Les langues indo-européennes

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Les langues indo-européennes
C. & D.PARRON
2017
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Table des matières
Introduction ................................................................................................................................... 3
1-Les premières études indo-européennes ........................................................................................ 3
2-L’apport de Marija Gimbutas (1921-1994) ...................................................................................... 7
3-Les Langues indo-européennes ....................................................................................................... 9
4-L’héritage Paléolithique et Mésolithique de l’Europe ................................................................... 12
5-La Néolithisation au Proche Orient ............................................................................................... 15
6-La Néolithisation à partir du Proche Orient ................................................................................... 17
7-La fin du Néolithique ..................................................................................................................... 25
8-La révolution urbaine en Mésopotamie: recherche de langues IE ................................................ 30
9-L’âge des métaux en Europe ......................................................................................................... 33
10-L’ Europe celtique ....................................................................................................................... 36
11-La Grèce antique ......................................................................................................................... 41
12-La civilisation romaine................................................................................................................. 48
13-Les invasions « barbares » et leurs conséquences linguistiques ................................................ 61
14-Le Moyen-âge et la construction des Etats européens................................................................ 65
15-Conclusions ................................................................................................................................. 77
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Introduction
L’étude des langues indo-européennes a commencé vraiment le 2 Février 1786 avec la
communication de Sir William Jones, qui occupait le poste d’administrateur colonial pour l’Empire
britannique, à la Société linguistique de Calcutta dans laquelle il présente la langue sanscrite
« comme plus parfaite que le grec, plus riche que le latin et plus raffinée que l’une et l’autre ». Pour
lui, la civilisation hindoue avait une affinité certaine avec les Perses, Egyptiens, Phéniciens, Grecs,
Scythes, Goths, Celtes, Chinois, etc...
Les Français, comme d’habitude (!), l’avaient déjà remarqué bien avant les Anglais, par la voix du
Jésuite Cœurdoux en 1767 qui résidait à Pondichéry, mais c’était resté lettre morte.
Les Allemands mirent tout le monde d’accord en proclamant que c’était Leibniz (1646-1716) qui
avait lancé la recherche du mythe indo-européen (ou indo-germanische en allemand) sousentendant que l’origine et la source du caractère européen doivent être recherchées en grande
partie en Allemagne : après avoir retrouvé la langue originelle ( la Uhrsprache), les Allemands vont
rechercher le peuple primordial (le Uhrvolk) dont il fallait déterminer l’origine (la Uhreimat), ce qui
les dispensait de devoir emprunter les leurs à la Bible et donc aux Juifs !
Les datations seront données par rapport à notre ère (soit avant Jésus Christ) et notées -2000 par
exemple.
1-Les premières études indo-européennes
On a vu dans l’introduction que l’étude des langues européennes n’était pas vraiment partie sur des
bases scientifiques et objectives au XVIIIe siècle! Rappelons que les datations radiocarbones
n’étaient pas encore inventées et la théorie de l’évolution n’était pas encore publiée ! L’historique de
ces études indo-européennes a été repris de l’excellent ouvrage de Jean-Paul Demoule , Mais où sont
passés les Indo-européens ? Le mythe d’origine de l’Occident (Seuil, 2014).
Dans la continuité de la communication de Williams Jones, l’Inde a été considérée en premier comme
le berceau des indo-européens, qui prennent l’appellation d’ « aryens » par le fait même.
Le principal outil scientifique de cette époque a été la « paléontologie linguistique » du Suisse
Adolphe Pictet (1799-1875) qui consistait à rechercher des racines de mots qui pouvaient refléter la
description du milieu d’origine avant les migrations qui allaient apporter à l’Europe puis au monde
entier les « bienfaits » de La civilisation aryenne ! Ainsi, pour être indo-européenne il fallait qu’il y ait
le mot cheval car les Aryens étaient de « fiers cavaliers ». Puis, les Archéologues allemands vont faire
revenir ce berceau en Europe, soit dans les steppes pontiques soit au bord de la Baltique,
notamment là où l’on rencontrent des restes des cultures de la Céramique Cordée, des Haches de
combats ou des Sépultures individuelles. Les Archéologues anglais et français avaient d’autres chats
à fouetter, occupés qu’ils étaient à fouiller leurs dolmens, ce qui aboutira à la « celtomanie », avec
son « héros » Vercingétorix, reprise par Napoléon III et nos manuels scolaires à des fins nationalistes
(et moquée avec humour par Uderzo et Goscinny dans la bande dessinée Astérix).
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Hélas, en Allemagne comme dans le reste de l’Europe, se développent dans les dernières années du
19e siècle, des idéologies anti-démocratiques et racistes qui conduisent au pangermanisme et à
l’antisémitisme (l’affaire Dreyfus en France) et , par conséquent, à un sentiment indo-européen
aryen exacerbé (qui sera repris par les Nazis grâce à une supercherie scientifique et une divagation
mystique : la pureté de la race aryenne est menacée par les « Juifs » !). En effet, pour justifier la
pseudo-supériorité de la race aryenne, « on » invente l’anthropologie physique , on va mesurer des
crânes, définir la brachycéphalie (au crâne court) et la dolichocéphalie(au crâne allongé). En 1926, un
fervent défenseur de la race germanique, l’anthropologue allemand, Gustaf Kossinna (1858-1931)
osa écrire : « c’est l’une des lois de la psychologie raciale qu’au sein d’un embranchement racial les
dolicocéphales forment toujours, parmi une population donnée, sa partie entreprenante, tournée
vers l’aventure et les voyages, conquérante, mais aussi créatrice, inventive, aspirant au progrès et
douée d’un idéal aristocratique, tandis que les brachycéphales en sont la partie opiniâtre,
conservatrice, peu encline au progrès, ni aux aventures, ni aux excursions guerrières, politiquement
démocrate et ne pensant qu’à ses propres intérêts. ». En France, la tradition anthropologique et
raciale de Paul Broca (1824-1880) est reprise par Henri Victor Valois (1889-1981) qui « déplore » que
la notion de race soit remise en cause et cela même après les horreurs de la guerre. Rappelons que le
prix Paul Broca en 1980 (il faut bien lire millle neuf cent quatre vingt) a été remis par la Société
d’anthropologie de Paris et du CNRS, à une anthropologue allemande (Isle Schwidetzky) compromise
avec le régime nazi!
Cette notion de race ( au sens noble d’un groupe d’ascendance génétique commune) va de pair avec
celle d’appartenance à une nation. En effet, au Moyen Age, le pouvoir féodal soumettait le peuple au
pouvoir de L’Eglise (ou plutôt de ses représentants) et des seigneurs dont les territoires étaient le
résultat aléatoire de faits d’armes et/ou de mariages. Ses frontières variables n’incitaient
évidemment pas les gens à créer des liens entre eux et un quelconque territoire. La société était
tripartite : en haut les oratores (ceux qui prient) puis les bellatores (ceux qui combattent) et en bas
les laboratores (ceux qui travaillent). Au 12e et 13e siècle, les monarques de toute l’Europe, dont les
capétiens en « France » , Philippe Auguste (1165-1223) et Saint Louis (1214-1270), voulurent
diminuer le pouvoir féodal des seigneurs locaux en créant pour les villes, un système de privilèges et
de droits appelée commune , consignée dans des chartes ; avec l’artisanat protégé, se développa le
commerce entre celles-ci, les banques pour gérer ces nouvelles richesses : une autre classe apparue,
la bourgeoisie. Par intérêt, se développa donc le sentiment d’appartenir à une communauté
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structurée par un Etat et ses lois, bien délimitée dans un territoire, et de fil en aiguille, à toute une
nation, qu’elle soit de type duché, principauté, royaume ou empire.
L’Europe des nations à la fin du 13e siècle (d’après Wikimedia Commons)
Corrélativement s’est développé un sentiment national qui regroupe tout ce qui est commun à
l’intérieur de frontières, cette fois, bien définies et ainsi pouvoir différencier sa nation ou pays par
rapport aux voisins: les habitants avec leurs caractéristiques physiques et donc la « race », leur
langue, leur origine, leur religion, leur histoire, etc... En poussant le trait plus loin, j’ai pu même
trouver un exemple de chauvinisme, qui est une forme particulièrement affligeante du nationalisme,
dans mon pays natal (je suis né à Saint Sauveur en Puisaye, comme la grande Colette*, dans le sudouest du département de l’Yonne) ; c’est un article qui met en avant une supériorité physique à
partir d’une différence géologique entre la Puisaye et la Forterre. Il provient du site web
Généanet /Généawiki/ 89/Thury (qui est en Forterre): « Le Dr Robineau-Desvoidy écrivait en 1838
dans son essai statistique sur le canton de St Sauveur : « Différence de climat, différence de moeurs .
Le Forterrat à la démarche assurée, au visage coloré, ne ressemble en rien à l’habitant de la Puisaye
qui paraît ne se soutenir qu’avec peine sur ses jambes, et donc la face est presque exsangue. Chez
l’un tout est vie,
*Autre exemple de chauvinisme
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mouvement, force et santé ; chez l’autre, tout annonce la prostration des forces, la langueur, un état
continuel de dépérissement. L’homme de la Forterre est preste, dispos ; on dirait que l’homme de la
Puisaye ne sait pas marcher et qu’il a besoin d’un bâton pour s’appuyer. Le premier est entreprenant,
actif ; il aime à sortir de son pays, à promener son commerce ; le second ne connait que ses champs
et sa ferme... La Forterre fournit des hommes qui, sans être d’une taille très élevée, sont
parfaitement membrés, ont l’air martial, et ne redoutent pas les exercices militaires : Thury,
Fontenoy, se font principalement remarquer par la beauté de leurs conscrits... Et aussi, c’est de la
Forterre que les communes de Puisaye du canton de St Sauveur, et que celles du reste de la Puisaye,
reçoivent incessament les recrues de population qui cultivent le sol, et qui entretiennent la
continuité des habitants. Sans cela cette contrée ne tarderait pas de devenir déserte et inculte,
puisque la plupart de nos indigènes succombent avec le temps...Thury acquiert le chiffre si élevé de
46 ans pour terme moyen de l’existence humaine ! Peu de communes de France (si toutefois il s’en
trouve) peuvent se gonfler d’une semblable longévité. Cest à Thury que la moitié des décès a lieu de
55 à 95 ans ! et le cinquième de 75 à 95 ans ! »
D’après le site officiel de l’agence de développement touristique de l’Yonne in Bourgogne
On peut expliquer cette outrance par une arrière-pensée politique ; en effet, il faut rappeler que la
Puisaye est un pays de bois et d’étangs car il est situé sur le Crétacé inférieur argileux ; son
agriculture est composé de petites exploitations et on y pratique surtout l’élevage, ce qui explique
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que les Poyaudins (habitants de la Puisaye) soient pauvres ce qui se traduit par un vote
majoritairement à gauche ; la Forterre correspond aux plateaux calcaires du Jurassique supérieur de
l’Auxerrois où l’on pratique la culture céréalière sur de grandes exploitations ce qui génère des
revenus plus importants qu’en Puisaye, ce qui se traduit par un électorat plutôt de droite d’où cette
rivalité politique entre les deux régions. Peu de temps après l’ « analyse » du Dr Robineau, à
l’occasion du coup d’état du 2 Décembre 1851 de Louis- Napoléon Bonaparte, les Poyaudins vont se
soulever en masse et marcher sur la Préfecture d’Auxerre avec des armes de fortune ! Beaucoup
d’insurgés seront déportés en Algérie, avec ceux de Clamecy dans la Nièvre toute proche qui se sont
également soulevés.
Pas plus que la Paléontologie linguistique, l’anthropologie physique n’a en rien fait avancer la
question indo-européenne; il faudra attendre les publications archéologiques soviétiques et leur
traduction par Marija Gimbutas pour vraiment donner une base archéologique et populariser cette
question indo-européenne.
2-L’apport de Marija Gimbutas (1921-1994)
Fille de médecins, Marija Gimbutas est née en Lituanie en 1921 où elle fait des études d’archéologie ;
ce pays est occupé en 1940 par l’URSS puis par l’Allemagne nazi qui trouve localement de l’aide à sa
politique d’extermination des Juifs. L’Union soviétique réinvestit le pays en 1944 et Majita et son
mari fuient en Autriche où elle suit les cours d’Oswald Menghin, un partisan des thèses de Kossinna ;
mais l’Armée rouge entre en Autriche et occupe le pays. Marija fuit à nouveau, cette fois en
Allemagne à Tübingen ; elle y soutient sa thèse après avoir traduit son manuscrit sur les Sépultures
préhistoriques en Lituanie. Elle va émigrer aux USA en 1949 et va obtenir une chaire de professeur
d’archéologie européenne à l’université de Californie-Los Angeles (UCLA) en 1963. Grâce à sa
connaissance de la langue russe, elle a fait connaitre l’archéologie russe aux occidentaux. A ses
débuts, elle est sceptique sur l’origine du foyer primitif des Indo-européens dans les steppes de
Russie méridionale, elle privilégie plutôt les cultures du Danubien. Puis, en 1956, elle adhère aux
thèses des archéologues soviétiques, notamment Merpert, Telegin et Danilenko qui travaillent au
nord de la mer Noire. En effet, avec l’éclairage nouveau des datations radiocarbones, elle pense que
le foyer originel se situe à l’est de la basse Volga et au nord de la mer Caspienne dans les cultures
néolithiques successives de Samara et de Khvalinsk (Kurgan I) qui domestiquent le cheval. Les
inégalités sociales se développent à partir de -4500, certains morts, sans doute des privilégiés, sont
enterrés sous de petits tertres ou tumulus ou kourganes. La culture Khvalinsk va se répandre dans
toutes les steppes pontiques (1ere migration) de -4200 à -4000 ans et donne naissance à la culture
chalcolithique nord pontique (de l’ancien nom grec de la mer Noire, le Pont-Euxin) ou culture de
Serednij Stog (Kurgan II). A partir de là, une deuxième migration s’etend vers l’est (culture de
Maikop) et vers l’ouest : culture de Cernavoda I qui va détruire la culture de Gumelnita-Karanovo en
Bulgarie et Roumanie et celle de Usatova (Kurgan III) qui va détruire celle de Cucuteni-Tripoje en
Roumanie, Moldavie et Ukraine. Cette migration débouche sur la formation vers -3100, d’une vaste
culture, celle des Tombes à fosses (Kurgan IV) (les morts sont déposés au fond de fosses circulaires
avec des chars en bois à roues pleines). De cette culture partirait une 3e migration qui serait à
l’origine de toutes les langues indo-européennes de toute l’Europe à l’ouest et à l’est, et apporterait
les langues indo-européennes au Pakistan et au nord de l’Inde. En résumé, ces peuples des steppes
pontiques auraient soumis au Ve et IVe millénaire, les populations agricoles d’Europe et d ‘Asie
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occidentale grâce au cheval, au chariot et à la maîtrise du bronze ! En contrepartie, la roue interdit
des datations antérieures à -6000, date de son invention (c’est à dire que ces migrations doivent être
postérieures à la Révolution néolithique !).
Du point de vue archéologique, cette hypothèse des kourganes a le mérite d’exister mais nous
verrons plus loin qu’elle suscite de nombreuses critiques de la part des spécialistes d’autres
domaines scientifiques. Notamment, elle est confrontée actuellement à celle de Colin Renfrew (
archéologue britannique né en 1937) qui lie l’arrivée des langues indo-européennes à celle des
premiers agriculteurs venant du Proche Orient, porteurs de la révolution néolithique. Pour lui, le
berceau originel se trouve en Anatolie ; ce modèle « anatolien » semble se confirmer mais il reste
quelques points à élucider comme la langue celtique qui semble avoir une grande ancienneté alors
qu’elle est la plus éloignée par rapport à l’Anatolie ! C’est ce que l’on va voir ci-après en essayant de
trouver des arguments pour l’un ou l’autre modèle dans le cadre chronologique (allégé) développé
dans ce site sous les vignettes de : « Aperçu historique du peuplement de l’Europe ».
L’hypothèse des kurgans (d’après Wikimedia commons)
Les 2 hypothèses de l’origine des langues indo-européennes :
anatolienne (d’après Wikimedia commons)
steppique et
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3-Les Langues indo-européennes
Avant de remonter le temps grâce aux dernières avancées de l’archéologie et d’autres sciences
modernes, il nous savoir ce qu’on entend par langues indo-européennes ou en abrége langues IE.
D’après Alain de Benoist, ce sont des langues présentant des traits de structure communs en ce qui
concerne la phonologie, la grammaire (morphologie et syntaxe) et le vocabulaire (lexique).
L’arbre généalogique classique (D’après les Cahiers de Science & Vie, n°118,Aout-Septembre 2010)
D’après Jean Paul Demoule : « les langues IE, parlées il y a 3 millénaires au moins dans une majeure
partie de l’Eurasie occidentale, et maintenant dans une grande partie du monde, forment une famille
de langues cohérentes, comprenant 12 principales sous-familles et que les linguistes organisent en
un arbre unique à partir d’une langue originelle commune reconstruite. » (voir ci-dessus).
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Arbre issu d’une méthodologie mathématique (d’après Q. Atkinson et R. Gray, 2003)
En fait, pour classer ces langues dans un même groupe, , on se base sur leur similarités concernant
des mots du langage courant (des cognats) comme mère qui se dit mother en anglais, mutter en
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allemand, mater en latin, madar en persan et matr en sanskrit. Il y a 2 hypothèses principales sur
l’origine des langues IE, la kourgane de Marija Gumeltina et anatolienne de Colin Renfrew. (voir le
paragraphe 2). Dans l’ arbre précédent, on a une idée de la date de la séparation entre 2 langues
grâce au principe de la glottochronologie : si 2 langues se séparent à un temps T, elles vont perdre
20% de mots communs tous les 1000 ans. La méthodologie mathématique utilisée par Q. Atkinson et
R. Gray pour obtenir cet arbre est l’analyse cladistique qui est d’un usage courant dans les sciences
biologiques, l’arbre est en fait un cladogramme (de type linéaire et non pas angulaire comme ceux
ceux que j’utilise en chronogénéalogie).
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La branche romane : elle se compose de 6 langues principales : le castillan, le portugais,
le français, l’italien, le roumain et le catalan ; son origine est unique , elle vient du latin
parlé par une poignée d’agriculteurs dans le Latium au milieu du VIIIe siècle avant JC. A
partir du IIIe siècle avant JC, le latin devient littéraire et devient obligatoire dans
l’administration pour tous les peuples soumis dans l’Empire romain ; puis son emploi se
généralise comme langue parlée au Ier siècle AD (Anno Domini) jusqu’au Ve siècle AD.
Avec l’arrivée massive du christianisme, l’Eglise autorise toutes les formes orales du latin
ce qui va entraîner l’apparition de toutes les langues romanes vers 750 AD.
La branche germanique apparait vers -1000 au Danemark et au sud de la Scandinavie ;
puis jusqu’à notre ère, la langue va suivre les migrations au delà de la mer du Nord et de
la Baltique. A partir du 1er siècle, elle se divise en 3 branches : l’ostique qui restera sans
postérité, qui comprend le burgonde en Bourgogne (qui donnera le franco-provençal ou
arpitan), le vandale qui fait souche en Andalousie ou Vandalousie mais est supplanté par
l’arabe en al-Andalus, le gothique avec les Wisigoths qui seront battus par les Francs et
les Ostrogoths par les Byzantins ; le nordique donnera toutes les langues scandinaves. Le
westique donnera l’allemand dont l’origine vient des Alamans et des Francs ; au VIIe
siècle ces 2 dialectes subissent l’influence du latin et vont évoluer au Moyen Age en basallemand dans les villes de la Hanse, en allemand supérieur vers Augsburg et en allemand
moyen à Leipzig ; ces 2 derniers se rapprochent en haut allemand qui sera utilisé par
Martin Luther pour traduire la Bible, puis deviendra l’allemand standard. L’anglais nait au
Ve siècle AD à partir des langues des Angles et des Saxons qui traversent la mer du nord
(vieil anglais), puis avec l’invasion normande en 1066, on obtient l’anglais moyen par
adjonction de nombreux mots français. De là on passe progessivement à l’anglais
moderne qui deviendra la langue internationale officielle.
La branche slave émerge vers -3000 quelquepart en Europe de l’est, en Biélorussie, en
Ukraine du nord ou en Russie occidentale pour M. Karanski du CNRS; la langue slave
commune est parlée par un groupe culturellement homogène jusqu’au VIe siècle AD, puis
les slaves débutent leur expansion au sud dans les Balkans, où leur langue va évoluer en
bulgare, serbe, croate et bosniaque , à l’ouest vers l’Elbe (les terres avaient été laissées
vacantes par les Germains) en polonais, tchèque, slovaque, et à l’est en russe, ukrainien,
biélorusse.
La branche grecque a pour origine le mycénien, la langue des Achéens au IIe millénaire
avant JC ; puis, après les invasions des Achéens, des Ioniens, des Eoliens et des Doriens
dans toute la Grèce continentale, se développent 4 dialectes archaïques, l’arcadochypriote venant de l’Achéen, l’ionien-attique, l’éolien et le dorien ; la langue commune,
la koiné ionien-attique, va se fixer au IVe siècle et devenir la lingua franca (langue
12
-
métisse servant à communiquer entre locuteurs de langues différentes) de l’Antiquité, en
concurrence avec le latin.
La branche indo-iranienne inclus le vieux perse et le sanskrit, sa cousine ; ce dernier
apparait vers -1500 en Inde du nord dans des tribus semi-nomades des Aryas ; cette
langue sert à rédiger les textes sacrés de l’hindouisme, le Véda ou savoir ; à partir de 500, le sanskrit védique évolue en sanskrit classique. Le vieux perse est la langue du vaste
empire des Perses Achéménides de -500 à -334 (Darius, Xerxes), jusqu’au début de la
conquête d’Alexandre le Grand. Il engendrera le Persan moderne ou parsi ou farsi.
4-L’héritage Paléolithique et Mésolithique de l’Europe
A partir de -10000, commence le réchauffement climatique holocène qui s’opère à l’échelle
planétaire, ce qui marque la limite entre la fin du Paléolithique et le Mésolithique. Il s’observe dans le
Nord de l’Europe par un recul de l’inlandsis scandinave qui abandonne le Nord de l’Angleterre, le
Danemark, les pays Baltes et le Nord de la Russie. Dans le même temps, les langues glaciaires des
Alpes et des Pyrénées régressent. En Europe, les forêts se développent au détriment des espaces
ouverts faisant disparaître les grands troupeaux de rennes et de chevaux et donc plus généralement
les faunes froides qui migrent soit plus au nord pour la plupart, soit en altitude dans les régions
montagneuses.
Au Mésolithique ancien, de -10 à -8000, appelé Azilien, les chasseurs-cueilleurs voient donc toute
leur économie être bouleversée surtout au nord de la péninsule ibérique et autour des Pyrénées qui
est une zone très peuplée car elle a servi de refuge lors du dernier maximum glaciaire (LGM ou Late
Glacial Maximum) il y a 20000 ans. La plupart des chasseurs paléolithiques issus de cette zone qui
migrent vers le nord, vont contourner le Massif Central à la suite des troupeaux de rennes :
- soit par l’ouest et se diriger vers le nord vers des latitudes plus froides, cas vraisemblablement des
Périgourdins et des Pyrénéens occidentaux,
- soit par le sud pour aller rejoindre ces mêmes latitudes via la vallée du Rhône (certains s’arrêteront
en cours de route pour aller chercher la fraîcheur en altitude dans le massif alpin), cas des Pyrénéens
centraux et de l’est . D’après une analyse réalisée par le laboratoire génétique Oxford Ancestors ,
j’appartiens à l’haplogroupe Y-ADN R1b ; mes ancêtres (côté paternel) devaient donc résider dans
les Pyrénées centrales pour s’installer dans le nord des Alpes à ce moment-là, il y a environ 10000
ans, au début du Mésolithique ! Grâce à l’étude de Pierre Yves Demars, la carte des sites du
Mésolithique ancien montre clairement que les populations mésolithiques vont réoccuper
principalement les côtes atlantiques jusqu’en Scandinavie, la Grande Bretagne, les Alpes, le long des
fleuves des plaines nordiques comme la Loire, la Seine et le Rhin ; curieusement, l’Europe centrale
est peu réoccupée sauf vers les portes de fer du Danube. Nous remarquons aussi que la région
franco-cantabrique, beaucoup d’ autochtones restent sur place, ce qui explique pourquoi le peuple
basque à garder ses particularités culturelles comme leur langue jusqu’à nos jours !
