L`Amérique latine au XXe siècle

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Histoire contemporaine
L’Amérique latine au XXe siècle
Alexandre Fernandez
Université Michel de Montaigne
janvier 2005 - mai 2005
L’Amérique latine au XXe siècle
Introduction
On distingue trois temps dans l’histoire de l’Amérique latine au XXe siècle :
- L’Amérique latine de 1898 à 1930 (Chap. 1)
I - Oligarchies et caudillisme
II - La Révolution mexicaine (1910-1920)
III - Les illusions de la prospérité
- L’Amérique latine de 1930 à 1960 : “l’Époque nationale populaire” (Chap. 2)
I - Manifestation et effet de la crise des années 1930
II - Les populismes en Amérique latine
III - Nationalisme et économie : le développement autocentré
IV - “Démocraties” voies nouvelles du réformismes, révolutions des années 50 - 60
- La fin des “modèles nationaux” : l’Amérique latine et la “mondialisation” depuis 1960 (Chap. 3)
I - La lutte contre la révolution : le temps des dictatures (60 - 80)
II - L’Amérique latine et la “mondialisation néolibérale” (depuis 80)
Bibliographie :
- Chevalier F., L’Amérique latine de l’indépendance à nos jours, Paris, PUF, 1977
- Dabène O., La région amérique latine. Interdépendance et changement politique,
- Rouqié A., Amérique latine. Introduction à l’extrême occident, Paris, Le Seuil, 1987
L’Amérique latine est un vaste sous-continent, la notion de distance est complètement différente de
celle de de nos pays européens. Il faut bien prendre conscience de la profonde diversité des
paysages, diversité certes, mais aussi unité.
La notion d’Amérique latine renvoie a une unité linguistique. Elle s’étend à partir du sud du Rio
grande. Mais on note cependant des états non latins : les antilles françaises, la jamaïque
anglophone, la Guyana anglophone également, le Surinam hollandais, la Guyane française, le Belize
anglophone. La notion d’Amérique latine est donc une commodité de langage reflétant tout de
même la prépondérance des langues ibériques : espagnoles et portugais. L’Amérique latine renvoie
d’emblée à un passé colonial commun, elle se définit vis à vis d’un référant européen : la latinité.
Le peuplement de l’Amérique latine est lui aussi divers :
- les indiens forment le peuple originel, majoritaire en Bolivie, en Équateur, au Guatemala,
forte minorité au Pérou et en Amérique centrale, minorité notable au Mexique. Ces indiens, du moins
en Bolivie ne parle pas espagnol et conserve leur langue première. Le nombre d’indien est en forte
croissance.
- les métis composent la majeur partie de la population latino-américaine, ils sont majoritaires
au Mexique, au Pérou, au Brésil. Le métissage est le croisement des blancs avec les indiens, les
blancs avec les noirs, les noirs avec les indiens.
- les blancs. On distingue les créoles qui sont implantés depuis le début de la colonisation et
possède donc une forte attache en Amérique latine et les immigrants européens des XIXe et XXe
siècle, fait de l’exode européen, présents principalement en Uruguay, au Chili et dans le Sud du
Brésil.
- les noirs issus de l’esclavage sont principalement au Caraïbes, aux Antilles, en Haïti, au
Nord Est du Brésil, au Venezuela, en Colombie.
Les relations amérique latine-europe sont complexes :
A la fois attiré, fait des élites vis à vis de la culture européenne, renforcé par le besoin de distinction
vis à vis des autres.
Et en rejet, revendiquant l’indépendance, indépendance faite par les créoles. Le libertador Bolívar est
blanc. L’indépendance est le fait des élites blanches et non des indiens. (excepté au Mexique).
Les différences sociales sont déterminés par les différences culturelles et ethniques.
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L’Amérique latine au XXe siècle
Chapitre I
L’Amérique latine de 1898 à 1930
Oligarchies et Caudillismes
1 - Les structures agraires
Les structures agraires de l’Amérique latine sont issues d’une part de la colonisation et d’autre part
de la “modernisation” du XIXe.
Il s’agit du grand domaine : hérité de la colonisation, c’est le latifundio, grande propriété à la base
du prestige social, du pouvoir et de la fortune. Le grand domaine est une société d’exploitation. Le
latifundio perpétue des valeurs sociales seigneuriales.
