Assistance publique-hôpitaux de Marseille, service d’endocrinologie, diabète et maladies métaboliques, hôpital de la Conception, Marseille, France [email protected] objectifs DIAGNOSTIQUER une insuffisance surrénale aiguë et une insuffisance surrénale chronique. IDENTIFIER les situations d'urgence et PLANIFIER leur prise en charge. L’ insuffisance surrénale peut être primaire, liée à un dysfonctionnement de la glande surrénale elle-même (avec un déficit en cortisol et en aldostérone) ou secondaire, liée à une insuffisance de production de l’ACTH (adrenocorticotrophic hormone) [on parle d’insuffisance corticotrope] ; elle ne porte alors que sur le cortisol, les minéralocorticoïdes étant secrétés normalement. Il est essentiel de savoir dépister, prévenir et traiter les différentes formes de cette pathologie et sa complication grave engageant le pronostic vital, l’insuffisance surrénale aiguë. On ne peut comprendre cette pathologie sans connaître les bases physiologiques élémentaires qui la sous-tendent (figure). La cortico-surrénale est en effet formée de 3 contingents : la réticulée, productrice d’androgènes, la fasciculée, productrice de glucocorticoïdes (cortisol), et la glomérulée, productrice de minéralocorticoïdes (aldostérone) ; la médullo-surrénale, indépendante, est à l’origine des méthoxyamines. Sur le plan de la régulation, la CRH (corticotropin-releasing hormone) hypothalamique stimule la production de pro-opiomélanocortine (POMC), clivée en ACTH hypophysaire et en MSH (melanocyte stimulating hormone). L’ACTH stimule la production de cortisol par les surrénales et exerce un rétrocontrôle négatif sur la synthèse et la sécrétion de CRH et de POMC. Mais l’ACTH n’a pas d’effet sur la sécrétion surrénalienne d’aldostérone, qui est sous le contrôle du système rénine-angiotensine. Il faut rappeler que le cortisol comme l’aldostérone favorisent l’élimination de potassium et la réabsorption sodée au niveau du tube contourné distal. Enfin, les glucocorticoïdes ont un effet hyperglycémiant. 21 alpha-hydroxylase CHOLESTÉROL ALDOSTÉRONE Pregnenolone Progestérone Désoxyxorticostérone Corticostérone 17 alpha-OH-pregnenolone 17 alpha-OH-progestérone Désoxycortisol ou composé S CORTISOL DHEA Androstènedione Androstènediol TESTOSTÉRONE FIGURE 11 bêta-hydroxylase Synthèse des hormones stéroïdiennes et blocs enzymatiques. DHEA : déhydroépiandrostérone. Vol. 65 _ Novembre 2015 e97 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !97!_SUP9_ref243_brue.indd 97 09/11/2015 16:12 RR Item 243 INS UF F ISANC E SU R R É NAL E C HE Z L’ADU LT E E T L’E NFANT Insuffisance surrénale primaire L’insuffisance surrénale primaire ou maladie d’Addison est beaucoup plus rare que l’insuffisance surrénale secondaire, avec une prévalence comprise entre 40 et 60 cas par million d’habitants. Elle se caractérise par une atteinte primitive des deux surrénales (par opposition à l’insuffisance surrénale secondaire où c’est la commande centrale hypothalamo-hypophysaire qui est atteinte). Malgré la gravité de son évolution spontanée, son pronostic a été transformé par le traitement hormonal substitutif. L’insuffisance hormonale touche les trois hormones synthétisées par la corticosurrénale : le cortisol, l’aldostérone et la déhydro­ épiandrostérone (DHEA). La présentation clinique varie en fonction du caractère complet ou partiel des lésions surrénaliennes. L’installation de l’insuffisance surrénalienne est le plus souvent progressive et insidieuse, elle peut cependant être révélée par une décompensation aiguë lors d’une affection intercurrente. Diagnostic positif 1.Clinique Le tableau clinique peut être plus ou moins complet et associe les signes suivants : ––une altération de l’état général, avec une asthénie globale (physique, sexuelle et psychique), typiquement vespérale et accentuée par les efforts, une anorexie et un amaigrissement ; ––une hypotension artérielle, avec parfois des malaises à type d’hypotension orthostatique ; ––des troubles digestifs associant des nausées, des vomissements, des douleurs abdominales ou de la diarrhée (particulièrement en cas de décompensation aiguë) ; –– des malaises hypoglycémiques à jeun ou lors d’efforts physiques ; ––enfin, l’insuffisance surrénale primaire est caractérisée par la présence d’une mélanodermie, absente dans l’insuffisance surrénale secondaire. Elle est due au rétrocontrôle positif exercé sur l’hypophyse entraînant une augmentation de la sécrétion d’ACTH qui stimule la dispersion de la mélanine dans les mélanocytes. La mélanodermie touche la peau, où elle prédomine au niveau des zones exposées (visage, décolleté, cou, avant-bras), des zones de frottement (coudes, genoux), des cicatrices, des zones normalement pigmentées (aréoles des seins, périnée, scrotum, organes génitaux externes) et des mains (plis palmaires, face dorsale des articulations interphalangiennes), mais elle touche également les muqueuses sous forme de taches ardoisées hyperpigmentées que l’on peut retrouver au niveau des gencives, des muqueuses jugales et de la face interne des lèvres. 2.Biologie Biologie standard : les examens biologiques standard peuvent être perturbés, surtout lors d’épisodes de décompensation. Le plus fréquemment on observe des troubles hydro-électrolytiques associant une hyponatrémie modérée, une hyperkaliémie et une acidose. On peut également avoir une tendance à l’hypoglycémie. e98 Enfin, l’hémogramme peut mettre en évidence une hyperéosinophilie et une hyperlymphocytose. Évaluation hormonale : le diagnostic d’insuffisance surrénale primaire est simple, il associe : ––un taux de cortisol effondré en regard d’un taux d’ACTH élevé ; ––un taux d’aldostérone effondré en regard d’un taux de rénine élevé (non retrouvé dans l’insuffisance surrénale secondaire). Le dosage de cortisol plasmatique doit être fait le matin (vers 7-8 h), au moment de son pic physiologique. En fonction du résultat, on peut compléter par un test de stimulation par l’ACTH 1-24 (Synacthène). Le dosage d’ACTH permet d’affirmer le caractère primaire ou secondaire. Les valeurs données dans le cadre de ce paragraphe ne sont pas consensuelles et font toujours l’objet de discussions. Dans les formes complètes, le cortisol plasmatique à 8 h est indosable ou effondré (inférieur à 140 nmol/L) et l’ACTH plasmatique très élevé (supérieur à 200 pg/mL), affirmant l’origine périphérique. Dans ce cadre où le taux d’ACTH est déjà très élevé en conditions basales, il n’y a pas d’indication à réaliser un test au Synacthène. Des valeurs de cortisol égales ou supérieures à 500 nmol/L éliminent le diagnostic d’insuffisance surrénalienne. On peut parfois avoir des valeurs de cortisol intermédiaires (comprises entre 140 et 500 nmol/L) compatibles avec une insuffisance surrénalienne partielle. Le taux d’ACTH plasmatique est alors modérément élevé, mais toujours supérieur à la normale. Dans ce cas particulier, on propose de réaliser un test dynamique de stimulation par le Synacthène. Le Synacthène est un peptide synthétique constitué par les 24 premiers acides aminés de l’ACTH qui porte la totalité de son activité biologique. Une cortisolémie supérieure à 500 nmol/L après stimulation par le Synacthène élimine le diagnostic d’insuffisance surrénale. Diagnostic différentiel Le diagnostic peut parfois être retardé par la clinique non spécifique quand domine au premier plan l’asthénie. En effet, l’asthénie est un symptôme banal et fréquent qui peut être associé à de nombreuses pathologies, mais qui est souvent d’origine psychosomatique. C’est pourquoi l’association de ces symptômes à la mélanodermie, qui a des caractéristiques spécifiques, doit faire évoquer le diagnostic d’insuffisance surrénale. L’altération majeure de l’état général peut également faire suspecter une hyperthyroïdie, une anorexie mentale ou une dépression. La perte de poids doit faire discuter toute pathologie digestive avec malabsorption. Les autres pigmentations cutanées pathologiques peuvent se voir dans l’hémochromatose, la porphyrie cutanée tardive, ou lors de l’exposition chronique à des métaux (mercure, plomb, argent…). L’interrogatoire, la recherche de signes associés et la sémiologie des signes cutanés permettent en général d’en établir la cause. Le diagnostic peut en revanche être difficile chez des sujets ayant une pigmentation cutanée d’origine ethnique ou chez les personnes s’exposant de manière chronique au soleil. Vol. 65 _ Novembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !97!_SUP9_ref243_brue.indd 98 09/11/2015 16:12 Chez l’adulte, dans plus de 90 % des cas, l’insuffisance surrénale est secondaire à deux étiologies principales : la rétraction corticale auto-immune et la tuberculose. Les autres causes sont beaucoup plus rares. Chez l’enfant, les formes congénitales sont plus fréquentes. 1.Les formes acquises : La rétraction corticale ou atteinte auto-immune des glandes surrénales est actuellement la cause la plus fréquente (70 à 90 %). Des phénomènes d’immunité cellulaire avec infiltration lymphocytaire des surrénales et d’immunité humorale avec la présence d’anticorps antisurrénaliens circulants (dirigés contre les enzymes de la stéroïdogenèse, principalement la 21-hydroxylase) sont mis en jeu. Le bilan étiologique d’une insuffisance surrénale primaire doit donc comprendre le dosage d’anticorps anti-21-hydroxylase, qui est positif dans 75 % des cas. Dans 50 % des cas d’insuffisance surrénale due à une cause auto-immune, celle-ci est associée à d’autres pathologies auto-immunes et fait partie des polyendocrinopathies auto-immunes (PEAI) : ––le type 1 est la plus rare, aussi appelée syndrome APECED (autoimmune polyendocrinopathy candidosis ectodermal dys­ plasia). Elle se transmet selon un mode autosomique récessif et est due à une mutation du gène AIRE (autoimmune regulator gene). L’insuffisance surrénale est associée entre autres à une hypoparathyroïdie (calcémie basse en regard de taux de parathormone non augmentés) et à une candidose cutanéo-muqueuse d’installation plus précoce ; ––le type 2 ou syndrome de Schmidt est plus fréquent, associant principalement insuffisance surrénale, dysthyroïdies auto-immunes et diabète de type 1. La tuberculose :c’était la cause la plus fréquente au siècle dernier. Actuellement, elle est responsable de moins de 20 % des cas d’insuffisance surrénale. L’atteinte surrénalienne se fait par dissémination hématogène, à partir d’un foyer extra-surrénalien, évolutif ou non, avec initialement des glandes plutôt hyperplasiques siège d’un infiltrat inflammatoire, puis secondairement elles deviennent atrophiques, avec la présence de calcifications visibles sur les radiographies standard de l’abdomen. Le bilan d’insuffisance surrénale doit comprendre une imagerie, à la recherche de séquelles de tuberculose. La surrénalectomie bilatérale : la cause est dans ce cas-là évidente et déjà connue. Le recours à la surrénalectomie bilatérale a lieu en cas de syndrome de Cushing ACTH-dépendant non contrôlé par d’autres thérapeutiques, ou de phéochromocytomes bilatéraux par exemple. Les autres causes d’insuffisance surrénalesont plus rares. Il s’agit de causes infectieuses (VIH, cytomégalovirus, histoplasmose, cryptococcose…), vasculaires (hémorragie bilatérale des surrénales, thrombose bilatérale des veines surrénales de causes multiples : traitements anticoagulants, traumatisme de l’abdomen, syndrome des antiphospholipides, méningococcémie…) ou de métastases bilatérales de cancer (sein, côlon…) ou de mélanome. TABLEAU Diagnostic étiologique (tableau) Étiologie des insuffisances surrénales INSUFFISANCE SURRÉNALE PRIMAIRE Causes acquises Causes congénitales Fréquente ❚❚Rétraction corticale auto-immune ❚❚Tuberculose ❚❚Surrénalectomie bilatérale Plus rares ❚❚Infections : mycosiques, ❚❚Adrénoleucodystrophie VIH, cytomégalovirus ❚❚Vasculaires : hémorragie bilatérale des surrénales, traumatisme ❚❚Tumorales : métastases bilatérales des surrénales ❚❚Déficit enzymatique de la stéroïdogenèse (bloc de la 21-OH hydroxylase) INSUFFISANCE SURRÉNALE SECONDAIRE Lésions organiques des structures hypothalamohypophysaires ❚❚Tumorale : adénome hypophysaire, tumeur hypothalamique (craniopharyngiome, etc.) ❚❚Vasculaire : syndrome de Sheehan, apoplexie hypophysaire. ❚❚Infiltrats : sarcoïdose, hystiocytose, lymphome, hémochromatose ❚❚Traumatique : traumatisme crânien Inhibition fonctionnelle de l’axe corticotrope ❚❚Post-corticothérapie ❚❚Après cure chirurgicale d’un syndrome de Cushing 2.Les formes congénitales Déficit en 21-hydroxylase,dans sa forme homozygote, avec hyperplasie congénitale des surrénales. Le déficit hormonal est diag­ nostiqué à la naissance ou dans la petite enfance devant des signes d’insuffisance surrénale (syndrome de perte de sel) et d’hyperandrogénie (due à l’accumulation des précurseurs du cortisol et de l’aldostérone, déviés vers la voie des androgènes.) D’autres maladies congénitales plus rares peuvent causer une insuffisance surrénale, telles que l’adrénoleucodystrophie, liée au chromosome X et n’affectant donc que le sexe masculin, caractérisée par une accumulation d’acides gras à très longue chaîne avec atteinte du système nerveux central et de la moelle épinière. L’insuffisance surrénale peut se révéler de façon tardive. Vol. 65 _ Novembre 2015 e99 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !97!