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Nombre de sites au Mésolithique ancien (d’après P.Y Demars, 2006)
Au Mésolithique sensu stricto ou moyen et récent, qui regroupe les cultures à armatures
microlithiques, le Sauveterrien, daté de -8 à -5000, présent au sud de la Seine et le Tardenoisien, daté
de -7 à -5000, les « chasseurs-cueilleurs » vont devoir s’adapter à un nouveau gibier : cervidés,
sangliers, lièvres… et trouver une arme nouvelle plus efficace que la sagaie sous un épais couvert
végétal: l’arc. Ils vont également trouver des sources de nourriture en complément du produit de la
chasse comme le ramassage des escargots qui est un mets très prisé dans certains sites pyrénéens
comme à Arudy (Pyrénées Atlantiques), la pêche en rivière ou au bord de la mer ; sur le littoral, elle
s’accompagne du ramassage de coquillages et de crustacés dont les restes forment des
accumulations énormes appelées concheros en Espagne, concheiros au Portugal, kjokkenmoddings
au Danemark.
L’Art pariétal et mobilier de l’Azilien est caractérisée par des galets peints ou gravés à motif
géométrique (chevrons emboîtés, quadrillages, points ou traits de couleur, etc.). Plus rares sont les
représentations figuratives d’animaux comme une biche gravée sur galet à l’Abri Murat, près de
Rocamadour dans le Lot, un cheval sur os du pont d’Ambon à Bourdeilles (Dordogne).
Le long des zones côtières très peuplées sans abris naturels comme le nord-ouest de l’Espagne et le
Portugal, l’homme mésolithique ibérique va être obligé d’ « inventer » un nouveau moyen de
marquer son territoire et les lieux de sépultures: ce sont les pierres levées brutes ou gravées et/ou
peintes (stèles) qui sont les premières manifestations d’un mégalithisme qui sera le symbole de la
culture de l’Europe atlantique au Néolithique et à l’âge des métaux.
On a pu reconstituer dans l’ile de Téviec (Morbihan) des habitats mésolithiques comprenant une aire
sépulcrale, véritable nécropole, une aire à foyers culinaires, une aire à foyers domestiques. Ces
habitats sont situés sur des amas coquilliers qui ont livré également divers déchets organiques
provenant de leur alimentation (crabes, mollusques, seiches, poissons, oiseaux, mammifères
terrestres et marins) et lithiques. Les sépultures sont collectives avec les corps recouverts de bois de
cerf et parfois placés dans des coffres en pierres sèches surmontés d’un petit tumulus et d’une dalle
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horizontale. Un défunt avait reçu 2 flèches, une devant et l’autre dans le dos, ce qui prouve que les
sociétés mésolithiques pouvaient être violentes. Des pierres dressées d’1 m de haut ont été trouvées
près de 2 tombes sur l’ile voisine de Höedic. On a retrouvé également cette association de pierres
levées avec des zones d’habitats sur le littoral portugais. Certaines sépultures mésolithiques
collectives s’accompagnent de manipulations post mortem des corps et des crânes, comme leur
décarnisation et même, plus rarement d’incinération! Ce serait le début de rites cultuels, peut être
liés au culte des Ancêtres comme nous allons le voir au Néolithique. En effet, ce changement
climatique va nous permettre d’illustrer ce que nous pouvons appeler une adaptation culturelle chez
l’homme avec la reprise d’un mode de vie nomade en plaine et semi-nomade le long des côtes
marines ; en effet, la sédentarisation avait permis un développement culturel typique au
Magdalénien : la société magdalénienne, dont la structure sociale est bien définie car elle comporte
des clans, avec différents lignages, identifiés les uns par rapport aux autres, finira par penser que
tous les clans ont une origine commune et ainsi créer le mythe de la femme-ancêtre qui deviendra,
au Néolithique, une déité, la Déesse-Mère régnant sur la Nature environnante. Par contre, les
populations de chasseurs-cueilleurs-pêcheurs qui ont une économie de subsistance qui les oblige à
vivre dans une Nature beaucoup plus variée sous un climat tempéré qu’aux temps glaciaires, et donc
de l’observer de très près s’ils veulent survivre, vont « progresser » dans la connaissance du monde
qui les entoure! Ils ont donc pu constater que les phénomènes naturels étaient cycliques : le gibier
ou les plantes dont ils dépendent obéissent à des règles qui leur paraissent immuables (la succession
jour-nuit, les rythmes saisonniers par exemple). Comment peuvent-ils imaginer une fin aux choses, il
doit donc exister des mondes parallèles où tous les phénomènes naturels attendent leur retour sur
Terre! Le monde est régi par leurs esprits ; ceux des Ancêtres au même titre que ceux de l’orage, de
la pluie, du vent, des montagnes… Ils ont donc une vision élargie du monde environnant moins
centré sur le clan. Ils vont pouvoir développer des mythes qui leur permettent d’expliquer l’Univers
et dans lesquels ils incluent évidemment celui de la femme-ancêtre hérité depuis le Gravettien et
même lui imaginer un parèdre masculin symbolisé par un auroch ou un taureau comme à Auneau en
Eure et Loire on l’on a retrouvé des fosses dans lesquelles on a déposé des bucranes d’aurochs, ce
qui deviendra rituel lors de la célébration du culte des Ancêtres au cours du Néolithique comme au
Moyen Orient ou à Locmariaquer dans le Morbihan.
Loin d’être une régression par rapport au Magdalénien à cause de la disparition de l’Art pariétal
ostentatoire, la nouvelle adaptation culturelle du Mésolithique va apporter à l’homme une nouvelle
façon d’envisager la Nature environnante en y intégrant tous ses ancêtres. Cette vision des choses
est encore partagée à l’heure actuelle par bon nombre de populations dites « primitives » ! De plus,
le Mésolithique va nous permettre de mieux comprendre comment l’Europe a réalisé une bonne
partie de son peuplement : celui de l’arc atlantique, du Portugal à la Scandinavie, celui du massif
alpin, de la Grande Plaine de l’Europe du nord, etc... à partir des zones refuges habitées au maximum
glaciaire (zones franco-cantabrique, ligurienne, plaine du Pô, Balkans). Du point de vue linguistique
proprement dit, et c’est ce qui nous interesse dans cette petite note, la sédentarisation des ancêtres
du peuple basque implique que toutes les populations franco-cantabriques pendant le le Dernier
Maximum Glaciaire devaient parler une langue proche de celle qui a donné l’Euskal de nos jours et
que, donc, pendant la réoccupation des territoires en Europe occidentale et centrale, et peut-être
orientale, pendant le Magdalénien et le Mésolithique, ces populations ont essaimé ce « vascon »
dans une grande partie de l’Europe et devint sans doute la langue pré-indo-européenne
majoritairement parlée en Europe.
15
5-La Néolithisation au Proche Orient
Sites néolithiques au Proche et Moyen Orient (d’après l’Encyclopedia Universalis, p.716)
La néolithisation désigne le processus historique qui a permis le passage, pour les communautés
humaines, d’une économie de prédation à une économie agro-pastorale avec l’utilisation de la
céramique et le polissage de la pierre. Le terme « Révolution néolithique » a été utilisé pour la
première fois par le grand archéologue australien Vere Gordon Childe. L’aire géographique, ou
« croissant fertile », de la mise en place de la néolithisation est limitée au nord est par les contreforts
du Zagros, au nord par le Taurus, à l’ouest par la chaine littorale reliant l’Amanus au Sinaï, à l’est de
l’Euphrate. Ce n’est qu’à partir du VIIe millénaire que la néolithisation va se répandre en Syrie
littorale, en Anatolie et en basse Mésopotamie. Cette zone deviendra steppique après le
réchauffement holocène ; on y trouve sous forme sauvage des céréales (blé et orge) et des
légumineuses (pois, lentilles) ainsi que des ongulés des steppes (bœufs, moutons, et chèvres
sauvages). Vers -12000 à -10000, le climat devait être semblable à celui de maintenant. Des clans de
chasseurs-cueilleurs, les Natoufiens, vont trouver des conditions de vie plus que favorables et par
conséquent, se sédentariser progressivement et créer des petits villages permanents faits de cabanes
à demi enterrées dans des fosses rondes. L’art mobilier natoufien est essentiellement zoomorphe; ils
n’ont pas de rites funéraires établis : les corps sont inhumés pêle-mêle sans distinction de l’âge, du
sexe ou d’un quelconque rang social, s‘il existe.
Le Khiamien, défini entre -10000 et -9500, est la période qui assure la transition entre le Natoufien
et les cultures vraiment agricoles. Cette appellation vient d’un type de pointes de flèches trouvé à El
Khiam en Palestine ; on voit apparaitre dans la vallée du Jourdain les premières figurines féminines
évidentes en calcaire ; pendant cette période on enterre des crânes complets d’aurochs avec les
16
cornes (les bucranes) dans les maisons au sein de banquettes en argile, sans doute une première
manifestation d’un culte des Ancêtres dans cette région comme on l’a vu au Mésolithique en Europe.
On voit donc au Levant vers -9500 apparaitre deux figures symboliques qu’on retrouvera plus tard : la
Femme et le Taureau, symboles de la femme-ancêtre et de son parèdre masculin.
L’économie de subsistance dans l’espace syro-palestinien apparait vers -9500 dans 3 nouvelles
cultures issues du Khiamien, le PPNA (Prepottery Neolithic A) ou Sultanien décrite à Jéricho,
l’Aswadien, dans l’oasis de Damas et le Mureybetien à Mureybet ; des concentrations artificielles de
céréales sont détectées au voisinage du village. C’est à cette même époque que la pêche est
abandonnée et que la chasse devient plus sélective (bœufs et ânes sauvages seulement).
Corrélativement la superficie des villages augmente, de 2 à 3000 m2, on passe à 3 ha. Ce serait la
traduction d’un regroupement urbain et non pas d’une explosion démographique ; l’agriculture ne
concerne que la Syrie-Palestine, l’élevage, les flancs du Zagros. Entre -8700 et -7000, on définit le
PPNB qui est une culture très longue et divisée en 3 phases : le PPNB ancien (-8700 à -8200) sera
défini dans le Levant nord, en Syrie du Nord (Moyen Euphrate), dans sa région d’origine car il dérive
du Mureybetien. Avec lui la néolithisation va s’étendre à l’Anatolie (Taurus) . Le PPNB moyen (-8200
à -7500) va voir la néolithisation s’étendre au Levant central (Damascène) et méridional (Palestine).
Cette nouvelle période apporte quelques innovations comme, à Jéricho, où l’on observe un curieux
« culte des Ancêtres » sous forme de dépôt de crânes humains enduits de plâtre. Entre -7500 et 7000, au PPNB récent, les territoires extérieurs à la zone des céréales sauvages sont néolithisés à leur
tour : le littoral et le désert syriens, l’Anatolie centrale avec la fondation de Ҫatal Hüyük. Chypre est
occupée (après une première occupation vers -9000 au PPNA). Des villages s’implantent dans les
zones arides au bord de l’Euphrate et dans les oasis où l’agriculture est très dépendante de la
pluviosité et ne peut se pratiquer que grâce à un début d’irrigation. Au Levant sud et central, il y a un
remaniement spectaculaire de l’habitat, Jéricho se vide, les agriculteurs sédentaires, soit se réfugient
dans des régions plus hautes et mieux arrosées, soit optent pour le nomadisme pastoral. Après 7000, la céramique acquiert sa véritable portée utilitaire ; quelques poteries ont des décors peints ou
lustrées. Vers -6300, la révolution néolithique est achevée.
On ne connait pas les langues parlées dans la région à cette époque, mais on peut sans doute faire
l’hypothèse qu’elles sont du proches d’un proto-Sumérien. Le Sumérien date de -4000 et il est
surtout connu depuis l’invention de l’écriture ves -3300; les linguistes ne parviennent pas à le
rattacher à une famille de langues connue ; de même que le hatti, langue des habitants de l’Anatolie
au IIIe millénaire avant JC. Les Hatti ont laissé la place aux Hittites vers -2000 qui, eux, parlaient une
langue que l’on rattache aux langues indo-européennes, le nésite ou hittite. Selon Quentin Atkinson
et Russel Gray de l’université d’Auckland, la première ramification de la langue originelle proto-indoeuropéen a eu lieu vers -8700 (voir leur arbre); le hittite serait donc la plus ancienne branche des
langues IE !
Du mythe de la femme-ancêtre connu au Paléolithique supérieur, on passe au Natoufien et au
Khiamien, à un culte rendu à la fois à la femme- ancêtre et aux ancêtres, puis au Néolithique, la
femme-ancêtre va prendre le rang de « Déesse-Mère » et dont le culte est mis en commun avec
celui des ancêtres : il existerait donc pour les Néolithiques du Proche Orient un monde des ancêtres
avec celui des esprits, parallèle à celui du vivant, dirigé par la « Déesse-Mère ». C’est à ce moment-là
qu’apparaissent des statuettes aux caractères sexuels exagérés, sans doute pour symboliser la
fécondité, comme dans la ville anatolienne de Ҫatal Hüyük, daté de -7000 à -6500.
17
La Déesse aux léopards de Ҫatal Hüyük
En cas de périodes climatiques difficiles comme une sécheresse prolongée, les agriculteurs vont être
obligés de s’adapter en irrigant ou bien migrer vers des régions plus humides ou bien, changer
drastiquement de mode de vie comme cela s’est sans doute produit dans la région de Jéricho vers
-7000 au PPNB récent : ils ont opté pour un élévage de caprins qui survivent dans des milieux très
arides, mais qui implique de se déplacer tout le temps à la recherche d’une maigre végétation, et, par
conséquent, de faire suivre également sa famille et son habitation ! C’est ce qu’on appelle le
nomadisme pastoral. C’est donc une autre organisation de la société autour de l’élevage et la
mobilité de toute la communauté. Il va se répandre dans tous les environnements difficiles du Moyen
Orient, en Afrique du nord et va gagner les steppes eurasiatiques, de la Hongrie à la Mongolie. Les
peuples nomades vont jouer un rôle très important dans l’Histoire : Huns, Scythes, Mongols et autres
« peuples barbares » ; ils vont détruire et fonder des empires et même, pour certains archéologues
dont Marija Gimbutas, être à l’origine des langues IE qui seront parlées par 3 milliards de locuteurs
actuellement !
6-La Néolithisation à partir du Proche Orient
Le pic de l’expansion de cette néolithisation, qui correspond à des mouvements de populations, date
de la période comprise entre -7500 et -6500 ; il y a eu des tentatives précédentes comme à Chypre
par exemple. Cette période est très particulière car elle correspond à une étape économique et
culturelle qui ne sera jamais atteinte par la société humaine dans le futur. La paix devait régner dans
tout le pays car le réchauffement climatique a permis d’ouvrir d’immenses territoires à des
populations très disséminées qui n’ont nul besoin de défendre un territoire. Dans ces conditions, on
pense que les candidats au départ n’auront pas trop de difficulté pour aller s’installer sur de
nouveaux territoires où ils pourront cultiver des céréales et/ou élever des animaux. La cause de ces
18
migrations de populations semble assez évidente : on a vu que celles-ci commencent au PPNB récent,
peu de temps après une augmentation considérable de la surface des agglomérations et que celles-ci
adoptent une urbanisation dite agglutinante c'est-à-dire avec des maisons contigües, sans
aménagements collectifs tels que rues, égouts… On se doute que cette promiscuité et cette quasiabsence d’hygiène va favoriser la propagation de toutes sortes de maladies infectieuses pouvant
déboucher sur des épidémies gravissimes comme celles de la peste au Moyen-âge. Au PPNB récent,
l’exemple du Levant central et sud dont Jéricho, nous montre qu’il y a une corrélation évidente entre
des dépeuplements brusques, causés sans doute par de graves épidémies, et les débuts de la
néolithisation des territoires extérieurs à la zone du croissant fertile et le nomadisme pastoral, une
autre économie de subsistance basée sur l’élevage et la mobilité de toute la communauté. Devant la
migration massive des populations, il faut croire que les liens sociaux et culturels (y compris
« religieux ») dans cette société agricole primitive étaient assez lâches et qu’il n’existait pas de
hiérarchie capable d’imposer des mesures coercitives pour empêcher les gens de suivre leur
« instinct » comme nous en connaitrons dans les temps historiques.
La « Révolution néolithique », avec ses villages, l’élevage et l’agriculture, l’usage de la céramique et
de la pierre polie, arrive en Europe avec des colons en provenance d’Anatolie (Turquie actuelle).
Cette période a été définie comme le Néolithique ancien avec des dates qui, évidemment, varient
selon les pays, les plus anciennes se situent au Proche-Orient et les plus récentes en Europe
occidentale. Le point de départ se produit aux alentours de -7000 puis, par vagues successives, la
néolithisation va gagner tout d’abord la Grèce et à partir de là, vers -6100, l’Europe occidentale à
travers deux grandes voies de diffusion :
-
-
L’une rapide, par voie maritime, par cabotage le long de côtes nord-méditerranéennes,
va gagner la Méditerranée occidentale et franchir le détroit de Gibraltar dès -5500 pour
gagner le littoral atlantique du Portugal à la mer Baltique au Nord, et du Maroc au Sud.
Ces colons produisent une céramique à décor imprimé, surtout à l’aide de coquilles de
Cardium d’où le nom de la culture Impressa-cardial ou Cardial.
L’autre en remontant à travers les Balkans et en suivant le cours du Danube va atteindre
la France entre -5300 et -5000. Le décor de la poterie produite est linéaire d’où son nom
de culture du Rubané.
Il se pose évidemmenti la question de savoir comment s’est faite cette néolithisation vis-à-vis des
populations locales mésolithiques. Deux possibilités sont envisageables, soit par colonisation,
lointaine et rapide, soit par acculturation, plus lente car s’effectuant génération après génération,
avec des phases de stagnation. Ces deux types de diffusion auront pour conséquence la constitution
de groupes humains différents sur le plan culturel mais pas sur le plan génétique car il semble que les
fermiers européens du Néolithique ancien et moyen (EEF, Early European Farmers) étaient très
semblables du point de vue des haplogroupes : pour Y-ADN : G2a, E1b1b, E-V13, J1, T et pour,
l’ADNmt, T1 et J comme Jasmina. Au niveau linguistique, on peut penser d’ores et déjà que cette
acculturation aura un impact déterminant .
19
Entre -6200 et -5200, l’Europe balkanique, située des Portes de Fer sur le Danube en Serbie jusqu’au
bord de la Mer Noire à l’est et à toute la Grèce au sud, est occupée par les cultures du Néolithique
ancien à Céramique Peinte dont celle de Starčevo (sites de Lepenski Vir et de Starčevo en Serbie) et
celles qui lui sont assimilées (Karanovo en Bulgarie, Körös en Hongrie, Cris en Roumanie et pré-Sesko
en Grèce). Les colons agriculteurs seraient venus d’Anatolie par voie maritime puis via les vallées de
la Struma, du Varda et de la Morava. Le site de Lepenski-Vir est situé sur la rive droite du Danube
dans la région des Portes de Fer (gorges de Đerdap). Il a été mis à jour il y a une trentaine d’années. Il
est daté de -6500 à -5500, ce qui permet d’étudier le passage entre le Mésolithique et le Néolithique
dans cette région. Il y a une rupture nette vers -6200 entre les niveaux mésolithiques et néolithiques
en ce qui concerne l’économie : de la chasse et la pêche on passe à l’agro-pastoralité (élevage de
chèvres, moutons, bœufs, suidés, culture de céréales). Ces premiers niveaux néolithiques
correspondent à la culture Starčevo dont les caractéristiques principales, outre la céramique peinte,
sont la fabrication de statuettes féminines et des tombes individuelles en fosses pouvant être
creusées à proximité des maisons et même quelque fois à l’intérieur. Les peuples de Starčevo ont
repris aux derniers pêcheurs chasseurs mésolithiques les maisons trapézoïdales à soubassements de
pierre alors que les maisons de cette première culture néolithique sont rectangulaires avec des murs
en torchis et clayonnage. Il y a donc eu acculturation des populations mésolithiques par les groupes
néolithiques dans cette région et donc leur métissage avec incorporation des haplogroupes ADNmt
H, le plus répandu en Europe et HV dans la population néolithique. Par contre dans le reste des
Balkans, où la densité de population mésolithique devait être faible, la néolithisation s’est effectuée
par immigration de nouveaux groupes originaires d’Anatolie possédant les haplogroupes ADN-Y
typiques G2a, E1b1et J1 et, J et T1 pour l’ADNmt. Au niveau linguistique, on peut supposer que la
20
nouvelle langue prédominante était d’origine anatolienne, sans doute IE comme le proto-louvite ou
proto-hittite.
Site de Lepenski Vir (Serbie)
Lors d’une seconde vague de colons néolithiques la culture de Starčevo va être remplacée par celle
de Vinča qui apparait autour de -5600 et dure jusqu’à -3000. Elle recouvre les régions proches du
Danube entre le sud-est de la Hongrie et la Roumanie ; dans ce pays elle prend le nom de Turdas
mais plus généralement on dit culture « Vieille européenne ». Elle diffère de celle de Starčevo par
une céramique lustrée noire à décor cannelé et une forme de vase carénée ou à pied qui est apparue
dans le nord-ouest de l’Anatolie. Ces nouvelles technologies sont observées dans la région de la mer
de Marmara bien avant la formation du complexe de Vinča, vers -5800. Son origine provient donc de
cette région par des colons venus par voie terrestre et remplaçant la population de Starčevo et sa
langue. Cette vague serait également responsable de l’origine de la culture du Linéaire (ou Rubané
ou LBK : Linienbandkeramische Kultur) vers -5500 qui, grâce à des apports démographiques et
technologiques nouveaux, va conquérir les vallées lœssiques de l’Europe moyenne et atteindre
certaines régions en France et du Benelux. Le LBK sera donc très proche génétiquement de la culture
de Vinča. Le site archéologique de Vinča se situe à 20 km au sud-est de Belgrade sur les bords du
Danube. On y a retrouvé des figurines anthropomorphes en argile représentant surtout des femmes
debout comme la déesse aux cheveux rouges. La métallurgie du cuivre est présente dans la partie la
plus récente du site (-4500 -4000). Elle y serait même née et à partir de là et de Roumanie (culture
Gumelnita), elle se diffuse par l’axe danubien pour atteindre la Suisse où des cultures du Néolithique
moyen (culture de Pfyn par exemple) vont travailler le cuivre vers -3800.L’analyse de leur ADN
mitochondrial a montré les haplogroupes suivants : H, HV, R, K, U (U5 et U4), W (Mésolithique), T1, J
(venant d’Anatolie). Comme pour la culture précédente, celle de Vinča ne nous livre aucun indice
déterminant quand à son origine précise, mais sans doute anatolienne.
21
La Déesse aux cheveux rouges (culture de Vinča)
Au néolithique moyen/final (-4700 à -3500) , la Croatie et les Balkans vont être occupés par une
série de cultures qui vont développer la première métallurgie européenne grâce à l’exploitation de
mines cuprifères comme celle de Rudna Glava en Serbie et de Aï Bunar en Bulgarie : la culture de
Cucuteni-Trypillia, présente en Ukraine, Moldavie et Roumanie entre -5000 et -3000, connue pour
ses agglomérations proto-urbaines, celle de Boien (ou Maritza), en Roumanie et Bulgarie, datée de 4300 à -3500 et qui évoluera parallèlement avec celle de Gulmelnita, et qui finira par fusionner avec
celle-ci. Cette dernière, datée de -4600 à -4200, a laissé la fameuse nécropole de Varna en Bulgarie
dans laquelle 293 sépultures ont livré des tombes contenant un riche mobilier en or et en cuivre ainsi
que des céramiques peintes. Des dépôts de crânes humains dans les maisons, sans doute lié au culte
des Ancêtres, démontrent des liens avec le Proche Orient où l’enterrement de crânes était pratiqué,
notamment au Prepottery Neolithic B entre -8700 et -7000, à Mureybet, Jericho. La culture de
Vučedol (Croatie) est aussi importante car ce site a eu jusqu’à 3000 habitants, ce qui en fait la ville la
plus importante de cette époque (-3000 -2200). On doit à cette culture l’invention du moule bivalve
pour fabriquer les outils en cuivre, surtout des haches de guerre. Ces groupes de cultures possédant
la technologie du cuivre sont bien en avance par rapport aux autres cultures européennes, ce qui
prouve que des liens existaient avec le Proche Orient via l’Anatolie toute proche culturellement à
cette époque, ce qui ne serait pas incompatible avec l’hypothèse d’une origine anatolienne des
langues IE. Par contre, il n’y a pas de traces de migrations évidentes de guerriers proto- indoeuropéens (PIE) venant envahir les bords nord et nord ouest de la mer Noire et détruire les cultures
de Cucuteni-Tripolia et de Gumeltina!