On distingue :
- les haciendas du Mexique et les estancias d’Argentine et d’Uruguay, tournées vers l’élevage.
- les fazendas du Brésil, plantations de café, de sucre (Cuba, Colombie,...)
Le XIXe est une période de renforcement du grand domaine. L’indépendance n’a pas inversé la
donne, bien au contraire, elle a renforcé la concentration foncière.
Car, avec l’indépendance, est réalisé le courant de la modernité politique : à savoir le libéralisme
bourgeois. Ce qui a entraîné une dislocation des structures juridiques d’ancien régime, à savoir
l’absence de propriété du sol. Les biens collectifs ont donc été disloqués et vendus. Au Mexique, les
ejidos sont vendus.
Les structures économiques collectives sont donc versés dans le circuit économique :
- les indiens ne peuvent donc qu’en récupérer une infime partie, ne pouvant racheter leur terre.
- La domination sur la terre sous l’Ancien régime est multiple, c’est la fin de la distinction, les
aristocrates voient donc leur pouvoir s’accroitre. Ils rachètent les terres qu’ils géraient et agrandissent
leur terre.
- La modernité fait rentrer le concept de rentabilité économique des terres, l’aspect économique
devenant dominant, la gestion des terres se fait donc en fonction des besoins du marché et non de
la population. Les terres collectives en friche sont donc mises sous cultures, terres (baldios au
Mexique) qui avaient une forte utilité sociale.
La conclusion est donc une concentration plus forte à la fin du XIXe. Au Mexique, 85% des terres
sont détenus par 1% de la population. Au Brésil, 64 000 propriétaires détiennent 84 millions
d’hectares.
Ce problème de la répartition des terres est toujours une question actuelle, un nœud central des
problèmes en Amérique latine.
C’est une question sociale et économique majeure, l’agriculture formant l’essentiel des revenus
de l’économie latino-américaine. Au début du XXe, 2/3 PIB latino américain provient de l’agriculture.
Le lieu de la mise en valeur économique, c’est le grand domaine.
Le latifundio est un système de domination archaïque qui englobe l’ensemble de la population sur
les terres mêmes et sur ses marges. La population du grand domaine est soumise à l’autorité du
maître. Mais d’un point de vue économique, les grands domaines sont pleinement intégrés dans
les circuits économiques modernes mondiaux (+/-), soucieux d’une efficacité économique (+/-),
possédant un mode d’exploitation efficace (+/-). Les grands domaines sont économiquement
moderne et socialement archaïque. Ex : le café est soumis à l’autoritarisme du propriétaire de la
plantation mais est un secteur en pointe, pleinement intégré à l’économie monde. (une agriculture
de plantation n’est pas une agriculture de subsistance).
2 - Culture, institutions et pouvoirs
1. Culture européenne, cultures indiennes
Les indépendances du début du XIXe sont le fruit de l’aristocratie créole qui s’est opposée au
pouvoir espagnol, leurs revendications s’inscrivent dans l’esprit des Lumières et leur politique ont
été influencées par le positivisme de Comte. Par exemple, au Brésil, la philosophie officielle est le
positivisme et sur le drapeau figure la devise de Comte (Ordre et Progrès). Le dictateur mexicain
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L’Amérique latine au XXe siècle
Porfirio Diaz est entouré d’ingénieur et d’intellectuels positivistes, les cientificos). Cependant certaines
élites restent attachées au catholicisme.
Les élites latino-américaines sont donc fortement imprégnées de culture européenne. Leur objectif
est de maintenir l’ordre social. La réalité de l’indigénisme et du métissage est donc ignorée. Les
métisses n’existent pas pour eux et sont ignorés sauf dans une certaines mesures au Mexique.
Coexiste donc deux cultures : la culture officielle de référence européenne et la culture indigène.
2. La difficile consolidations des États-nations au XIXe
L’histoire des États américains au XIXe a été particulièrement mouvementé : conflits inter-étatiques
(Bolivie/ Pérou, Pérou/Chili), luttes intra-étatiques entre centralistes et fédéralistes (comme en
Argentine). Les États américains sont, pour la plupart, des états fédéraux (Mexique, Argentine, Brésil)
non seulement en raison de la taille des États.