_SUP9_ref243_brue.indd 99 09/11/2015 16:12 RR Item 243 INS UF F ISANC E SU R R É NAL E C HE Z L’ADU LT E E T L’E NFANT Insuffisance surrénale secondaire C’est la plus fréquente des 2 types d’insuffisance surrénale, en particulier parce qu’elle est souvent iatrogène, secondaire à la prise de corticoïdes. Sa prévalence théorique est de l’ordre de 200 cas par million d’habitants. La présentation clinique est différente, souvent moins marquée que dans le cas de l’insuffisance surrénale primaire, du fait de la persistance de la sécrétion de minéralocorticoïdes et de l’absence d’augmentation de la sécrétion d’ACTH. Diagnostic positif 1.Clinique Les signes généraux sont présents, parfois moins marqués : ils associent donc asthénie et amaigrissement, avec altération de l’état général. Il n’existe pas de mélanodermie (du fait de l’absence d’augmentation de la sécrétion d’ACTH) ; les patients sont en général pâles, avec une décoloration possible dans les zones habituellement pigmentées. L’hypotension artérielle est généralement moins marquée du fait de la persistance de la sécrétion d’aldostérone. À l’inverse, la tendance hypoglycémique peut être plus marquée en cas d’association à un déficit en hormone de croissance. En dehors de l’insuffisance corticotrope induite par l’arrêt d’une corticothérapie qui ne présente pas d’autre signe spécifique, les insuffisances corticotropes liées à la présence d’une masse hypophysaire peuvent être associées au syndrome tumoral classique hypophysaire, à savoir : ––céphalées frontales, parfois rétro-orbitaires ou localisées au niveau du vertex, éventuellement dans le cadre d’un tableau (rare) d’hypertension intracrânienne ; ––troubles du champ visuel pouvant aller jusqu’à l’hémianopsie bitemporale avec baisse de l’acuité visuelle ; ––paralysie oculomotrice dans le cadre (rare également) des apoplexies hypophysaires. Comme indiqué précédemment, tout déficit corticotrope peut être associé à la présence d’autres déficits antéhypophysaires ayant leurs signes plus ou moins spécifiques : ––signes d’hypothyroïdie classiques sans goitre ni myxœdème pour le déficit thyréotrope ; ––troubles sexuels, aménorrhée (sans bouffées de chaleur), baisse de la libido, dépilation pour le déficit gonadotrope ; ––asthénie marquée, tendance hypoglycémique pour le déficit somatotrope ; ––pâleur très marquée, cheveux fins et cassants en cas de panhypopituitarisme. Enfin, il faut faire attention à ne pas se faire piéger par le tableau clinique d’un patient ayant eu un traitement prolongé par corticoïdes à fortes doses, présentant des stigmates cliniques d’hypercorticisme, mais avec une biologie en faveur d’un déficit corticotrope du fait de l’arrêt de ces corticoïdes sans diminution progressive de posologie. e100 2.Biologie Biologie standard : la persistance de la sécrétion d’aldostérone permet de maintenir une kaliémie normale. Une hyponatrémie peut être en revanche observée, liée à un mécanisme physiopathologique différent de celui de perte de sel observé en cas d’insuffisance surrénale primaire (hyponatrémie de dilution). Enfin, une glycémie à la limite inférieure de la normale peut être observée le matin à jeun. Évaluation hormonale : les valeurs données dans le cadre de ce paragraphe ne sont pas consensuelles et font toujours l’objet de discussions. La démarche diagnostique est en revanche validée par la majorité des centres experts. Le diagnostic est suspecté devant un dosage de cortisol à 8 heures effondré (classiquement < 140 nmol/L) associé à un taux d’ACTH non augmenté (bas ou dans les limites inférieures de la normale, classiquement < 20 pg/mL). Un taux de cortisol supérieur à 500 nmol/L élimine le diagnostic. Entre 140 et 500 nmol/L, le diagnostic ne peut être exclu et nécessite la réalisation d’un test de stimulation. Ce test de stimulation est idéalement une hypoglycémie insuli­ nique. Le principe est d’injecter de l’insuline, et d’observer la réponse du cortisol en regard de l’hypoglycémie induite (< 2,5 mmol/L). L’existence de taux de cortisol après stimulation supérieurs à 500 nmol/L élimine le diagnostic. Ce test contraignant est contreindiqué chez les sujets épileptiques, cardiaques ou âgés, et nécessite une surveillance idéalement en milieu hospitalier. Il a par contre comme avantage de pouvoir également évaluer la fonction somatotrope (hormone de croissance). Une autre possibilité est la réalisation d’un test au Synacthène (tétracosactide). Ce test consiste à injecter de l’ACTH de synthèse et à évaluer la réponse du cortisol : l’apparition de taux comparables à ceux utilisés pour l’hypoglycémie insulinique élimine une insuffisance corticotrope. Ce test est cependant faussement rassurant en cas d’apparition récente de l’insuffisance corticotrope : il ne doit donc pas être considéré comme test de référence en postopératoire d’adénome hypophysaire pour rechercher un déficit corticotrope. À l’inverse, il ne peut être effectif qu’en cas d’imprégnation préalable des surrénales par de l’ACTH endogène, ce qui explique qu’il soit particulièrement utilisé quand l’endocrinologue cherche à évaluer la reprise progressive de la réponse surrénalienne après sevrage en corticoïdes. En résumé, le dosage à 8 h du cortisol et de l’ACTH est souvent suffisant pour porter le diagnostic. En cas de doute diagnostique, un test de stimulation doit être effectué : le test au Synacthène est facile à effectuer et fiable, sauf dans quelques rares cas qui justifient l’utilisation de l’hypoglycémie insulinique. Diagnostic étiologique (tableau) Deux grands cadres étiologiques doivent être évoqués. 1.Atteinte organique des structures hypothalamo-hypophysaires Toute lésion hypothalamo-hypophysaire (hors microadénome) peut être à l’origine d’un déficit corticotrope par compression ou destruction des cellules corticotropes, ou de la commande cen- Vol. 65 _ Novembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !97!_SUP9_ref243_brue.indd 100 09/11/2015 16:12 Insuffisance surrénale chez l’adulte et l’enfant POINTS FORTS À RETENIR L’insuffisance surrénale primaire ou périphérique est due à une atteinte des deux surrénales avec un déficit en cortisol, aldostérone et androgènes. L’insuffisance surrénale secondaire ou haute ou corticotrope est due à une atteinte hypophysaire avec uniquement un déficit en cortisol. Penser au diagnostic d’insuffisance surrénale aiguë devant un tableau digestif aigu associant hyponatrémie, hyperkaliémie, hypoglycémie. Traiter toute suspicion d’insuffisance surrénale aiguë comme telle sans attendre les résultats des dosages hormonaux. Ne pas confondre corticoïdes de synthèse et hydrocortisone substitutive en particulier sur le plan du régime sodé (régime normosodé en cas d’hormonothérapie substitutive). rapie (au moins 3 semaines) à forte dose (> 20 mg d’équivalent prednisone – à ne pas confondre avec les 20 mg substitutifs d’hydrocortisone) qui va provoquer un rétrocontrôle négatif sur la sécrétion d’ACTH, et donc une mise au repos de la fonction surrénalienne. La récupération est spontanée et progressive, sur plusieurs semaines ou mois. Le traitement substitutif par hydrocortisone peut être initié à l’arrêt de la corticothérapie, avec tentatives régulières d’arrêt et évaluation des dosages de cortisol à 8 h du matin. Comme indiqué précédemment, en cas de doute diagnostique de reprise de la fonction surrénalienne, un test au Synacthène peut également être réalisé. Attention, enfin, à la prise de topiques cutanés dermocorticoïdes de façon prolongée, ou de corticoïdes inhalés qui peuvent également avoir un effet de freinage de l’axe corticotrope. Enfin, le même mécanisme peut être observé après chirurgie d’un adénome surrénalien avec hypercorticisme, ou d’un adénome hypophysaire corticotrope (avec mise au repos des cellules cortico­ tropes saines). Traitement de l’insuffisance surrénale Insuffisance surrénale primaire trale hypothalamique. Il s’agit le plus souvent d’un adénome hypophysaire sécrétant ou non sécrétant, ou d’un craniopharyngiome. Toute intervention neurochirurgicale à ce niveau peut également être à l’origine d’un déficit corticotrope. Dans ce cadre, il est fréquent (mais non constant) que d’autres déficits antéhypophysaires soient associés. Un seul mot d’ordre dans ce groupe étiologique : l’IRM hypothalamo-hypophysaire. Dans un 2e temps, le retentissement éventuel local avec évaluation des autres lignées antéhypophysaires, et réalisation d’un champ visuel avec mesure de l’acuité visuelle peut être réalisé. D’autres causes rares peuvent également être mises en évidence : ––nécrose post-accouchement hémorragique dans le cadre d’un syndrome de Sheehan ; ––inflammation hypophysaire (d’étiologie souvent mal déterminée) dans le cadre d’une hypophysite ; ––infiltration hypophysaire dans le cadre d’une neurosarcoïdose ou d’une histiocytose, pathologies syndromiques pour lesquelles le tableau hypophysaire ne sera pas nécessairement au premier plan, mais qui peuvent être également associées à l’existence d’une atteinte de la posthypophyse avec un diabète insipide. L’hémochromatose peut également donner un déficit hypophysaire via un mécanisme infiltratif ; Enfin, un traumatisme crânien sévère avec coma et réanimation peut également être à l’origine d’un déficit corticotrope. 2.Atteinte fonctionnelle L’atteinte fonctionnelle par rétrocontrôle induit par les corticoïdes entraîne un déficit corticotrope à leur arrêt. L’apparition d’un déficit corticotrope requiert l’utilisation prolongée d’une corticothé- Le traitement hormonal a pour but de substituer les déficits en cortisol et en aldostérone. La substitution en hydrocortisone (nom générique du cortisol) doit essayer de reproduire au mieux le cycle physiologique du cortisol, en répartissant les prises de manière à avoir une dose plus importante le matin, puis décroissante au cours de la journée. La posologie moyenne est de 15 à 25 mg par jour répartis en 2 ou 3 prises. Il est important de tenir compte des traitements associés, certains médicaments inducteurs enzymatiques (Rifampicine, diphénylhydantoïne…) pouvant accélérer la dégradation du cortisol. La substitution en minéralocorticoïdes est le plus souvent nécessaire, mais pas toujours et est réalisée par un stéroïde de synthèse, la fludrocortisone (comprimé à 50 μg). La posologie dépend de l’examen clinique, notamment l’état général et la pression artérielle (50-100 μg/j en une prise au lever en moyenne). La substitution par la DHEA (25 à 50 μg/j) a permis dans quelques études une amélioration de l’état général et des fonctions cognitives, de l’humeur, l’asthénie, et la sexualité, mais ces effets sont inconstants. Les préparations de DHEA ne sont pas prises en charge par l’assurance maladie, et cette substitution est toujours discutée chez la femme ménopausée. Insuffisance surrénale secondaire La posologie de l’hydrocortisone est en général plus faible que dans l’insuffisance surrénale primaire comprise entre 10 et 20 mg/j en 2 ou 3 prises. La sécrétion de DHEA est aussi déficitaire, et l’intérêt du traitement substitutif par cette hormone peut être discuté comme dans le cas de l’insuffisance surrénale primaire. La fonction minéralocorticoïde est respectée, la fludrocortisone n’est donc pas nécessaire. Vol. 65 _ Novembre 2015 e101 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !97!_SUP9_ref243_brue.indd 101 09/11/2015 16:12 RR Item 243 INS UF F ISANC E SU R R É NAL E C HE Z L’ADU LT E E T L’E NFANT Surveillance du traitement L’adaptation du traitement substitutif est fondée essentiellement sur l’examen clinique, à la recherche de signes de sur- ou de sous-dosage (état général, asthénie, stabilité du poids, pression artérielle en position couchée et debout). En dehors des épisodes d’insuffisance surrénale aiguë, les examens biologiques (glycémie, ionogramme sanguin) sont inutiles. La rénine peut être dosée pour vérifier l’adaptation de la substitution en minéralocorticoïdes, des valeurs élevées traduisant un déficit du pool sodique et une insuffisance du traitement substitutif. Il n’y a actuellement pas de consensus sur l’intérêt de réaliser des dosages hormonaux sous traitement par hydrocortisone (cycle de cortisolémie, mesure du cortisol libre urinaire…), et ces dosages ne sont donc pas recommandés en pratique courante. Éducation du patient Le traitement de l’insuffisance surrénale est chronique, c’est un traitement à vie qu’il ne faut jamais interrompre, et l’éducation du patient fait partie intégrante du traitement, et doit comprendre le respect des règles suivantes : ––le traitement ne doit jamais être interrompu ; ––l’hydrocortisone étant substitutive, le patient doit manger normalement salé. La prise d’un régime sans sel (préconisé en cas de prise de corticoïdes non substitutifs) faciliterait le passage en insuffisance surrénale aiguë ; ––il ne doit pas y avoir d’automédication (laxatifs, diurétiques en particulier) ; ––toute situation de stress pour l’organisme (situations au cours desquelles des surrénales normales sécréteraient plus de cortisol) doit conduire le patient à doubler ou tripler ses doses : il peut s’agir d’infections, de chirurgie, d’anesthésie… Cela exclut en revanche le stress psychologique (examens, p. ex.) ; ––le patient doit être vigilant quant aux troubles digestifs : il peut s’agir d’un début de décompensation, et si ce n’est pas le cas l’hydrocortisone risque de toute façon d’être moins absorbée : le passage à la voie injectable est souvent nécessaire ; ––il y a nécessité de consulter un médecin en cas d’intolérance alimentaire pour passage à un traitement par hydrocortisone par voie parentérale ; ––le port d’une carte d’insuffisant surrénal, qui doit comporter le diagnostic, la nature du traitement et les coordonnées du médecin traitant est recommandé. Insuffisance surrénale aiguë C’est une des rares urgences vitales en endocrinologie. Elle impose donc de savoir la reconnaître, et savoir la prendre en charge rapidement en évitant toute attente superflue. Elle est bien évidemment très facile à reconnaître chez un patient ayant un antécédent connu d’insuffisance surrénale chronique périphérique, un peu moins chez un patient ayant un antécédent e102 d’insuffisance