En Europe centrale, le site du Néolithique ancien de Brunn am gebirge près de Vienne (Autriche) est
représentatif de cette culture du Rubané ou Linéaire Occidentale (-5600 -4500), ou trans-danubienne
ou LBK (Linienbandkeramische Kultur). On a dégagé 77 maisons longues (20x7m) orientées S > N,
rectangulaires typiques de cette culture. L’habitat est situé sur des terrains plats sur sol lœssique,
près de cours d’eau et jamais en altitude (400 m au maximum). Les villages, qui pouvaient compter
jusqu’à 100 à 200 habitants, sont situés à quelques km les uns des autres, leur superficie va de 1 à 30
22
ha, dépendant du nombre de phases d’habitat et de phases d’abandon. Les sépultures sont
individuelles creusées dans des fosses peu profondes avec les corps placés en position fœtale et
accompagnés d’objets de parure pour les femmes (notamment en coquillage de la mer Egée, preuves
des liens avec leurs racines) et des armatures de flèches en silex et des herminettes pour les hommes
(chasse et travail du bois leur sont donc réservés). Il n’y a pas de hiérarchisation nette. Des fragments
d’os ont été trouvés dans des fossés d’enceintes avec des traces d’anthropophagie (liée à des
cérémonies sacrificielles ?). Ces enceintes fortifiées faites de fossés et de palissades se retrouvent
autour d’un certain nombre de villages et pour un certain laps de temps. Ce qui tend à montrer que
les conflits n’étaient pas permanents mais locaux. Il peut y avoir plusieurs phases de constructions
comme sur le site de Schletz en Autriche (-5000) qui a livré les ossements de 67 personnes dans une
fosse commune. Les os portent des traces évidentes de coups portés avec des outils agricoles du LBK,
ce qui indique que les attaquants pouvaient être des membres de villages voisins ; de plus le peu de
crânes de jeunes femmes retrouvés semble indiquer que celles-ci ont été enlevées. Ces fortifications
semblent se généraliser après -5000, surtout dans les sites occidentaux du LBK. Problèmes avec les
Mégalithiques qui viennent de l’ouest ? En effet, arrivés en Europe du Nord-Ouest, les agriculteurs du
LBK vont se différencier en sous-groupes ; cette différenciation est sans doute due à la rencontre des
cultures issues du métissage entre les populations mésolithiques et des premiers colons néolithiques
issus du Cardial (arrivés en Mer du Nord après avoir contourné la péninsule ibérique et la Bretagne)
qui, eux, remontaient le cours du Rhin à partir de la mer.
La néolithisation méditerranéenne se fait par « progression maritime saltatoire » ou par « vague
d’avancée » ainsi nommée par A. Ammerman et L. Cavalli-Sforza, le long des côtes nord de la
Méditerranée. Arrivant de Grèce par cabotage, les colons néolithiques de la culture ImpressaCardiale ou Cardial s’installent sur les côtes italiennes, notamment la Ligurie et le littoral tyrrhénien,
vers -5800 -5600. comme nous le verrons pour la néolithisation atlantique, nous constatons qu’il y a
acculturation réciproque entre les Mésolithiques castelnoviens et les premiers fermiers pour donner
une population de culture hybride (langage y compris ?), celle des Ligures qui est un nom générique
car nombre de cultures ont été définies et il est trop difficile de toutes les décrire.
Après l’Italie, les colons du Cardial vont apporter la « révolution » néolithique et ses techniques
nouvelles sur toute la côte méditerranéenne entre la France et l’est de l’Espagne. Ces colons agropastoraux arrivent à bord de pirogues. On ne sait pas grand-chose de leurs moyens: les embarcations
utilisées, le nombre de personnes, d’animaux domestiques, les réserves en céréales, le type d’outils,
la présence d’armes ou de cadeaux pour anticiper l’humeur d’éventuelles populations autochtones.
On connait des pirogues depuis le Mésolithique récent (-9000) ; elles sont monoxyles c'est-à-dire
taillées dans un seul tronc à l’herminette. Pour améliorer la stabilité et la capacité de transport d’une
ou deux familles avec du bétail et des réserves, ces pirogues devaient être doublées par un système
d’attaches ou, plus simplement, on y ajoutait un ou deux balanciers. La rame était sans doute le
mode de propulsion ; on peut deviner que ce moyen de transport comportait de nombreux
inconvénients mais c’était le seul !
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Pirogue monoxyle (d’après Musée Archéologique de Portiragnes, Hérault)
Le processus d’acculturation réciproque entre les peuples mésolithiques et les premiers
agriculteurs a été responsable du premier peuplement du sud de la France et de la côte est de
l’Espagne, les Ibères; le poète latin Avénius situe la limite entre eux et les Ligures vers Agde dans
l’Hérault . Il existe des liens « commerciaux » entre tous les Cardiaux du Languedoc à l’Italie à l’Est et
jusqu’à la région de Valencia sur la côte méditerranéenne de l’Espagne (on parle de Cardial francoibérique). De même, aucun indice ne permet d’affirmer que la langue issue de l’acculturation était IE
ou si elle gardait des affinités avec le proto-ibére. En continuant leur périple, les colons du Cardial
vont atteindre Valence vers -5600 et l’Andalousie où puis passer le détroit de Gibraltar vers -5500
pour se diriger, soit au sud vers le Maroc, soit au nord en longeant la côte occidentale de la péninsule
ibérique.
Le détroit de Gibraltar (à gauche les côtes marocaines, à droite espagnoles)
Les colons néolithiques vont remonter les côtes atlantiques vers le nord et atteindre le Portugal et le
Nord de l’Espagne (Galice) vers -5400 -5300. On ne possède pas beaucoup de données fiables
chronologiquement pour la péninsule ibérique mais on pense qu’ils arrivent dans un pays où se
24
dressent déjà des « menhirs » et des stèles. Les sites du Néolithique ancien en Vendée, nous indique
qu’ils arrivent sur les côtes atlantiques françaises aux environs de – 5400 -5200. C’est un site d’estran
où arrivèrent les premiers agriculteurs d’origine méditerranéenne par cabotage. La datation obtenue
sur des charbons indique un intervalle entre -5400 et -5200. Les fouilles ont dégagé une fosse
circulaire de 4 m de diamètre, riche en matériel archéologique, sans doute les vestiges d’un fond de
cabane comme des fragments de poterie rondes avec décors à incisions, impressions à la coquille de
cardium. Ces colons arrivent sur les bords du sud-est de la mer du Nord vers -5300 -5200, en
Belgique et aux Pays-Bas (site de Swifterbant) et vers -4800 dans le sud de la Scandinavie sur les
rivages de la mer Baltique où ils établissent des « fermes ». Les Iles Britanniques souffrent d’un
manque de sites archéologiques concernant l’arrivée des premiers colons pré-mégalithiques ; mais,
comme pour les régions côtières à l’est de la mer du Nord, beaucoup de vestiges ont disparu à cause
de l’élévation du niveau de la mer. Néanmoins, il est probable que la Néolithisation des Iles
Britanniques appartienne au même courant que celle de l’Armorique et du nord-ouest européen ;
des indices de déforestations dues à l’agriculture apparaissent vers -5000 ce qui situerait l’arrivée
des premiers colons vers -5300 -5200 comme pour la Belgique ou les Pays-Bas. Toutes ces régions
côtières sont habitées par des populations mésolithiques importantes comme nous l’avons vu
précédemment.
La néolithisation atlantique (d’après l’Encyclopedia Universalis)
25
C’est dans le Morbihan que l’on a retrouvé des vestiges archéologiques pouvant expliquer comment
s’est faite la néolithisation des côtes atlantiques. Le littoral est occupé alors par des tribus
mésolithiques de chasseurs-cueilleurs-pêcheurs comme en témoignent les vestiges archéologiques
trouvés sur les iles de Hoëdic et Téviec. Les sépultures dans l’ile de Téviec, contenaient des parures,
de l’outillage en pierre et en os et des armatures de flèches tranchantes à affinité néolithique
méditerranéen et ibérique prouvant qu’il y a eu des contacts et des échanges entre les populations
mésolithiques et les colons néolithiques venant d’Ibérie. Ce recouvrement est confirmé par les
datations qui vont du VIe millénaire à la première moitié du Ve. Ces sites nous permettent d’envisager
un scénario que l’on peut appliquer du Portugal jusque dans la Baltique pour la genèse des peuples
mégalithiques : arrivée de colons néolithiques sur un littoral occupé par des populations de
chasseurs-cueilleurs-pêcheurs mésolithiques qui vivent de la pêche et du ramassage de coquillages,
de crabes et de la chasse (mammifères, oiseaux). Après une phase de prise de contacts, plus ou
moins facile, on va faire du troc en échangeant des produits de la pêche et de la chasse contre de la
viande issue de l’élevage et des produits agricoles ; puis succéderait une phase d’assimilation
(culturelle et génétique) qui pourrait durer de l’ordre du demi millénaire voire du millénaire plus au
nord, pour aboutir à une population hybride, que l’on peut appeler mégalithique, dotée d’une
culture propre issue de cette acculturation réciproque, et caractérisée par:
 l’héritage mésolithique qui se traduira par l’érection de pierres levées ou de menhirs servant
à marquer le territoire de chasse ou des lieux de culte en formant des cercles de pierres
levées ou cromlechs, puis par la construction de tombes collectives sous tumulus,
continuation évidente des amas coquilliers.
 l’héritage proche-oriental se traduira par l’adoption de l’agriculture, de l’élevage (bien qu’il
puisse subsister une part non négligeable de la nourriture issue de la chasse et de la pêche
surtout dans les régions les plus septentrionales), de la poterie et de la « religion », ou plutôt
le culte de la Déesse-Mère et de son parèdre masculin, le Dieu-taureau ( ?), auquel on
ajoutera les symboles liés à la nouvelle économie, hache, araire, crosse….
 Si l’on en croit l’hypothèse de Colin Renfrew, c’est à cette étape que l’on peut dater l’origine
du proto-celte qui serait donc issu d’un mélange des langues mésolithique et anatolienne au
VIe millénaire.
 Génétiquement, ces populations hybrides posséderont plus fréquemment les haplogroupes
Y-ADN suivants : R1b, I2b, (d’origine mésolithique) et G2a, E1b1b d’origine proche orientale.
A partir de cette néolithisation littorale, et donc à partir de ces peuples mégalithiques, on peut
expliquer le peuplement européen que l’on constate à l’âge du Bronze et même actuellement
dans tout l’arc atlantique (par la génétique).
7-La fin du Néolithique
Le Néolithique final (de -2600 à -2000) est appelé Campaniforme à cause d’un type de céramique
particulier, le gobelet à profil en S qui ressemble à une cloche à l’envers. Le décor le plus répandu est
constitué de bandes hachurées de lignes pointillées réalisées au peigne ou au coquillage. Ces
gobelets sont associés dans les sépultures (mégalithiques ou individuelles) à des parures (boutons à
perforation en V, objets en cuivre et en or), des armes en cuivre (pointes de la Palmela, poignards, …)
et de l’équipement de l’archer (brassards de protection). On situe les origines du Campaniforme sur
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le site de Zambujal dans l’Estrémadure portugais : c’est un centre métallurgique important édifié par
la culture de Vila Nova de São Pedro avec d’imposantes fortifications, de grandes nécropoles et un
développement très important d’objets symboliques. Le site de Santa Fe de Mondùjar, près
d’Alméria en Andalousie, possède les mêmes caractéristiques ; il était occupé par la population de la
culture de Los Millares qui pourrait être aussi à l’origine de ce Campaniforme. Il va se diffuser dans
toute l’Europe de l’ouest par le littoral maritime et par les grands fleuves, jusqu’à l’Armorique et le
Midi en France, les Iles Britanniques, la Sardaigne, la Sicile… Son aire de répartition est donc vaste
mais elle reste dispersée le long de ses axes de pénétration. Le Bassin Parisien est marqué par les
campaniformes entre -2600 et -2100 et perdra son identité culturelle propre du fait d’une circulation
culturelle intense. En Europe centrale et du nord, il va y avoir des influences réciproques avec le
Cordé, comme, par exemple, l’inversion de l’orientation et la disposition des corps des sépultures de
tradition cordée, ce qui va provoquer une ambigüité de plus pour les archéologues, certains
chercheurs hollandais iront jusqu’à prétendre que le Campaniforme a une origine rhénane !
Reconnaissons, que ces deux cultures possèdent des traits communs du fait de leur origine similaire
entre des peuples mésolithiques et des colons néolithiques, il y a trois millénaires.
Le Campaniforme va connaitre des succès différents selon les régions. Ils vont continuer les
traditions locales en utilisant leurs mégalithes comme sépultures ou enterrer leurs morts dans des
fosses ; à Stonehenge, en Angleterre, ce sont les populations campaniformes (ou locales, issues de
l’acculturation avec les campaniformes) qui ont terminé les 2 cercles de pierre bleues vers -2100.
Ont-ils assimilé les cultes des peuples locaux ou étaient-ils seulement des « conseillers » ? En effet,
on a trouvé la tombe en fosse d’un personnage dit « l’Archer d’Amesbury» datée de cette période
qui contenait plus de cent objets dont deux tresses de cheveux d’or, des pointes de flèches en silex,
trois couteaux en cuivre, des protections d’archer… Etant située à cinq km seulement de Stonehenge,
près d’Amesbury, on peut y voir une relation avec la fin de la construction de ce monument. On peut
penser au prestige que devaient avoir ces hommes du Campaniforme qui possédaient une avance
technologique déterminante sur bien des aspects de la vie quotidienne et du rapport de force que
leur procurait des armes en métal ! D’où venaient-ils ?
La réponse semble assez claire quand on regarde ce qu’il s’est passé depuis un millénaire en
Mésopotamie, où s’est produit la « révolution urbaine » comme l’a définie Vere Gordon Childe,
pendant laquelle on va assister à la conversion des villages en villes, du passage de la production
agraire à la spécialisation industrielle, et à l’essor très important du commerce extérieur ; celle-ci
s’est ensuite étendue dans toute la Méditerranée orientale pour atteindre la Crète vers -2700. Cette
île située au milieu de la mer méditerranée, va développer la civilisation minoenne qui aura une
influence très importante dans la culture occidentale. La Crète va développer sa propre flotte de
bateaux pour commercer avec le monde égéen ( les Cyclades, la Grèce continentale, l’Anatolie (dont
Troie) et aller chercher le minerai de cuivre dans les ports encore plus lointains en liaison avec les
centres producteurs de l’époque comme dans les Balkans, le nord de la péninsule italienne
(Campanie, Latium, Toscane, Emilie et la plaine lombarde), le sud de la France (l’exploitation du site
de Cabrières dans l’Hérault, date de -3100) et le sud de la péninsule ibérique avec les centres de Los
Millares en Espagne et de Zambujal au Portugal. La conséquence sera de créer la plus importante
marine en Méditerranée à cette époque. Les contacts et les échanges commerciaux entre les colons
crétois et le monde mégalithique vont surtout se développés entre la fin du IVe millénaire et la
première moitié du IIIe dans le sud de la péninsule ibérique, comme par exemple dans la région de
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Los Millares qui était un centre de production métallurgique important situé à côté des mines de
cuivre de la sierra de Gador. Or ce village, ou plutôt ce gros bourg puisqu’il a pu compter jusqu’à
1500 personnes, présente quelques originalités par rapport aux traditions néolithiques :
-
Le type d’urbanisation avec plusieurs fortifications entourant une citadelle
Une nécropole située en dehors de la fortification et composée pour la plupart de
tombes de type tholos
Ces tombes et leur contenu sont la marque évidente d’une différenciation en classes
sociales.
La citadelle et la nécropole sont datées de -2400 à -2300. Nous avons vu précédemment que la Crète
a développé une civilisation propre où se mêlent des éléments locaux et proche orientaux dont
quelques caractéristiques sont très proches de celles de Los Millares, comme les fortifications qui
peuvent s’expliquer dans le cas des Cités-Etats mais moins pour cette région où l’on ne connait pas
de conflits incessants. De même la présence d’une vaste nécropole sous les remparts est typique de
la Mésopotamie du IVe millénaire ; mais c’est surtout l’architecture très particulière des tombeaux
qui nous interpelle le plus car ces tholoi sont apparus, d’après l’archéologue G. Vavouranakis, sur le
littoral sud de la Crète entre -3250 et -2750 au Minoen ancien donc avant les contacts avec Los
Millares. Ce type de tombeau est un signe de marquage évident de l’importance du ou des défunts
dans une société où les classes sociales se font jour. Il semble donc assez évident que le début de la
« révolution urbaine » en Europe mégalithique prend pied dans le sud de la Péninsule ibérique
pendant la première moitié du IIIe millénaire ; on pourrait même y voir l’arrivée de nouveautés dans
d’autres domaines comme l’introduction de la tauromachie sous la forme d’un jeu qui était pratiqué
en Crète ! Beaucoup plus hypothétique serait aussi l’introduction de l’équitation, mais nous n’avons
aucun indice. L’implantation de certains colons sur place n’exclue pas la continuation des liaisons
commerciales entre les deux pays.
Certains archéologues s’opposent à cette acculturation venant du monde égéen en arguant que la
Crète possédait la technologie du Bronze et celle ci aurait donc dû « passer » chez les artisans
campaniformes car ils sont rester à la métallurgie du cuivre, mais ceci ne tient pas. Si les lingots de
cuivre, étain et plomb circulent sur de très longues distances, c’est qu’ils sont traités dans les centres
urbains importants qui sont les seuls à posséder des artisans spécialisés capable de maitriser les
techniques nécessaires à la métallurgie des alliages, comme la pyrométallurgie qui est nécessaire
pour traiter la chalcopyrite, minerai de cuivre le plus commun ; celle-ci n’a donc rien à voir avec la
métallurgie du cuivre natif effectuée par martelage dans des petites unités domestiques.
A partir de cette acculturation venant de Crète et la formation d’une population au fait de techniques
plus évoluées et à des standards commerciaux plus incisifs, on va voir se développer des réseaux
d’échanges commerciaux par voie maritime et terrestre dans toute l’Europe occidentale à partir du
sud de la péninsule ibérique (Espagne et Portugal) vers -2600. Ce sont des groupes itinérants mais qui
peuvent s’intégrer, au moins pour une partie de leurs membres, aux populations locales et ainsi
transmettre, à leur tour, la nouvelle organisation de la société basée sur la division du travail ; on a
retrouvé sur le littoral vendéen entre -2500 et -2400 des restes de poteries et de scories, montrant
qu’ils étaient capables de produire sur place de la céramique campaniforme et des objets en cuivre
comme des poignards, sans doute pour les échanger contre des produits locaux.
28
Site campaniforme de la Pointe du Payré (Vendée)
En Charente maritime, à Trizay, on a découvert des restes de cheval, ce qui permet de penser que
certains Campaniformes devaient se déplacer à cheval, sans doute des « soldats », au vu de leur
équipement d’archers fait d’arcs, de flèches et de protège-poignets, pour protéger des colons
« artisans », ce qui expliquerait la rapidité de la diffusion campaniforme dans les terres le long des
grandes vallées fluviales. Dans ces groupes pouvaient se trouver également des agriculteurs et
d’éleveurs et ainsi créer leur propre habitat en marge des populations locales, comme le montrent
les traces de labours et de pas de bœufs sur l’estran vendéen comme à Brétignolles-sur-Mer.
Site du Cayla à Mailhac (11) célèbre pour ces nécropoles du Campaniforme,
du Bronze final et de l’Age du Fer.
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L’expansion du Campaniforme en Europe mégalithique (en pointillé, zones de peuplement au
Chalcolithique, en hachures, celui au Bronze ancien (d’après L’Encyclopedia Universalis)
Le Campaniforme est donc avant tout une culture très éclectique, qui peut aussi bien continuer les
traditions locales en utilisant les mégalithes régionaux comme sépultures ou bien enterrer ses morts
dans des fosses. Mais il a obtenu ce qu’il voulait, c'est-à-dire établir des réseaux d’échanges
commerciaux dans toute l’Europe ! Le Campaniforme est donc la première manifestation d’une
culture commune partagée par tous les peuples de l’ouest de l’Europe par voie maritime et qui
deviendra l’Arc Atlantique, berceau des langues celtes.
Ce faisant le Campaniforme a fait disparaitre le Mégalithisme, non pas par les armes mais par
dilution culturelle ! Le Néolithique va dons laisser sa place à un autre type d’organisation de la
société sans qu’il y ait eu systématiquement usage de la violence malgré la possession d’armes en
cuivre (haches, poignards). On va passer progressivement à l’âge du Bronze par acculturation avec les
colons crétois, en adoptant une nouvelle technologie métallurgique : au cuivre en fusion, il faut
ajouter de l’étain pour obtenir du bronze qui sera plus dur que le cuivre.
30
8-La révolution urbaine en Mésopotamie: recherche de langues IE
La révolution néolithique a été suivie par la révolution urbaine d’après V. Gordon Childe qui débute
vers -4000 environ en Mésopotamie. Le Proche et Moyen Orient était occupé par des peuples
d’origine mal connue ; d’après la linguistique, deux peuples habitaient la Mésopotamie au
Néolithique, les Sumériens qui parlait une langue sans parenté connue, et les Akkadiens qui, eux, se
rattachent au groupe des langues sémitiques. Ces Sumériens sont peut être issue d’une ethnie
autochtone en place depuis le Néolithique et issue d’une hybridation avec les Natoufiens ; les
Sémites seraient plutôt issues de vagues successives de nomades pasteurs arrivant des déserts de
l’Est et s’installant dans tout le Proche et Moyen Orient: les Akkadiens en Mésopotamie du nord, les
Chaldéens dans le sud de la Mésopotamie, les Amorrites, les Araméens et les Hébreux au Proche
Orient, les Phéniciens et les Ougarites au Liban et au nord de la Syrie, les Arabes dans la péninsule
« arabique ». A l’est de la Mésopotamie s’installent d’autres peuples qui sont, comme les Sumériens,
d’origine inconnue, les Elamites et les Kassites (ou Cassites). En Mésopotamie, on a pu observer la
conversion des villages en villes ; de la production agraire, on passe à la spécialisation industrielle et
au développement du commerce extérieur. Il va se développer toute une organisation nouvelle de la
Société, nécessaire pour gérer le surplus de céréales du à l’amélioration des méthodes de culture et
d’élevage ; l’outillage s’est amélioré corrélativement à des progrès technologiques et des moyens
de transport se sont développés pour assurer le commerce avec les cités voisines ; aussi la Société va
se structurer en classes sociales bien hiérarchisées : aux agriculteurs s’ajoutent prêtres,
fonctionnaires, marchands, artisans, guerriers.Toutes les richesses « sonnantes et trébuchantes »
vont permettre d’édifier des monuments à la gloire des divinités de la cité comme des temples et des
ziggourats (sorte de tour carrée à étages qui flanquera chaque temple de la Sumer historique). Bien
entendu, tous ces biens étaient gérés par un « clergé » nanti de l’autorité divine ! Cette gestion
complexe a amené l’ invention de l’écriture, dite cunéiforme, en -3300 à Uruk, une cité sumérienne;
on a assiste, entre -3500 et -2900, au passage d’un village à une Cité-Etat en fouillant le tell
(monticule résultant de la démolition et de la reconstruction au même endroit des villages
successifs) : à la base on trouve des débris de huttes en roseaux puis des maisons en briques crues,
enfin, au sommet, les fondations d’un temple et d’une ziggourat qui servaient à vénérer la Grande
Déesse Inanna (Ishtar en akkadien) . On assiste également dans cette cité à l’avènement de la
monarchie: vers -3000, on voit apparaitre un personnage très important, le Roi-Prêtre, qui s’occupe
des fonctions essentielles de la cité car il cumule l’autorité religieuse et militaire !
31
Peuples et sites de la révolution urbaine au Proche et Moyen Orient (d’après Wikimedia
Commons)
Tell de Tepe Sialk (-6000 – 3000) en Iran (ancien Elam)
32
Toutes les Cités-Etats de Mésopotamie sont donc en fait gouvernées par un Roi. Des conflits
d’intérêt, comme la jouissance des pâturages ou/et l’accessibilité aux canaux d’irrigation, vont
entrainer des guerres incessantes entre toutes ces Cités-Etats. Sargon d’Akkad va soumettre les
autres cités et fonder le premier Empire dans le monde, celui d’Akkad vers -2340. Cet Empire sera
détruit par l’invasion de nomades venant des Monts Zagros, les Guti. De nouvelles guerres vont
permettre à différentes cités-Etats d’étendre leur suprématie sur les autres : Lagash, Ur, Mari. Mais
l’instauration d’un véritable Etat unitaire entre- 1792 et -1595, sera le fait du Roi de Babylone,
Hammourabi, célèbre pour avoir écrit le plus ancien recueil de textes juridiques au monde, dit code
d’Hammourabi, rédigé en écriture cunéiforme akkadien.