Dans ses conditions, certains hommes ambitieux disposant de la force militaire (les caudillos) ont pu
confisquer le pouvoir politique à leur profit, et exercer des dictatures plus ou moins violentes. Le
caudillo est un guide pour son pays, sa légitimité étant fondée sur sa valeur militaire qui suppose
des valeurs morales et politiques. L’exemple type du caudillo installé au pouvoir est celui de Porfirio
Diaz au Mexique de 1876 à 1910.
L’histoire de la consolidation des États-Nations au XIXe est celle d’un conflit permanant entre la
volonté centralisatrice de l’État et les forces centrifuges des pouvoirs locaux et régionaux. Ces
seigneurs territoriaux avec lesquels l’État devra négocier faute de pouvoir les contrôler, s’appuient sur
des formes de sociabilité traditionnelle et des réseaux locaux fortement ancrés dans le territoire. La
figure du cacique renvoie à la faiblesse de lÉtat et à la nécessité de la médiation pour assurer le
contrôle étatique.
On a la relation entre deux processus : la formation de l’État et celle de la Nation. Le premier
suppose la neutralisation des autonomies locales, le second la capacité de transmettre des valeurs,
des référents et des droits à l’ensemble de la population. Aussi la construction d’un ordre spatial et
social libéral met en confrontation pendant tout le XIXe siècle un centre faible et des pouvoirs locaux
vivaces.
Que l’on ait adopté une constitution plutôt présidentialiste ou parlementaire, le suffrage universel
n’est adopté en Argentine qu’en 1912, en URUGUAY en 1918 (y compris le suffrage féminin dans
ce dernier cas). Ailleurs on en est encore très loin. À la veille de la première guerre mondiale,
seulement 5% des adultes mâles votent en Colombie, 3% au Chili. Au Chili encore, dans les années
1960, il n’y a que 20% d’électeurs et 44 % seulement dans les années 70. De toute façon, le
système électoral fonctionne bien mal, parce que il y a de très fortes contraintes sur les votes et
parce que les résultats sont truqués.
Dans les pays où il existe un semblant de vie politique, celle-ci se divise en partis libéraux et
conservateurs, comme en Colombie. Il n’y a pas de différences majeurs sur les politiques
économiques et sociales et ils partagent le même mépris et la même indifférence à l’égard du peuple.
Les libéraux sont plus européens i.e. anglophiles, liés au milieu du négoce, tandis que les
conservateurs sont plus hispanophiles, catholiques et militaires. Malgré tout, les affrontements
peuvent être violents : ainsi durant la “guerre des milles jours” entre octobre 1899 et novembre 1902
qui opposa libéraux et conservateurs il y eut plus de 100 000 morts en Colombie.
À l’exception de l’Uruguay où José Battle y Ordoñez par deux fois président de la république entre
1903 et 1915 fit adopter une législation sociale très avancée : journée de travail de 8 heures, droit de
grève, législation des syndicats, divorce en plus d’une constitution réellement démocratique. Ailleurs,
les institutions de la démocratie ne sont que purement théoriques. Dans beaucoup de cas, cela s’est
estompé au profit d’une dictature pure et simple celle de Vicente Gomez (1908 - 1935) au
Venezuela ou encore celle de Porfirio Diaz au Mexique de 1876 à 1910.
Au début du siècle, seuls l’Argentine, l’Uruguay, le Chili, la Colombie et le Costa Rica ont l’apparence
de régime constitutionnels à peu près représentatifs. Dans la plupart des états, le choix politique est
entre une oligarchie de propriétaire ou encore un caudillo exerçant le pouvoir de façon dictatorial se
raccommodant ou pas avec l’oligarchie.
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L’Amérique latine au XXe siècle
3. Les interventions des États-Unis en Amérique latine
Le tournant du siècle (1898) est marquée par l’intervention des États-Unis en Amérique latine. Ce
n’est pas un phénomène nouveau, mais cet interventionnisme prend de l’ampleur, il devient plus
résolu, plus systématique au cours du XXe. Le fondement idéologique de cet interventionnisme est
la doctrine Monroe en 1823, légitimé par le Manifest Destiny du peuple américain fondé sur le
respect de l’autonomie des Amériques face aux européens. Cette doctrine se base sur la croyance en
la supériorité du modèle moral, politique et social des États-Unis et la nécessité de le protéger par
tous les moyens : diplomatique (pressions sur la GB au sujet du Venezuela et de la Guyane),
militaire (intervention à Cuba), idéologique.