surrénale centrale, et beaucoup moins chez un patient sans antécédent notable. Dans ce dernier cas, la présentation est souvent peu spécifique, et il peut exister un retard à la prise en charge diagnostique avec un risque vital pour le patient. Clinique La décompensation aiguë fait souvent évoquer en premier lieu une urgence abdominale : douleur abdominale, nausée, vomissements, diarrhée… autant de signes d’ailleurs qui ne feront qu’aggraver l’insuffisance surrénale sous-jacente. L’existence d’un abdomen restant souple malgré un tableau clinique souvent sévère doit faire évoquer le diagnostic. L’association à une asthénie progressive et désormais très marquée, une hypotension artérielle, signes qui pourraient faire évoquer un tableau abdominal aigu, tranche là encore avec une palpation abdominale rassurante. Le patient peut également présenter des signes d’hypoglycémie. Garder en tête que la probabilité d’insuffisance surrénale aiguë aux urgences est très faible en comparaison avec la probabilité d’un tableau abdominal aigu, mais que le risque vital en cas de non-diagnostic d’insuffisance surrénalienne aiguë est majeur. En cas de doute diagnostique, un examen d’imagerie abdominale devra donc toujours être effectué en urgence. Chez un patient sans antécédent notable, l’interrogatoire cherchera à identifier des pathologies auto-immunes associées, une prise de corticoïdes, ou un syndrome tumoral hypothalamo-hypophysaire. Surtout, l’interrogatoire doit s’évertuer à trouver le facteur déclenchant : intervention chirurgicale, anesthésie, infection sous-jacente, IDM, grossesse… L’examen clinique mettra en évidence en cas d’insuffisance surrénale périphérique une mélanodermie. Paraclinique La situation d’urgence fait qu’il ne faudra pas attendre le résultat d’un dosage d’ACTH et de cortisol pour démarrer le traitement par hydrocortisone en cas de doute diagnostique. Ce prélèvement doit être effectué pour avoir des résultats à distance. Le bilan minimal doit par ailleurs comporter : ––un ionogramme avec bicarbonates : hyponatrémie avec acidose hyperkaliémique en cas d’atteinte primaire, hyponatrémie isolée en cas d’atteinte secondaire. Attention toutefois à la possibilité d’hypokaliémie en cas de vomissements/diarrhée associée, ou de normonatrémie en cas de déshydratation majeure ; ––urée, créatinine à la recherche d’une insuffisance rénale aiguë fonctionnelle ; ––hémogramme, CRP, bilan infectieux en cas d’argument pour un facteur déclenchant infectieux ; ––ECG à la recherche de signes d’infarctus du myocarde ou d’un retentissement des troubles hydroélectrolytiques ; ––tout bilan minimal standard associé en cas de point d’appel spécifique : bêta-HCG, troponine, TSH (hyperthyroïdie comme facteur déclenchant…). Vol. 65 _ Novembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !97!_SUP9_ref243_brue.indd 102 09/11/2015 16:12 Message de l'auteur Un cas d’insuffisance surrénale sera généralement proposé à l’ECN dans le cadre de pathologies plus globales, telles que des associations de pathologies auto-immunes (hypothyroïdie, diabète… ou moins fréquemment avec hypoparathyroïdie et candidose diffuse), ou secondaire à un arrêt de corticothérapie prolongé. Dans le premier cas, toute décompensation aiguë d’une des pathologies associées doit être considérée comme une situation de stress et conduire à une augmentation de dose d’hydrocortisone. Dans le deuxième cas, il faudra connaître le schéma théorique de décroissance des corticoïdes et la différence entre corticoïdes de synthèse (régime sans sel) et hydrocortisone substitutive (régime normosodé). Il faudra également connaître les conditions d’arrêt définitif de l’hydrocortisone basées sur la réalisation d’un dosage de cortisol à 8 h du matin et éventuellement la réalisation d’un test au Synacthène. À l’inverse, il faudra penser à évoquer une insuffisance surrénale devant tout tableau digestif aigu avec hypotension artérielle chez un patient avec antécédents auto-immuns. Plus généralement, le diagnostic devra être suspecté devant tout cas de tableau digestif atypique pour lequel le rédacteur du dossier vous donne comme information un ionogramme urinaire avec natriurèse augmentée. Exemple de situation type : « Mme B, 40 ans, est adressée aux urgences pour nausée, vomissements, diarrhée et douleurs abdominales diffuses évoluant depuis quelques heures. La TA est à 8/5, nettement inférieure à celle constatée habituellement par son médecin traitant. La palpation abdominale est sans particularité. L’examen retrouve des zones de dépigmentation au niveau des mains et des avant-bras. Le traitement habituel comprend uniquement du Lévothyrox. Traitement C’est une urgence vitale. La prise en charge débute aux urgences sous surveillance scopée en cas de dyskaliémie sévère. Le traitement a comme objectifs la rééquilibration hydroélectrolytique et la substitution hormonale. L’hospitalisation est indispensable dans les suites de la prise en charge immédiate. Les posologies sont données à titre indicatif : ––hydrocortisone IV à forte dose : bolus IV de 100 mg puis 50 mg toutes les 6 heures, ou relais par mise sous seringue électrique à raison de 200 mg/24 heures. À cette posologie, il n’y a pas d’intérêt à donner une supplémentation minéralocorticoïde car l’hydrocortisone assure déjà cette fonction ; ––perfusion de sérum physiologique et de sérum glucosé ; ––surveillance clinique (constantes, état général) et paraclinique (ionogramme, fonction rénale) ; ––traitement du facteur déclenchant. L’hydrocortisone à forte dose a un effet hypokaliémiant majeur. Cela implique donc une surveillance de la kaliémie après la mise en route du traitement. Cela signifie aussi que tout patient avec kaliémie normale (et encore plus avec hypokaliémie) à l’entrée est considéré comme à très haut risque d’hypokaliémie lors de l’instauration de ce traitement. La surveillance biologique de la kaliémie doit donc être rapprochée, et une supplémentation potassique initiale doit être instaurée en cas de kaliémie normale (ou basse avec scope) à l’entrée. La posologie de l’hydrocortisone est ensuite progressivement diminuée, avec passage per os, Le bilan biologique standard met en évidence une natrémie à 130 mmol/L (N 135-145), une kaliémie à 3,7 mmol/L (N 3,5-5). » Dans ce cadre, l’hypothyroïdie par argument de fréquence est d’origine auto-immune, et la présence d’un vitiligo est également en faveur de cette origine. Il n’existe pas d’hyperkaliémie du fait des troubles digestifs. Le premier réflexe d’éliminer un tableau digestif compliqué (hypotension artérielle) est logique, mais cette option est rendue peu évidente par la normalité de la palpation abdominale. Il faudra donc évoquer la possibilité d’une insuffisance surrénale aiguë comme hypothèse diagnostique, et la suite du dossier aidera à valider cette hypothèse. La prise en charge classique de l’insuffisance surrénale devra prendre en compte l’existence d’une hypokaliémie au diagnostic, imposant une supplémentation potassique initiale pour éviter le passage en hypokaliémie après la mise sous hydrocortisone. jusqu’à obtention d’une dose de substitution physiologique. À ce stade, le traitement substitutif minéralocorticoïde devra être redémarré en cas d’insuffisance surrénale primaire. Éducation du patient Tout patient peut présenter une insuffisance surrénalienne aiguë soit au diagnostic d’insuffisance surrénalienne, soit du fait d’un facteur déclenchant en général car il n’a pas adapté correctement ses doses d’hydrocortisone. Comme pour toute pathologie chronique, l’éducation doit donc apparaître dans la prise en charge de ces patients (v. Traitement de l'insuffisance surrénale).• M. Philippon déclare n'avoir aucun lien d'intérêts. F. Castinetti et T. Brue déclarent avoir participé à des travaux scientifiques, rapports d’expertise, activités de conseil et conférences pour l’entreprise Viropharma/Shire. + POUR EN SAVOIR ● Il n’existe pas actuellement de consensus français sur la prise en charge de l’insuffisance surrénale. Il est en cours de rédaction par la Société française d’endocrinologie. Pour plus d’informations, on pourra se rapporter aux références suivantes : Arlt W, et al. Lancet. 2003. Adrenal insufficiency. Grossman A. Journal of Clinical Endocrinology and metabolism. 2011. The diagnosis and management of central hypoadrenalism. Husebye S, et al. Journal of internal medicine. 2014. Consensus statement on the diagnosis, treatment and follow-up of patients with primary adrenal insufficiency. Vol. 65 _ Novembre 2015 e103 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !97!_SUP9_ref243_brue.indd 103 09/11/2015 16:12 Voir l’item complet page e107 et sur larevuedupraticien.fr RR FOCUS Item 336 Imagerie de l’hémorragie méningée Ce FOCUS attire votre attention sur des points importants. Dr Grégoire Boulouis1, 2, Dr Denis Trystram1, 2, Dr François Nataf4, 5, Dr Christine Rodriguez1, 2, Pr Bertrand Devaux4, 5, Pr Catherine Oppenheim1-3, 5 , Pr Jean-François Meder1-3, 5, Dr Olivier Naggara1-3, 5 L’ imagerie cérébrale occupe une place centrale dans le diag­ nostic initial, le suivi et le traitement des patients atteints d’hémorragie méningée. Le scanner doit être réalisé en urgence (fig. 1), il démontre une hyperdensité des espaces sous-arachnoïdiens, évalue la sévérité par l’échelle de Fisher et recherche les complications précoces (tableau). Si l’IRM est accessible et que l’état du patient est compatible, les séquences FLAIR, T2* ou imagerie pondérée en susceptibilité magnétique (SWI) peuvent remplacer le scanner cérébral sans injection (fig. 2), avec une sensibilité plus élevée pour le diagnostic d’hémorragie méningée. Il est capital de réaliser une imagerie artérielle dès la phase diagnostique pour planifier la suite de la prise en charge. Dans cette indication, l’angioscanner a une meilleure sensibilité que l’angio-IRM en temps de vol pour la détection des anévrismes de moins de 3 mm. Une attention particulière sera portée aux sites de développement préférentiel des anévrismes dits « de bifurcation » (fig. 3). TABLEAU 1. Service d’imagerie morphologique et fonctionnelle, hôpital Sainte-Anne, 75014 Paris, France 2. Université Paris-Descartes, 75270 Paris Cedex 06, France 3. Service de radiologie pédiatrique, Necker-Enfants malades, 75007 Paris, France 4. Service de neurochirurgie, hôpital Sainte-Anne, 75014 Paris, France 5. Inserm UMR-S894, France [email protected] Échelle de Fisher Grade Aspect en scanner cérébral sans injection 1 Absence d’hyperdensité spontanée 2 Dépôt de moins de 1 mm d’épaisseur 3 Dépôt de plus de 1 mm d’épaisseur 4 Hématome parenchymateux ou hémorragie ventriculaire L’angiographie digitale permet de planifier et de suivre le traite­ ment (lorsqu’il est réalisé par voie endovasculaire, fig. 4). L’imagerie cérébrale intervient également dans le suivi et la prise en charge des complications tardives. En cas de vaso­ spasme résistant au traitement médical optimal, une procédure endovasculaire est alors menée, incluant une dilatation chimique et éventuellement mécanique (fig. 5).• A B Scanner cérébral sans injection. A. Hyperdensité spontanée des espaces sous-arachnoïdiens (ESA) : citerne interpédonculaire (flèche blanche verticale), vallée sylvienne gauche (flèche blanche oblique) et sillons de la convexité (têtes de flèches) HSA Fisher 3 ; B. L’HSA occupe les deux vallées sylviennes (flèches obliques) et des citernes de la base (astérisques). On note le dépôt hémorragique intraventriculaire (flèche horizontale) et la dilatation débutante des ventricules. HSA Fisher 4. FIGURE 1 Vol. 65 _ Novembre 2015 e105 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !105!_SUP9_foc336_naggara.indd 105 09/11/2015 15:29 RR FOCUS Item 336 H ÉMOR RAGIE MÉNINGÉE Artère communicante antérieure Artère communicante postérieure Artère cérébrale moyenne Artère carotide interne Tronc basilaire Artère cérébelleuse postéro-inférieure A B FIGURE 3 Hémorragie méningée en IRM. Distribution des anévrismes intracrâniens. ARM par temps de vol (TOF) vue de face. Les encadrés correspondent aux sites les plus fréquents d’anévrisme intracrânien. ACA : artère cérébrale antérieure ; ACP : artère cérébrale postérieure ; AV : artère vertébrale. FIGURE 2 Hémorragie méningée en IRM. A. Scanner cérébral sans injection B. IRM cérébrale 1.5T, séquence FLAIR. Le scanner cérébral ne montre pas d’hyperdensité spontanée des espaces sous-arachnoïdiens, alors que la séquence FLAIR montre des hypersignaux linéaires de ces espaces (flèches) signant l’HSA. A B C D Artériographie par injection sélective dans l’artère carotide interne gauche. Présence d’un anévrisme (A) implanté sur l’artère communicante antérieure, sous la forme d’une image d’addition sacciforme de 3 mm. Implantation d’une première spire de platine de 3 mm de diamètre (B) puis de 2 (C) et 1,5 mm de diamètre (D), permettant l’exclusion progressive de l’anévrisme, dans lequel le sang et le produit de contraste n’entrent plus. FIGURE 4 A B C D Traitement d’un vasospasme cérébral symptomatique par angioplastie mécanique. Artériographie par injection sélective dans l’artère carotide interne gauche. Sténose de l’artère cérébrale moyenne droite (A, flèche), serrée. Mise en place d’un ballon (B, marqueurs proximal et distal du ballon, flèches), qui est gonflé au niveau de la sténose (C, flèche), permettant de lever la sténose (D). FIGURE 5 G. Boulouis, D. Trystram, F. Nataf, C. Rodriguez, B. Devaux, C. Oppenheim, J.-F. Meder et O. Naggara déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts. e106 Vol. 65 _ Novembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !105!