Le foisonnement des peuples présents dans la périphérie du croissant fertile mérite qu’on s’y arrête;
ce sont tous des peuples qui, on l’a vu, se sont installés pendant le néolithique et l’âge du Bronze :
-
-
Au nord et nord ouest, seuls 2 peuples, les hittites et les louvites, parlaient une langue IE
et qui, avec d’autres, ont formé l’Empire hittite situé en Anatolie ; les autres, comme les
Houtittes, qui ont formé le Royaume de Mitani, parlaient une langue à relier aux langues
caucasiennes,
A l’est, l’Elam qui devint un Empire également parlait une langue sans rapport avec ses
voisins, ni sémitique comme l’Akkadien, ni IE comme le Hittite ou le Louvite, ni
Sumérien ; les Kassites avaient une langue sans lien génétique avec une autre connue.
Cela signifie que seuls les Hittites et/ou Louvites parlaient des langues IE dans toute la
Mésopotamie, et que seuls leurs ancêtres ont pu être à l’origine du proto-indo-européen ; plusieurs
autres peuples ayant ce même proto-langage auraient provoqué une dissémination de l’indoeuropéen dans toute la Mésopotamie à partir d’autres centres ! De plus, la présence de langues indoiraniennes en Asie montre que la diffusion anatolienne s’est effectuée aussi bien à l’ouest qu’à l’est,
au PPNB, entre -8700 et -7000 environ.
En résumé, on peut admettre que les chasseurs-cueilleurs épigravettiens des steppes d’Asie centrale
ont émigré il y a 20000 ans vers le sud au LGM (ou Dernier Maximum Glaciaire) comme l’on fait les
Solutréens en Europe de l’ouest, vers des zones refuges climatiques plus tempérées au sud de la mer
Noire comme l’Anatolie et le Proche-Orient. Pendant le réchauffement climatique qui a suivi, la
plupart de ces peuples épigravettiens auraient regagnés les steppes d’Asie et de Sibérie, d’autres
seraient restés en Anatolie du sud ou au Proche Orient jusqu’au Mésolithique, comme les Natoufiens
en Mésopotamie. Parmi ces peuples certains auraient commencer à parler une langue proto-indoeuropéenne à l’origine du Hittite ou du Louvite vers -8700. Plus tard, des peuples descendants des
mésolithiques et ayant subi en partie l’acculturation du nomadisme pastoral, vont venir d’Asie
centrale (?) par apports successifs pour se mêler aux populations déjà en place en Anatolie, et ainsi
créer l’Ancien Empire hittite vers -1650. Dans Hattousa, qui en est la capitale, on parlait 8 langues qui
s’écrivaient en cunéiforme, sauf le louvite qui était en hiéroglyphes ! Tous ces mélanges donnèrent
un panthéon dit « des mille dieux » par syncrétisme : il s’agissait des éléments naturels déifiés sous
forme humaine. Le plus important était Teshub, dieu du ciel et de l’orage avec un taureau comme
symbole, et qui avait comme épouse Arinna, Déesse du soleil. Tout cela nous indique bien la filiation,
au moins en partie, entre ces anciens peuples et des chasseurs-cueilleurs mésolithiques qui vivaient
dans les steppes d’Asie centrale! Mais le fait le plus remarquable est l’avance technologique dans la
métallurgie du fer que les Hittites vont prendre par rapport au reste du monde et qui va leur donner
33
la suprématie des armes ; Les Hittites vont donc mener à leur tour une politique impérialiste et vont
détruire Babylone en -1595. A leur tour, ils vont disparaître vers -1200 à cause de problèmes
internes mais aussi par la destruction de leur capitale Hattousa par les « peuples de la mer ».
9-L’âge des métaux en Europe
Comme pour le cuivre, la chronologie de l’apparition de l’âge du bronze est variable d’une région à
l’autre en fonction de sa diffusion de sa métallurgie à partir du Proche Orient, lieu où il a vu le jour
quelquepart vers -3500, par addition de l’étain au cuivre ; ce minerai, l’étain, va être évidemment
très convoité car il permet de fabriquer des outils et des armes plus solides qu’en cuivre, d’où
l’ouverture de voies maritimes et terrestres pour aller chercher cet étain pour les centres de
production méditerranéens comme la Crète, l’Espagne, la Bretagne, la Grande-Bretagne notamment.
Par convention, on débute l’âge du Bronze vers - 3000 en Anatolie et dans le monde égéen et pour
l’occident aux environs de -2300/-2200. Les peuples qui occupaient les régions balkanique et
pontique au début du Bronze sont les descendants des cultures de Vinča, de Gulmelnita ou de
Cucuteni-Trypillia depuis 3000 ans environ. Ne pouvant pas vraiment établir précisément leurs
origines, anatoliennes ou locales, et leur extension respective, ils ont été regroupés par commodité
sous le nom de Pélasges vinciens. Pour le sud des Balkans, ils ont été regroupés sous le terme de
Pélasges diminiens, descendants de la culture de Dimini, apparue vers -4800 en Thessalie dans le
nord est de la Grèce. Ce terme de Pélasges vient des Grecs anciens, notamment Homère dans l’Iliade,
qui désignaient ainsi les premiers habitants de la Grèce avant les invasions achéenne et thrace. En
Europe centrale se développe la culture d’Unětice qui occupe la Tchéquie, la Slovaquie, le sud de
l’Allemagne et l’ouest de la Pologne. Elle se caractérise par ses torques, ses haches de combat, ses
poignards triangulaires et ses épingles en bronze, et ses protections d’archers en pierre. Les villages
sont perchés et entourés de palissades, les maisons sont longues de 5 à 10 m en bois et torchis ; à
Barca, en Slovaquie, les rues sont larges de 2.5 m. Son origine serait due à l’évolution des populations
locales sous l’influence de la culture de Vučedol, bien que pour certains auteurs, dont Marija
Gimbutas, cette culture d’Unětice serait due à l’arrivée de « nomades des steppes » venant du PontEuxin septentrional. C’est sans doute la proximité de riches gisements de cuivre et d’étain situés dans
les Carpates, notamment dans les Monts Métallifères ou Erzgebirge en allemand, qui explique la
naissance de ce centre métallurgique dans cette région, ses ressources agricoles se doublant d’une
richesse commerciale générée par l’industrie du Bronze mais aussi par le trafic de l’Ambre entre le
Jutland et la Méditerranée. Avec des origines encore plus nettes, on a défini la culture de Vinkovaci
comme la première de l’âge du Bronze en Croatie, dont les caractéristiques sont proches de celle de
Vučedol, et celle de Nagyrěv en Hongrie ; cette dernière est caractérisée par un vase à 2 anses
rappelant le canthare égéen (sorte de vase profond à 2 anses pour boire le vin), et des habitats en
tell. Ces trois cultures du moyen Danube prennent le relais des centres métallurgiques du cuivre qui
s’étaient développés auparavant à l’Enéolithique dans les Balkans et comme à Vučedol en Croatie.
C’est vers -1850/-1900 que se produisent les premières invasions avérées de peuples d’origine
steppique ou non qui parlent effectivement des langues IE mais arrivent après la dernière migration
du IIIe millénaire des peuples IE du modèle des kourganes (donc à l’origine de la culture d’Unětice) :
-les Achéens s’installent en Epire puis en Thessalie et dans le Péloponnèse venant des Balkans. Ils
donneront plus tard la culture mycénienne du nom de la capitale de leur royaume, Mycènes, et qui
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parlera leur langue, l’Achéen qui évoluera en un dialecte archaïque que les linguistes appeleront
l’arcado-chypriote.
- les Thraces qui occupe le territoire limité au nord par le Danube, la mer Egée au sud, à l’est la mer
Noire et la mer de Marmara et l’ouest par les fleuves de Morava auraient évolués sur place. Ils se
composent de 90 tribus, les Gètes (pour les Grecs) ou Daces (pour les Romains) se situent sur le Bas
Danube (Bulgarie et Roumanie actuelles). Leur organisation sociale était basée sur des chefferies plus
ou moins indépendantes les unes des autres. Certains vivaient simplement et disposés leurs villages
sur des éminences mais d’autres disposaient de Rois-Prêtres (polistes) plus puissants s’appuyant sur
une aristocratie, une armée composée de cavaliers (tarabostes), d’une infanterie de mercenaires
(peltastes) et des paysans guerriers (comates).
- la culture des tumulus (Hügelgräberkultur) fait suite à la culture d’Unětice en Europe centrale et
septentrionale au Bronze moyen (-1750 à -1400). C’est probablement un peuple d’origine
steppique ? Il va occuper les territoires de la Baltique aux Alpes et de l’Alsace (culture d’Haguenau)
aux Carpates occidentales et va durer jusqu’à -1200 environ. Sa principale caractéristique est son
mode d’inhumation sous un tumulus soit dans une ou deux chambres funéraires en bois soit dans
des cercueils en bois recouverts par le tumulus. Ce rituel ne concerne que 20 % des sépultures, les
autres sont simples, et donc exclusif d’une certaine aristocratie comme le montre la richesse du
contenu des tombes : épées à poignée métallique, poignards pour les hommes, bijoux et épingles
pour les femmes. On constate que dans certains tumuli d’Allemagne du sud on retrouve des
influences mycéniennes avec des colliers d’ambre semblables à ceux retrouvés dans les tombes de
Kakovatos dans le Péloponnèse. On a retrouvé également dans les tumulus d’Europe du nord des
objets en Bronze s’inspirant du style de Hongrie : on passe ainsi des poignards aux rapières puis aux
épées. Les influences orientales sont également avérées ; outre le fait que les premiers tumuli se
rencontrent dans le Caucase au Chalcolithique, ce sont les mors des chevaux trouvés dans les
habitats qui rattachent cette culture à la tradition steppique de la charrerie (définie de l’Oural aux
Carpates) avec des mors en os et des anneaux de joues alors que, jusqu’à présent, les mors étaient
de tradition d’Europe centrale, c'est-à-dire en bois de renne ou de cerf. Ces innovations techniques
nécessitent toute une foule d’artisans : fabricants d’armes, de chars de guerre, d’éleveurs et de
dresseurs de chevaux pour la guerre ; ceci implique un déplacement effectif d’artisans et de guerriers
et donc un changement radical de société. On peut en déduire qu’il y a une mise en place d’un
régime autoritaire, d’une chefferie, sorte de monarchie épaulée par une aristocratie guerrière, avec
de nouvelles traditions comme celle de l’inhumation sous tumulus du chef pour le « glorifier »,
s’appuyant sur une économie de prestige comme on le verra pour les résidences princières au
Hallstatt D : le principe était que les chefs (ou princes) étaient les seuls habilités à recevoir des
marchandises ou des objets de valeur venus d’ailleurs et pouvaient en faire cadeau lors de festins et
recevoir en retour des cadeaux de même valeur ; il est probable que les échanges concernaient l’or,
l’ambre, l’étain, le sel et mêmes des esclaves ! Leurs dieux ont du être imposés à l’ancienne classe
sociale dirigeante : les Jumeaux Divins, mythe indo-européen que l’on rencontre aussi bien chez les
Grecs (Dioscures) que chez les Hindous (Ashins) : ce sont des cavaliers guidant le char du Soleil qui
transporte leur sœur, la Déesse du Soleil le jour et qui, la nuit, sur leurs bateaux jumeaux, font
transiter le Soleil par le monde souterrain. Par contre, la classe paysanne n’a sans doute pas subi
cette conquête intrusive aussi radicalement et a du continuer à vénérer ses « idoles » représentant
leur Déesse-Mère encore longtemps. Cette nouvelle aristocratie guerrière se répand vers l’Europe
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septentrionale et va reprendre à son compte les relations commerciales antérieures. Une fois en
place, ces élites vont s’engager dans un échange constant de cadeaux diplomatiques et de mariages
dynastiques qui débouchera dans le domaine des arts et des techniques avec des objets ayant des
traits communs comme le style décoratif curviligne. Grâce à ces réseaux d’échanges, marchands et
guerriers s’aventurent dans les contrées occidentales et nordiques, emportant avec eux le bronze et
le savoir faire et ramenant l’ambre : la Mésopotamie et l’Egypte sont reliés commercialement à toute
l’Europe via le Danube et le monde égéen!
Nous avons vu précédemment que les Achéens s’étaient installés en Grèce continentale vers -1900
avec leur langue d’origine indo-européenne. Leur activité était essentiellement agricole et pastorale
mais ils importèrent le cheval et la métallurgie. Petit à petit, ils s’imposèrent aux Pélasges diminiens
et développèrent le commerce extérieur en même temps que la production de céramique et d’objets
en bronze. La société reposait sur un système social et politique strictement hiérarchisé avec un
contrôle centralisé de l’économie. L’apogée de la civilisation mycénienne se situe au 13e siècle, dite
période « héroïque », avec la construction des fameux palais fortifiés, sièges du pouvoir, qui étaient
entourés de remparts cyclopéens : Mycènes et sa porte des Lions, Tirynthe. L’administration
s’appuyait sur une écriture empruntée à la Crète, le Linéaire B. L’organisation hiérarchique de la
société mycénienne était la suivante: à sa tête, le wanax ou roi, qui avait le pouvoir militaire et
religieux, puis le lawagetas ou chef des armées, les telestai, sans doute le clergé, enfin, les hequetas
les autres dignitaires du palais. En bas de l’échelle sociale se trouvait le damo ou peuple composé des
paysans et des artisans qui pouvaient être appelés comme soldats et qui étaient commandés par le
qasireu ou vassal du roi, qui distribuait le bronze aux forgerons travaillant pour le palais et qui devint,
par déformation du mot, le basileus. Au Bronze moyen, on ne connait que des tombes à fosse
réparties en deux cercles ; dans le première le mobilier est très riche, dont un masque mortuaire en
or découvert par le fouilleur allemand Heinrich Schliemann qu’il a appelé le « masque
d’Agamemnon ». Au Bronze final, il y a apparition de tombes en encorbellement d’inspiration
minoenne : les tholoi comme le trésor d’Atrée ou celui d’Agamemnon, qui sont sans doute des
tombes royales. Le panthéon de la civilisation préhellénique de Mycènes en Grèce continentale qui
succède culturellement à celle de Minos franchit une nouvelle étape, celle du Polythéisme à travers
toute une mythologie qui sera la base de la religion de la Grèce classique et qui va se retrouver dans
tout le Proche Orient et, plus tard, dans la civilisation romaine ! La puissance de l’armée mycénienne,
avec l’introduction du char de combat, a été prouvée par la destruction de Troie entre -1275 et 1240. Les réseaux commerciaux de Mycènes sont attestés dans le monde égéen (surtout la Crète
minoenne), à Troie, sur les côtes du Levant, en Europe ; des comptoirs sont créés en Italie, dans les
Balkans. A l’inverse, des bateaux importaient des objets de luxe d’Egypte et du Levant, comme le
montre la découverte d’une épave d’un bateau phénicien au sud de l’Anatolie, près d’Ulu Burun, qui
contenait : 10t de lingot de cuivre dits en peau de vache provenant sans doute de Chypre, des
poteries cananéennes, du bois d’ébène du sud de l’Egypte, des perles d’ambre de la Baltique, de
l’ivoire de défenses d’éléphant d’Afrique du nord, des outils et des armes en bronze de type
mycénien, égyptien, levantin, des sceaux cylindres assyriens, un scarabée au nom de Néfertiti… Vers 1200 la plupart des sites mycéniens sont détruits par les « peuples de la mer », d’origine inconnue,
qui seraient également responsables de la destruction de l’Empire hittite, de Chypre, de la ville
d’Ougarit et de la tentative d’invasion de l’Egypte.
36
Dans la péninsule balkanique, on qualifie la période entre -1200 et -800 « d’âge sombre »,
caractérisée par la deuxième invasion de peuples venus de régions plus au nord et qui aura comme
conséquences un déclin économique et culturel de la région (perte de l’écriture, de l’administration
centralisée mise en place par les Mycéniens, l’Art est dit géométrique car la céramique est décorée
de carrés, de cercles, de lignes,…). Ces nouveaux peuples sont:
•
•
•
•
les Illyriens (Dalmates et Pannoniens) qui s’installent à l’ouest de la péninsule balkanique et
sur le littoral adriatique, organisés en tribus gouvernées par un Roi, sans lien entre elles.
les Doriens qui s’installent dans le Péloponnèse (ils seront à l’origine des cités-états de
Sparte, Argos, puis Corinthe et Mégare) d’où ils chassent les Achéens (appelés dorénavant
Ioniens) qui vont soit rester en Attique, soit se réfugier en Asie Mineure et créer l’Ionie avec
les villes de Millet, de Phocée et d’Ephèse, et l’Eolide ; ces Doriens iront jusqu’en Crète, les
Cyclades du sud et Rhodes.
Les Grecs du nord ouest vont occuper l’Epire, l’Etolie, l’Acarnanie.
Certaines, les tribus italiques, vont s’installer en Italie actuelle en deux vagues successives,
les proto-latins jusqu’en Sicile et Calabre, et les Osco-ombriens, en Italie du nord où ils vont
rencontrer les Etrusques qui se sont installés bien avant en venant d’Anatolie en assimilant
les Villanoviens. Ils ont pour origine la Slavonie en Croatie et notamment la région de
Vučedol.
Comme ces migrations (1eres et 2ndes) sont le résultat de réactions en chaine, une tribu refoulée par
une rivale plus puissante cherchant à son tour une proie plus faible pour se tailler un nouveau
royaume, il est probable que ces peuples viennent de la région, comme les Italiques, du Danube ou
des environs de la mer Noire, soit péri-balkaniques. Notons qu’ elles ne sont pas synchrones avec
celles du modèle des Kourganes, elles sont beaucoup plus récentes !
Sinon, la culture importante du Bronze européen sédentarisée depuis longtemps est celle de la
céramique cordée (de -3000 à -2200) qui doit son nom à ses poteries caractéristiques décorées par
impression de cordelettes sur l’argile avant cuisson. Elle s’étend de la Russie au nord est de la France
et aux Pays Bas en passant par la Scandinavie du sud où elle prend le nom de culture des tombes
individuelles et plus au nord de culture des haches de combat ; son origine viendrait d’une évolution
de la culture des vases en entonnoir (TRB ou Trichterbecherkultur) elle même issue de celle
d’Ertebølle au Néolithique moyen. En Europe centrale et du nord, il va y avoir des influences
réciproques avec le Campaniforme, comme, par exemple, l’inversion de l’orientation et la disposition
des corps des sépultures de tradition cordée. D’après mon modèle de néolithisation, celle culture
devait parler une langue proche d’un proto-germano-slave.
10-L’ Europe celtique
Les peuples celtes sont réputés parler IE du fait de leur arrivée des steppes de l’est de l’Europe mais
d’après mon modèle du peuplement néolithique européen une autre hypothèse peut être proposée
pour l’origine des peuples celtes en accord avec de nouvelles recherches notamment de l’école
anglo-saxonne et de Barry Cunliffe en particulier. La région nord alpine (de l’est de la France actuelle
à l’Allemagne du sud) possède la particularité géographique d’être située au coeur de la zone des
plus grands fleuves d’Europe : Danube, Rhin, Rhône, Saône, Seine et Loire. Elle présente une autre
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particularité, historique celle-ci, d’être située entre l’arc atlantique, qui va du Portugal au sud de la
Scandinavie, région très prospère, très marquée culturellement par son héritage mégalithique et
caractérisée par le nombre important de dépôts d’objets en bronze, armes, parures, outils, (dont on
ne connait pas la raison d’être) et l’Europe centrale et septentrionale. Depuis la fin du Néolithique
cette région nord alpine a donc subi des incursions de peuples venant du Rhin ou du Danube, du sud
par la vallée du Rhône et de l’ouest, des régions atlantiques. Les peuples qui occupent cette région
sont donc « multi-culturels » ; ainsi, il y a eu une occupation très importante à la fin du Néolithique,
celle des groupes campaniformes qui s’intégraient aux cultures locales pour établir des relations
commerciales. Cette diffusion culturelle a duré pratiquement 1000 ans et a du avoir des
conséquences sur la langue : les Campaniformes qui parlaient le proto-celte ont du l’introduire dans
cette région et dans bien d’autres encore (voir la carte p. 29).
Au Bronze final (vers -1300 à -800) émerge dans cette région la civilisation des Champs d’Urnes. Elle
remplace, dans les rites funéraires, l’inhumation par la crémation, et la mise dans des urnes des
cendres des défunts ; elle serait partie de Lusace, région située aux confins du nord est de
l’Allemagne, de la Silésie en Pologne et de la Bohème en Tchéquie,et qui va s’étendre dans toute
l’Europe centrale et de là vers le sud dans la bassin danubien, où elle prend le nom de culture Belegiš,
vers l’ouest et le Rhin, dans l’est de la France, la Suisse et ses sites lacustres définissant un « bel âge
du Bronze », la Bourgogne. Ces champs d’urnes sont souvent localisés près de points d’eau : rivières,
sources : un bel exemple en France est celui de Saint Père sous Vézelay dans l’Yonne ; le site des
fontaines salées est connu depuis le Néolithique récent (-2300) ; des cuvelages en chêne ont été
installés pour faciliter la récupération du sel à partir de l’eau des sources qui est très chargée en
chlorure de sodium (NaCl). Cette extraction s’est perpétuée jusqu’en -1300, au Bronze final. Peu de
temps après, un cimetière où l’on enterrait des urnes cinéraires a été créé. En Italie du nord, cette
culture des champs d’urnes est appelée culture villanovienne du site de Villanova près de Bologne.
C’est une population agricole, sédentaire et hierarchisée ; elle habitait des cabanes ovales ou des
maisons longues et rectangulaires en torchis. Les villages se situaient au sommet de collines et
s’accompagnent de nécropoles ou champs d’urnes. Ces urnes étaient parfois accompagnées de
mobilier funéraire : épingles, fibules, rasoirs, bijoux céramiques… On peut y voir le début d’une
différenciation sociale.
Dans la zone nord alpine, en Autriche et en Bohème, apparait la culture de Hallstatt vers -800, issue
probablement de celle des champs d’urnes. Comme on l’a vu précedemment, on devait parler un
proto-celte. Il s’agit de la première civilisation identifiable des Celtes. Dans le centre nord est de
l’Espagne apparait aussi un centre métallurgique du Fer associée à la culture celtibère qui est en
territoire atlantique et dont la langue sera à l’origine d’une branche du celte et qui n’aurait rien à voir
avec les « celtes » du nord alpin. Le Fer est responsable de changements majeurs par rapport aux
époques précédentes : de nombreuses citadelles se multiplient, sans doute représentant chacune
une chefferie. En effet, les nécropoles contiennent des tombes au riche mobilier funéraire, certaines
avec des chars funéraires à quatre roues, indiquant la richesse du défunt. Vers -625, ce foyer culturel
primitif se déplace vers l’ouest sur le cours supérieur du Danube, le Rhin et l’Est de la France. Les
citadelles sont de plus en plus grandes, sans doute situées sur les grands axes commerciaux ; leur
déplacement, pense-t-on, est peut être lié à la fondation de la colonie grecque (phocéenne) de
Massilia, ce qui a eu comme conséquence de créer un nouvel axe commercial vers la
Méditerranée par la vallée du Rhône et celle de la Saône.
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Les Fontaines salées à St Père sous Vézelay, Yonne
Ruines de la Cité grecque de Massilia
La culture de la Tène est définie comme « la » culture celtique ; elle est surtout caractérisée par son
art aux motifs curvilignes, synthèse entre le style géométrique de celle de Hallstatt et le style à
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décors végétaux grecs et étrusques de la vaisselle importée. L’influence méditerranéenne se fait
aussi sentir dans les techniques de la céramique peinte. Son site éponyme est situé sur le lac de
Neuchâtel, en Suisse, d’où son nom de culture laténienne. Elle s’étend, à partir de son foyer
hallstattien, dit groupe du Rhin et du Danube, vers l’est, groupe de Bohème, et vers l’ouest, groupes
de la Marne et de la Moselle formant autant de principautés contrôlées par des potentats locaux.
Une des caractéristiques de cette culture de la Tène est son caractère aristocratique et militaire, que
l’on retrouve dans le mobilier funéraire (certaines tombes contiennent des chars de guerre). Vers 400 il y eut une vague de migrations « celtes » dans toute l’Europe de l’est. Les « Celtes »
franchissent les cols des Alpes et arrivent en Italie vers -400 où la situation politique est compliquée.