Le soutien aux insurgés cubains est le prétexte de la guerre menée contre l’Espagne. Lors de la
signature du traité de Paris les États-Unis annexent Port Rico et obtiennent un protectorat sur Cuba
(amendement Platt) : les marines garantissant la sécurité de l’île grâce à la cession de territoires pour
l’installation de bases (Guantanamo). Ce n’est qu’en 1922 que les cubains obtiennent une
indépendance surveillée. Le scénario de l’intervention se reproduit quelques années plus tard aux
dépend de la Colombie.
L’interventionnisme se dote d’un instrument efficace de propagande avec les conférences
Panaméricaines où les États-Unis assurent la direction et établissent l’ordre du jour.
La défense des intérêts économiques des entreprises nord-américaines apparaît primordiale et
particulièrement évident dans le cas de Panama. Après l’acquisition de la Compagnie française qui
avait débuté les travaux par une cie américaine, les ÉU obtiennent une bande de territoire de 6 Miles
de large pour 99 ans (janvier 1903). Cependant certains milieux colombiens voyant là un abandon
de la souveraineté, les ÉU soutiennent une révolte de séparatiste panaméen qui aboutit à la création
de l’État indépendant du Panama.
Fort de ses succès à Cuba et au Panama, Théodore Roosevelt définit placidement dans un mélange
de naïveté et de cynisme, le droit d’intervention des ÉU sous le nom de politique du big stick (gros
bâton). D’où les interventions en République Dominicaine en 1905 s’ensuit un véritable
gouvernement des marines jusqu’en 1941, à Haïti en 1915, au Nicaragua en 1909, 1912 et 1926.
L’arrivée au pouvoir de Franklin Delano Roosevelt en 1933 va représenter une certaine volonté de
substituter une politique de “bon voisinage”. On reconnaît enfin tout au moins formellement l’égalité
des nations, l’abolition de l ‘amendement Platt concernant Cuba par exemple, la non-intervention
lors de la nationalisation de pétrole par Cardenas au Mexique en 1938.
Mais cela ne signifie pas que les ÉU ne sont pas attentifs à la défense de leurs intérêts ni à la
promotion d’un américanisme à l’échelle du continent, dont ils seraient le guide et qui s’exprimerait
par le commerce.
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L’Amérique latine au XXe siècle
La Révolution mexicaine
1910 - 1920
La révolution mexicaine est à mettre en parallèle avec la Révolution française et la Révolution russe.
John Reed a couvert et l’une et l’autre. C’est l’autre grande révolution du XXe siècle. Mais c’est une
Révolution longue, et difficile qui débute en 1910. La date terminale reste imprécise : 1917 ? 1923 ?
1930 ?
1 - Les débuts
Depuis 1876, sous prétexte d’assurer au pays “l’ordre et le progrès”, Porfirio Diaz et son parti
nommé “scientifique” exerçait une véritable dictature de type bonapartiste. Si une certaine
modernisation, fondée sur les investissements étrangers est indéniable, elle a surtout profité à
l’oligarchie traditionnelle : 800 hacenderos environ. Aussi la petite bourgeoisie commerçante et
industrielle, intellectuelle dont les rangs se sont étoffés au cours du denier quart de siècle cache mal
sa frustration qui s’amplifie avec la crise économique des années 1907-1910.
Le 20 novembre 1920, Francisco Madero, un riche propriétaire et industriel, connu pour son
opposition résolue à la dictature de Diaz publie son “Plan de San Luis de Potosi” alors qu’il
s’enfuit aux États-Unis pour échapper à une nouvelle incarcération. L’attachement au libéralisme
politique de Madero est certain, il représente les intérêts de la bourgeoisie industrielle. Aux États-Unis,
il bénéficie de la bienveillance du gouvernement pas fâché de favoriser les opposants à Diaz, trop lié
aux intérêts des grands compagnies britanniques et françaises.