_SUP9_foc336_naggara.indd 106 09/11/2015 15:29 RR Item 336 HÉMORRAGIE MÉNINGÉE Dr Grégoire Boulouis1, 2, Dr Denis Trystram1, 2, Dr François Nataf4, 5, Dr Christine Rodriguez1, 2, Pr Bertrand Devaux4, 5, Pr Catherine Oppenheim1-3, 5 , Pr Jean-François Meder1-3, 5, Dr Olivier Naggara1-3, 5 1. Service d’imagerie morphologique et fonctionnelle, hôpital Sainte-Anne, 75014 Paris, France 2. Université Paris-Descartes, 75270 Paris Cedex 06, France 3. Service de radiologie pédiatrique, Necker-Enfants malades, 75007 Paris, France 4. Service de neurochirurgie, hôpital Sainte-Anne, 75014 Paris, France 5. Inserm UMR-S894, France [email protected] objectifs DIAGNOSTIQUER une hémorragie méningée. IDENTIFIER les situations d'urgence et PLANIFIER leur prise en charge. Introduction L’hémorragie méningée ou hémorragie sous-arachnoïdienne (HSA) désigne une irruption de sang d’origine artérielle dans les espaces sous-arachnoïdiens péricérébraux où cheminent les artères. C’est une forme rare d’accident vasculaire cérébral (AVC), avec une incidence globale estimée à 9 pour 100 000 personnes-années. Il existe d’importantes variations géographiques d’incidence avec des taux notablement plus élevés en Finlande et au Japon. Quatre-vingt-cinq pour cent des hémorragies sous-arachnoïdiennes non traumatiques sont secondaires à la rupture d’un anévrisme développé aux dépens de l’une des artères intracrâniennes et 5 % sont secondaires à d’autres types d’anomalies vasculaires (dissection artérielle, malformation ou fistule artério-veineuse, angéite cérébrale, thrombose veineuse cérébrale). Dans 10 % des cas, aucune cause n’est retrouvée ; on parle alors d’HSA idiopathique. Facteurs de risque Les facteurs de risque d’hémorragie sous-arachnoïdienne sont identiques à ceux de la formation et de la croissance des anévrismes intracrâniens : hypertension artérielle, tabagisme actif, hypercholestérolémie. De plus, l’hémorragie sous-arachnoïdienne peut être favorisée par l’intoxication alcoolique aiguë et l’utilisation de substances sympathomimétiques (i.e. cocaïne). Il existe une prédominance féminine (sex-ratio F/H : 2/1) et une prédisposition familiale. En effet, entre 5 et 20 % des patients atteints d’hémorragie sous-arachnoïdienne par rupture d’anévrisme ont un antécédent familial. Cependant, on ne parle de « forme familiale » d’anévrisme que lorsque 2 parents au premier degré ont présenté une hémorragie sous-arachnoïdienne par rupture d’anévrisme ou sont porteurs d’un anévrisme intracrânien. Proposer un dépistage familial d’anévrisme est recommandé dans ce cadre uniquement. Plusieurs pathologies à transmission génétique peuvent être associées à un taux d’anévrisme plus élevé que dans la population générale et donc à risque plus important de survenue d’une hémorragie méningée. La plus fréquente est la polykystose rénale autosomique dominante, pour laquelle un dépistage systématique d’anévrisme intracrânien par imagerie par résonance magnétique (IRM) est recommandé. D’autres maladies rares sont responsables d’une augmentation du risque d’hémorragie méningée (affections héréditaires du tissu conjonctif, maladie d’Ehlers-Danlos vasculaire, neurofibromatose de type I). Pronostic Le pronostic des hémorragies méningées reste très sévère avec plus de 10 % des patients qui décèdent avant d’atteindre l’hôpital et 25 % dans les premières 24 heures de l’ictus. La mortalité globale est proche de 50 %. Près de la moitié des survivants gardent des séquelles sévères et seulement un tiers des patients retrouvent une qualité de vie identique 18 mois après l’accident vasculaire cérébral. Diagnostic Anamnèse et examen clinique Un haut degré de suspicion doit prévaloir pour toute céphalée brutale, ou tout tableau neurologique incluant des céphalées. La céphalée est l’élément central de l’anamnèse. Elle est brutale, « en coup de tonnerre », maximale en quelques secondes à une minute. Le patient est capable de préciser l’heure exacte du début Vol. 65 _ Novembre 2015 e107 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !107!_SUP9_ref336_naggara.indd 107 09/11/2015 15:30 RR Item 336 HÉ MOR R AGIE MÉ NINGÉ E Évaluation de la gravité clinique initiale Plusieurs échelles cliniques permettant d’évaluer la gravité initiale d’un patient présentant une hémorragie sous-arachnoïdienne ont été décrites. L’échelle WFNS de la World Federation of Neurosurgical Societies (tableau) est la plus consensuelle. Elle associe le score de Glasgow (degré de vigilance et signes de souffrance axiale) à la présence d’un déficit moteur. Les patients ayant d’emblée un score de Glasgow inférieur ou égal à 12 (grades 4 et 5 de l’échelle WFNS) ont un pronostic péjoratif. Bilan paraclinique/étiologique 1.Couple scanner-angioscanner cérébral Tout patient suspect d’hémorragie sous-arachnoïdienne non traumatique doit bénéficier d’un scanner cérébral sans injection en urgence. Le scanner a une très bonne sensibilité (proche de 95 % dans les premières 24 heures) pour le diagnostic positif d’hémorragie sous-arachnoïdienne, visualisée sous la forme d’une hyperdensité spontanée des espaces sous-arachnoïdiens (sillons corticaux, citernes de la base, vallées sylviennes et/ou scissure interhémisphérique – v. focus). L’abondance de l’hémorragie, quantifiée par l’échelle de Fisher (v. Focus), est un facteur de risque indépendant de vasospasme et d’infarctus cérébral au cours de l’évolution et reflète donc directement la gravité. Le scanner permet également de dépister les complications précoces parmi lesquelles l’hydrocéphalie aiguë, les hématomes parenchymateux associés, l’œdème cérébral et les signes d’engagement. La présence d’un hématome a une valeur localisatrice à l'imagerie et peut aider à identifier l’anévrisme rompu en cas d’anévrismes multiples. e108 Il faut noter que la sensibilité du scanner cérébral pour la mise en évidence d’une hémorragie sous-arachnoïdienne diminue en cas de saignement de faible abondance et au-delà de trois jours après l’hémorragie. L’angioscanner cérébral a une sensibilité d’environ 95 % pour la détection des anévrismes artériels (v. Focus). Une attention particulière est portée à l’analyse des sites fréquents d’anévrisme dits « de bifurcation ». L’angioscanner peut être faussement négatif en cas d’anévrisme sacciforme de moins de 3 mm, d’anévrisme disséquant de type « blister » (phlyctène développée sur une artère disséquée, sans vrai sac), ou encore en cas de vaso­ spasme masquant l’anévrisme. 2.Place de l’IRM L’IRM présente de très bonnes performances diagnostiques dans cette situation, mais les nécessités de surveillance rapprochée d’un patient atteint d’hémorragie sous-arachnoïdienne grave font souvent préférer le scanner, examen moins long et plus rapidement disponible comme examen initial. La séquence FLAIR a une sensibilité supérieure au scanner cérébral sans injection pour le diagnostic d’hémorragie sous-arachnoïdienne. L’hémorragie est visible sous la forme d’un hypersignal au sein des espaces sous-arachnoïdiens (v. Focus). Cet hypersignal est peu spécifique et se retrouve dans d’autres situations pathologiques (méningite infectieuse, carcinomateuse) ou iatrogènes (oxygénothérapie à haut débit sur ventilation mécanique, injection préalable de gadolinium, artéfacts métalliques). Le contexte clinique et les autres constatations d’imagerie permettront d’exclure ces diagnostics différentiels. Au bout d’une semaine, l’hypersignal FLAIR va diminuer, et les produits de dégradation de l’hémoglobine apparaîtront en hyposignal en séquence T2*. Une séquence FLAIR peut être positive jusqu’à deux semaines après l’hémorragie sous-arachnoïdienne, le T2* jusqu’à un mois. L’angio-IRM (ARM) du polygone de Willis, réalisée au cours du même examen, peut mettre en évidence un anévrisme (v. Focus), mais sa sensibilité reste faible pour la détection des anévrismes dont la taille est inférieure à 3 mm, en conditions cliniques. TABLEAU de la céphalée. Typiquement, elle est inhabituelle, très intense (« worst headache of your life »), holocrânienne, continue et résistante aux antalgiques de palier 1. Des épisodes antérieurs de céphalée brutale, résolutifs spontanément, les semaines précédentes peuvent être retrouvés à l’anamnèse (céphalées sentinelles). Il n’y a pas de fièvre. Des nausées associées ou non à des vomissements s’associent à cette céphalée dans 70 % des cas. Les différents éléments du syndrome méningé (raideur de nuque, sono- et photophobie, signes de Kernig et Brudzinski) peuvent faire défaut à la phase initiale et doivent être recherchés. Des troubles de conscience jusqu’au coma peuvent être présents d’emblée. Des convulsions accompagnent la céphalée initiale dans environ 10 % des cas. Certains signes neurologiques ont une valeur localisatrice. Une atteinte du nerf moteur oculaire commun (III) évoque, par exemple, la rupture d’un anévrisme développé au niveau de la paroi postérieure de l’artère carotide interne supraclinoïdienne ipsilatérale. L’atteinte de la sixième paire crânienne n’a pas de valeur localisatrice et témoigne de l’hypertension intracrânienne. Échelle WFNS (World Federation of the Neurosurgical Societies) de l'hémorragie méningée Grade WFNS Score de Glasgow Déficit moteur 1 15 Absent 2 14-13 Absent 3 14-13 Présent 4 12-7 Présent ou absent 5 6-3 Présent ou absent Vol. 65 _ Novembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !107!_SUP9_ref336_naggara.indd 108 09/11/2015 15:30 3.Place de l’artériographie L’angiographie cérébrale numérisée tridimensionnelle reste l’examen de référence dans l’évaluation des artères intracrâniennes, et tout particulièrement pour la recherche d’anévrismes intracrâniens. Cependant, les performances de l’angioscanner et de l’angio- IRM ont progressivement remplacé l’artériographie à visée diag­nostique. L’artériographie reste indiquée, en cas d’hémorragie sous-arachnoïdienne, lorsque les examens non invasifs sont négatifs, dans le cadre du bilan pré-interventionnel/opératoire ou pour guider la décision thérapeutique dans les cas complexes. 4.Place de la ponction lombaire La ponction lombaire (PL) n’est indiquée que si la symptomatologie clinique est évocatrice d’hémorragie sous-arachnoïdienne et si l’imagerie cérébrale est normale. La PL n’est pas une urgence absolue en cas de suspicion d’hémorragie sous-arachnoïdienne ; en effet, il est préférable d’attendre un délai de 6 à 12 heures après l’hémorragie pour la réaliser car il faut un temps suffisant pour obtenir la lyse des globules rouges et la formation de bilirubine et d’oxyhémoglobine, permettant de montrer le caractère xanthochromique du liquide cérébro-spinal (LCS) surnageant après centrifugation. Le rapport leucocytes/globules rouges est différent du rapport sanguin. Au total, la ponction lombaire avec recherche de surnageant xanthochromique garde une place dans le diagnostic d’hémorragie sous-arachnoïdienne lorsque la symptomatologie est évocatrice et le scanner normal. Un intermédiaire non invasif, l’IRM avec séquence FLAIR, peut être proposé chez les patients sans troubles de la conscience. Hémorragies méningées non anévrismales 1.Hémorragie sous-arachnoïdienne non anévrismale avec anomalies artérielles Cinq pour cent des hémorragies méningées non traumatiques ne sont pas liées à une rupture anévrismale. Ainsi, la dissection d’une artère intracrânienne, une angéite cérébrale, une malformation vasculaire (fistule, malformation artério-veineuse…), certaines angiopathies secondaires peuvent être responsables d’hémorragie sous-arachnoïdienne. Le bilan initial est identique. 2.Hémorragie sous-arachnoïdienne traumatique La présence d’une hémorragie sous-arachnoïdienne chez un patient traumatisé crânien est banale (près de 50 % des traumatismes modérés à sévères), cependant il est capital de ne pas éliminer l’hypothèse d’un traumatisme par perte de connaissance secondaire à une hémorragie sous-arachnoïdienne. La présence de lésions traumatiques parenchymateuses ou osseuses adjacentes (contusions cérébrales, fracture de la voûte…), l’aspect en scanner (hémorragie superficielle focale, sans atteinte des citernes, en cas de traumatisme) et, avant tout, une anamnèse parfaitement claire doivent être recherchés afin de confirmer la nature traumatique de l’hémorragie méningée. Au moindre doute, il faudra faut réaliser une imagerie vasculaire à visée étiologique. 3.Hémorragies péri-mésencéphaliques Certaines hémorragies méningées non anévrismales ont une topographie purement péri-mésencéphalique, c’est-à-dire que l’hyperdensité en scanner occupe les citernes autour des pédoncules cérébraux, avec peu ou pas d’atteinte des autres citernes. Ces hémorragies sous-arachnoïdiennes ont un meilleur pronostic et aucune anomalie vasculaire n’est habituellement retrouvée. Il s’agit d’un diagnostic d’élimination. Le bilan et la prise en charge initiale sont identiques, et le bilan doit inclure une artériographie cérébrale complète. Les récidives sont exceptionnelles. Prise en charge thérapeutique Mise en condition Tout patient suspect d’hémorragie sous-arachnoïdienne doit être transféré en urgence dans un centre disposant de services de neuroradiologie interventionnelle, de neurochirurgie et de réanimation neurologique et doit être placé en milieu réanimatoire spécialisé minimisant les stimulations neurosensorielles et visuelles. Hypertension intracrânienne et hydrocéphalie aiguë Pour les grades élevés, il existe de façon quasiment constante une hypertension intracrânienne (HTIC) qui peut résulter de plusieurs mécanismes qui doivent être explorés et traités. Présence d’un hématome cérébral associé : un hématome cérébral peut être associé à une hémorragie sous-arachnoïdienne dans 20 à 34 % des cas, secondaire dans 50 % des cas à un resaignement. Il est le plus souvent au second plan par rapport à l’hémorragie sous-arachnoïdienne, lorsque la lésion vasculaire en cause est un anévrisme. La présence d’un hématome a une valeur localisatrice, particulièrement utile en cas d’anévrismes intracrâniens multiples. En cas d’engagement cérébral secondaire à la taille de l’hématome, et une fois le bilan d’imagerie complété, rien ne doit retarder l’évacuation chirurgicale de l’hématome, qui sera est complétée par une exclusion anévrismale par microclip dans le même temps opératoire. Outre l’hématome intra-parenchymateux, un hématome sous-dural peut être secondaire à la rupture d’un anévrisme intracrânien, particulièrement lorsque l’anévrisme est localisé à la naissance de l’artère communicante postérieure ou de l’artère péricalleuse. L’hydrocéphalie aiguë, dont l’incidence est estimée entre 16 et 35 %, est due soit à une obstruction du système ventriculaire par l’hémorragie ventriculaire, soit à un trouble aigu de la résorption par feutrage des granulations de Pacchioni. Les facteurs prédictifs de l’hydrocéphalie sont l’âge, l’hémorragie intraventriculaire, l’importance de l’hémorragie sous-arachnoïdienne et la localisation de l’anévrisme sur la circulation postérieure. Lorsque l’hydrocéphalie est symptomatique et/ou évolutive, son traitement repose sur le drainage ventriculaire par voie externe. Devant une hydrocéphalie, si un geste endovasculaire est envisagé, la dérivation par voie externe (DVE) devrait être posée avant l’emboli- Vol. 65 _ Novembre 2015 e109 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !107!