En effet, la cohabitation entre les peuples italiques et étrusques évolue sans cesse. L’Etrurie est une
confédération de 12 cités, chacune dirigée par un roi, vivant dans l’opulence grâce à des ressources
en fer importantes, une agriculture riche (vin) et un commerce maritime florissant avec la Grèce et
l’Orient. Les conflits territoriaux avec Rome (fondée en -753) et internes à la société étrusque vont
amener sa chute en -83 après un maximum de prospérité de -600 à -350. Les Celtes s’installent dans
la vallée du Pô qui prit le nom de Gaule cisalpine et une tribu, celle des Senons, va occuper la région
d’Ancône et déclencher un conflit avec les Etrusques ; Rome proposa de servir de médiateur entre
eux ; mais, en dépit des règles diplomatiques, Rome s’allie avec les Etrusques pour combattre les
Sénons, ceux-ci, en représailles, vont mettre à sac la ville de Rome en -390 et ne la quittèrent que
contre une énorme rançon. Mais les Romains vont réagir et soumettre les Senons en -283. La
romanisation de la Gaule cisalpine, avec l’aide des autres peuples italiques, s’achève en -49 : tous les
habitants de la péninsule italienne auront alors la citoyenneté romaine. Vers -360, le peuple celte des
Scordiques va s’établir dans le bassin moyen du Danube, dans la plaine pannonienne hongroise et
croate, de la Voïvodine aux Portes de Fer serbes et roumaines et la partie occidentale de la plaine
roumaine et bulgare de part et d’autre du Danube, à la limite de la Thrace et de la Dacie. De là, ils
vont attaquer la Thrace et les Illyriens puis la Macédoine où ils tuent le Roi Ptolémée Kéraunos, puis
en -279, voulurent s’emparer de Delphes et de ses trésors mais subirent de lourdes pertes et
continuèrent leur route en Thrace et en Anatolie où ils combattirent sans succès les cités ioniennes
notamment Pergame en -230 ; puis ils s’établirent comme mercenaires pour des souverains
hellénistiques qui combattaient le roi Séleucide (syrien) Antiochos Ier. Une fois sur place, ils restèrent
pour s’établir dans la région qui prit le nom de Galatie d’où ils pouvaient mener des razzias sur les
ports de Méditerranée.
En réaction à l’invasion de peuples steppiques qui bouleversent leur commerce avec les civilisations
méditerranéennes, les centres de production et les routes commerciales, les peuples de la zone
atlantique vont réagir en défendant « militairement » ces axes et ces centres commerciaux en
envoyant des troupes c'est-à-dire en déplaçant, comme l’ont fait les peuples steppiques, des
guerriers avec leur aristocratie militaire, des forgerons, des artisans en charge de l’entretien des
chevaux comme des maréchaux-ferrants, des agriculteurs pour nourrir la troupe et pour s’établir de
loin en loin pour pérenniser la protection de la route. La culture des Champs d’Urnes dans le midi
méditerranéen, semble venir de la zone atlantique autour de -1100 car les nouveaux venus
s’installent dans la vallée de la Garonne, dans l’Aude (Mailhac), dans le Languedoc occidental
(Pézenas, sites de Pradines à Causses et Veyran, de Puisserguier dans l’Hérault) et la Catalogne ;
curieusement, ils ne laissent aucune trace dans la vallée du Rhône et le Languedoc oriental ce qui
indique une arrivée de l’ouest. Ce rituel serait peut être issu de la tradition des champs d’urnes
d’Europe nord alpine par acculturation ! Cette culture n’aurait donc rien à voir avec celle qui a été
40
décrite en Europe centrale et cette dernière n’aurait pas donc envahi le sud de la Gaule. C’est sans
doute l’explication que nous pouvons donner à l’intrusion de populations « atlantiques », qui
parlaient d’ailleurs un proto-celtique, dans le midi de la France et jusqu’en Catalogne au Bronze
final : leur mission était sans doute d’aller protéger les comptoirs phéniciens du littoral languedocien
et catalan (jusqu’aux Baléares, le comptoir d’Ibiza, connu pour son commerce du vin et d’huile
d’olive, a été fondé en -654) qui approvisionnaient en denrées de toute sorte la zone atlantique du
sud de la France actuelle.
Les peuples de l’Atlantique (les vrais Celtes) vont alors conquérir toute la zone nord alpine, du Bassin
Parisien et de Belgique jusqu’au Rhin, l’est de la France actuelle jusqu’au Jura. La carte des
« invasions » dites celtes vers -400 pourrait nous donner un indice car en la regardant attentivement,
on peut s’apercevoir que la route des migrations des gens de la culture de la Tène dans l’hexagone
n’emprunte même pas la vallée de Rhône, qu’ils connaissaient pourtant bien, mais le chemin le plus
court pour le quitter ! Nous pensons plutôt qu’il s’agit plus d’une retraite assez pressée devant des
forces militaires, retraite dont font partie des membres de tribus qui collaboraient avec les
principautés laténiennes comme les Senons. De plus, il semble qu’ils quittent définitivement leurs
territoires alors qu’ils y étaient installés comme des « princes » !
Les migrations « celtes » (d’après Barry Cunliffe)
Vont se développer alors des chefferies regroupant des tribus qui parlent vraiment celte, et qui vont
se partager le territoire que l’on pourra appeler la Gaule.
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Sous la pression des Germains, des tribus « gauloises » de Belgique, vont s’exiler vers le sud avec
armes et bagages. Elles vont être réparties de façon sans doute concertée au niveau de toute la zone
atlantique élargie. Parmi elles, les Volques vont reprendre le chemin conquis au Bronze final pour
s’installer en Occitanie, vers Toulouse pour les Volques Tectosages et vers Nîmes pour les Volques
Arécomiques.
11-La Grèce antique
On appelle les « siècles obscurs » la période entre la disparition des civilisations minoenne et
mycénienne vers -1200 et la réémergence de la cité-état (ou polis) en -800.
Pendant la période archaïque (-800 à -510) tous les « peuples grecs sensu lato » (Doriens, Ioniens,
Eubéens, Phocéens, …) vont créer des Cités-Etats grâce au commerce maritime avec les Phéniciens à
qui ils vont emprunter et adapter l’alphabet à voyelles pour reproduire tous les sons des langues
grecques et, surtout, pour donner une place essentielle à l’écrit qui va permettre à tous de prendre
connaissance de tout ce qui se passe dans la cité concernant la vie démocratique et culturelle. Ces
Cités-Etats ou Poleis (singulier Polis) sont de deux types, les cités royales et aristocratiques et les
cités commerçantes et démocratiques. Elles se construisent petit à petit par synœcisme (réunions de
villages en une cité) autour d’une colline qui deviendra une citadelle ou acropole. Le territoire ou
poliade est divisé en deux, l’astu (ou asty) où sont regroupés les édifices publiques, politiques,
religieux, commerciaux, les habitations cossues et la place du marché ou agora, où sont débattues les
questions de la communauté et la chôra qui est la zone périphérique rurale avec des villages et les
terres agricoles. La cité construit un ou plusieurs temples dédiés à sa divinité tutélaire, cela suppose
que sa communauté, dans son ensemble, peut-être à l’exclusion des étrangers libres (métèques)
qu’elle accueillait et des esclaves, adhère au culte de la divinité protectrice qui devient le symbole
identitaire de celle-ci; un des plus beaux exemples est celui du temple d’Ephèse qui abritait la statue
d’Artémis. Ceci est très important car chaque membre de cette communauté peut satisfaire son
besoin psychologique fondamental (ou appétence) d’appartenance à un groupe ! Si la Polis avait sa
propre culture et son propre dialecte, elle avait conscience de son appartenance à une entité plus
vaste, l’ethnos, celle de tous les peuples hellènes car ils avaient une langue et des croyances
communes, d’où l’existence de sanctuaires panhelléniques comme celui d’Olympie dédié à Zeus ou
celui d’Apollon à Delphes ou de Déméter à Eleusis. On organisait dans ces lieux des rencontres,
comme les Jeux Olympiques, créés en -776, ou les Jeux Pythiques à Delphes, les Jeux Néméens à
Némée, les Jeux Isthmiques à Corinthe, qui permettaient aussi de libérer les tensions entre cités. On
peut être frappé par l’analogie que nous pouvons faire avec le Magdalénien, où les clans se
rencontraient dans des lieux de rassemblement et où ils devaient organiser toute sorte d’activités à
but social et festif !
42
Ruines du temple d’Artémis à Ephèse (Turquie), une des 7 merveilles du monde
Ces sanctuaires pouvaient aussi servir de centre oraculaire comme à Delphes où l’on interrogeait le
dieu par l’intermédiaire de l’oracle. Toutes les questions que se posaient les Grecs étaient d’ordre
personnel, comme la santé (le sanctuaire d’Epidaure dédié au dieu Asclépios était le principal centre
de médecine en Grèce) ou sur les choix à faire pour son avenir, d’où le rôle politique énorme des
devins ou des prêtres qui étaient chargés d’adresser les suppliques et les sacrifices au dieu et
d’ « interpréter » sa réponse. Ces oracles ont eu aussi un grand rôle dans la colonisation ; en effet, à
partir de -750 des émigrants grecs s’embarquent pour aller fonder des colonies, des côtes ouest et
nord de la mer Noire à l’Espagne : en -733, Corinthe édifie Syracuse en Sicile, Sparte crée Tarente
dans le sud de l’Italie, Cyrène en Lybie, Phocée crée Marseille, Agde et Emporion . Chaque colonie
fonde une Cité-Etat qui conserve des relations avec la Cité Mère. Deux cités finissent par prendre de
l’importance par rapport aux autres : Sparte, d’origine dorienne, qui contrôle le Péloponnèse et
Athènes, d’origine ionienne, qui prospère grâce à son commerce et ses mines d’argent.
43
Cité grecque d’Emporion en Espagne
Les
colonisations grecque et phénicienne pendant la période archaïque (d’après Wikimedia Commons)
Pendant les siècles obscurs, on assiste à la mise en place d’une nouvelle organisation sociale,
l’oligarchie, pour tous les peuples grecs, par rapport à celle de l’empire mycénien qui s’est écroulé
vers -1200 qui était de type monarchique. Les pouvoirs administratifs et militaires du basileus, qui
n’était que le vassal du wanax (ou roi) qui se situait juste au dessus du damo (ou peuple), vont être
réparties parmi les membres des familles les plus puissantes et ainsi acquérir les meilleures terres
pour l’agriculture et l’élevage, notamment des chevaux. Ainsi se constitua, dans chaque cité, des
élites appelées aristocrates, les « meilleurs », qui gouvernèrent celle-ci en remplaçant le wanax
d’antan, sauf à Sparte où le basileus était représenté par deux rois qui gouvernaient conjointement
et dont les décisions étaient jugées par des magistrats, les éphores, qui pouvaient limiter leur
pouvoir. Cette aristocratie prit comme modèle les héros du passé dans l’Iliade et l’Odyssée d’Homère
44
qui dirigeaient leurs troupes sur des chevaux magnifiques. Les occasions de se montrer en guerrier
héroïque, cherchant le prestige et l’honneur individuel, étaient nombreuses tant il y avait de frictions
entre les cités mais prit bientôt fin avec l’apparition de l’infanterie composée de soldats (hoplites)
revêtus de casques et d’armures en bronze, combattant en rangs serrés, les phalanges, lances en
avant, et se protégeant mutuellement par des boucliers. Ces soldats étaient des citoyens d’une
nouvelle classe sociale, issue de l’artisanat et du commerce, assez aisés pour se payer l’équipement
militaire et participer ainsi à la défense de sa cité, et donc revendiquer un rôle dans les affaires de
gouvernement au détriment des aristocrates. Cette réforme hoplitique entraina un processus
historique dans lequel les hommes qui prirent la tête de cette classe émergente puis de la cité
devinrent des despotes que les Lydiens appelés « tyrans ». Platon ( -428 -348), l’un des premiers
philosophes avec son maître Socrate, en a fait un système politique qu’il a nommé tyrannie ou
gouvernement autoritaire qui ne respecte pas les libertés individuelles, à côté de la monarchie, de la
timocratie (gouvernement par ceux qui recherchent ce qui a de la valeur), de l’oligarchie (le pouvoir
est dans les mains de quelques personnes ou familles) et de la démocratie (les individus exercent le
pouvoir soit directement, soit par représentation). Il est communément admis que les tyrans étaient
des membres exclus de la classe aristocratique qui se vengeaient en affaiblissant leur ancienne classe
sociale tout en renforçant leur pouvoir autoritaire et qui, au contraire de la royauté, ne respectait
plus les règles et les coutumes de la cité. L’ère des tyrannies sévit en Grèce de la moitié du VIIe siècle
à la fin du VIe et correspond à une ère de prospérité car le but des tyrans était de faire un maximum
d’« argent » en développant le commerce et la colonisation. En effet, les cités grecques furent les
premières sociétés d’occident à frapper monnaie. Pour lutter contre les abus de pouvoir les Poleis
inventèrent la Loi applicable à tous, le code législatif. L’écriture de ce code était confié au nomothète
ou législateur, inspiré par la divinité de la cité. A la même époque, les Sept Sages furent désignés
comme guides de l’ordre civique pour toute la Grèce en vertu de leur habileté politique et de leur
modération; Thalès de Milet, Solon à Athènes, Chilon à Sparte, etc.
La période classique (-510 à -323) est appelée le miracle grec ; en effet, Athènes et sa région,
l’Attique, atteignent le sommet de leur puissance politique au Ve siècle (ou siècle de Périclès) ; elle
correspond également à la formation, et à la fixation, d’une langue commune à toute la Grèce
antique, dite koiné ionien-attique, composée principalement du dialecte ionien-attique, l’un des 4
dialectes grecs originels, imposé par l’hégémonie d’Athènes. Mais Athènes est surtout connue pour
avoir « inventé » la démocratie. Il s’agit d’un cheminement assez long jalonné d’initiatives politiques
pour tenter de résoudre les tensions sociales des VIIe et VIe siècles qui concernaient la distribution
des terres et la représentation des citoyens dans les magistratures, la rivalité entre les classes
urbaines et rurales et, enfin, les conflits entre les familles aristocratiques. Le tout premier à avoir
posé le premier jalon démocratique fut Solon, déjà connu pour sa sagesse (il fut l’un des sept sages)
et comme auteur lyrique, fut élu archonte en -594 par les aristocrates : il dirigeait la Polis avec huit
autres archontes pour une année ; ces archontes ou magistrats constituaient l’exécutif et avaient en
charge l’administration et la juridiction publique. Solon, mena à bien ses réformes en rédigeant une
constitution timocratique, en répondant aux réclamations des classes populaires mais en préservant
certains privilèges de la noblesse. Clisthène, né vers -570, est la seconde figure de la démocratie
athénienne après Solon. Son objectif était de mettre en œuvre l’isonomie, ou égale répartition des
droits et des devoirs de tous les citoyens de la Polis d’Athènes et de restreindre les privilèges de
classe. Mais tout n’était pas idéal car la richesse économique était basée sur la tyrannie exercée sur
ses alliés et ses colonies, sur les esclaves qui n’avaient aucun droit, les métèques qui n’avaient pas de
45
droits civiques ainsi que les femmes; sur 470000 habitants de la cité, seuls 50000 étaient citoyens de
plein droit. Il faut noter, comme l’on fait nombre d’historiens, que la puissance militaire d’Athènes
amène à une consolidation de la démocratie car le « démos » y contribue largement grâce à sa
présence dans les rangs des hoplites et dans les navires de guerre de sa marine.
Aux yeux des Grecs qui développaient un fort sentiment panhellénique malgré les différences entre
les Poleis, ceux qui ne parlaient pas leur langue étaient des « barbares » comme les Perses qui
étendaient leur Empire vers l’ouest (les sujets de Darius parlaient le vieux perse, une langue indoeuropéenne de la branche indo-iranienne); ils considéraient que c’était la liberté des cités-Etats de
Grèce avec à leur tête la démocratique Athènes et l’oligarchique Sparte, face à la monarchie absolue
du Roi des Rois Darius, ou la démocratie face à la tyrannie.
Les cités grecques d’Ionie en Asie Mineure qui sont sous le joug des Perses se révoltent, elles
demandent le soutien de la Grèce continentale : Sparte refuse, Athènes et l’Erétrie forment la ligue
de Délos et envoient des bateaux de guerre. La première guerre médique commence par une victoire
navale sur les Phéniciens alliés des Perses. Sur terre, ils prennent Sardes aux Lydiens en plein empire
perse et la brûlent mais en se repliant sur Ephèse ils subissent une défaite contre les Perses en -492.
Darius Ier se venge et prend la Thrace et la Macédoine mais il est battu à Marathon; il envoie un
ultimatum aux cités grecques leur demandant de se soumettre : elles refusent y compris Sparte qui
les rejoint. C’est le début de la deuxième guerre médique quand le fils de Darius, Xerxès I veut venger
son père ; il bat les Grecs de Léonidas (Roi de Sparte) aux Thermopyles (-480) et prend Athènes qu’il
saccage. Mais la flotte grecque intacte arrive et bat celle des Perses à Salamine ; Xerxès repart seul à
Suse (Iran actuel), puis son armée est vaincue à la bataille des Platées en -479.
A partir de là, Athènes est au faite de sa puissance. L’Art va refléter la puissance d’Athènes ; on va
construire le Parthénon mêlant les ordres ioniens et doriques, le corinthien n’apparaitra qu’au IVe
siècle. La sculpture va évoluer, la raideur archaïque fait place à des formes pleines aux poses
alanguies des corps féminins comme Aphrodite ou à la grâce androgyne des corps masculins. Un des
apports les plus importants culturels est le théâtre ; on jouait surtout des tragédies (Eschyle,
Sophocle, Euripide) et des comédies (Aristophane) qui ont eu un rôle pédagogique pour la
démocratie athénienne. La philosophie et notamment Socrate, eut un rôle très important également
sur la pensée athénienne même si celui-ci fut condamné à mort par ingestion de ciguë en -399 pour
« corruption de la jeunesse »!
Complexe funéraire de Naqsh-e Rostam où fut enseveli Darius III sur ordre d’Alexandre le Grand
46
Les guerres médiques (d’après Wikimedia Commons)
Sparte, ne supportant pas l’impérialisme de sa rivale, va dénoncer son alliance au sein de la ligue de
Délos en -461. En -446, il y a partage du monde grec : Sparte obtient le Péloponnèse, Corinthe les
mers et le commerce occidental, Athènes la mer Egée et le commerce du nord. Sparte finit par
attaquer l’Attique et Périclès défendra sa ville jusqu’à sa mort en -429 (de la peste ou du typhus ?), la
guerre du Péloponnèse se termine en -404 par la capitulation sans conditions d’Athènes et laissant
l’hégémonie totale de Sparte sur la Grèce. Mais au cours du IVe siècle, les Grecs vont se déchirer à
nouveau et Philippe II, le roi de Macédoine va en profiter pour s’emparer des mines d’or et d’argent
de la Thrace, puis en -338, grâce à sa victoire de Chéronée sur une coalition de cités grecques, il place
toute la Grèce sous son autorité. C’est son fils, Alexandre le Grand, qui ayant pénétré en Asie
mineure, va vaincre définitivement les Perses Achéménides de Darius III à la bataille du Granique en
-343.
Il va chasser les Perses d’ Asie mineure et libérer les cités grecques d’Ionie comme Pergame, et
conquérir un immense empire entre -334 et -323 où il meurt à Babylone, en ayant au passage, brûlé
Persépolis en -330 pour se venger de la destruction de l’acropole d’Athènes en -480.
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Persepolis
Pergame, le théâtre et l’Acropole
La période hellénistique va de -323 à la fin de la civilisation grecque en -146. A la mort d’Alexandre,
ses successeurs (les généraux ou diadoques) se déchirent pour accéder au trône, c’est la guerre des
diadoques jusqu’en -280. Il en résulte un Empire partagé en 3 grandes royautés : les Antigonides en
Macédoine, les Séleucides de l’Anatolie à l’Asie et les Ptolémées en Egypte. Le système démocratique
dont Alexandre a été l’artisan dans la constitution des cités grecques d’Asie, va perdurer avec les
diadoques et leurs successeurs, les épigones. Cela va se traduire par l’essor et l’universalité de la
civilisation grecque jusqu’en -220 avec de nouveaux courants philosophiques, le développement de
l’art, de la médecine, des sciences (Hipparque de Nicée en astronomie par exemple), la création de la
bibliothèque d’Alexandrie. Malheureusement, dans la péninsule grecque, les luttes intestines entre
royautés grecques vont amener la disparition de la civilisation grecque en -146, année qui marquera
le début de la Grèce romaine car toutes les cités grecques seront sous protectorat romain.
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12-La civilisation romaine
La légende veut que Romulus et Rémus soient les fondateurs de Rome en -753. Romulus aurait été
un descendant d’Enée, le héros troyen qui avait fui la destruction de Troie. D’après l’archéologie,
Rome au VIIIe siècle apparait comme une somme de villages éparpillés sur les collines, habités par
des agriculteurs et des pasteurs qui parlaient le latin, une langue IE, apportée avec eux lors de
l’invasion des populations italiques vers -1200. Ce n’est qu’au VIIe siècle que Rome devient une CitéEtat par synœcisme ; on note un net enrichissement des tombes entre -730 et -570 avec des objets
de luxe importés comme des céramiques grecques et étrusques, et un essor de l’urbanisation. Selon
les auteurs antiques, il y aurait eu 7 Rois au total, dont les 4 premiers étaient des Latins et Sabins,
respectueux des gentes ou grandes familles, dévoués à l’Etat, et les 3 derniers, des Etrusques,
violents régnants sans partage. Le Roi avait un pouvoir absolu, y compris dans le domaine religieux et
judiciaire ; pour servir d’intermédiaire entre la cité et le Roi, il existait un Sénat, au rôle purement
consultatif. Au VIe siècle, les rois étrusques commencent de grands travaux comme l’aménagement
du forum dont la fonction sera surtout commerciale, le temple de Jupiter sur le Capitole, une des 7
collines de Rome, des maisons rectangulaires au pied du Palatin. Une levée de terre avec un fossé est
mise en place pour la défense de la ville ; en dehors, le territoire s’agrandit en direction du Latium et
non des cités étrusques de Caere et de Véies. Dans l’organisation sociale on note un changement
fondamental ; jusqu’alors, tout était basé sur le clientélisme, institué par des liens sacrés (ou fides):
le patricien (le patron aristocrate propriétaire de la terre) offrait la protection à ses nombreux clients
(hommes libres) qui cultivaient sa terre et en échange ceux-ci soutenaient leur patron dans ses
entreprises politiques et militaires ! Servius Tullius, pour diminuer le pouvoir des aristocrates en cas
de conflit militaire avec l’extérieur, va changer la fides pour la défense de la cité: comme
l’équipement des hoplites (terme grec employé par les premiers romains pour désigner les
fantassins) dépend de leur rang et de leurs biens, il va instituer le cens, basé sur le capital et non plus
sur l’appartenance à une famille et ainsi connaitre le nombre et la richesse des citoyens mobilisables.
49
Tableau chronologique et comparatif des grandes civilisations(D.Parron, 2014)
Dorénavant, les hommes libres ou sodales sont liés par la fides à la défense de leur cité. La société
était divisée en 5 classes, chacune apportant un certain nombre de centuries (100 hommes). A ces
devoirs militaires étaient attachés des droits politiques proportionnels : les centuries de la première
classe votaient en premier et assuraient une majorité absolue à l’Assemblée citoyenne, les plus
pauvres, exemptés du service militaire, étaient regroupés en une seule classe et votaient en dernier.
Ainsi, la monarchie fit place à une timocratie (participation au gouvernement en fonction de la
richesse). Servius Tullius est à l’origine d’autres réformes comme l’invention de l’as signatum, lingot
en bronze dont le symbole imprimé garantissait son poids et sa fonction pré-monétaire; il engagea
une réorganisation urbaine en divisant la ville en 4 quartiers. La fin de la période monarchique
romaine n’est pas claire, pour certains, le dernier Roi, Tarquin le Superbe, était trop tyrannique, pour
d’autres c’est plus généralement à la fin de l’influence étrusque en Italie, mais une chose est sûre,
l’aristocratie à jouer un rôle dans son éviction pour reprendre le pouvoir.
50
L’avènement de la République (Res publica) en -509, coïncida avec l’instauration de la démocratie en
Grèce. Le Roi est remplacé par deux chefs de l’exécutif, les magistrats ou consuls, élus pour une seule
année et chacun ayant un droit de véto sur l’autre ! Ceci était fait pour empêcher le risque de voir un
seul individu reprendre le pouvoir à son compte, la monarchie était donc remplacée par une
oligarchie : tous les postes importants sont occupés par les patriciens et non pas par le peuple, les
plébéiens. Les débuts de la République sont marqués par des conflits extérieurs avec des peuples
italiques comme les Volsques ou les Eques. Grâce à une alliance avec la Ligue latine, ces conflits
seront limités, mais ils subsisteront avec la cité étrusque de Véies. Après une victoire sur celle-ci,
Rome va pouvoir étendre sa domination et gagner en territoire. Tous ces conflits exaspèrent la plèbe,
très endettée, qui défend la cité mais qui subit encore la loi inique des endettés qui peuvent être
punis en devenant les esclaves des créanciers, ceux-ci ayant le droit de vie ou de mort sur cette
classe sociale inférieure. En -495, a lieu la première sécession de la plèbe en refusant d’obéir à la
convocation du consul pour aller en guerre contre les Volsques. Le consul promet d’intervenir en sa
faveur auprès du Sénat (qui n’était composé que de patriciens élus à vie pour s’occuper du trésor
public et de la justice) et accepte donc d’aller au combat ; mais après la guerre, le Sénat refusant de
céder, la plèbe se retire sur l’Aventin (une autre des 7 collines de Rome), c’est l’insurrection du Mont
sacré en -494. Finalement, obligé de céder, une nouvelle magistrature est créée en -493, celle des
tribuns de la plèbe qui pourront s’opposer contre n’importe quelle loi proposée par les Consuls et le
Sénat, c’est la Lex Sacrata. Ils seront secondés par les Ediles plébéiens pour les tâches mineures. Le
nombre de conflits étant élevé, les tribuns de la plèbe vont accroître leur puissance politique ; en 471, ils obtiennent d’être organisés en tribus (selon leur territoire à Rome) et non en curies (selon
leur gens ou appartenance à un groupe familial). Puis ils vont demander que les lois soient écrites.