Le Plan de San Luis de Potosi expose surtout des revendications politiques, notamment l’annulation
de la réélection de Diaz au mépris de la constitution. Du point de vue social, on retrouve qu’une
vague allusion aux abus commis contre les communautés indigènes à l’occasion de la mise en
œuvre de la loi sur les baldios mais rien de précis sur les conditions d’une éventuelle restitution des
terres. Cependant, cela est suffisant pour le gouverneur de l’État septentrional du Chihuahua,
conspirateur madériste puisse compter sur le soulèvement militaire de Pascual Orozco et de
Francisco “Pancho” Villa. D’autres soulèvements, plus ou moins bien coordonnés suivirent dans
les dernières semaines de 1910.
Dans le Nord, les groupes armés de la révolution (dont le noyau étant constitué de vaqueros
(gardiens des troupeaux, à peu près l’équivalent du cow-boy) travaillant dans les Haciendas et
rompus aux trajets à cheval et au maniement des armes) remportèrent de remarquables succès sur
l’armée régulière (prise de Ciudad-Juarez). Parallèlement, le 11 mars 1911, les paysans de l’État
méridional de Morelos se soulèvent sous l’étendard du madérisme et du plan de San Luis de Potosi
conduit par Emiliano Zapata. La configuration de cette guerre en fait une guerre de mouvement
rendant impossible la capture de prisonnier, multipliant les exécutions de soldats ennemis.
Rentré au Mexique, Madero négocie le départ de Porifrio, celui-ci quitte le pays le 25 mai 1911 et le
7 juin, Madero rentre victorieusement dans Mexico. Pour Madero, la Révolution est terminée.
Or, si Pancho Villa, bien qu’à contrecoeur accepta de dissoudre son armée et d’attendre que la
question de la terre fut résolue, dans les campagnes soulevées plus éloignées de la capitale,
l’impatience s’affirmait au fil des semaines. Dans l’État du Morelos, Emiliano Zapata mettait comme
condition au dépôt des armes la résolution de la question de la terre par Madero.
Madero élu président le 6 novembre 1911 entreprit de faire fonctionner la république parlementaire
cependant, il revenait sur les dispositions du Plan de San Luis de Potosi en ce qui concerne la terre.
C’était se couper des bases paysannes au moment même où il devait faire face aux revendications
croissantes des ouvriers dont le mouvement était fortement teinté d’anarchisme et surtout face au
retour de l’ancienne oligarchie pour reprendre le pouvoir.
2 - Luttes contre les contre-révolutions, luttes au sein de la révolution
Les années 1912 à 1917 sont marqués par des conflits sanglants.
Le 28 novembre 1911, Emiliano Zapata publie son “Plan de Ayala”. Le programme est fondé sur
les revendications paysannes : récupération des terres usurpées sous le porfiriat ; expropriation d’un
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L’Amérique latine au XXe siècle
La ra
tiers des latifundios ; confiscation des terres des hacenderos qui luttent contre la Révolution.
Madero riposte à ce qu’il considère comme une déclaration illégale en s’appuyant sur le général
Huerta. Ce dernier, soutenu par les porfiristes, les compagnies pétrolières et l’ambassadeur des ÉU,
ne tarde pas à déposer Madero le 18 février 1913. Le coup d’état contre révolutionnaire de Huerta
réenclenche le processus révolutionnaire.
À la tête de troupes “constitutionnalises”, le général Venustiano Carranza s’oppose à la dictature de
Huerta -d’ailleurs lâché par les États-Unis de Woodrow Wilson- épaulé par la division del Norte de
Pancho Villa et les troupes d’Alvaro Obregon, tandis que l’Ejercito Libertador del Sur de Zapata
contrôle les trois États au sud de Mexico. Huerta démissionne le 15 juillet 1914.
Carranza procède à la dissolution de l’armée fédérale issue de l’Ancien Régime (celle que
commandait Huerta) mais ne parvient pas à obtenir ni l’intégration des troupes de Zapata ni même
celles de Pancho Villa dans la nouvelle armée constitutionnalise. C’est que le Plan de Guadalupe
de mars 1913 fait peu de cas des revendications paysannes. Une tentative de conciliation entre les
chefs révolutionnaires échoua en octobre 1914 : d’une part Carranza et Obregon, les
constitutionnalises et de l’autre Villa et Zapata. En novembre 1914, Zapata et Villa entraient dans
Mexico mais rejoignaient rapidement leurs bases territoriales du Morelos et du Chihuahua afin de
lutter contre Carranza. Modéré, apparaissant comme une meilleur garantie de la propriété privée,
Carranza recevait l’appui des États-Unis, et aussi des mouvements ouvriers anarchistes. L’année
1915 voyait les armées de Zapata et Villa reculer.