_SUP9_ref336_naggara.indd 109 09/11/2015 15:30 RR Item 336 HÉ MOR R AGIE MÉ NINGÉ E sation car l’héparinothérapie nécessaire au geste d’embolisation peut gêner la pose ultérieure d’une DVE. Le sevrage en est habituellement fait dans les 10 jours qui suivent, et l’implantation d’une dérivation définitive n’est nécessaire que chez 15 % des patients. Œdème cérébral : il est très fréquent dans les heures qui suivent le début des symptômes. Il nécessite un monitorage de la pression intracrânienne (PIC), idéalement par un cathéter intraventriculaire. Traitement de l’anévrisme Le resaignement précoce d’un anévrisme rompu non traité est assorti d’une mortalité extrêmement élevée à court terme (70 %) et d’une morbidité importante à long terme. Ce risque est majoré lorsque l’anévrisme est de grande taille, lorsque la pression artérielle est élevée et/ou lorsque la pression intracérébrale (PIC) diminue brutalement (drainage trop rapide d’une hydrocéphalie). Un anévrisme rompu non exclu est, de plus, un frein à l’optimisation des mesures de maintien de la pression de perfusion cérébrale (PPC) qui nécessitent une élévation de la pression artérielle moyenne ou le respect d’une élévation spontanée de celle-ci. L’unique moyen de prévenir une récidive hémorragique est l’exclusion complète du sac, qui peut être réalisée par voie endovasculaire ou microchirurgicale. Le traitement endovasculaire est la technique de première intention pour la plupart des anévrismes rompus. Il consiste en une exclusion sélective du sac par des spires de platine (« coils ») à largage contrôlé (v. Focus). Il persiste des indications de traitement microchirugical, et le choix de la procédure la plus appropriée pour chaque patient nécessite une discussion pluridisciplinaire spécialisée, tenant compte de l’état physiologique du patient, de la topographie et de la morphologie du sac, des rapports de voisinage avec les artères perforantes et de la présence d’un hématome associé. Le traitement chirurgical consiste à réaliser un volet pour aborder les vaisseaux du polygone de Willis, qui seront suivis jusqu’à l’anévrisme dont le collet sera disséqué et libéré. La mise en place d’un clip sur le collet de l’anévrisme permettra son exclusion complète. Vasospasme cérébral et ischémie cérébrale retardée Le vasospasme est la principale complication retardée de l’hémorragie sous-arachnoïdienne, responsable de complications neurologiques graves et d’une mortalité importante après la phase initiale. Il débute le plus souvent à J4 de l’hémorragie sous-arachnoïdienne avec un pic vers J7 et cède habituellement après 2 semaines. Il est défini comme une réduction segmentaire, prolongée et initialement réversible de la lumière d’une artère proche ou à distance de l’anévrisme rompu. Il survient chez près de 50 % des patients, mais n’est symptomatique de façon transitoire ou permanente que chez 10 % d’entre eux. Une fièvre, une e110 hypertension artérielle, une hyperleucocytose et/ou une hypo­ natrémie peuvent l’accompagner mais en sont parfois les seuls signes. Un vasospasme sévère, étendu ou de longue durée, peut évoluer vers l’infarctus cérébral. Le risque de survenue d’un vaso­ spasme après une hémorragie sous-arachnoïdienne est lié à l’abondance de celle-ci à la phase aiguë (échelle de Fisher). Son incidence est également plus élevée chez les sujets jeunes, d’emblée grave (WFNS > 2, GCS score de Glasgow < 14) ou présentant une accélération précoce des vitesses circulatoires cérébrales. L’ischémie cérébrale retardée se manifeste par des troubles de la conscience, des céphalées croissantes et/ou surtout un déficit neurologique focal, conséquence du vasospasme artériel entraînant une hypoperfusion cérébrale dans les territoires concernés. 1.Diagnostic du vasospasme La première étape de diagnostic du vasospasme consiste à éliminer d’autres causes d’aggravation neurologique secondaire : hydrocéphalie, resaignement, convulsions infracliniques, troubles hydro-électrolytiques, par la réalisation systématique d’un scanner cérébral, d’un EEG et d’un bilan biologique. Le Doppler transcrânien (DTC) est utilisé pour monitorer quotidiennement, au lit du patient, les vitesses circulatoires cérébrales qui s’élèvent en cas de vasospasme. Le cas échéant, l’angiographie cérébrale numérisée, l’angioscanner ou l’angio-IRM permettent de confirmer le vasospasme en démontrant le rétrécissement segmentaire des artères intracrâniennes, maximal à proximité de l’anévrisme rompu. Le choix de la modalité d’imagerie varie selon les centres. La réalisation d’une artériographie a l’avantage de pouvoir être associée à un traitement mécanique ou chimique par voie artérielle. Le vasospasme angiographique n’est pas nécessairement corrélé à l’intensité des symptômes neurologiques et n’est pas synonyme d’ischémie cérébrale secondaire. En ce sens l’imagerie de perfusion (IRM ou scanner) peut aider à évaluer la qualité de la perfusion cérébrale et rechercher une ischémie secondaire, notamment chez les patients intubés ou dont l’évaluation neurologique est difficile. 2.Traitement du vasospasme et de l’ischémie cérébrale retardée Nimodipine dès la phase aiguë : le traitement préventif du vaso­ spasme repose sur l’administration systématique et précoce, par voie intraveineuse, de nimodipine, inhibiteur calcique aux propriétés vasodilatatrices, dès la phase aiguë. Mesures tensionnelles : ce traitement est associé à des mesures permettant de maintenir une pression de perfusion cérébrale adaptée (> 70 mmHg) après exclusion de l’anévrisme et en l’absence de contre-indication (insuffisance cardiaque, œdème aigu pulmonaire…). Ces mesures incluent le maintien d’une pression artérielle moyenne dans les limites élevées de la normale (ou le respect d’une hypertension spontanée modérée, pression artérielle moyenne > 100 mmHg) et le maintien d’une euvolémie stricte. En cas d’ischémie cérébrale secondaire ou de vasospasme symptomatique, l’induction d’une hypertension et d’une hyper- Vol. 65 _ Novembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !107!_SUP9_ref336_naggara.indd 110 09/11/2015 15:30 Hémorragie méningée POINTS FORTS À RETENIR Toute céphalée brutale ou symptômes neurologiques associés à des céphalées aiguës est une hémorragie méningée jusqu’à preuve du contraire et doit faire réaliser un scanner cérébral en urgence. Le patient doit être placé en secteur neuro-réanimatoire dans un hôpital disposant d’un plateau technique complet, d’un service de neurochirurgie et de neuroradiologie interventionnelle, quel que soit son état clinique initial. La première étape du traitement est l'exclusion de l’anévrisme pour éviter un resaignement dont le pronostic est catastrophique. Le traitement est réalisé par embolisation dans la plupart des cas. La prévention du vasospasme cérébral associe l’administration de nimodipine dès la phase aiguë et la mise en place de mesures de maintien de la pression de perfusion cérébrale après traitement de l’anévrisme. Une surveillance continue et un dépistage précoce des complications (hypertension intracrânienne, complications cardiovasculaires et prévention des agressions cérébrales d’origine systémique) est indispensable. volémie seront discutés. Les médicaments vasoactifs utilisés doivent être titrables pour permettre une optimisation des paramètres de perfusion cérébrale. Un traitement endovasculaire du vasopspasme doit être envisagé en cas d’échec de ces mesures. Il consiste en une injection intraartérielle « in situ » d’un vasodilatateur (nimodipine, milrinone…). Une angioplastie mécanique peut y être associée en réalisant une dilatation endovasculaire des segments artériels sténosés, à l’aide d’un ballonnet (v. Focus). Mesures associées 1.Monitorage cardio-tensionnel continu Les spécificités de la prévention et du traitement du vasospasme impliquent un monitorage invasif continu de la pression artérielle permettant un suivi constant et précis des conditions hémodynamiques. 2.Prise en charge de la douleur La douleur est liée à l’irritation méningée par l’hémorragie sous-arachnoïdienne. Une antalgie doit être initiée dès l’admission. Un titrage morphinique est souvent nécessaire. 3.Troubles hydro-électrolytiques et glycémie Différents mécanismes secondaires à l’agression cérébrale peuvent être responsables d’une hyponatrémie (syndrome de perte en sel, syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique [SIADH] plus rarement…), ou d’une hypernatrémie (diabète insipide). La présence d’une hyperglycémie à l’admission doit être recherchée et corrigée. Une surveillance hydro-électrique et glycémique stricte doit être mise en place et prolongée jusqu’à la sortie de neuro-réanimation pour permettre une correction rapide de toute anomalie. De façon plus générale, il est capital de monitorer et corriger les potentielles agressions cérébrales secondaires d’origine systémique (ACSOS). 4.Dépistage et prise en charge des complications cardiorespiratoires Les complications cardiaques sont fréquentes, liées initialement à l’intense stimulation sympathique et à la décharge noradrénergique qui accompagnent la rupture anévrismale puis à la nécessité de maintenir la pression de perfusion cérébrale au prix d’une pression artérielle élevée. Un électrocardiogramme (ECG) est réalisé pour rechercher des troubles de repolarisation (fréquents à la phase aiguë). Une surveillance de la pression veineuse centrale par cathétérisme droit et du débit cardiaque par échographie trans-thoracique peuvent peut être nécessaire. Les complications respiratoires sont le plus souvent d’origine infectieuse et secondaires à une inhalation initiale ou à la venti­ lation mécanique. Un œdème pulmonaire neurogénique peut également survenir précocement. Il s’agit d’une complication grave pouvant évoluer vers un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), et se résout, en l’absence de complication, spontanément en moins de 3 jours. 5.Autres mesures thérapeutiques La maladie thromboembolique est systématiquement prévenue par une contention mécanique des membres inférieurs associée à une héparinothérapie à doses préventives. Aucun traitement antiépileptique n’est recommandé de manière systématique ; son introduction sera évaluée au cas par cas. La survenue d’une hémorragie intraoculaire (syndrome de Terson) dans le cadre d’une hémorragie sous-arachnoïdienne, volontiers sévère, peut entraîner des troubles visuels à court et à long terme. Il n’existe pas de traitement spécifique en dehors de la vitrectomie en l’absence d’amélioration. Il peut s’y associer une hémorragie rétinienne ou prérétinienne au pronostic visuel mauvais. Conclusion L’hémorragie sous-arachnoïdienne non traumatique est un accident vasculaire cérébral rare mais grave. Il s’agit d’une urgence médicale, nécessitant une prise en charge multidisciplinaire complexe et un dialogue constant entre les différentes spécialistes impliqués. Le traitement d’une hémorragie sous-arachnoïdienne anévrismale est séquentiel, combinant une exclusion précoce de l’anévrisme rompu, le traitement des causes d’hypertension intracrânienne (hydrocéphalie, hématome associé, resaignement anévrismal…) Vol. 65 _ Novembre 2015 e111 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !107!_SUP9_ref336_naggara.indd 111 09/11/2015 15:30 RR Item 336 HÉ MOR R AGIE MÉ NINGÉ E Qu’est-ce qui peut tomber à l’examen ? CAS CLINIQUE recrudescence progressive de sa céphalée. À l’examen, vous notez un ralentissement psychomoteur et une asymétrie faciale. Quelles sont les causes possibles de cette symptomatologie ? Et la plus probable ? Une jeune femme de 38 ans vous est adressée par son médecin traitant pour une céphalée. Cette patiente sans antécédent notable en dehors d’une migraine sans traitement de fond était en train de travailler quand la céphalée a commencé. « J’ai envoyé ce mail et clac, d’un coup. » L’EVA est à 8, la céphalée est continue et n’a pas cédé malgré la prise de Doliprane. Vous notez un minime ptosis et une mydriase à droite. QUESTION 1 QUESTION 4 Quel diagnostic faut-il suspecter et pourquoi ? Cet examen se révèle positif, il n’y a aucune complication, le stade scanographique est bas. Quel examen d’imagerie / quel complément est-il capital de réaliser ? Pourquoi ? !889!