Après dix ans d’âpres discussions, et d’une seconde sécession suivie d’un autre retrait sur l’Aventin,
ils vont obtenir l’envoi d’une commission à Athènes (ou en Grande Grèce comme étaient appelées
les colonies grecques du sud de l’Italie) en -453 pour transcrire les lois de Solon, homme d‘état
athénien (-640 -558) considéré comme le père de la Démocratie. A son retour, la loi des Douze Tables
sera promulguée en -449 et constituera l’acte fondateur du Droit Romain. Finalement, le
fonctionnement de la République, aux IIIe et IIe siècles, sera centré sur le Sénat qui peut nommer en
cas de guerre un dictateur pour 6 mois et à qui on délègue tous les pouvoirs et sur la Magistrature
composée des Consuls qui ont le pouvoir suprême civil et militaire, des Préteurs, qui administrent les
lois civiles et commandent les armées provinciales, des Censeurs, qui ont en charge le recensement,
de nommer de nouveaux membres au Sénat, ainsi que le Trésor Public. A ces magistrats de haut
rang, élus par les comices centuriates s’ajoutent ceux élus par les comices tributes, les Ediles curules,
qui s’occupent des affaires domestiques dans Rome, les Questeurs, qui sont responsables de la
distribution de l’argent public, et enfin, les Tribuns et Ediles plébéiens, élus par le concile de la Plèbe,
qui eux ont le droit de veto sur les autres magistrats et le Sénat. Dans les territoires éloignés et
nouvellement conquis, c’est un gouverneur ou proconsul qui représente Rome.
La question agraire a été la principale revendication de la plèbe car les paysans dont les terres
étaient insuffisantes pour nourrir, auraient voulu une part de l’ager publicus, territoire publique
entourant la ville, qui avait été en partie récupéré par les patriciens et ajouté à leur latifundiua
(grandes propriétés). Les lois agraires de Licinius et Sextus de -367 permirent à la plèbe d’accéder aux
terres publiques mais sans pouvoir récupérer celles que les patriciens s’étaient adjugées. Les
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agriculteurs obtinrent aussi une baisse des taux d’intérêts des crédits qui étaient la cause principale
de la perte de leurs terres au profit de créanciers avides. Malgré tout, beaucoup furent ruinés et
allèrent grossir le nombre de citoyens sans ressources à Rome. Les dirigeants de la plèbe ayant
obtenu l’égalité politique avec les patriciens notamment le droit de mariage entre les deux classes en
-445, et l’accès au consulat en -367, s’allièrent avec les patriciens pour préserver les privilèges et la
richesse qu’ils avaient acquis en « manipulant » le peuple qui restait dans le besoin ! Celui va être
exclu du pouvoir législatif et exécutif au contraire de ce qui s’était passé en Grèce, par un système de
vote basé sur les centuries comme pendant la monarchie, les plus riches avaient le plus d’électeurs !
En -390, la tribu celte des Senons, va mettre à sac la ville ; seul le Capitole sera épargné grâce aux
oies qui vont donner l’alerte et permettre à l’armée romaine de tenir le temple de Jupiter. Après le
sac de Rome, il y a eu les guerres contre les Samnites, peuple italique habitant les Apennins ; après
une défaite en -321, celle des Fourches Caudines, la victoire de d’Aquilonia en -290, met un terme à
ces guerres et permet à Rome d’annexer toute l’Italie centrale. Mais Rome s’approche des villes de la
côte adriatique qui commercent avec la Grèce comme Tarente ; celles-ci demandent à l’Epire
d’envoyer des troupes pour les protéger. Pyrrhus va débarquer en Italie avec 25000 hommes et vingt
éléphants de guerre en -280; il vainc Rome à Héraclée et se dirige vers Rome. A Ausculum en -279, a
lieu la bataille qui reste fameuse dans l’histoire car le cout humain étant très élevé de chaque côté,
on parlera de « victoire à la Pyrrhus ». Ce dernier est appelé en renfort par les cités grecques établies
en Sicile qui sont attaquées par Carthage. Rome s’allie avec Carthage et bat Pyrrhus en -275 ; celui-ci
rentre chez lui en Epire, ce qui permet à Rome d’étendre sa domination sur presque toute l’Italie.
Chaque pays annexé aura un statut particulier, d’autant moins intéressant qu’il est récent.
En -264, commence la première guerre punique contre Carthage qui convoite la Sicile qui appartient
aux Grecs ; Rome s’inquiète car elle est très proche de l’Italie. Après 20 ans, cette guerre se termine
en -241 par la victoire navale de Rome près des iles Egades : Carthage abandonne la Sicile, la Corse et
la Sardaigne. Puis Rome reconquiert le nord de l’Italie sur les Ligures et les Celtes de la Gaule
cisalpine. Mais Carthage repart à la conquête de l’Espagne déclenchant la seconde guerre punique en
-219. Hannibal bat les Romains en passant par les Alpes avec ses éléphants, et envahit toute l’Italie
en passant par les Apennins. Les Romains, avec Scipion l’Africain, reprennent l’offensive et battent
Hannibal dans la plaine de Zama près de Carthage en -202. Les puniques perdent toutes leurs
possessions en Méditerranée occidentale. Le Sénat décide de détruire Carthage en -146, toute la
Méditerranée et sous la coupe des Romains sauf la Gaule ! Après -146 et la soumission de la Grèce, la
société romaine va encore plus s’ «helléniser » : les esclaves grecs deviennent les médecins des
grandes familles romaines ou précepteurs pour l’éducation de leurs enfants, le Grec devient la
seconde langue, le poète latin Virgile (-70-29) écrit directement en grec ! L’art grec connait une
véritable renaissance au IIe siècle. Les grands auteurs latins sont nombreux : Horace, Cicéron, Varron,
Lucrèce…Ces conquêtes vont amener, outre des esclaves, un afflux de richesses qui va profiter
surtout aux riches Romains, le latin devient obligatoire dans l’administration des peuples soumis
dans l’Empire romain. Ces guerres ont décimé les rangs des paysans, et de nombreuses terres vont
rester incultes, de plus le blé d’importation concurrence ceux qui restent, s’endettent et revendent à
de riches propriétaires. Ils vont migrer en ville et grossir les rangs de désœuvrés de toutes origines :
Italiques, Grecs, esclaves affranchis… Les tensions entre les riches et les pauvres s’accroissent malgré
les tentatives de réforme agraire proposée par les frères Gracques : Tibérius et Caïus Gracchus, qui
vont être assassinés en -133 et -123. Devant la menace des Cimbres et des Teutons, peuples
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germaniques originaires du Danemark, qui ravagent le sud de la Gaule (qui deviendra une province
romaine en -70 sous le nom de Gaule transalpine puis de Gaule narbonnaise sous Auguste et
couvrant actuellement les régions Languedoc-Roussillon et Provence-Côte d’Azur), et d’une guerre
en Afrique du nord menée par Jugurtha (petit fils du Roi numide Massinissa qui fut l’allié de Rome
contre Carthage), le Consul Marius (-157 -86) propose en -107 une réforme militaire profonde, dite
réforme marianique : il s’agit d’admettre dans l’armée des soldats prolétaires, c'est-à-dire nonpropriétaires terriens , qui seront rémunérés, soldes et lots de terre offerts à leur retraite; c’est donc
remplacer une armée de citoyens par une armée professionnelle ! De nouvelles difficultés surgissent
à nouveau : déclaration d’indépendance de l’Hispanie en -71, nombreux pirates qui gênent les
échanges maritimes entre Rome et ses provinces, révolte d’esclaves menée par Spartacus (que l’on
dit d’origine Thrace) en -73, … Les généraux Pompée et Crassus châtient durement ceux ci : ils sont
crucifiés le long de la via appienne ! Ils obtiennent le consulat conjointement en -70 puis Pompée
repart pour reprendre le royaume du Pont à Mithridate VI qui a repris les armes mais qui y laissera la
vie. En -63, le Proche Orient est reconquis. Pompée revient à Rome fort de son aura et se fait élire
consul avec Crassus et Jules César pour former le premier triumvirat de l’historie romaine. César
obtient le consulat en -59 pour un an, puis cède le pouvoir à Crassus et Pompée et devient
gouverneur des Gaules cisalpine et transalpine, et de l’Illyrie. Petit à petit dans toute l’Europe
moyenne, les tribus celtes au IIe et Ier siècle avant JC, ont prospéré et sont devenues des sociétés
monarchiques grâce au commerce avec Rome et ont développé une nouvelle occupation du
territoire, celle des oppida qui sont des villes puissamment fortifiées aussi bien en plaine que sur des
hauteurs. En -58, la tribu des Helvètes, en quittant massivement la Suisse pour s’installer en
Saintonge, va déclencher la Guerre des Gaules qui sera relatée par César lui-même ; cela va
déstabiliser toute la région du centre de la Gaule, les Eduens installés à Bibracte, vont alors
demander l’aide de César. Mais de nombreuses tribus vont se révolter contre les armées romaines se
trouvant en Gaule sous l’autorité d’un jeune aristocrate arverne, Vercingétorix. De -58 à -51, César
conquiert (toute ?) la Gaule après la défaite de Vercingétorix à Alésia en -52. Il octroie la citoyenneté
romaine aux chefs gaulois qui sont prêts à le servir et leurs guerriers serviront de troupes auxiliaires
dans l’armée romaine. Les archéologues français en feront la date qui marque la fin de l’âge des
métaux et le début de l’Antiquité gallo-romaine.
Site de Bibracte (Saône et Loire), capitale de la tribu gauloise des Eduens
53
Reconstitution du camp romain sur le site d’Alésia (Côte d’Or)
Pendant ce temps, Crassus trouve la mort en -53 dans la guerre avec les Parthes (peuple iranien).
Pompée se fait élire Consul unique par le Sénat en -52 et supprime le droit d’intercession des tribuns
de la plèbe, mais César, qui a le soutien de la plèbe, déclenche la guerre civile en franchissant le
Rubicon avec son armée en -49 (pour protéger Rome, nul général n’avait le droit de franchir ce fleuve
séparant l’ex-Gaule cisalpine des territoires latins) et marche sur Rome : Pompée s’enfuit mais il sera
battu plus tard à Pharsale en Grèce d’où il s’enfuit de nouveau pour aller se refugier en Egypte, où il
sera assassiné ! Ses derniers partisans sont battus en Afrique du nord en -46. César organise alors son
pouvoir absolu en se faisant nommer par le Sénat Dictateur à vie en -44 ; mais il est assassiné à son
tour aux ides de Mars -44 (15 Mars) par Brutus, le fils de sa maitresse Servilia, et Cassius. A sa mort,
un second triumvirat se constitue avec Octave, fils adoptif de César, Marc Antoine, lieutenant de
César et Lépide, proconsul de la Gaule. Ils vont se partager le monde, Octave l’Occident, Marc
Antoine l’Orient et Lépide l’Afrique. Marc Antoine va en Egypte épouser Cléopâtre, l’ancienne
maîtresse de César ; Octave ayant destitué Lépide, Octave va déclarer la guerre à l’Egypte de
Cléopâtre et remporte en -31 la bataille navale d’Actium, sur la côte ouest de la Grèce. Cléopâtre et
Marc Antoine se suicident en -30. Octave va faire passer en -29 toute une série de réformes
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constitutionnelles qui mettra un terme à la République. Toutes ces guerres civiles et ces conflits à
l’étranger ont vidés de leur contenu les institutions politiques de la République mais elles ont permis
de construire une puissance économique. L’agriculture est basée sur des latifundiua de plus en plus
grands en pouvant utiliser une main d’œuvre servile bon marché : on parle d’un million d’esclaves
arrivant à Rome pendant la conquête de la Gaule. Le commerce maritime est florissant avec un quasi
monopole de la flotte romaine sur toute la Méditerranée. Cela se traduit dans l’architecture par le
développement de nombreuses villes qui auront comme Rome, un forum et des temples, des
aqueducs pour leur besoin en eau, des quartiers résidentiels avec des villas somptueuses, mais aussi
des quartiers où la majorité des habitants vivent dans des conditions précaires dans des insulae
(habitations collectives en location). Rome est restauré et on y construits de nouveaux édifices : par
exemple, sur le Forum romanum, César fait restaurer la basilique Aemilia et en fait construire une
autre qui porte son nom, la basilique Julia. Vers -50 Rome comptait 1 million d’habitants.
Le Forum de Rome vu du Capitole avec à droite le Palatin boisé avec ses riches villas, au centre la
basilique Julia et le Colysée au fond
Octave devient Imperator le 13 Janvier -27 après un long discours au Sénat, le 16, il reçoit le titre
d’Auguste, c'est-à-dire le pouvoir absolu et va accroitre l’Empire romain autour de la Méditerranée ;
il consolide les 5 provinces danubiennes de son Empire ; d’ouest en est, la Rhétie en -15 (Bavière,
Tyrol et canton suisse des Grisons actuels), les Rhètes étaient des celtes, leur latin évoluera en
romanche (4e langue en Suisse, parlé uniquement dans les Grisons à ne pas confondre avec le
Romand ou franco-provençal) , le Norique (l’Autriche actuelle), autre peuple celte, la Pannonie, qui
avec la Dalmatie, formait l’ancienne Illyrie dont les habitants, les Illyriens, ont été envahi au IVe siècle
par les Celtes et romanisés entre -12 et -9, la Dacie, Roumanie actuelle, habitée par les Daces (tribu
55
du peuple thrace) et la Mésie, peuple thrace romanisé en -44, divisée en 2, la Mésie supérieure
correspondant à la Serbie actuelle et l’inférieure à la Bulgarie actuelle. Sauf pour la Dacie qui était
isolée sur la rive gauche du Danube, toutes ces provinces avaient le Danube comme frontière nord et
constitué donc ce que Rome appelait le limes. Au nord de ce limes étaient installés des peuples
germains qui faisaient le coup de main de temps en temps contre l’Empire : les Marcomans installés
en Moravie après avoir été chassés de la région du Main entre Rhin et Danube, et les Quades qui
avaient chassés des tribus daces du sud de la Slovaquie et qui exerçaient une pression constante au
nord du Danube !
Auguste s’intéresse aux problèmes religieux, il est Pontifex maximus (grand pontife) depuis -12, il a
été augure, donc chargé d’interpréter les phénomènes considérés comme des présages divins. De
nombreux temples sont rénovés et/ou construits, il réorganise la religion romaine traditionnelle.
Celle-ci est née du syncrétisme résultant d’apports religieux et culturels des nombreux pays avec qui
Rome était en contact depuis plusieurs siècles. Mais il faut souligner que le principal apport vient des
civilisations grecques. Auguste a également traité des problèmes de succession étant souvent
malade : pour assurer la stabilité du règne de son successeur, celui-ci devra être membre de la
famille impériale et avoir l’imperium consulaire (ce qui lui donne le pouvoir militaire hors de Rome et
civil dans Rome) et la puissance tribunitienne (ce qui le rend intouchable). A sa mort en 14 AD (=Anno
Domini ou Année su Seigneur), c’est Tibère qui prend le pouvoir et qui inaugure la lignée des JulioClaudiens. Elle durera jusqu’en 68 AD, à la mort de Néron qui meurt sans succession. Après une
courte guerre civile, « on » se met d’accord sur une nouvelle légitimité pour accéder à ce rang
d’Empereur : les victoires militaires. Flavius Vespasianus (69-79 AD) sera le premier de la dynastie des
Flaviens qui régnera de 69 à 96. On lui doit la construction du Colisée (ou amphithéâtre Flavien),
inauguré en 80, où se déroulaient les fameux combats de gladiateurs et où les premiers chrétiens
furent livrés aux fauves.
Le Colisée à Rome
Après le règne de Titus, le premier fils de Vespasien, c’est Domitien, le second fils, qui prend le
pouvoir en 81. On lui doit la conquête de la Bretagne (en fait Grande-Bretagne actuelle) et de la
Germanie occidentale. Mais la situation est plus difficile sur le Danube car les Daces se sont fédérés
sous l’autorité de Decebal en 87. Domitien intervient personnellement avec sa garde prétorienne
mais sans succès, Decebal devient un roi-client et perçoit des subsides.
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Le visage de Decebal gravé sur la paroi des Portes de fer du Danube (côté roumain)
Domitien, très autoritaire et violent sera assassiné en 96. A nouveau, l’Empire est confronté à un
problème de succession ; c’est Nerva, un sénateur qui assure « l’intérim » et qui inaugure la dynastie
des Antonins. Pour éviter la guerre civile, il adopte Trajan en 97. Celui-ci sera considéré comme le
meilleur des empereurs romains. Sous son règne, de 98 à 117, l’Empire romain atteint son maximum
après la conquête de l’Arménie et de la Mésopotamie (partie occidentale de l’Empire parthe), du
royaume nabatéen de Pétra qui devient la province d’Arabie Pétrée. La Dacie est annexée entre 101
et 105 ; la victoire romaine est due à un exploit technique : la construction d’un pont sur le Danube
de Kladovo sur la rive serbe à Drobeta sur la rive roumaine à l’est des Portes de fer (il est resté le plus
long pont du monde pendant près d’un millénaire). Pour commémorer cette victoire sur les Daces de
Decebal qui, vaincu, s’est suicidé, Trajan a fait ériger la célèbre colonne trajane sur le tout récent
forum Trajan à Rome.
La colonne trajanne
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L’Empire romain à son maximum en 116 AD
Mais la conquête de la Mésopotamie est de courte durée car il doit faire face à la guerre de Kitos,
révolte des exilés, en référence à la déportation des habitants du royaume de Juda après sa
destruction en -587 par les Babyloniens de Nabuchodonosor II dans plusieurs régions de Babylonie ;
c’est d’ailleurs là que ces idolâtres de Yahvé vont commencer la rédaction de la Bible sous l’influence
des Zoroastriens qui sont également monothéistes. Zoroastre était un penseur iranien né au VIIe
siècle avant JC qui critiqua la religion perse mazdéenne et prétendit qu’il n’y avait qu’un seul dieu
Ahura Mazda. Les Perses Achéménides n’en firent pas leur religion d’Etat mais ils représentèrent à
Persépolis, un de ses symboles, le Faravahar qui symbolise l’ange gardien de l’individu.
Faravahar à Persépolis, Iran
Les soulèvements ont eu lieu dans les villes de l’empire parthe où il y avait une forte communauté
juive comme à Edesse, que Lusius Quietus fait raser et dont le Roi Abgar VII est mis à mort, puis
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s’étendent à tout l’Empire romain entre 115 et 117 : la Cyrénaïque, où les temples païens romains
sont détruits et les habitants massacrés, l’Egypte, Chypre. En Judée, Lydda est prise par Lusius
Quietus qui vient d’être nommé gouverneur de Judée et fait exécuter tous les révoltés jusqu’au
dernier ! Malgré cette répression inouïe, les Romains se retirent du Moyen Orient en 117. Trajan
meurt peu de temps après. Notons que les Romains ne font pas au début une différence entre Juifs
et Chrétiens, ces derniers n’étant pour eux qu’une secte juive parmi d’autres. La séparation entre
Judaïsme et Christianisme daterait de la fin du Ier siècle et le début du second, quand, après la
crucifixion de Jésus de Nazareth par les Romains, ses Apôtres et ses Disciples qui ont reconnu le
Messie en Jésus Christ, vont répandre son enseignement et fonder les premières communautés
chrétiennes. Le terme grec de christ est l’équivalent de celui de messie en sémitique. La Bible se
compose de deux ensembles d’écrits variés datant de -800 à 200 AD, l’Ancien Testament ou Bible
hébraïque, qui prophétise un personnage, le Messie, qui viendra restaurer le Royaume de Dieu, et le
Nouveau Testament qui est centré sur la personne de Jésus ; la Bible hébraïque est la source du
Judaïsme, l’Ancien et le Nouveau Testament sont vraiment les textes fondateurs du Christianisme.
Même le Coran, le livre de l’Islam, reprend des passages de l’Ancien Testament, notamment la
prophétie de la venue de Mahomet. Ces textes sont donc très importants dans l’histoire de
l’humanité car ils concernent les trois grandes religions monothéistes du monde contemporain. C’est
pendant le règne de Trajan et de son successeur, Hadrien (117-138), que l’Empire romain connait son
apogée. Hadrien sécurise les limes de son empire, comme avec la construction du mur d’Hadrien en
Bretagne et la démolition du pont de Trajan sur le Danube pour éviter le passage des barbares.
Depuis le règne d’Octave surnommé Auguste en -29 et jusqu’à la mort de Marc-Aurèle en 180 AD, on
parlera de Pax romana au cours de laquelle l’Empire romain impose son autorité et sa protection à
tous les peuples conquis, c’est une période de paix propice à la diffusion du mode de vie romain,
notamment dans la construction des villes et des voies romaines (période gallo-romaine en Gaule).
Mais sous les derniers Antonins, l’Empire entre dans une période moins faste : les peuples germains
exercent une grande pression aux frontières de l’ouest et de l’est, arrive de l’armée d’Orient une très
importante épidémie de peste dite « antonine » qui atteint Rome vers 166. Le maximum de la crise
entre 192 et 268 est marqué par une succession de nouveaux empereurs nommés par l’autorité
militaire puis assassinés peu après ! L’Empereur Dèce déclenche une première persécution générale
des chrétiens (249-251) ; il sera tué pendant les guerres contre les Goths. Certains ont pris le contrôle
des Gaules (Empire des Gaules de 260 à 274) pour assurer le limes sur le Rhin ! C’est pendant cette
période que Victorin, un des empereurs dissidents des Gaules va mettre à sac en 270 la ville d’Autun
(Augustodunum haeduorum) qui s’était ralliée à Claude II dit le Gothique, empereur « légitime » de
Rome et vainqueur des Goths à Niš (Naissus) en Serbie (et mort de la peste en 270 à Sirmium ou
actuellement Srem Mitrovica en Serbie, à une soixantaine de km à l’ouest de Belgrade. Depuis le IIe
siècle, Autun était devenue une « capitale » universitaire de L’Empire romain occidental, avec ses
écoles prestigieuses formant des légistes, des avocats et des hauts fonctionnaires des l’Empire. On lui
doit également le premier recueil des panégyriques latins, réunissant les discours exaltant les succès
de Constantin et les efforts de la ville pour renaître de la ruine! On voit aussi apparaitre un empire
dissident entre 260 et 273, celui de Palmyre au Proche Orient, dirigé par la reine Zénobie qui fit de
Palmyre la capitale de l’Orient. Les Alamans, les Saxons et les Francs franchissent le Rhin et
dévastent la Gaule, les légions romaines sont écrasées par les Goths sur le Danube.
59
Le théâtre d’Autun pouvait recevoir 12000 spectateurs
La période suivante (284-476) est appelée Bas Empire ou Antiquité tardive. Dioclétien est proclamé
Auguste par l’Armée d’Orient et vainc le dernier empereur « légitime » Carin. Il comprend qu’il ne
peut pas diriger l’Empire seul et nomme Maximien comme lui Auguste ou coempereur et chacun
aura un césar qui les remplaceront dans 20 ans, Galère et Constance Chlore. Ce système est appelé
Tétrarchie, Dioclétien s’occupe de l’Orient, Maximien de l’Italie et de l’Afrique, Constance de
l’Espagne, Gaule et Bretagne, Galère de l’Illyrie, de la Macédoine et de la Grèce. La sécurité revient
aux frontières ; en 297 Galère mènent une campagne contre les Bastarnes (tribu celte scordisque) et
les Carpes (tribu dace) ; puis il fait appliquer la grande persécution contre les chrétiens décrétée par
son « supérieur », l’empereur Dioclétien en 303, et qui ôte la citoyenneté romaine aux chrétiens,
ordonne la destruction des églises et l’emprisonnement du clergé. En 305, les deux Augustes
abdiquent le même jour et laissent la place à Galère qui s’occupe de l’Orient et à Constance qui
prend la charge de l’occident. En 311, Galère publie l’édit de tolérance ou de Serdika, sa ville natale
(actuellement Sofia en Bulgarie), qui donne pour la première fois, la liberté de culte aux chrétiens, ce
qui met fin à leur persécution. Il va réorganiser l’empire en multipliant le nombre de provinces qui
seront regroupées en diocèses avec à la tête un vicaire et en le divisant en deux, l’Orient et
l’Occident : pars occidentalis et pars orientalis. Son édit ne sera pas mis en œuvre car Galère meurt
en mai 311 ; il faudra attendre 313 pour que, par l’édit de Milan, Constantin, son successeur en
Orient, officialise la nouvelle situation des chrétiens. Après la mort de Galère, la tétrarchie va
devenir une diarchie car Constantin se « débarrasse » de Maxence, l’autre auguste d’orient, et du
côté occidental, Lucinius se défait de Maximin Daïa. Finalement c’est Constantin Ier, le fils de
Constance, qui sera seul Empereur en 324.