3 - La constitution de 1917 et la reconstruction du pays
1. La constitution révolutionnaire de 1917
La constitution carranziste du 5 février 1917 posait les bases institutionnelles du régime surgi de la
Révolution. Bien que ni les partisans de Villa ni ceux de Zapata n’aient participé à sa rédaction, elle
essayait de prendre en compte les aspirations les plus diverses. Ainsi, si la propriété privée était
garantie, elle instituait également la restitution des ejidos et des terres aliénées, elle accordait
parallèlement la journée de 8 heures et le droit de grève. Dans le domaine politique, elle garantissait
les libertés publiques et imposait la non réélection du président, établissait le mariage et
l’enseignement civil. Au total, une constitution clairement réformiste, sensiblement progressiste, mais
qui ne satisfaisait pas les secteurs les plus radicaux.
2. La consolidation de la Révolution
Les années 1917 à 1920 sont marquées par la poursuite de l’agitation dans le sud et des opérations
vilistes dans le nord. Mais Zapata est assassiné par un officier carranziste en 1919 et Pancho Villa en
1923. A Mexico, dans un climat de violence (assassinat de Carranza par un général rival) Alvaro
Obregon est élu président. Disposant d’une large base sociale -ex Zapatiste, il rassemble la
bourgeoisie urbaine-son mandat est marqué par la mise en œuvre des réformes promises en 1917.
En 1924, une nouvelle rébellion militaire s’oppose à l’élection de Plutaro Elias Calles. Celui-ci sut
mobiliser autour de lui tant la bourgeoisie de gauche que la puissance organisation ouvrière la
Confederacion Regional Obrera Mexicana (CROM). Une loi sur la répartition des ejidos essaya de
faire naître une petite et moyenne paysannerie rurale. La fin du mandat de Calles fut en revanche
marquée par une très forte agitation religieuse avec un conflit avec l’Église qui dégénéra en rébellion
contre-révolutionnaire, c’est la guerre des Cristeros dans l’État de Jalisco (1926 - 1929). La volonté
d’achever et de continuer la Révolution par des moyens pacifiques s’affirma par la création du
Partido Nacional Revolucionario (PNR). Calles interdit de se représenter par la Constitution de 1917
établit en fait son contrôle sur son successeur et obtenait enfin la stabilité politique. D’autre part, son
mandat est caractérisé par la création d’une petite bourgeoisie propriétaire de la terre.
Sans doute, le coût humain de la révolution mexicaine avait été considérable. Sans doute,
également, la démocratie demeurait inachevée compte tenu de la mainmise du PNR sur la vie
révolutionnaire et surtout la persistance d’inégalités sociales fortes. Mais les ambitions des militaires
étaient définitivement contenues. Mais les aspirations des différentes classes de la société mexicaine
ont été imparfaitement remplis : que ce soit la classe moyenne urbaine, le prolétariat urbain, et
l’immense masse paysanne. Par ses artistes, le Mexique pouvait donner sa révolution en exemple.
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L’Amérique latine au XXe siècle
Les illusions de la prospérité
1 - Les débuts
L’essor économique de l’Amérique latine est palpable, mais celui-ci ne touche pas de façon
uniforme tous les pays ni avec la même intensité. Mais il est sensible et est un mouvement général
de hausse. Pour l’essentiel, cet essor économique a pris la forme d’une croissance spectaculaire,
essor fondé sur l’exploitation des ressources naturelles:
- les mines (Chili le nitrate, le cuivre)
- agricoles : l’élevage argentin.
En Europe, la croissance n’a pas été fondé essentiellement sur l’agriculture et la mine, cette
caractéristique est typique de l’Amérique latine.
1. Un modèle agro-minier
L’essor économique dans le premier tiers du XXe est fondé sur l’exploitation des ressources
naturelles.
Ressources agricoles en premier lieu : l’Argentine en 1913 est les 3e producteur mondial de blé et le
1e exportateur de viande bovine. Cet essor a été rendu possible par la baisse des coûts de
transports et par la mis au point de la conservation par le froid.