_rdp7_couv:Mise en page 1 10/09/12 12:12 Page 889 revue n praticie praticien PUBLICATION MENSUELLE DE FORMATION MÉDICALE CONTINUE PUBLICAT en page 1 2 9/11/1 10:16 Page revue ION MENSUEL ON MÉDICAL E CONTINU E - N° 9 Tome 62 2012 Novem bre DU MOIS logiques ophtalmo Urgences DOSSIER DOSSIER DU MOIS praticien.fr uedu www.larev Q 42. Troubles du comportement alimentaire Q 45. Addiction et conduites dopantes Q 50. Complications de l’immobilité et du décubitus (...) RÉSISTANCE AUX ANTIBIOTIQUES √ DOSSIER Maladies chroniques et grossesse URGENCE √ DOSSIER praticien sujet âgé AVC du Maladies chroniques et grossesse revue n praticie ET AUSSI SUR LE WEB Vidéo : Épaule douloureuse • Photothèque : Escarres • Quiz : Avez-vous bien lu le numéro précédent ? LE WEB I SUR ET AUSS Vidéo : Nouvea ux anticoa Accident vasculaire cérébral du sujet âgé Rev Prat 2012;62(9):1217-45 MONOGRAPHIE ulairegé â nt vasc Accidberal du sujet céré IE GRAPH MONO Monographies www.larevuedupraticien.fr ÉPREUVES CLASSANTES NATIONALES Résistance aux antibiotiques nence ONALES . Inconti que (...) ES NATI enceinte Q 321 psychosomati femme CLASSANT Trouble Q 289. nnels d’une ÉPREUVES s nutritio des phanères Q 16. Besoin . Troubles Q 288 urinaire 9 (1185-13 62 - N° 32) 1185 Septembre 2012 - Tome 62 - N° 7 FORMATI LE DE Septembre 2012 - Tome 62 - N° 7 (889-1036) :Mise couv_2 _rdp9_ !1185! revue G. Boulouis, D. Trystram, F. Nataf, C. Rodriguez, B. Devaux, C. Oppenheim, J.-F. Meder et O. Naggara déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts. OK + POUR EN SAVOIR ● S OPHTALM et l’instauration de mesures préventives du vasospasme cérébral et de l’ischémie cérébrale secondaire consistant en l’administration d’inhibiteurs calciques et le maintien d’une pression de perfusion cérébrale adaptée. La prise en charge d’un patient souffrant d’une hémorragie méningée nécessite une surveillance continue des paramètres vitaux et biologiques en secteur réanimatoire.• - Tome e 2012 Quel examen d’imagerie réalisez-vous en première intention et qu’en attendez-vous ? www.etudiants.larevuedupraticien.fr Au 5e jour, vous êtes appelé au lit de la patiente qui après amélioration de la douleur sous traitement approprié présente une Novembr QUESTION 3 Retrouvez toutes les réponses et les commentaires sur QUESTION 5 S Quelle information vous apportent les symptômes oculaires ? OLOGIQUE QUESTION 2 gulants • Phototh èque : Phanèr es, Archite cture… • Quiz : Polyarthrite Accident vasculaire cérébral du sujet jeune Rev Prat 2013;63(7):925-68 LA TÊTE DANS LE... ... QCM,VOUS DEVIENDREZ INCOLLABLES SUR LES ITEMS DU PROGRAMME DES ECN + de 1 000 exercices d’imagerie, de mise en situation et de QCM pour réaliser des sous-colles personnalisées Tout ce dont vous avez besoin est sur larevueduprat.fr TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN B-210x80-LA-TETE-DANS.indd 1 112 !107!_SUP9_ref336_naggara.indd 27/07/2015 15:30 15:56 09/11/2015 RR Item 187 FIÈVRE CHEZ UN PATIENT IMMUNODÉPRIMÉ Dr Sébastien Gallien, Pr Jean-Michel Molina Service de maladies infectieuses et tropicales, hôpital Saint-Louis, Paris, 75010 Paris, France [email protected] objectifs CONNAÎTRE les situations d’urgence et les grands principes de prise en charge. CONNAÎTRE les principes de la prise en charge en cas de fièvre aiguë chez un patient neutropénique. CONNAÎTRE les principes de prévention des infections chez des patients immunodéprimés. L a fièvre chez un patient immunodéprimé est une urgence diagnostique et thérapeutique car elle représente le plus souvent le seul symptôme d’une infection qui sur ce terrain peut engager rapidement le pronostic vital. Sa prise en charge est particulière en raison de la fréquence des infections chez ces patients, de la lourde mortalité qui leur est associée et de la difficulté d’obtenir un diagnostic microbiologique rapide (notamment chez le patient neutropénique). En cas de fièvre survenant chez des sujets neutropéniques ou splénectomisés, il y a une indication à une antibiothérapie urgente. Dans ces 2 situations, le pronostic vital peut être immédiatement mis en jeu en cas de retard à l’initiation d’une antibiothérapie lors d’une fièvre d’origine bactérienne. Au cours des autres types de déficits immunitaires et notamment de l’immunité cellulaire, les agents infectieux potentiels, dits « opportunistes », à l’origine de fièvre, sont nombreux et responsables de tableaux cliniques variés, mais les causes de fièvre chez ces patients ne sont pas toujours d’origine infectieuse et les autres causes tumorales, médicamenteuses ou inflammatoires doivent toujours être recherchées avec soin. Ainsi, la prise en charge d’une fièvre aiguë chez un patient immunodéprimé doit comporter : ––une caractérisation du type et de la profondeur de l’immunodépression ainsi que la connaissance des agents infectieux qui lui sont épidémiologiquement associés ; ––une identification précoce de signes de sepsis grave indiquant la mise en route d’une antibiothérapie précoce probabiliste et active sur les pathogènes suspectés et un éventuel transfert dans une unité de soins intensifs ; ––une définition clinique puis microbiologique précise du type d’infection ; ––une réévaluation précoce (à 24-48 heures) clinique, paraclinique et thérapeutique du malade sous traitement en fonction des données évolutives et microbiologiques disponibles. Enfin, il existe de nombreux moyens de prévention de la survenue des infections à adapter au type et à l’évolution de l’immunodépression. Identification des situations d’urgence Caractérisation de l’immunodépression Il existe schématiquement 3 grands types d’immunodépression, s’associant à des infections qui leur sont plus spécifiques (tableau 1) : ––le défaut de phagocytose essentiellement représenté par la neutropénie, définie par un taux de polynucléaires neutrophiles (PNN) < 1 500/mm3 (ou < 800/mm3 chez le sujet africain), le plus souvent acquise et secondaire aux chimiothérapies antitumorales. La neutropénie s’associe à un risque infectieux important lorsque le taux de PNN est en dessous de 500/mm3. Les neutropénies sont fréquemment associées aux infections à bacilles à Gram négatif (origine digestive) favorisées par des lésions muqueuses post-chimiothérapies (mucite) mais aussi à cocci à Gram positif favorisés par la mise en place de cathéters de longue durée et aux antibiothérapies visant les bacilles à Gram négatif. Les neutropénies profondes (< 500 PNN/mm3) et prolongées exposent aussi aux infections invasives à champignons (Candida, Aspergillus) ; ––le déficit de l’immunité humorale s’associe le plus souvent à des infections à bactéries encapsulées et aux entérovirus. L’infection à pneumocoque chez le patient asplénique représente la complication infectieuse la plus fréquente dans ce contexte, dont le pronostic en l’absence d’antibioprophylaxie reste redoutable ; Vol. 65 _ Novembre 2015 e113 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !113!_SUP9_ref187-molina.indd 113 09/11/2015 15:56 TABLEAU 1 RR Item 187 F IÈ VR E C HE Z U N PAT IE NT IMMU NODÉ PR IMÉ Différents types d’immunodépression et leurs agents infectieux associés Mécanisme Étiologie Sites infectieux Agents pathogène Défaut de phagocytose Neutropénie ❚❚hémopathies malignes (leucémie, myélodysplasie) ou non (aplasie médullaire idiopathique) ❚❚chimiothérapie ❚❚radiothérapie Anomalies fonctionnelles : polynucléaires neutrophiles, monocytes, macrophages ❚❚corticothérapie ❚❚chimiothérapie ❚❚radiothérapie ❚❚granulomatose chronique familiale ❚❚neutropénie congénitale ❚❚poumon ❚❚pharynx ❚❚peau ❚❚tube digestif ❚❚périnée Précoces : ❚❚bactéries à Gram négatif (entérobactéries, Pseudomonas æruginosa) ❚❚bactéries à Gram positif (Staphylococcus aureus ou à coagulase négative, streptocoque ou entérocoque) En cas de neutropénie prolongée sévère : ❚❚Herpes simplex virus ❚❚Champignons (Candida, Aspergillus) Déficit de l’immunité humorale Asplénie ❚❚poumon ❚❚post-chirurgicale ❚❚fonctionnelle : drépanocytose, irradiation ❚❚ORL corporelle totale, lupus, amylose ❚❚tube digestif ❚❚sang ❚❚os ❚❚congénitale : liée à l’X (maladie de ❚❚méninges, système nerveux central Bruton), déficit immunitaire commun variable, déficits sélectifs en IgA ou IgG ❚❚reins, voies urinaires Hypo-g-globulinémie ❚❚bactéries : encapsulées : (pneumocoque, Hæmophilus influenzæ, méningocoque), salmonelle, Campylobacter ❚❚parasites : Giardia ❚❚virus : entérovirus ❚❚acquise : myélome, maladie de Waldenström, leucémie lymphoïde chronique, lymphome, chimiothérapie, syndrome néphrotique Déficit du complément ❚❚congénitaux ❚❚lupus Déficit de l’immunité cellulaire Lymphopénie T globale et/ou CD4 (VIH) Dysfonction lymphocytaire ❚❚infection par le VIH (virus de l’immunodéficience humaine) ❚❚corticothérapie ❚❚immunosuppresseurs, anticorps anti-TNF ❚❚lupus, vascularite ❚❚post-transplantation (moelle osseuse, organes solides) ❚❚lymphome de Hodgkin et non hodgkinien ❚❚déficits congénitaux (syndrome de Di George, déficits immunitaires combinés sévères) ❚❚poumon ❚❚système nerveux central ❚❚tube digestif ❚❚voies urinaires ❚❚œil ❚❚peau ❚❚foie, rate, ganglions ❚❚moelle osseuse ❚❚bactéries : Listeria, Salmonella, mycobactéries, pneumocoque, Nocardia, légionelle ❚❚champignons : Pneumocystis jirovecii, Cryptococcus neoformans, Histoplasma capsulatum ❚❚parasites : Toxoplasma gondii, anguillule, leishmanie ❚❚virus : CMV (cytomégalovirus), VZV (virus varicelle-zona), HSV (Herpes simplex virus), EBV (Epstein-Barr virus) IgA : immunoglobuline A; IgB : immunoglobuline B ; TNF : tumor necrosis factor. e114 Vol. 65 _ Novembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !113!_SUP9_ref187-molina.indd 114 09/11/2015 15:56 ––le déficit de l’immunité cellulaire. L’infection par le VIH est la principale cause de ce type d’immunodépression : la fréquence, le type et la gravité des infections qui lui sont associées sont fonction de la profondeur de la lymphopénie CD4. Le déficit de l’immunité cellulaire expose préférentiellement aux infections à pathogènes intracellulaires : bactéries (salmonelles, mycobactéries), champignons (Pneumocystis, cryptocoque), parasites (Toxoplasma, leishmanies), virus (cytomégalovirus [CMV], virus varicelle-zona (VZV], Herpes simplex virus [HSV], virus d’Epstein-Barr [EBV]). Certaines situations associent plusieurs types de déficits immunitaires comme l’allogreffe de moelle osseuse qui additionne un déficit de la phagocytose (neutropénie prolongée au décours du conditionnement pré-greffe) à un déficit de l’immunité humorale et cellulaire prolongée entretenu par les immunosuppresseurs et la corticothérapie. Identification précoce et prise en charge initiale des signes de sepsis grave L’état septique, quelle qu’en soit la gravité, est défini par la présence d’une infection – documentée ou fortement suspectée – et de signes caractérisant « la réponse inflammatoire » de l’organisme à celle-ci. La classification des états septiques et de leur gravité est basée sur l’intensité de la réponse de l’organisme à l’infection. Elle distingue 4 syndromes considérés comme les phases d’aggravation successives de l’infection et de la réponse inflammatoire à celle-ci et dont le pronostic s’aggrave à travers ces stades (tableau 2). Cette classification largement utilisée peut cependant sous-estimer la gravité d’une infection chez le patient immunodéprimé en particulier neutropénique, mais doit être utilisée systématiquement afin d’évaluer la gravité de l’infection. La présence d’un sepsis sévère et a fortiori d’un choc septique doit amener à prendre en charge le patient immunodéprimé dans une unité de soins intensifs. Bilan étiologique Toute fièvre aiguë chez un patient immunodéprimé impose la réalisation d’un examen clinique complet, en particulier périnéal chez le patient neutropénique, à la recherche d’un foyer clinique. Il est complété par un bilan étiologique paraclinique minimal comportant au moins 2 paires d’hémocultures (aérobie et anaérobie), un examen cytobactériologique des urines (ECBU) et une radiographie de thorax. Un bilan étiologique microbiologique est orienté en fonction des germes suspectés et des signes cliniques présents (tableau 3). De nombreuses infections sont liées à la réactivation, à l’occasion de l’immunodépression, de germes présents à l’état latent dans l’organisme (HSV, VZV, CMV, Toxoplasma, mycobactéries). La connaissance pour chaque patient des antécédents cliniques d’infection (herpès, varicelle) et du statut sérologique vis-à-vis de ces agents permet d’orienter les hypothèses étiologiques (par exemple, une sérologie de la toxoplasmose négative chez Fièvre chez un patient immunodéprimé POINTS FORTS À RETENIR La fièvre chez un patient immunodéprimé est une urgence diagnostique et thérapeutique car elle représente le plus souvent le seul symptôme d’une infection. La reconnaissance des signes de gravité clinique (sepsis, sepsis sévère, choc septique) associés à la fièvre est essentielle car elle permet de débuter un traitement antibiotique probabiliste en urgence et fait discuter un transfert en réanimation. La connaissance des agents infectieux associés aux différents types de déficit immunitaire est indispensable pour orienter le bilan étiologique et le traitement anti-infectieux spécifique. Chez les sujets neutropéniques, une antibiothérapie probabiliste urgente est toujours indiquée en cas de fièvre car le pronostic vital peut être rapidement engagé s’il s’agit d’une infection bactérienne, dont le choix et la durée intègrent le terrain et le tableau clinique initial, l’évolution clinique et du chiffre de PNN, et l’éventuelle documentation microbiologique. Certaines mesures préventives en particulier médicamenteuses, adaptées au type et au niveau d’immunodépression, permettent de réduire significativement le risque infectieux dans cette population de patients à risque. un patient infecté par le VIH immunodéprimé avec des abcès cérébraux doit faire évoquer d’autres causes que la toxoplasmose cérébrale). Il est important de signaler que les patients très immunodéprimés peuvent avoir plusieurs infections évolutives simultanées. 