Le Financement Bancaire des Projets Écologiques Cas du Liban Par Georges ABI SALEH Association des Banques du Liban Conférence « Vers une économie verte en Méditerranée » Marseille-France, 23-24 mai 2012 1 Suite à la guerre civile de 16 ans (1975-1990), puis à l’agression israélienne de 2006, les problèmes écologiques se sont aggravés au Liban, ce qui a nécessité un effort considérable de la part des autorités publiques, en collaboration avec la société civile libanaise connue par son dynamisme. Mais, vu l’ampleur et l’étendue de ces problèmes, ajoutées au manque de ressources et d’expériences au niveau local, cet effort a pu bénéficier d’un soutien arabe et étranger , financier et/ou technique , assuré par des gouvernements et des organisations spécialisées. Avant d’aborder les mécanismes du financement local des projets écologiques ou « amis de l’environnement », sujet de mon intervention succincte durant cette conférence, il convient de préciser ce qui suit : Le ministère de l’environnement a établi une série de décrets organisationnels et de projets de lois pour combler le manque déjà existant au niveau de la législation écologique dans le pays. De même, le ministère a lancé une « Initiative nationale pour les énergies efficientes et les énergies renouvelables » (connue par NEEREA).En somme, ces démarches ont constitué une base primordiale pour l’élaboration d’une structure législative et réglementaire pour la préservation de l’environnement, condition indispensable pour toute modalité de financement bancaire envisageable. Au Liban, les taux d’intérêt sont relativement élevés : Les banques rémunèrent les dépôts en dollars US à hauteur de 3%, alors qu’en moyenne mondiale la rémunération est plutôt de l’ordre de 0,5% (le taux créditeur moyen en L.L. est encore plus élevé, de l’ordre de 5,46%). De leur côté, les taux débiteurs moyens au Liban s’élèvent aujourd’hui à 7,16% en L.L. et 7,06% en US$ (mars 2012). Dans ce contexte, un soutien de l’Etat s’avère nécessaire pour promouvoir la croissance économique en général, et les PME, vecteurs de croissance, en particulier. Ainsi, ce soutien étatique s’effectue par trois modalités : 1)- Un mécanisme de bonification des taux d’intérêt débiteurs Les établissements du secteur privé qui bénéficient de prêts de développement aux secteurs touristique, agricole, industriel ou artisanal, et les établissements qui produisent localement le matériel et équipement des technologies de l’information , des logiciels et des programmes informatiques, peuvent bénéficier de la subvention de l’Etat sur les intérêts débiteurs des crédits qui leur sont accordés, et ce, sous l’entière responsabilité de la partie créditrice, qu’elle soit banque, institution financière ou société de leasing. Le montant de la subvention est calculé et payé dans la même monnaie du prêt accordé. Cette subvention représente une déduction de 4,5% sur les taux débiteurs pour les demandes présentées après la date du 1/1/2012. » (circulaire principale de la BDL n° 80,datée du 2 Janvier 2001 et ses amendements) 1. _____________________________ 1 Il existe en outre un système de garantie du crédit au secteur privé ( La société « kafalat ») qui intervient pour les demandes des PME libanaises, en garantissant à hauteur de 75% du montant du prêt .Le mécanisme de garantie fut renforcé (Kafalat +) à hauteur de 90%grâce à la participation européenne (BEI). 2 2)- L’utilisation de la réserve obligatoire auprès de la banque centrale La BDL a apporté en 2009 des exemptions importantes au niveau de la réserve obligatoire2 pour les crédits accordés pour le financement des projets favorables à l’environnement (circulaire intermédiaire n°197) et a accordé ensuite , en accord avec le ministère de l’Energie, de nouvelles exemptions aux crédits octroyés pour le financement des projets écologiques dans le secteur de l’énergie renouvelable et l’installation de panneaux solaires (circulaire intermédiaire n°236 datée du 25/11/2010). Par conséquent, ces incitations concernant les « projets écologiques ou favorables à l’environnement » peuvent être résumées comme suit : a)- Pour les prêts non bonifiés par l’Etat en Livres Libanaises : * Projets écologiques dans le domaine de l’énergie : le taux ne devrait dépasser 3%, moins 50% du rendement des bons du Trésor à un an (actuellement : 3 – 2,67 = 0,34 %). * Projets écologiques dans d’autres domaines que l’énergie : le taux d’intérêt ne devrait dépasser 3%. b)- Pour les prêts non bonifiés par l’Etat en devises étrangères (dollars US) : * Projets écologiques dans le domaine de l’énergie : le taux ne devrait dépasser le coût des ressources + 2%, moins 50% du rendement des bons du Trésor à un an (actuellement : 2,83 + 2 – 2,67 = 2,16 %). * Projets écologiques dans d’autres domaines que l’énergie : le taux ne devrait dépasser le coût des ressources + 2% (actuellement : 2,83 + 2 = 4,83%). c) - Pour les prêts bonifiés par l’Etat : Le crédit accordé bénéficie, en plus de la bonification de l’Etat, d’une exemption additionnelle au niveau de la réserve obligatoire, mais plus réduite. 3)- Dons pour les crédits d’un montant inférieur à un million de US$ (environ 770.000 euros) La BDL se charge, en collaboration avec l’Union Européenne, d’accorder aux PME pour le financement de projets écologiques dans le domaine de l’énergie, un don équivalant à : - 15% du montant du prêt aux secteurs non productifs qui ne bénéficient pas des subventions d’intérêt étatiques. - 5% du montant du prêt aux secteurs productifs qui bénéficient des subventions d’intérêt étatiques. La BDL a souhaité que les banques investissent sérieusement dans ce domaine en accordant ce genre de crédits, car les projets d’énergies renouvelables sont bénéfiques à l’économie, à l’environnement et à l’activité de la banque elle-même. Le succès de ces projets permettrait par ailleurs au Liban de bénéficier d’aides financières et techniques plus importantes de la part de l’Union Européenne et de certaines institutions financières internationales. __________________________________ 2 La réserve obligatoire : 15% du total dépôts en L.L. doit être déposée auprès de la BDL à 0% d’intérêt. 