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Vestiges romains datant de l’époque de l’édit de tolérance à Sofia (ex Serdika)
Regroupement en diocèses de l’empire romain sous Galère (d’après Wikimedia Commons)
Le nouvel empereur est converti au christianisme depuis 312 mais ne sera baptisé qu’en 337 sur son
lit de mort. Il réunit le concile de Nicée en 325 pour débattre des tendances du christianisme,
notamment de l’arianisme: Arius, théologien d’Alexandrie, considérait que Jésus était différent en
61
nature de Dieu (anomoisos) à la différence de la majorité des évêques pour qui Jésus était d’essence
divine (homoiousos), ce qui est la base même du dogme trinitaire : le Père, le Fils et le Saint
Esprit que l’on peut illustrer par l’Annonciation faite par l’ange Gabriel à la vierge Marie: « le Saint
Esprit viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre. C’est pourquoi l’enfant
qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu », on voit bien le Père dans les cieux, le Fils dans le sein de
Marie et l’Esprit Saint descendant du ciel pour la féconder.
Il fonde la ville de Constantinople à l’emplacement de la cité grecque de Byzance et il y fait bâtir
l’église de la sagesse (Sainte Sophie). Il lutte contre les Goths sur le Danube. A partir de 330 il fait
établir la cour et l’administration centrale à Constantinople. A sa mort en 337, et jusqu’en 360, ce
sont les Constantiniens qui vont régner. Julien l’Apostat (361 à 363), neveu de Constantin, va tenter
de restaurer les anciens dieux ; en 378, Théodose met fin à la neutralité officielle en déclarant le
paganisme hors la loi ! C’est sous son règne que le christianisme va devenir religion d’Etat ; à sa mort,
en 395, il partage l’Empire romain définitivement en 2 pour ses 2 fils : Honorius aura l’Occident et
Arcadius l’Orient. En 476, le dernier empereur à Rome, Romulus Augustule est déposé par le germain
Odoacre, ce qui sera pris comme la date des la fin de l’Empire romain occidental et le début du
Moyen-âge.
13-Les invasions « barbares » et leurs conséquences linguistiques
Les Huns, chassés d’Asie, vont déclencher un formidable jeu de billard en chassant à leur tour tous
les peuples germaniques d’Europe centrale qui vont migrer à leur tour à l’intérieur des frontières de
l’empire romain : ce sont les grandes invasions barbares ! Les Goths vont s’installer vers l’Ukraine et
la Biélorussie venant du nord (du Danemark et du sud de la Scandinavie) par la Vistule entre -3100 et
-2100 environ ; ils vont former avec les peuples autochtones (Scythes, Sarmates, Daces, Vénètes du
Dniepr) une fédération de peuples « barbares » de culture unique, celle de Tcherniakhov. Vers le Ve
siècle, ils se séparent en 2 après un premier affrontement avec l’Empire romain, les Wisigoths et les
Ostrogoths. Leur langue est l’ostique, l’une des 3 branches des langues germaniques. A l’arrivée des
Huns, les Wisigoths franchissent le Danube, poussés par les Ostrogoths, et demandent la protection
des Romains, mais celle-ci est insuffisante ce qui provoque leur révolte et à la bataille d’Andrinople
en 378 pendant laquelle l’Empereur Flavens est tué. Les Wisigoths vont ensuite ravager les Balkans
62
Les grandes invasions barbares (D’après Wikimedia)
et l’Italie où ils mettent à sac Rome en 410 AD ; les Romains achètent leur départ en leur offrant la
province d’Aquitaine ; de là ils vont occuper la péninsule ibérique en créant le royaume wisigothique.
Les Ostrogoths, après avoir été chassés par les Byzantins, vont fonder un royaume dans le nord de
l’Italie. Dans ces 2 royaumes, il ne restera que peu de traces dans les langues actuelles.
Du côté ouest, les peuples germaniques, Vandales, Francs, Alamans, Burgondes, Alains, Suèves,
franchissent le Rhin gelé en 406 et envahissent toute la partie occidentale de l’Empire romain ; les
Vandales pénètrent en Gaule, puis en Ibérie où ils s’installent en Andalousie, d’où le nom
Vandalousie qui restera après l’invasion arabe comme al Andalus, mais sont chassés par les
Wisigoths ; ils continuent en Afrique du nord et conquièrent l’est du Maghreb où ils fondent le
royaume de Carthage après avoir pris la ville en 439 ; de là, ils vont piller Rome en 455. Leur héritage
linguistique est maigre sauf dans de nombreux langages modernes où le terme Vandale est
synonyme de pillard ! Les Suèves vont occuper le nord ouest de la péninsule ibérique (l’actuelle
Galice) pour y former un royaume qui va de 410 à 584 ; ils sont originaires des bords de la Baltique.
63
Les Alamans, qui font partie des peuples suèves, venus des bords de l’Elbe et du Main, vont
conquérir une partie orientale de la Suisse, (la Suisse alémanique actuelle), le pays de Bade et une
partie de l’Alsace. Ils vont germaniser ces pays qui étaient déjà romanisés, seront avec les Francs à
l’origine du westique puis de l ‘allemand . Les Burgondes viennent de l’ile de Bornholm en Mer
Baltique, ils créent un royaume de Bourgogne de 443 à 534, s’étalant sur la Suisse romande, le quart
centre-est de la France et une partie des Alpes italiennes. Les Alains sont à l’origine des guerriers
scythes iranophones qui ont fui devant les Huns pour se retrouver en Germanie. Ils entrent en Gaule,
où ils laissent très peu de traces, puis en Hispanie puis en Afrique du nord en suivant les Vandales.
Les Francs et les Burgondes vont nous offrir un bel exemple d’évolution linguistique dans la Gaule
celtique. En effet, le latin va devenir la langue officielle en Gaule pour la classe dirigeante à partir de 200 environ ; le peuple va intégrer le latin dans son langage pour aboutir à un idiome roman, un
substrat lexical commun à toutes les langues romanes postérieures. Ainsi, les Francs qui vont envahir
le nord de la Gaule venant de la rive droite du Rhin, parlaient le Francique ; au cours du temps cette
langue va influencer le roman pour évoluer en langue d’oïl puis en français. On dit que le Francique
est un superstrat de la langue d’oïl. Dans le tiers sud de la Gaule, c’est l’évolution de l’idiome roman
qui va donner la langue d’oc encore parlée de nos jours. Il existe une troisième langue issue du galloromain dont l’origine est plus controversée; il s’agit du franco-provençal ou arpitan. Il suffit de
comparer l’aire géographique du royaume des Burgondes au 5e siècle (sans ses extensions maximales
au Nord et au Sud) et l’aire de répartition du franco-provençal pour affirmer sans trop se tromper
que le burgonde doit être un superstrat de l’arpitan qui se développe au 8e siècle!
Le franco-provençal ou arpitan est surtout parlée en Suisse romande, dans les Alpes italiennes (vallée
d’Aoste et vallées piémontaises) ; en France, il était parlé dans toute la région Rhône-Alpes (Savoie,
Forez, Lyon, Bresse, Dombes, Gex, Bugey, nord-Dauphiné, Allier, Saône et Loire) mais il a été
combattu à l’école et a presque disparu aujourd’hui.
Dans toutes les autres régions de l’Empire romain, l’emploi du latin va se généraliser comme en
Gaule, c’est à dire en l’intégrant plus ou moins avec les langues régionales d’origine. Avec l’arrivée
massive du christianisme, l’Eglise autorise toutes ces formes orales du latin vers 750 AD, ce qui va
entrainer par évolution, l’apparition des langues romanes : le castillan, le portugais, le français,
l’occitan, l’italien, le roumain, le catalan,le franco-provençal...
64
Comparaison entre les aires du Royaume burgonde et du franco-provençal
65
Plus au nord, les barbares agissent sous la propre autorité de leur souverain, et s’installent en
accaparant les terres des peuples déjà installés, comme les Bretons spoliés par les Angles et les
Saxons en Bretagne car ils n’ont plus la protection des légions. L’anglais nait vers -4000 (vieil anglais,
puis, avec l’invasion normande en 1066, nait l’anglais moyen par adjonction de nombreux mots
français ; de là on passe progressivement à l’anglais moderne qui deviendra la langue officielle
internationale.
La langue slave est parlée vers -3000 quelque part entre la Biélorussie, l’Ukraine du nord ou la Russie
occidentale, par un seul peuple jusqu’au VIe siècle AD ; puis ils migrent :
•
•
•
Vers le sud dans les Balkans où leur langue évolue en bulgare, serbe, croate et
bosniaque
vers l’Elbe sur les terres libérées par les Germains pour évoluer en polonais,
tchèque, slovaque
Et vers l’est où la langue va donner le russe, l’ukrainien et le biélorusse.
C’est l’Empereur byzantin Michel III (842-867) qui envoie en Moravie, les moines Cyrille et Méthode,
à la demande du prince Rustilav, pour évangéliser les peuples slaves et créer une Eglise orientale ; ils
créent un alphabet glagolitique (mot slave signifiant dire) et traduisent en slave les textes religieux;
plus tard une nouvelle graphie plus commode est adoptée (sauf en Croatie) : le cyrillique. La langue
de l’Eglise orthodoxe est le slavon qui va évoluer pour donner les différentes langues slaves.
La question des origines des langues germaniques et slaves est très controversée : pour les tenants
du modèle des kourganes comme Majita Gimbutas, la culture des haches de combat serait issue des
migrations IE et serait à l’origine du rameau septentrional des langues IE : germano-slave et baltes.
Cette culture, dite de la céramique cordée (de -3000 à -2200), est importante pour l’âge du Bronze
européen ; en effet, elle s’étend de la Russie au nord est de la France et aux Pays Bas en passant par
la Scandinavie du sud où elle prend le nom de culture des tombes individuelles et plus au nord de
culture des haches de combat. Pour moi, son origine viendrait d’une évolution de la culture des
vases en entonnoir (TRB ou Trichterbecherkultur), elle même issue de celle d’Ertebølle au
Néolithique moyen d’après mon modèle de néolithisation réciproque entre les colons néolithiques et
les peuples mésolithiques. La néolithisation au Danemark et au sud de la Scandinavie s’est produite
vers -4800 alors qu’elle a eu lieu entre -5300 et -5000 en France. De plus, elle a du aboutir à la
naissance d’un proto-germano-slave et non pas d’un proto-celte. Autrement dit, il n’y aurait pas eu
de migration IE de type kourgane de l’est vers le nord ouest, mais plutôt une arrivée de colons
anatoliens par l’Atlantique, situé à l’ouest.
14-Le Moyen-âge et la construction des Etats européens
Corrélativement à l’effondrement de l’Empire romain occidental, les peuples germains chassés par
les Huns vont s’installer en Europe occidentale. Bientôt, on assiste à une phase se stabilisation entre
eux. C’est la christianisation qui va jouer un rôle de « fixation » de ces peuples ; à la fin du 1er
siècle, les premières communautés chrétiennes s’organisent en églises clandestines : un évêque à sa
tête, un prêtre pour célébrer le culte, et un diacre pour gérer les questions pratiques. Après la
66
conversion de Constantin en 312, cette organisation va se répandre au grand jour : chaque province
aura un évêque et seront tous sous l’autorité de l’Eglise de Rome, la Papauté apparaitra à partir de
Damase en 366. D’autres papes comme Grégoire le Grand vont accélérer l’évangélisation dans tous
les pays et pour toutes les classes sociales ; ainsi des princesses converties vont servir à convertir les
chefs guerriers « barbares » comme c’est le cas de Clovis le chef des Francs et de Récarède le chef
des Wisigoths en Espagne. L’Eglise va même s’appuyer sur ceux-ci pour défendre les villes contre
d’autres chefs moins coopératifs ; les papes de Rome étant menacés par les visées expansionnistes
des Lombards vont faire appel à Pépin le Bref pour les défendre !
Les Ostrogoths, d’abord installés en Pannonie, s’emparent de l’Italie sous Théodoric, et après 3 ans
de siège, en 493, Théodoric s’empare de Ravenne et tue Odoacre. Son but était de créer une
confédération germanique contre l’Empire romain d’Orient mais n’y parviendra pas. Le royaume des
Ostrogoths va durer de 493 à 553. Les Francs se sont établis dans le nord de la Gaule et de la
Belgique au temps de la Pax Romana en toute légalité vis-à-vis de Rome. Childéric Ier est le premier
roi historique de la dynastie mérovingienne qui doit son nom à Mérovée son père. Le royaume des
Mérovingiens va s’accroitre jusqu’à la Loire après la victoire de Clovis, son fils, sur le romain Syagrius
en 486. En 496, Clovis bat les Alamans à Tolbiac, et en 497 il se convertit au christianisme à Reims. En
507, il bat les Wisigoths à Vouillé mais ce n’est qu’en 534 que les Burgondes sont soumis sous
Clotaire Ier , le fils de Clovis à la bataille d’Autun. Mais la tradition germanique voulant qu’à la mort du
roi, les héritiers se partagent le royaume, il y aura en fait 3 royaumes : la Neustrie à l’ouest,
l’Austrasie au nord et la Bourgogne à l’Est. Le royaume ne sera unifié que pendant de courtes
périodes et notamment sous Dagobert 1er. Ensuite, du règne de Thierry III à celui de Childéric III, de
673 à 751, c’est la période des « rois fainéants » pendant laquelle le pouvoir est exercé par les maires
du Palais (la plus haute distinction après le Roi)! Pépin de Herstal, maire du palais d’Austrasie et
contrôlant la Neustrie et la Bourgogne, après sa victoire de Tertry en 687 ; il annexe la Frise en
battant les Frisons en 689 et meurt en 714 ; son fils Charles (appelé plus tard Charles Martel) devient
à son tour maire du Palais et consolide le royaume après avoir défait des armées de Neustrie et de
Bourgogne. Il soumet les Alamans et les Thuringiens et reconquiert la Bavière. Charles Martel va
lancer une double offensive à l’ouest et à l’est, dans la vallée du Rhône ; il bat à Poitiers, en 732, les
Arabes qui ont conquis toute l’Espagne et une partie de l’Aquitaine en franchissant les Pyrénées à
l’ouest, puis il va combattre ceux qui les ont franchis à l’est, en s’emparant de la Septimanie, des
villes d’Arles, d’Avignon , de la vallée du Rhône, d’une partie de la Bourgogne ( Autun est pillée en
725) mais en échouant devant Sens. Charles Martel va les refouler jusque dans le sud de la France et
va les battre à la bataille de la Berre (étang de Bage-Sigean) en 737 sans, toutefois, pouvoir reprendre
Narbonne. Il a mis sur le trône 3 rois, Clotaire IV, Chilpéric II et Thierry IV, mais à la mort de ce
dernier il décide de prendre le pouvoir lui-même. A sa mort en 741, son fils Carloman reçoit l’est du
royaume franc : l’Austrasie, la Souabe et la Thuringe, son autre fils, Pépin le Bref, l’ouest : la Neustrie,
la Bourgogne, la Provence. En 743, le dernier roi mérovingien, Childéric III, est couronné, en 747,
Carloman se fait moine, le Pape Zacharie donne son accord pour déposer Childéric qui est envoyé
dans un monastère.
En 751, c’est le début du règne des Carolingiens avec le sacre à Soissons de Pépin le Bref comme roi
de tous les Francs par le légat du Pape. On a parlé de renaissance carolingienne (ou renovatio
imperii). Ce terme est un peu fort car il y a eu une continuité de la culture latine dans les royaumes
barbares tant son influence était grande. Par exemple, en maintenant les écoles antiques où étaient
67
dispensés les arts libéraux, les rois barbares y voyaient aussi leur intérêt politique en formant des
cadres pour leur propre administration. Au fur et à mesure, elles sont remplacées par des écoles
chrétiennes qui se répandent dans toute l’Europe entre le VIe et VIIIe siècle à l’initiative des évêques
qui, eux aussi, voulaient former leurs clercs (le diacre, celui qui gère le bien matériel, le prêtre qui est
le seul à pouvoir représenter le Christ par des sacrements, l’évêque qui à l’autorité apostolique
locale). Ces écoles sont d’abord de la responsabilité du prêtre au niveau de la paroisse (écoles
paroissiales) ou de l’évêque (ou écoles épiscopales). Les monastères vont également assurer
l’instruction des futurs moines (novices ou oblats) dans les écoles monastiques. Les premiers moines
sont apparus au IIIe siècle en Orient, ce sont des ermites ou anachorètes puis les moines vont se
regrouper, comme préconisé par saint Benoit de Nursie en 549, et se répandre en Occident au Ve
siècle. Dans ces monastères de modèle bénédictin, la pratique irlandaise puis anglaise, dont
l’enseignement est basé sur la Bible, est la plus active en Europe occidentale, jusqu’en Gaule et en
Germanie. En Italie, c’est surtout l’influence orientale qui se fait sentir. L’activité des écoles et des
scriptoria (ateliers dans lesquels les moines copiaient les livres manuellement) des monastères va
ainsi préparer la renaissance carolingienne. Ainsi, Saint Colomban (540 à 615) venant d’Irlande va
faire construire le monastère de Luxeuil (Vosges) qui, avec des influences venant d’Italie du nord,
deviendra un centre de production de manuscrits enluminés (on parle d’enluminure mérovingienne
comme d’une école artistique). Un autre moine, Alcuin, anglais celui-ci, né en 732 à York en
Northumbrie, est envoyé par son évêque à Rome en 780 pour rencontrer le Pape ; au retour, à
Ravenne, Alcuin va rencontrer le futur Charlemagne ; celui-ci, séduit par son intelligence, lui propose
de le suivre à Aix la Chapelle pour entrer à l’école du Palais. Alcuin va devenir l’inspirateur de
l’idéologie impériale, fondée sur le modèle romain des empereurs Constantin et Théodose, d’où le
couronnement de Charlemagne comme Empereur d’Occident. Il va inspirer le capitulaire de
L’Admonition générale de 789 dans lequel il préconise l’instruction du clergé pour avoir de bons
prêtres pour encadrer les fidèles et de bons moines pour prier Dieu pour le salut du peuple. Alcuin
enseigne les arts libéraux à la cour d’Aix la Chapelle en latin classique qui devient la langue officielle
de l’administration et de l’église ; mais les prêtres auront aussi le devoir de s’exprimer dans les
langues vernaculaires comme le roman en Francie occidentale ou le tudesque en Francie orientale (
le tudesque désigne tout ce qui est germain pendant le Haut Moyen-Age, et doit sans doute désigner
le langage westique dans ce cas précis). Infatigable réformateur, il va écrire de nombreux ouvrages et
350 lettres, puis, une fois établi à l’abbaye de Saint Martin de Tours, il développe un atelier de
copistes qui deviendra le plus important d’occident avec, notamment la production de 50
exemplaires de la Bible enrichis de ses propres commentaires ; c’est celle-ci (la Vulgate) qui sera
choisie comme la référence officielle de l’Eglise catholique par le concile de Trente. Ces copistes vont
abandonner l’écriture romaine pour la minuscule caroline et vont utiliser le parchemin à la place du
papyrus.
Le nouveau Pape, Etienne II, et Pépin passent les accords de Ponthion et de Quierzy sur Oise en 754 :
le Pape accorde son soutien spirituel à Pépin et ce dernier protège l’Eglise de Rome contre les
Lombards et son roi Astolf en créant un état pontifical. Après quelques campagnes victorieuses
contre les Lombards, ceux-ci cèdent Rome, l’exarchat de Ravenne (territoire appartenant à l’Eglise de
l’empire byzantin !), les provinces d’Emilie et de Pentapole, désormais états pontificaux. Il reprend
Narbonne en 759 et chasse les Arabes de Septimanie. Il meurt en 768 à l’abbaye de Saint Denis. Il a
prévu de partager son royaume en 2 pour ses fils. Après une coexistence pacifique entre les 2 frères,
Carloman meurt en 771 et Charles en profite pour s’emparer de son royaume au détriment de ses
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neveux. Monarque guerrier, il va, à la demande du pape, partir en guerre contre les Lombards ,
peuple germain du nord (Scandinavie) et leur Roi Didier, il met le siège devant Pavie qui finit par
tomber en 774 ; Charlemagne devient Roi des Lombards. Il part en guerre également contre les
Saxons, peuple germanique encore païen ; la bataille est féroce mais ils capitulent en 785. Ils sont
forcés à se convertir et à renoncer à leur religion. Charlemagne intervint en Espagne à la demande
de plusieurs gouverneurs musulmans d’Espagne en rébellion contre l’émirat de Cordoue. Il monte
une expédition pour prendre Saragosse, mais sous la mena ce d’une intervention de Cordoue, il se
retire en pillant Pampelune et l’arrière garde de son armée est attaquée à Roncevaux par les Basques
en 778 ; il en restera l’épisode fameux de la mort de Roland, comte des marches de Bretagne et non
pas neveu de Charlemagne. Dorénavant, seuls quelques territoires seront reconquis le long de la
frontière et constitueront les marches d’Espagne.
En Europe danubienne, les Huns, battus à la bataille des champs catalauniques en 451 contre une
coalition romaine et barbare, s’étaient retirés dans leur royaume situé dans la plaine hongroise de la
Tisza. Après la mort d’Attila, ils vont être écrasés par les Gépides, peuple germain commandé par
Ardaric en 455. Les Lombards vont prendre leur place en 565. Puis les Lombards vont s’installer en
Italie, suivis de quelques Gépides, où ils vont occuper la plaine du Pô, la Toscane et l’Ombrie, laissant
la place en Pannonie aux Avars, peuple turcophone de pillards païens. Pour les Francs, ils
représentent une menace permanente en Bavière. En lançant une première expédition en 791,
Charlemagne a l’intention de s’emparer du fabuleux butin amassé au cours de leurs razzias et
protégé dans un camp fortifié, le Ring. C’est un échec mais ne renonce pas ; après 2 ans de
préparations et commence même un canal pour relier le Rhin au Danube (la fosse Caroline).
Finalement, le Ring est pris et le chef avar se convertit. Mais les Avars vont disparaitre devant
l’expansion bulgare et slave sur le Danube. Les Slaves, peuples indo-européens des steppes de
L’Eurasie centrale, ont commencé à envahir les régions laissées vacantes par les Germains
(Lombards, Gépides…) aux V et VIe siècles : entre Elbe et Vistule, Bohème, Moravie, Pannonie puis
Thrace et bords de l’Adriatique. L’empire franc faisait une nette différence entre le monde chrétien
et le paganisme slave, ce qui servait de prétexte pour réduire en esclavage les slaves faits prisonniers
sans heurter les principes chrétiens ! Ainsi, dans toutes les langues occidentales c’est le même mot
qui désigne le peuple slave et l’esclave ! En 799, le Pape Léon III est attaqué et emprisonné à Rome ;
il est délivré par le duc franc de Spolète. En remerciement, il sacre Charlemagne empereur
d’Occident en 800 à la Basilique Saint Pierre de Rome.
Le Vatican
69
Par le traité d’Aix la Chapelle en 812, l’Empereur d’Orient Michel Ier le reconnait comme Empereur
d’Occident en échange de la Vénétie, de l’Istrie et de la Dalmatie ! Le 28 Janvier 814, Charlemagne
meurt à Aix la Chapelle et est enterré à Munster.
Louis le Débonnaire ou le Pieux est le seul fils vivant à la mort de Charlemagne, il est donc couronné
Empereur en 814. A l’intérieur de cet Empire, Louis désigne en 817, Lothaire, son fils ainé, comme
son seul successeur, Pépin, son frère, comme roi d’Aquitaine sous le titre de Pépin Ier et Louis, son
second fils, comme roi de Bavière ; Bernard, son neveu et fils de son frère Pépin reste roi d’Italie.