1.Fièvre aiguë chez un patient neutropénique La neutropénie fébrile se définit par un chiffre de polynucléaires neutrophiles inférieur à 500/mm3 (ou attendue comme telle dans les 48 heures) et une température supérieure à 38,3 °C (ou > 38 °C, 2 fois à 1 heure d’intervalle). Cette situation se rencontre fréquemment après une chimiothérapie aplasiante et représente une urgence thérapeutique car il existe un risque important de choc septique en l’absence de traitement et la mortalité est élevée. Le risque est moindre si la durée de la neutropénie est courte (< 7 jours : agranulocytose médicamenteuse, chimiothérapie pour cancer solide, lymphome non agressif, myélome) à l’inverse de la neutropénie longue (> 7 jours : leucémie aiguë, lymphome agressif, allogreffe de moelle). Dans ce contexte, la fièvre est d’origine inconnue dans 60 % des cas, alors qu’elle est microbiologiquement documentée dans 30 % des cas et cliniquement documentée dans 10 % des Vol. 65 _ Novembre 2015 e115 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !113!_SUP9_ref187-molina.indd 115 09/11/2015 15:56 TABLEAU 2 RR Item 187 F IÈ VR E C HE Z U N PAT IE NT IMMU NODÉ PR IMÉ Classification des états septiques SRIS Sepsis 2 signes parmi : 1 température > 38 °C ou < 36 °C 2 rythme cardiaque > 90 bpm 3 rythme respiratoire > 20/min ou hyperventilation associée à une PaCO2 < 32 mmHg en air ambiant 4 leucocytes > 12 000 ou < 4 000/mm3 ou >10 % de cellules immatures (en l’absence d’autres causes) Sepsis sévère SRI + infection confirmée Sepsis + dysfonction d’organe (hypoxémie, oligurie < 0,5 mL/kg/h, coagulopathie, acidose métabolique) + hypoperfusion (acidose lactique, oligurie, encéphalopathie aiguë) et/ou hypotension artérielle (< 90 mmHg ou < 40 mmHg des chiffres tensionnels habituels) Choc septique Sepsis sévère + hypotension artérielle persistante malgré un remplissage vasculaire adapté TABLEAU 3 SRIS : syndrome de réponse inflammatoire systémique. Principaux agents infectieux avec leurs localisations cliniques et leurs examens microbiologiques diagnostiques spécifiques Parasites Champignons Virus Bactéries Micro-organismes Localisation Examens étiologique Germes usuels Urines/tube digestif/voies biliaires (entérobactéries, entérocoque, P. æruginosa), peau/cathéter (streptocoque A, staphylocoque) Hémocultures (périphérie, cathéter, examen cytobactériologique des urines), prélèvements pulmonaires, ponction Pneumocoque Poumon, ORL Antigénurie si pneumopathie Mycobactérie Poumon (M. tuberculosis++), ganglion, foie/rate, sang, moelle osseuse, système nerveux central Recherche de BAAR à l’examen direct, culture sur milieu spécial (Löwenstein-Jensen), PCR Légionelle Poumon Antigénurie, sérologie, culture Nocardia Poumon, système nerveux central, peau Recherche au direct d’un aspect évocateur de bacille acido-alcoolo-résistant, culture prolongée HSV, VZV Peau/muqueuse, système nerveux central Isolement ou PCR sur prélèvement muqueux CMV Sang, système nerveux central, œil (VIH), poumon (greffé), tube digestif PCR sur le sang Adénovirus, BK virus, HHV-6, entérovirus Système nerveux central, sang, urine PCR sur le sang, urines, liquide céphalo-rachidien Candida Sang, foie/rate, os Examen direct et culture sur Sabouraud Aspergillus, Cryptococcus Poumon, système nerveux central Examen direct (encre de Chine : C. neoformans) et culture mycologique, antigénémie Pneumocystiis jiroveci Poumon Recherche de kystes à l’examen direct (crachats induits, lavage broncho-alvéolaire), pas de culture, PCR Histoplasma Poumon, sang, système nerveux central Examen direct et culture, sérologie Toxoplasma gondii Système nerveux central, poumon Sérologie, examen direct, PCR (sang, liquide de ponction) Cryptosporidies, microsporidies, Isospora, Giardia Tube digestif Examen parasitologique des selles Leishmanie Foie/rate, moelle osseuse, sang Examen direct avec recherche de parasites intracellulaires et culture (sang, moelle osseuse, peau), sérologie BAAR : bacille acido-alcoolo-résistant ; HSV : Herpes simplex virus ; ORL : oto-rhino-laryngologie ; PCR : polymerase chain reaction ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; VZV : virus varicelle-zona. e116 Vol. 65 _ Novembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !113!_SUP9_ref187-molina.indd 116 09/11/2015 15:56 cas. Les germes isolés proviennent essentiellement de la flore endogène (cutanée et digestive) et sont dans deux tiers des cas des cocci à Gram positif (Staphylococcus aureus et coagulase négatifs, streptocoques) et dans un tiers des cas des bacilles à Gram négatif (entérobactéries, Pseudomonas æruginosa). Les neutropénies prolongées exposent également aux infections invasives à champignons (Candida, Aspergillus) dont le pronostic est redoutable. Un examen clinique complet et soigneux est indiqué en particulier cutané (éruption), des cathéters (orifice d’insertion inflammatoire), de la bouche (mucite), des organes génitaux et du périnée (cellulite). Il est à noter qu’au cours de la neutropénie les signes inflammatoires sont souvent atténués (pneumopathie sans expectoration, toux sèche isolée, pyélonéphrite sans pyurie). Un bilan étiologique doit être mené en urgence comprenant en plus du bilan minimal une hémoculture prélevée au niveau du cathéter en même temps qu’une hémoculture prélevée en périphérie (pour mesurer leur temps différentiel de culture, qui, s’il est supérieur à 2 heures, permet d’affirmer l’infection du cathéter), une coproculture avec recherche de Clostridium difficile et de sa toxine en cas de diarrhée et des prélèvements locaux selon les symptômes. Une réévaluation clinique quotidienne et éventuellement microbiologique est ensuite indiquée. 2.Fièvre aiguë chez un patient asplénique L’absence de rate (anatomique ou fonctionnelle) dont la fonction immunologique est multiple (phagocytose des germes circulants, synthèse d’anticorps, réservoir de lymphocytes) entraîne une sensibilité accrue aux infections bactériennes, en particulier à germes encapsulés (pneumocoque++, méningocoque, Hæmophilus), avec un risque élevé de choc septique. Enfin, chez les patients exposés en zone d’endémie palustre, elle favorise la survenue de formes plus sévères d’infection à Plasmodium falciparum. 3.Fièvre aiguë chez un patient infecté par le VIH La primo-infection par le VIH est une cause de fièvre aiguë se prolongeant parfois plusieurs semaines. La notion de facteurs de risque (rapports sexuels non protégés, toxicomanie intraveineuse) et la présence d’une angine traînante, d’une poly-adénopathie, d’une splénomégalie, d’un rash cutané et d’ulcérations buccales et génitales, d’un syndrome mononucléosique sur l’hémogramme doivent faire réaliser un test sérologique de dépistage du VIH après en avoir informé le patient et avec son accord. Chez un patient dont l’infection VIH est connue, les principales causes d’infections opportunistes sont étroitement liées au taux de lymphocytes CD4 (tableau 4) : ––en dessous de 200 CD4/mm3 ou dans un contexte d’urgence en l’absence de prophylaxie antibiotique adaptée : pneumocystose pulmonaire, toxoplasmose cérébrale, tuberculose disséminée ; ––en dessous de 100 CD4/mm3 : infection à cytomégalovirus ou à mycobactérie atypique, cryptococcose disséminée ; ––à tous les stades d’immunodépression : tuberculose pulmonaire, pneumopathie à pneumocoque. Le bilan étiologique est adapté à la recherche de ces pathogènes spécifiques en fonction de la symptomatologie clinique (tableau 4) : ––en présence de signes pulmonaires : hémocultures, examen cytobactériologique des crachats, antigénurie du pneumocoque, recherche de mycobactérie et de Pneumocystis jirovecii (examen des crachats induits, aspiration bronchique, lavage broncho-alvéolaire), gazométrie artérielle, radiographie voire scanner du thorax ; ––en présence de signes cérébro-méningés : scanner cérébral ou imagerie par résonance magnétique (IRM), ponction lombaire en l’absence de processus expansif intracrânien avec recherche de cryptocoque (encre de Chine, antigène circulant dans le sang et le liquide céphalo-rachidien), de mycobactérie et de virus (cytomégalovirus, virus JC), sérologie de la toxo­ plasmose ; ––en présence d’une polyadénopathie : cytoponction voire biopsie ganglionnaire à la recherche de mycobactérie, d’un lymphome ou d’une maladie de Castleman. 4.Fièvre aiguë chez un patient greffé L’infection est la complication la plus fréquente au décours de la greffe en raison du traitement immunosuppresseur. En cas de transplantation d’organe solide, ce risque est majeur dans les 3-4 mois post-greffe, mais persiste par la suite en raison du traitement immunosuppresseur pour éviter le rejet du greffon. Il est de plus majoré en cas de transplantation pulmonaire, cardiopulmonaire, hépatique ou pancréatique. L’infection de l’organe transplanté est la plus fréquente au cours du premier mois de la greffe, mais son risque demeure élevé par la suite, et doit être systématiquement recherchée. L’allogreffe de moelle osseuse (ou de cellules souches périphériques) représente une situation à part car s’ajoute à l’immunodépression médicamenteuse indiquée pour éviter le rejet du greffon et la réaction du greffon contre l’hôte (GVH), celle liée à la neutropénie prolongée précédant la reconstitution médullaire, à l’immaturité des nouvelles cellules immunitaires et à l’hypo-g-globulinémie induite par la chimiothérapie et l’irradiation corporelle totale du conditionnement myélo-ablatif. Il est important de signaler que dans cette situation des pathologies non infectieuses peuvent se révéler également par de la fièvre comme la maladie du greffon contre l’hôte et qu’il est fréquent que ces pathologies soient associées. L’autogreffe de cellules souches hématopoïétiques, largement utilisée dans le traitement des lymphomes et des myélomes, pour laquelle la durée de la neutropénie est limitée (< 14 jours) et qui ne nécessite pas d’immunosuppresseurs, est associée à un risque infectieux modéré s’apparentant à celui des lymphomes. Les agents infectieux varient schématiquement en fonction du délai de l’infection par rapport à la greffe et leur connaissance oriente le bilan étiologique (tableau 5). Vol. 65 _ Novembre 2015 e117 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !113!_SUP9_ref187-molina.indd 117 09/11/2015 15:56 TABLEAU 4 RR Item 187 F IÈ VR E C HE Z U N PAT IE NT IMMU NODÉ PR IMÉ Agents responsables d’infections chez le patient infecté par le VIH selon le niveau de CD4 et la localisation clinique et leur traitement curatif et préventif Taux de CD4 par mm3 > 500 200-500 Infections opportunistes possibles Localisation préférentielles < 100 Prévention Tuberculose Poumon, ganglion, moelle Isoniazide, rifampicine, pyrizinamide, éthambutol Dépistage et traitement d’une tuberculose latente Zona, HSV Peau, œil, système nerveux central Aciclovir/valaciclovir Aciclovir/valaciclovir si récurrence fréquente (> 4-6/an) Candidose orale Cavité buccale Fluconazole Pneumopathies bactériennes Poumon Céphalosporines de 3e génération, macrolides (légionelle) Maladie de Kaposi (liée à HHV-8) Peau, ganglions, tube digestif, poumon Traitement antirétroviral ± chimiothérapie Lymphome (liée à EBV) < 200 Traitement Vaccination antipneumococcique (vaccin conjugué puis rappel 2 mois avec polyosidique) Chimiothérapie, radiothérapie, traitement antirétroviral Cancers viro-induits Col utérin et anus (HPV), hépato-carcinome (HVB, HVC) Chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie, traitement antirétroviral Dépistage et traitement des condylomes, échographie hépatique et dosage de l’α-fœtoprotéine Pneumocystose Poumon Cotrimoxazole Cotrimoxazole Candidose œsophagienne Œsophage Fluconazole Fluconazole en cas de multirécidive Toxoplasmose Système nerveux central Sulfadiazine + pyriméthamine Cotrimoxazole, traitement d’attaque à demi-dose en prévention secondaire Infection à cytomégalovirus Rétine, tube digestif et voies biliaires, système nerveux central (Val)ganciclovir, foscarnet Valganciclovir en prévention secondaire (CD4 < 100/mm3) Mycobactériose atypique Sang, ganglion, tube digestif, disséminé Clarithromycine, éthambutol (± rifabutine) Azithromycine hebdomadaire si CD4 < 75/mm3 Cryptococcose Système nerveux central, poumon, disséminée Amphotéricine B+ flucytosine puis fluconazole Fluconazole en prévention secondaire Histoplasmose Poumons, ganglions, disséminée Amphotéricine B, itraconazole Itraconazole en prévention secondaire Cryptosporidiose Tube digestif, voies biliaires Nitazoxamide N.B. Lorsque le déficit immunitaire s’aggrave les infections opportunistes s’additionnent. Par exemple, le patient ayant un taux < 200 CD4/mm3 est aussi à risque de développer les infections rencontrées chez le patient ayant un taux > 200 CD4/mm3. HSV : Herpes simplex virus ; EBV : virus d’Epstein-Barr ; HHV : human herpes virus ; HPV : Human papilloma virus ; HVB : virus de l’hépatite B ; HVC : virus de l’hépatite C. e118 Vol. 65 _ Novembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !113!