Ressources minières également : le nitrate et le cuivre chilien ou anglo-chilien, l’étain bolivie, le
pétrole mexicain (concession accordée par Porfirio Diaz à la Standart Oil de Rockfeller) et plus tard le
pétrole Vénézuélien (Cédé par Vicente Gomez à la Shell) qui devient le 1er exportateur mondial et le
3eme producteur mondial de pétrole.
Une économie prospère mais débouchant sur un système mono-productif tourné vers l’exploitation
des ressources agrominières. C’est une économie très ouverte qui possède comme avantage de
permettre un développement très rapide du pays mais c’est un économie déséquilibré qui engendre
l’économie des cycles :par exemple au Brésil, au cycle du café qui fit la fortune de Sao Paulo suivit le
cycle du caoutchouc. Ces cycles sont vites achevés après que les sols eurent été littéralement
épuisés par une exploitation effrénée. Lorsque le retournement cyclique se fait sentir, il laisse des
villes minières (Antofagasta au Chili par exemple après la fin du cycle du nitrate) ou des régions
entières à l’abandon. De plus cet économie des cycles favorise une accumulation de capitaux
destinés à la spéculation et non à l’investissement.
Sauf l’ARgentine est capable de développer une industrie de transformation notable : celle de la
viande en conserve. Aussi bien que l’Argentine qui ne représente en 1913 que 9% de la population
du continent concentre 30% des revenus tirés de l’exploitation alors même que c’est elle qui
présente le degré le moins élevé de concentration puisque les deux produits principaux ne
représentent que 43% des exportations.
A son niveau et à sa taille, l’Uruguay peut également afficher une belle réussite économique sur des
secteurs à peu près identiques à ceux de l’Argentine. Au Chili plus timidement encore, en Colombie,
au Mexique ou au Pérou, une timide industrialisation articulée sur les ressources primaires apparaît.
En revanche les cas de l’Équateur ou de la Bolivie sont exemplaires de ces économies prédatrices de
richesses naturelles sans aucunes incidences sur l’industrialisation.
Le défaut principal étant le non-investissement de ses capitaux accumulés grâce à l’exploitation
agro-minière dans l’économie nationale. En plus de l’impossible mise en place sur le territoire
national d’une nation sur des fondements politiques et idéologiques, se rajoute l’impossibilité de
créer une nation économique avec un marché national. L’économie des cycles est l’exploitation
d’une richesse et le développement d’un lieu localisé. L’économie nationale n’est pas homogène. Il
n’y a pas non plus d’homogénéité sociale et économique d’exploitation des ressources nationales,
les capitaux ne sont pas réinvestis dans la nation.
2. La dépendance d’économies ouvertes
Les économies ouvertes d’Amérique latine sont dépendantes vis à vis de l’étranger à la fois en
amont et en aval.
En amont, car les investissements proviennent dans leur quasi totalité de l’étranger. Seule l’Argentine
et à un moindre degré la bourgeoisie de Sao Paulo sera en mesure à la fin des année 20 de procéder
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L’Amérique latine au XXe siècle
à une politique d’investissement au demeurant limitée.
Les investissement anglais s’élèvent à 20 milliards de £ au début du siècle, les ÉU à 6,5, la France à
6 et l’Allemagne à 3,8. Ce sont eux qui ont permis les grandes réalisations des grandes
infrastructures minières, ferroviaires ou portuaires (Montevideo, Buenos Aires). Mais y compris dans
les pays plus important (Argentine, Brésil, Mexique) les flux financiers ne furent affectés aux
infrastructure qu’à hauteur de 36%.
En aval la dépendance est d’autant plus forte que les exportations concentrés sur un ou deux
produits et que la géographie des exportations est elle très concentrée.