Mais veuf de sa première épouse Ermengarde, il épouse à 40 ans la belle Judith de Bavière qui lui
donnera un fils, Charles. Sa mère veut absolument que celui-ci obtienne une part de l’Empire ; un
nouveau partage a lieu en 829 à Worms et Charles obtient l’Alsace ; mais Lothaire, mécontent, est
exilé en Italie par Louis, son père. Il se soulève contre son père en entrainant ses 2 frères avec lui. La
situation ne s’arrange pas après de multiples changements d’alliances et à la mort de Pépin en 838,
Charles va recevoir le royaume d’Aquitaine de son père mais les Aquitains nomment Pépin II, le fils
de Pépin Ier, comme leur seul roi. A la mort de Louis le Débonnaire, la discorde reprend de plus belle.
Charles et Louis se liguent contre Lothaire et préparent leurs troupes. Le 21 Juin 841 les 2 armées se
rencontrent à Fontenoy en Puisaye dans l’Yonne (voir carte p.6). A l’issue de la bataille, Louis et
Charles sont vainqueurs mais Lothaire peut reprendre la route vers Aix la Chapelle. En fait, il faudra
attendre le traité de Verdun en 843 pour que les 3 fils parviennent à un accord : Charles le Chauve
aura la Francie occidentale, Lothaire la Lotharingie, de la Frise à l’est de la France actuelle, la
Bourgogne, la Provence et le nord de l’Italie jusqu’à Rome et Louis le Germanique, la Francie
orientale.
Monument célébrant la bataille de Fontenoy en Puisaye, Yonne
70
D’après C.Pellet
71
Au moment où Charles le chauve reçoit la Francie occidentale le royaume est en plein chaos car
certaines régions refusent sa tutelle : la Bretagne avec Nominoë (qui gardera son royaume en battant
les Francs en 846), l’Aquitaine qui proclame Pépin II comme Roi. De plus il est sous la menace des
Normands ou Vikings qui ravagent les villes (comme Rouen en 841) et les monastères. Pour se faire
admettre comme souverain, Charles le Chauve reconnait des droits aux grands laïcs et aux
ecclésiastiques en échange de leur aide et conseil par le capitulaire (ordonnance) de Coulaines de
843. Il va plus loin avec celui de Quierzy en 877 car il y reconnait l’hérédité des domaines, des
charges et des bénéfices ! Pour certains historiens, c’est le début de la féodalité, notion maintenant
rejetée. Pour Jacques Le Goff, c’est le début de l’effondrement de l’empire carolingien et de
l’effacement de la papauté qui va conduire à la crise de l’Eglise des Xe et XIe siècles : les grands laïcs
mettent la main sur l’Eglise, le trafic des charges ecclésiastiques se généralise, ainsi que la simonie,
c'est-à-dire la vente par les prêtres de sacrements, de reliques pour en tirer profit et le nicolaïsme,
ou non-respect de l’incontinence sexuelle du clergé. A la mort de Charles le Chauve en 877, c’est
Louis II le Bègue qui est installé sur le trône mais il est malade et faible, il perd toute autorité par
rapport aux grands aristocrates. Ses enfants vont régner conjointement jusqu’en 882 pour Louis III et
884 pour Carloman II. Leur règne a été marqué par les pillages normands, sarrasins et magyars
(Huns). Charles III le Gros est couronné Empereur des Francs en 881 mais il est aussi incapable de
s’opposer aux Vikings. En fait, c’est Eudes, comte de Paris et fils de Robert le Fort, de la famille de la
première épouse de Louis le Pieux, Ermengarde, qui repousse les Normands qui assiégeaient Paris en
885-6. Grâce à ce fait d’armes, en 888, Charles le Gros est déposé et Eudes devient Roi des Francs.
C’est lui qui choisit son successeur, Charles le Simple, qui sera effectivement couronné à la mort
d’Eudes en 898. Celui-ci partage son pouvoir avec la Noblesse, ce qui permet une plus grande
efficacité dans la lutte contre les Normands ; Rollon, l’un de leurs chefs, est battu devant Chartres :
en 911, par le traité de Saint Clair sur Epte, entre Rollon et Charles le Simple, la Normandie devient
un duché normand contre la promesse d’arrêter leurs raids sur la Seine, de se faire baptiser et
d’épouser Gisèle de France, la fille de Charles le Simple. Après la nomination de Raoul de Bourgogne
puis de Louis IV d’Outremer, et après bien des vicissitudes et des querelles entre nobles, c’est
l’avènement d’Hugues Capet en 987 qui met fin à la dynastie des Carolingiens et qui débute celle des
Capétiens.
L’expansion scandinave se poursuit dans toute l’Europe : l’Islande, le Groenland, sans doute en
Amérique, en Angleterre où ils sont parvenus à imposer le Roi Svend ; à sa mort en 1014, son fils
Cnut le Grand règne sur l’Angleterre, le Danemark, la Norvège et la Suède mais, à sa mort en 1035,
c’est un Anglo-Saxon, Edouard le Confesseur, qui reprend son royaume aux Danois. Il est à nouveau
conquis par le normand, Duc de Normandie, Guillaume le Bâtard ou le Conquérant en battant Harold,
le roi anglo-saxon à la bataille d’Hastings en 1066. Il devient Roi d’Angleterre, mais sera le vassal du
Roi capétien pour ses possessions dans le royaume franc. Plus au sud, les Normands vont s’installer
en Méditerranée : en Italie du sud, en Campanie en battant les troupes pontificales et se faisant
reconnaitre par le pape Nicolas II, en Sicile reprise aux Sarrasins, et chassant les Byzantins d’Italie, le
royaume normand des Deux Siciles est créé.
Le royaume franc avait affaire également à des invasions sarrasines établis en Espagne. Ces Sarrasins
vont lancer des raids contre l’Aquitaine, le comté de Toulouse, la Septimanie, la Provence, la Ligurie
et la Toscane. Ils prennent Fraxinetum vers l’actuel Saint Tropez qui leur sert de tête de pont. De là ils
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pouvaient lancer des raids dans tout le sud est, jusqu’en Suisse, dans le Dauphiné et l’Italie. Ce n’est
qu’en 975 que le comte de Provence, Guillaume, put délivrer le sud de la Francie occidentale.
En 888, à la fin du règne de Charles le Gros, la partie médiane de l’Empire, qui avait a été partagée
par le traité de Meerssen en 869 entre Charles le Chauve et Louis le germanique à la mort de
Lothaire II, se décompose en royaumes indépendants comme la Haute-Bourgogne et la Bourgogne
Transjurane, l’Italie du côté occidental et en duché de Lorraine du côté oriental. En effet, dans la
Francie orientale, les nobles locaux choisissent l’appui des Ducs. Louis l’Enfant a été le dernier
carolingien sur le trône de la Francie orientale. A sa mort en 911, c’est Conrad Ier qui est choisi par les
grands feudataires (ceux qui possédaient un fief), puis en 919, c’est au tour de du Duc de Saxe, Henri
Ier l’Oiseleur. En 921, Henri Ier et Charles le Simple se reconnaissent mutuellement ce qui implique
qu’il n’y a plus d’Empire reconnu. Son fils sera choisi par les grands électeurs : Otton Ier se fait
couronner à Aix la Chapelle en 936 sur le trône de Charlemagne, tout un symbole ! Il proclame qu’il
sera le protecteur de l’Eglise et après sa victoire sur les hordes magyars en 955 au Lechfeld, le pape
Jean XII lui propose d’être couronné Empereur à Rome ce qui se fait en 962, mais qui n’est pas du
goût de Byzance et des Romains. C’est un nouveau renovatio imperii après celui de Charlemagne ! Il
entreprend des campagnes contre les Byzantins pour qu’ils reconnaissent son titre, ce qui est fait en
972 par le mariage de son fils ainé avec la princesse byzantine Théophano. Ces deux successeurs vont
s’attacher à magnifier le titre impérial : Otton II (973-983) va se faire appeler Imperator Romanorum
et son fils Otton III, s’installe à Rome en 998 ! Il accorde l’indépendance à la Pologne et à la Hongrie
dont l’ancien chef magyar devenu le Prince Etienne, baptisé, reçoit la couronne royale. Mais le
peuple de Rome se soulève contre Otton III qui meurt en 1002. Les Ottoniens auront légué à leurs
successeurs, Henri II et les autres jusqu’en 1806, la tradition de subordination du pape à l’empereur.
Henri II se contente de revenir au Regnum Francorum, à l’Empire formé par l’ancienne Francie
orientale qui est devenu l’Allemagne et qui deviendra plus tard le Saint Empire.
Quand Hugues Capet est sacré roi en la cathédrale de Noyon en 987, il prend soin, à Noël de cette
même année, d’associer son fils Robert au gouvernement pour pouvoir le faire sacrer roi de son
vivant ; il rompt ainsi avec la monarchie élective des Carolingiens en instaurant une monarchie
héréditaire, gage de continuité. Son royaume ne comprend que le Bassin Parisien, soit l’ancienne
Neustrie mérovingienne. Il meurt en 996 ; comme convenu, son fils Robert le Pieux qui va gouverner.
Il acquiert le Duché de Bourgogne après 12 ans de conflit et il place son fils Henri à sa tête ; puis, il le
fait sacrer à Reims pour devenir son seul successeur : la loi salique du partage du royaume entre tous
les fils se termine comme son élection par les grands feudataires ! Il règne sous le nom d’Henri Ier, et
prend position pour le jeune duc de Normandie, Guillaume, contre les barons normands. Mais
devant la montée en puissance de Guillaume, il entre en conflit avec lui. A sa mort en 1060, son fils
va régner sous le nom de Philippe Ier. Il doit lutter contre Guillaume, roi d’Angleterre et acquiert le
Vermandois (autour de St Quentin), le Vexin et le Gâtinais. C’est sous le règne de son fils, Louis VI le
Gros (1108-1137), que la dynastie des Capétiens prend vraiment son essor. Louis va lutter contre le
nouveau roi d’Angleterre Henri Ier et son gendre Henri V, l’empereur d’Allemagne qui tenta d’envahir
la Champagne. Il affermit son autorité dans son royaume en luttant contre les barons pillards et
contre ses vassaux félons. Le domaine royal s’enrichit de l’Auvergne, du Poitou, du Limousin, du
Périgord, du Bordelais, de l’Agenais et de la Gascogne : dans une lettre au Pape Calixte II, il se déclare
roi de France et non pas roi des Francs et fils particulier de l’Eglise romaine !
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Le fils de Louis VI le Gros, Louis VII le Jeune va régner de 1137 à 1179. Il va épouser Aliénor
d’Aquitaine dont la dot est immense : la superficie du royaume de France est triplée. Culturellement,
elle apporte tout le raffinement de la civilisation du midi diffusé par les troubadours: musique,
chansons, amour-courtois. Il gouverne aux côtés du conseiller de son père, l’abbé Suger. C’est lui qui
inaugure en 1144 le chœur de l’église abbatiale de Saint Denis : c’est la naissance de l’art gothique
dont le principe est basé sur la technique de la croisée d’ogives (2 arcs se croisant à la clé de voûte). Il
est à l’origine des privilèges accordés aux communes rurales et citadines, c'est-à-dire la possibilité de
rendre la justice, de s’armer et de lever des impôts ; le but était d’affaiblir les seigneurs féodaux car
ils devenaient de plus en plus indisciplinés. Louis VII étant très pieux, il répond favorablement à
l’appel de Bernard de Clairvaux, depuis Vézelay, pour la seconde Croisade. En effet, les musulmans
ayant repris le Comté d’Edesse en 1144, le pape ordonna cette croisade qui sera menée par Louis VII
et Conrad III, empereur germanique. A cause de désaccords entre eux, ils subirent une cuisante
défaite en tentant de prendre Damas et durent rentrer en Europe. Pendant celle-ci, il va se brouiller
avec son épouse ; celle-ci va divorcer et se remarier très vite avec Henri II Plantagenêt, qui devient
roi d’Angleterre en 1154, ce qui aura d’énormes conséquences. Louis épouse en secondes noces
Adèle, la fille du Comte de Champagne, qui sera la mère de Philippe Auguste.
Philippe Auguste va régner en 1180 et très vite il va agrandir le domaine royal en prenant les comtés
de Flandre et de Champagne. En 1189, il part pour la troisième Croisade, dite croisade des rois,
décidée pour reprendre Jérusalem à Saladin, le sultan d’Egypte, qui l’avait reprise en 1187, avec
Richard Cœur de Lion, roi d’Angleterre (1157- 1199), le fils d’Henri II Plantagenêt et d’Aliénor, et
Frédéric Ier Barberousse, empereur d’Allemagne (1122-1190). Pour la financer Philippe et Richard
créent la dime saladine payée par les seigneurs et le clergé. Frédéric Ier Barberousse se noie en
arrivant en Anatolie et Philippe Auguste prétextant une maladie, retourne en France avec l’arrièrepensée de reprendre les possessions de Richard pour ajouter au domaine royal. Richard va seul, avec
son armée, affronter Saladin devant Jérusalem. Malgré sa vaillance et son courage, tout le contraire
de l’attitude lâche du roi de France, il ne parvient pas à vaincre son valeureux adversaire Saladin et
les deux décident d’une trêve en 1192 : Jérusalem reste musulmane mais les pèlerins seront libres
d’y venir et les Croisés conservent les ports du Levant et de Chypre. En rentrant en occident, il fait
naufrage dans l’Adriatique et doit traverser les terres du Duc d’Autriche Léopold V le Vertueux avec
lequel il avait eu une altercation durant l’assaut de Saint Jean d’Acre ; pour se venger, il le retient
prisonnier à Dürnstein sur le Danube. Passant au pied du château, son fidèle troubadour Blondel put
le localiser en chantant ses airs favoris. Mais il est remis à l’empereur d’Allemagne Henri VI, fils de
Frédéric Barberousse, qui le garde encore un an au château de Trifels dans le Palatinat rhénan.
Finalement il sera remis en liberté contre une énorme rançon ! Sa captivité n’aura duré qu’un peu
plus d’un an au total.
Philippe Auguste et Richard vont se livrer une guerre sans merci ; finalement, Richard est tué devant
le château de Châlus (en Haute Vienne) en 1199. Son frère cadet Jean Sans Terre, ne peut empêcher
Philippe Auguste de reprendre tous les fiefs des Plantagenêt en France, sauf l’Aquitaine, après la
prise de Château-Gaillard dans le Vexin en 1204. Ce sont la Normandie, la Bretagne (le Duché avait
été rattaché à la famille des Plantagenêt en 1166), l’Anjou, le Maine, la Touraine et le Poitou qui
passent à la couronne des Capétiens.
Jean Sans Terre, s’allie à l’empereur d’Allemagne Othon et au comte de Flandre pour essayer de
reconquérir ses terres. Les Anglo-Normands sont vaincus à la bataille de La Roche aux Moines et les
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Allemands et les Flamands à la fameuse bataille de Bouvines en 1214. Philippe Auguste agrandit
encore son domaine en y ajoutant l’Auvergne, l’Artois et le comté d’Evreux. A part ses conquêtes on
lui doit, une nouvelle organisation administrative du royaume. Il a créé un corps de fonctionnaires,
les baillis, chargés d’appliquer ses ordres. Comme son père, il va donner plus de responsabilités à la
bourgeoisie commerçante des villes. Il a été aussi protecteur des arts et des lettres. Il meurt en 1223
en laissant le pays le plus puissant d’occident.
Le midi occitan et aquitain a une culture différente de celle du nord de la Loire : on y parle la langue
d’oc et non pas celle d’oïl. C’est le pays héritier de Rome où le raffinement intellectuel qui glorifie les
valeurs des sentiments comme l’amour courtois qui inspire les cansos, chantés par les troubadours
de château en château. Des lois, issues du droit romain, limitent le pouvoir des seigneurs comme les
capitouls, assemblées élues par les habitants et qu’elles représentent. Les villes du Midi sont donc
plus réceptives aux idées nouvelles comme le catharisme qui se développe au moment où l’Eglise est
en crise. Il y a un rejet de l’Ancien Testament et des sacrements de l’Eglise catholique déjà énoncés
par Marcion (85-160) et les Manichéens et les Gnostiques du IIe siècle qui pensent que les humains
sont enfermés dans un monde mauvais créé par un Dieu mauvais appelé Démiurge. En grec, catharos
signifie pur; c’est une religion qui a pour but de permettre à l’homme d’atteindre la pureté de l’âme,
le Bien ; dans sa vie terrestre, l’homme se doit de rompre avec la matière et les besoins dégradants,
le Mal. Les prêtres cathares étaient appelés Parfaits ou Bonshommes ; ils rejetaient tous les
sacrements sauf le Consolamentum qui permettait aux croyants de devenir Parfait. La croisade
contre les Albigeois ou Cathares (1209-1218) a permis à Philippe Auguste de mettre la main sur le
Midi de la France et au pape d’éliminer l’hérésie. L’armée des Croisés (300 000 hommes) descendit la
vallée du Rhône et mit le siège devant Béziers en 1209 ; l’abbé de Citeaux, Arnaud Amaury, eut cette
phrase célèbre : « Tuez-les tous, Dieu reconnaitra les siens ». Puis, ils mirent le siège devant
Carcassonne défendu par Raymond Roger Trencavel. Au bout de trois semaines, il sorti, à cause de la
soif, pour parlementer mais il fut fait prisonnier contre le code d’honneur de la chevalerie. Simon de
Montfort prend sa place comme vicomte, mais il ne fut pas accepté par les habitants. Peu de
cathares renièrent leur foi. Le comte de Toulouse Raymond VI et le roi d’Aragon Pierre II s’allièrent
en 1213 pour attaquer Simon de Montfort mais ils furent battus à la bataille de Muret en 1213.
Toulouse fut occupé par les chevaliers français mais furent chassés par une émeute populaire ; Simon
de Montfort, accouru pour reprendre la ville, a été tué pendant le siège en 1219. Le fils de Philippe
Auguste, Louis VIII le Lion, va se montrer encore plus implacable que son père ; en 1226, il se lance
dans une seconde croisade à la tête de ses troupes qui vont déferler sur tout le Midi. La plupart des
villes s’effondrèrent sauf Avignon qui résista 3 mois. La mort de Louis VIII sauva Toulouse d’un
nouveau siège mais la reddition de tous ses vassaux finirent par convaincre Raymond VII de se
rendre : par le traité de Meaux (1229) il s’engagea à rester fidèle au roi et à l’Eglise et maria sa fille au
frère du nouveau roi de France Louis IX pour préparer le rattachement du Languedoc à la France. Un
tribunal d’inquisition fut créé et confié à des Dominicains qui sillonnèrent tout le Midi pour traquer
les hérétiques. Mais à cause de leurs exactions, ils furent assassinés en 1242 par des chevaliers
cathares. Une paix définitive a été signée à Lorris en 1243 entre Louis IX et le comte de Toulouse
scellant la fin de l’Occitanie indépendante et celle du catharisme ; le coup de grâce a été la prise du
château de Montségur en 1244 par 10000 croisés, les 400 croyants préférèrent se faire brûler plutôt
que d’abjurer leur foi. Dans le reste du Midi,, les Parfaits survivants émigrèrent en Catalogne, en
Sicile et en Lombardie. Tous les châteaux cathares furent rasés et reconstruits en citadelles royales
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pour défendre la frontière avec l’Espagne. Ainsi disparaissait la civilisation occitane issue du mythe de
la chevalerie, de l’honneur chevaleresque et de l’amour courtois honoré par les troubadours.
Château cathare d’Aquilar (Aude)
Aliénor d’Aquitaine a manigancé le mariage de sa petite fille Blanche de Castille, âgée de 12 ans,
avec Louis VIII le Lion; il eut lieu en 1205. Louis VIII mourut peu après sa croisade contre les Albigeois
après avoir rédigé son testament par lequel il confiait le gouvernement à Blanche, son épouse,
jusqu’à l’âge de la majorité de son fils Louis, né en 1214. Pour la première fois, une reine accédait au
trône du royaume de France. Elle fit face à la révolte des grands barons conduits par le duc de
Bretagne, les comtes de Champagne et de Boulogne. Bien conseillée, elle géra d’une main de maitre
son royaume. De plus, elle se consacra à l’éducation de son fils. Arrivé au pouvoir en 1234, Louis IX
battit les grands barons encore une fois révoltés à Saintes. En matière administrative, il fixa les baillis
dans une circonscription donnée, et les fit contrôler. En 1254, il créa un parlement qui était une sorte
de cour de justice et un conseil politique ; il mit fin au jugement de Dieu en réclamant des enquêtes
et des témoignages. Il imposa sa propre monnaie, pour réduire encore le pouvoir des vassaux. Pieux,
à la suite d’une guérison, il décida de repartir en Croisade , ce sera en fait les deux dernières. La
septième (1248-1254) contre l’Egypte, au cœur de la puissance des Sarrasins. Le roi embarque à
Aigues Mortes, port royal qu’il a fait construire. Les Croisés s’emparèrent de la ville de Damiette en
Egypte, mais l’armée fut taillée en pièces en marchant sur Le Caire ; le frère du roi, Robert d’Artois
est tué avec de nombreux chevaliers et le roi est fait prisonnier. Il est libéré contre une énorme
rançon. Il passa encore 4 ans en Terre Sainte aidant les principautés franques à se réorganiser
militairement. Il rentra en France en 1254, à cause de la mort de sa mère Blanche de Castille, après 6
ans d’absence. Il repartit pour la huitième croisade en 1270 en débarquant cette fois, à Tunis, mais il
mourut devant cette ville. Il fut canonisé en 1297. Ce fut un roi très pieux, il racheta à des marchands
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vénitiens, la couronne d’épines du Christ et fit construire la Sainte Chapelle pour protéger ces
reliques.
La France, de Philippe Auguste à Saint Louis a joui d’une grande prospérité, et notamment
l’agriculture qui a connu un grand essor, avec la croissance démographique et de nouvelles
techniques, comme la fabrication du fer et de l’acier dans des hauts fourneaux, ce qui permit
d’améliorer les charrues, les houes, les faux, et autres outils agricoles. Ceci à entrainé par conséquent
une croissance des échanges commerciaux et donc une extension des bourgs et des villes au-delà
des remparts construits sous l’Antiquité, surtout ceux qui sont situés autour d’un château (bourg
castral ou castelnau dans le Midi), d’un monastère (bourg monastique), d’un sanctuaire (sauveté
dans le Midi), d’une cathédrale (bourg ecclésiastique), d’un marché, d’une production spécialisée
comme les draps de Flandre, ou une situation géographique favorable (port, route commerciale). Cet
essor commence dans le nord de la France et se poursuit dans le sud. Face au pouvoir féodal, les
villes ne tardèrent pas à se doter d’un système de privilèges et de droits (comme par exemple le droit
pour ses habitants de se jurer entraide et fidélité « commune »), mais aussi des devoirs des
habitants, le montant des redevances... Ce système appelé commune est consigné dans des chartes.
Troyes, exemple d’une ville médiévale bâtie autour de sa cathédrale datant de 1200
Le développement des villes a permis le développement de banques qui soutiendront l’activité
économique et même religieuse ; en effet, les évêques, avec leur appui et celle de la monarchie,
firent construire des cathédrales de style gothique; leur apogée se situe fin XIIe et tout le XIIIe siècle.
Au niveau des états, se dessinent 3 puissances dominantes en Europe occidentale: le Royaume de
France, le royaume d’Angleterre et le Saint Empire germanique qui était le plus vaste territoire
d’Occident. En Espagne, le XIIIe siècle est marqué par la Reconquista ; Grenade, aux mains des
musulmans ne sera reprise qu’en 1492, la même année que la découverte de L’Amérique et de
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l’élection du premier pape espagnol Alexandre VI ! Les navigateurs portugais et espagnols vont
découvrir le Monde et permettrent aux langues IE de devenir globales !
15-Conclusions
La boucle est bouclée, ; partie au XIIIe siècle, cette étude des langues indo-européennes y revient
avec l’Europe des Nations pour situer les langues IE dans des frontières qui ne bougeront plus
énormement jusqu’à maintenant (voir p.3). De celle-ci, on peut répondre d’une façon assez nette
aux questions que l’on se posait à propos de ces langues indo-européennes et aller dans le sens d’un
modèle anatolien de Colin Renfrew, mais avec une étape importante via l’arc atlantique pour la
plupart d’entre elles:
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Il existe bien des migrations de populations à l’intérieur de l’Europe, mais elles ne sont pas,
ni en phase avec celles du modèle des kourganes, ni toutes de nature guerrières.
Les branches celte, germano-balte-slave sont d’origine atlantique donc anatolienne.
Les branches romane et grec sont d’origine péri-balkanique donc anatolienne.
Les races humaines n’ont pas d’existence biologique tant la variabilité génétique individuelle
est importante ; cependant les analyses ADN peuvent permettre, dans les cas favorables et
de façon assez peu précise, de définir des groupes d’ascendance génétique commun ou
haplotypes et ainsi situer son ascendance géographiquement et dans le temps.
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