_SUP9_ref187-molina.indd 118 09/11/2015 15:56 Principes de prise en charge Elle repose, après la réalisation des prélèvements microbiologiques, sur l’administration d’une antibiothérapie probabiliste active sur les germes potentiellement en cause en fonction du contexte d’immunodépression en raison du risque d’évolution rapide vers le décès en cas de retard thérapeutique. Le spectre de cette antibiothérapie devra également couvrir les germes précédemment isolés chez le patient (infection, colonisation) et potentiellement à l’origine de l’infection actuelle. Cette antibiothérapie sera adaptée aux données du bilan paraclinique et sera réévaluée en fonction de l’évolution clinique à 24-48 heures. Dans tous les cas, à moyen et à long terme, une diminution de l’immunodépression, si elle est possible, est indiquée pour optimiser la réponse anti-infectieuse et prévenir les éventuelles récidives. Chez le patient neutropénique En l’absence de signe évoquant un foyer clinique une monothérapie avec une bêtalactamine à large spectre à activité antipyocyanique (céphalosporines de 4e génération, carbapénèmes, carboxy- ou uréido-pénicilline + inhibiteur de pénicillinase) est recommandée. En présence de signe de gravité et/ou de suspicion de bactérie multirésistante, afin d’obtenir une activité synergique contre les bacilles à Gram négatif et limiter l’émergence de souches résistantes, son association à un aminoside se justifie. Il est également indiqué d’associer un glycopeptide uniquement s’il existe des signes d’infection de cathéter, en cas de sepsis sévère ou si le patient est connu pour être colonisé à Staphylo­ coccus aureus résistant à la méthicilline. En présence d’un foyer clinique, l’antibiothérapie à large spectre doit être active est sur les germes qui lui sont épidémiologiquement associés (tableau 6). La persistance de la fièvre malgré une antibiothérapie à large spectre doit faire systématiquement rechercher une infection à champignon (scanner thoracique, antigénémie aspergillaire) et, si la neutropénie persiste, ajouter un traitement antifungique probabiliste, à large spectre et par voie systémique, type amphotéricine B ou ses dérivés ou caspofungine. Une antibiothérapie orale en externe peut être proposée (amoxicilline/acide clavulanique + ciprofloxacine) chez l’adulte, en cas de neutropénie courte et en l’absence de signe de sepsis et/ou de foyer infectieux documenté, et sous surveillance médicale ambulatoire. Chez un patient asplénique Une antibiothérapie active sur le pneumocoque est à débuter rapidement, y compris en l’absence de point d’appel clinique et après la réalisation des prélèvements microbiologiques par une céphalosporine de 3e génération (ceftriaxone ou céfotaxime), même si le patient a été vacciné contre le pneumocoque et s’il reçoit une antibioprophylaxie. Il est important au décours de l’épisode infectieux de reprendre la prophylaxie par pénicilline au long cours. Chez un patient infecté par le VIH Le traitement anti-infectieux probabiliste prendra en compte le risque d’infection opportuniste selon le niveau d’immunodépression (taux de lymphocytes CD4) et la localisation du foyer clinique (tableau 4). En l’absence de signe de mauvaise tolérance de l’infection et d’orientation clinique, il n’est pas recommandé de débuter en urgence une antibiothérapie probabiliste. Une surveillance clinique attentive et régulière est recommandée en attendant les résultats des examens paracliniques. Chez un patient greffé En l’absence de neutropénie profonde, d’asplénie ou de signes de sepsis, une antibiothérapie précoce probabiliste n’est pas indiquée au bénéfice d’une surveillance clinique pluriquotidienne et en attendant les résultats des examens paracliniques. La prise en charge anti-infectieuse est à adapter également selon le risque d’infection opportuniste qui diffère selon le délai par rapport à la greffe et la localisation clinique (tableaux 5 et 6). Prévention Chez le patient neutropénique Les mesures d’hygiène reposent avant tout sur les précautions standard, essentiellement l’hygiène des mains. L’intérêt des mesures d’isolement protecteur est controversé pour les neutropénies inférieures à 7-10 jours. Les mesures préventives doivent être maximales (chambre à flux laminaire, alimentation stérile…) pour les inductions de leucémie aiguë et les allogreffés de cellules souches hématopoïétiques. La décontamination digestive n’a jamais fait la preuve de son efficacité, et ne peut qu’augmenter le risque d’émergence de bactéries multirésistantes. L’antibiothérapie systémique prophylactique par fluoroquinolones orales (lévofloxacine, ciprofloxacine) peut être envisagée chez les patients à haut risque (neutropénie 100/mm3 pour une durée > 7 jours). Un traitement antifongique prophylactique a montré un bénéfice chez certains patients d’hématologie ou greffés d’organes solides. Une prophylaxie par fluconazole permet de prévenir la survenue d’infection invasive à Candida lors des allogreffes de cellules souches hématopoïétiques (CSH) et des chimiothérapies d’induction des leucémies aiguës. Une prophylaxie par posaconazole pour prévenir la survenue d’aspergillose invasive est recommandée lors des neutropénies suite aux chimiothérapies des leucémies aiguës myélocytaires et au cours des syndromes myéloprolifératifs. Les facteurs de croissance hématopoïétiques sont recommandés en prophylaxie quand le risque de neutropénie postchimiothérapie est supérieur à 20 %. L’absence de bénéfice Vol. 65 _ Novembre 2015 e119 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !113!_SUP9_ref187-molina.indd 119 09/11/2015 15:56 TABLEAU 5 RR Item 187 F IÈ VR E C HE Z U N PAT IE NT IMMU NODÉ PR IMÉ Risque infectieux en fonction du délai par rapport à la greffe, bilan étiologique et prévention Post-greffe Allogreffé de moelle Transplanté d’organe solide (cœur, poumon, rein, foie) Phase précoce (< 30 j) Phase intermédiaire (1-6 mois) Infection virale : HSV+++ Infections virales : CMV+++, adénovirus, EBV (syndrome lymphoprolifératif) Infections virales : VZV++ HSV, VZV : aciclovir/valaciclovir CMV : valaciclovir, valganciclovir Infections bactérienne liées à la neutropénie (Gram + > Gram -) Infections bactériennes à germes usuels (poumons, urines…), opportunistes (Nocardia, mycobactéries, Listeria monocytogenes, Legionella) Infections bactériennes : idem + germes encapsulés Lévofloxacine ou ciprofloxacine pendant la neutropénie (si > 7 j) Vaccination (pneumocoque, Hæmophilus) Infections fongiques invasives : Candida Infections fongiques : Candida, Aspergillus Infections fongiques : Aspergillus, cryptocoque Fluconazole pendant la neutropénie Posaconazole en cas de neutropénie ou GVH traité par corticoïdes Infections parasitaires : Pneumocystis jiroveci, Toxoplasma gondii Infections parasitaires : idem Si persistance du déficit immunitaire Cotrimoxazole Infections nosocomiales « postopératoires » Phase tardive (> 6 mois) Idem allogreffe + Idem allogreffe - rein : voies urinaires (bactéries, BK virus) - cœur, poumon : pneumopathies - foie : infection hépatobiliaire, récidive de d’hépatite virale (B, C) Prévention Anti-hépatite B (entécavir, ténofovir, lamivudine) CMV : cytomégalovirus ; EBV : virus d’Epstein-Barr ; GVH : greffon contre l’hôte ; HSV : Herpes simplex virus ; VZV : virus varicelle-zona. démontré sur la survie, associée au coût élevé, ne justifie pas d’utiliser des facteurs de croissance myéloïdes en cas de neutropénies fébriles, sauf exception. Chez le patient infecté par le VIH La prise régulière d’une antibioprophylaxie primaire par cotrimoxazole (Bactrim) est indiquée lorsque le taux de CD4 est inférieur à 200/mm3 (ou < 15 %) pour la prévention des infections à Pneumocystis et Toxoplasma, ou secondaire au décours d’infections opportunistes (pneumocystose, toxoplasmose, cryptococcose, mycobactériose, CMV) [tableau 4] et ce jusqu’à la restauration immunitaire suffisante (CD4 200/mm3, 15 %). Chez le patient asplénique L’asplénie (splénectomie ou déficit fonctionnel) justifie à la fois une vaccination contre les germes les plus fréquemment impliqués (pneumocoque, Hæmophilus influenzæ, méningocoque), de préférence avant la splénectomie, et une antibioprophylaxie par la pénicilline au long cours (à poursuivre au minimum 2 ans). e120 Chez le patient greffé Les moyens de prévention varient en fonction du type de greffe, du délai par rapport à la greffe et de l’évolution du régime immunosuppresseur (tableau 5). Une multi-antibioprophylaxie est généralement indiquée pour prévenir les infections, comprenant de l’aciclovir/valaciclovir (HSV, VZV et aussi cytomégalovirus en cas de transplantation rénale), du cotrimoxazole ou sulfadoxine + pyriméthamine (Pneumocystis, Toxoplasma), de l’amoxicilline en cas de risque d’asplénie post-greffe (greffe de CSH), d’antifongiques azolés chez l’allogreffé de moelle (fluconazole : Candida, posaconazole en cas de maladie du greffon contre l’hôte traitée par corticoïdes : Aspergillus).• S. Gallien et J.-M. Molina déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts. Vol. 65 _ Novembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !113!_SUP9_ref187-molina.indd 120 09/11/2015 15:56 TABLEAU 6 Agents responsables d’infections chez les patients neutropéniques et greffés en fonction de la localisation clinique et leur traitement Antibiothérapie HSV, Candida, streptocoques Aciclovir IV, fluconazole, pénicilline Lésions ulcéro-nécrotiques Anaérobies, streptocoques Amoxicillline + acide clavulanique Vésicules HSV, VZV Aciclovir IV Lésions nécrotiques Entérobactéries, Pseudomonas, infections fongiques invasives Pipéracilline-tazobactam + amikacine, ceftazidime, imipénème, céfépime, antifongiques systémiques Inflammation, suppuration Staphylocoque, bacilles à Gram négatif (pyocyanique) Glycopeptides, bêtalactamines à activité anti-pyocyanique Suppuration, nécrose Entérobactéries, anaérobies, Pseudomonas, streptocoques Imipénème ou pipéracilline-tazobactam Infection localisée Entérobactéries, entérocoques, anaérobies Imipénème ou pipéracilline-tazobactam + amikacine Pneumopathie Entérobactéries, pneumocoque, Pseudomonas, Staphylococcus aureus Légionelle (si échec de l’antibiothérapie) Aspergillose invasive Pipéracilline-tazobactam ou céfépime ou imipénème + glycopeptide + amikacine ou ciprofloxacine Macrolide ou fluoroquinolone Voriconazole Poumon Tube digestif Peau Bouche Lésions vésiculeuses, mucite Cathéter Germes en cause Périnée Foyer clinique Message de l'auteur + POUR EN SAVOIR ● Pilly E. 24e édition. Collège de maladies infectieuses et tropicales. Vivactis Plus, 2014. La question requiert des connaissances précises en microbiologie Prise en charge initiale des états septiques graves. Conférences d’experts (ADARPEF, GRFUP, SPILF, SRLF, SFAR, SFM, SMU, SFP) 2007. et en immunologie pour faire le distinguo entre les différents risques Prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH. Recommandations du groupe d’experts. Rapport 2013 sous la direction du Pr Morlat. Paris : La Documentation française. et ainsi orienter la prise en charge diagnostique et thérapeutique. Recommandations de la Société américaine de maladies infectieuses et d’oncologie pour l’utilisation des antibiotiques chez le patient cancéreux neutropénique : – Clinical Infectious Diseases 2011;52:427-31 ; – Journal of Clinical Oncology 2013;20:794-810. Recommandations des Sociétés américaines de greffe de moelle et de transplantation : – Biology of Blood and Marrow Transplantation 2009;15(10):1143-238; infectieux en fonction des différents types d’immunodépression Les questions posées dans un dossier progressif pourraient allier des questions de cours, par exemple sur l’épidémiologie des infections et sur les types d’immunodépression, et des questions d’interprétation d’examens complémentaires microbiologiques ou radiologiques et d’analyse thérapeutique. Par ailleurs, une bonne connaissance de la question « Infections à VIH » (item n° 165) qui recoupe en de nombreux points l’item n° 187, sera un complément dans l’apprentissage de cet item. – American Journal of Transplantation 2013;13(s4):1-371. Vol. 65 _ Novembre 2015 e121 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN !113!_SUP9_ref187-molina.indd 121 09/11/2015 15:56 RR Item 187 F IÈ VR E C HE Z U N PAT IE NT IMMU NODÉ PR IMÉ Qu’est-ce qui peut tomber à l’examen ? CAS CLINIQUE QUESTION 5 Un patient de 32 ans infecté par le VIH chez qui une leucémie aiguë wlymphoblastique a été diagnostiquée, vient de débuter une polychimiothérapie. Dix jours après la fin des perfusions de cytotoxiques, il présente une fièvre à 38,4 °C pour laquelle il consulte aux urgences. Son examen clinique révèle une pression artérielle à 100/70 mmHg, une fréquence cardiaque à 100 batt/min, une saturation en O2 à 98 %. L’examen physique est sans particularité hormis une perte de cheveux. Son hémogramme montre les résultats suivants : hémoglobine 7 g/dL, globules blancs 450/mm3, plaquettes 150 000/mm3. Un traitement par piperacilline/tazobactam a été débuté dans l’heure qui a suivi sa prise en charge aux urgences. Le lendemain, il reste toujours fébrile et son état clinique n’est pas modifié. Les hémocultures n’ont pas poussé. En l’examinant, vous remarquez à l’inspection que l’orifice d’insertion du cathéter veineux central est inflammatoire. Quelle(s) modification(s) dans la prise en charge thérapeutique de ce patient cette observation doit-elle vous faire prendre ? QUESTION 6 Voici des exemples des questions en rapport avec cet item. QUESTION 1 QUESTION 3 Quels sont les germes les plus susceptibles de provoquer un choc septique rapidement dans cette situation en l’absence d’antibiothérapie ? Parmi les antibiotiques suivants, lesquels sont indiqués dans cette situation en première intention ? Parmi les examens complémentaires suivants, lesquels sont recommandés en première intention pour le diagnostic d’une infection fongique invasive en cas de neutropénie prolongée ? QUESTION 4 QUESTION 2 Quel examen microbiologique spécifique est indiqué en cas de présence d’une voie veineuse centrale dans ce contexte ? Selon vous, la découverte d’ulcérations buccales douloureuses évoquerait quel agent infectieux dans ce contexte ? 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