3 L’Association des Banques du Liban s’est engagée à encourager les banques à accorder de tels crédits (organisation de séminaires spécialisés).Quant aux banques , elles ont accompagné la sensibilisation enregistrée dans ce domaine et ont accordé une gamme variée de crédits qui devraient faciliter les activités de leur clientèle et se refléter positivement sur l’économie libanaise dans son ensemble. Il est évident que ces incitations sont avantageuses pour toutes les parties concernées : a- Les banques y trouvent un intérêt à libérer une part de leurs ressources déposées auprès de la BDL (argent oisif) et de l’investir,quoique à un taux bas. b-Les investisseurs et promoteurs de projets y trouvent aussi un intérêt. Les coûts réduits de leurs crédits bancaires devraient les encourager à investir dans des projets favorables à l’environnement. c- Ces projets écologiques, favorables au développement durable ne peuvent qu’avoir un effet positif au niveau du bien-être de la société libanaise toute entière. d-En dernier lieu, c’est une équation de type « gagnant/gagnant ». Néanmoins, un grand effort reste à déployer au niveau de l’écologie dans le pays des Cèdres, surtout que le soutien bancaire susmentionné est destiné exclusivement aux projets du secteur privé, et par conséquent son impact positif demeurera probablement limité. Quant au traitement des différentes sources de pollution publiques et/ou collectives déjà existantes, il faudra envisager d’autres modalités de financement d’autant plus que les ressources allouées à l’environnement dans le Budget de l’Etat sont minimes. A ce propos, j’aimerais relever en particulier un point d’une grande importance : C’est la nécessité d’établir une décentralisation administrative pour permettre aux collectivités locales libanaises, entre autres, de planifier et de réaliser leurs propres projets écologiques. Les municipalités au Liban ne jouissent pas d’une autonomie administrative et financière suffisante pour qu’elles puissent élaborer leurs projets de développement locaux, notamment au niveau du développement durable. Un certain nombre d’études de faisabilité et de projets écologiques ont été préparés dans le cadre géographique des collectivités locales, dont quelques uns avec l’aide technique et / ou financière de l’Union Européenne, mais malheureusement ils sont demeurés lettre morte malgré que la réalisation de ces projets ne nécessite pas de budgets énormes et en plus, ce sont des projets rentables financièrement et efficients écologiquement. L’inconvénient à ce niveau là est de caractère législatif, car les municipalités n’ont pas le pouvoir de conclure directement des contrats de crédits bancaires, et tout financement de ce type de projets devrait passer par le biais du gouvernement central (financement par des bons de Trésor ou par des accords bilatéraux avec d’autres gouvernements ou instances ou avec des organisations et des fonds régionaux et internationaux), ce qui constitue un grand handicap à la promotion d’un dynamisme local de développement socio-économique et empêche le système bancaire libanais de contribuer davantage au développement et à la croissance du pays. Force est de signaler que le système bancaire libanais gère un total bilan s’élevant à 145 milliards de dollars US, représentant plus de 3,5 fois le PIB du pays, et que le ratio des 4 crédits/dépôts dans ce secteur ne dépasse pas 35%,ce qui reflète clairement le niveau élevé de liquidité de ce secteur ainsi que sa capacité à financer davantage l’économie nationale, y compris les projets amis de l’environnement. Pour conclure, il est vrai qu’il est encore très tôt d’évaluer l’impact écologique et économique des modalités d’incitation apportées aux « projets écologiques ou favorables à l’environnement » , puisqu’elles sont mises en vigueur depuis peu de temps (presque un an et demi), mais il n’en demeure pas moins que ces modalités ont laissé des traces claires sur la politique de communication et de marketing adoptée par le secteur bancaire libanais. Un nombre croissant de banques libanaises commencent à intégrer , pour ainsi dire, « l’affaire écologique » dans leur stratégie médiatique ainsi que dans le lancement ou la promotion de nouveaux produits et services ( spots télévisés ,brochures, panneaux de route, annonces publicitaires , communiqués de presse, discours des dirigeants ,sites web ,cartes bancaires, sponsors d’événements ou de manifestations culturelles etc..), ce qui ne manquera, à terme, de produire un impact non négligeable sur la structure mentale de la population, c.à.d. sur la manière de penser et d’agir de l’individu, chose qui pourrait contribuer progressivement à renforcer le principe de citoyenneté. A vrai dire, et au-delà du financement des projets écologiques, qui fait partie des fonctions normales des établissements bancaires et financiers, il me semble que ce rôle de sensibilisation de l’opinion publique aux questions écologiques, fortement joué par un système bancaire assumant sa responsabilité sociale ,serait lui aussi d’une grande importance .C’est que la prise de conscience sociétale des problèmes de l’environnement est une condition sine qua non à la réussite de toute politique de développement durable. Georges ABI SALEH Directeur de la Communication 5