Export (M$)
Argentine
ÉU (%)
PiB
All (%)
Fra (%)
Total des 4
510
4,7
24,9
12
7,8
49,4
Bolivie
36
0,6
80,8
8,5
4,9
94,8
Brésil
315
32,3
13,1
14
13
72
Chili
142
21,3
38,9
21,5
6,2
87,2
Colombie
33
44,5
13,5
7,1
2
67
164
79,7
11,2
2,8
1
94,7
Guatemala
15
27,1
11,1
53
0,1
91,3
Haïti
11
8,8
7,3
37,2
44,2
97,2
Cuba
Honduras
Mexique
4
88,9
1,8
4,3
0,1
94,2
148
75,2
13,5
3,5
2,8
95
1,3
4,3
0,3
99,9
Panama
Puerto Rico
Rép. Dominicaine
Uruguay
Venezuela
Amérique latine
5
94,1
46
84,6
11
53,5
2,5
20
8,5
85
120
4
11,2
19,5
17,4
52,1
28
29,4
7,6
19,3
34,7
91
1588
29,7
20,7
12,3
8
71
1er produit
%
2nd produit
%
Argentine
maïs
22,5 blé
Bolivie
étain
74,5 argent
4,5
Brésil
café
62,3 caoutchouc
16
Colombie
café
37,2 or
Cuba
sucre
Équateur
cacao
64,5 café
5,4
Guatemala
café
85,4 bananes
5,7
Honduras
bananes
50,1 métaux précieux
Mexique
argent
30,3 cuivre
10,3
Pérou
cuivre
2 2 sucre
15,4
4 3 cacao
21,4
71,3 cuivre
7
7 2 tabac
20,7
20
19,5
25
Uruguay
Venezuela
café
Chili
nitrates
Ces traits se renforcent en certains cas après la guerre. En 1928, les exportations comptent pour
30% dans la formation du PIB argentin, pour 35% au Chili ou au Pérou, mais pour plus de 50% au
Costa Rica, au Honduras. Même dans le cas de l’économie argentine, l’économie la plus avancée et
diversifiée du continent avec un PIB par habitant équivalent à celui de la France n’avait pu rompre
avec une trop forte dépendance (le total import = export entre pour 59% dans la formation du PIB
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L’Amérique latine au XXe siècle
en 1929).
Le cas le plus extrême est celui de la United Fruit Compagny qui en amérique centrale et dans la
région caraïbe/colombienne possède les plantations, les chemins de fer, les embarcadères, contrôle
les douanes et exerce une domination totale sur la vie sociale et politique de la région et la politique
économique menée par le gouvernement.
Le fait que ces économies soient tournées vers l’exportation n’empêche par que les balances
commerciales des États latino-américains ont tendance à être plus nettement défavorable par rapport
aux ÉU que par rapport à la PiB, car certaines des productions latino-américaines entrent en
concurrence avec certaines productions nord-américaines.
Surtout, la dépendance financière s’accentua durant les années. En un seul emprunt sur la place de
Londres, le Brésil gonfle sa dette de 10 millions de £. L’Argentine consacre 39% de son budget à
payer le service de la dette extérieur (22 emprunts cumulés). Beaucoup d’État d’Amérique centrale
furent contraint de céder aux ÉU le contrôle et l’administration de leurs douanes voient de leur
chemin de fer.
2 - De nouvelles structures sociales urbaines
Le premier tiers du siècle est marqué par un accroissement démographique inégal au demeurant.
Celui-ci concerne surtout les pays qui ont bénéficié de l’immigration. Entre 1890 et 1914, plus de
dix millions d’immigrants (Italiens, Espagnols, Allemands, mais aussi Syriens, Turcs et Grecs) se
sont installés dans une vaste région comprenant le sud du Brésil, l’Uruguay et l’Argentine (à un
moindre degré le Venezuela).
Les vieilles villes commencent juste à sortir de leur plan en damier issu de l’époque colonial. Lima
notamment qui compte plus de 130 000 habitants au début du siècle, Santiago du Chili passe de
250 000 hab. à 350 000 hab. en quelques années, passé le tournant du siècle, Rio de Janeiro
compte 520 000 hab. en 1906, Buenos Aires passe de 286 000 hab. en 1880 à 663 000 hab. en
1895, en 1 230 000 en 1909, 2,4 M en 1930.
Du point de vue de l’aménagement urbain, le trait marquant qu’en même temps que ces villes
adoptent les signes les plus effectifs de la modernité édilitaire (eau potable, gaz, électricité, réseau de
transport en commun, opéras, théâtres, etc...) celle-ci ne touche que les élites, les classes aisées, les
pauvres et marginales étant rejetés (favelas de Rio de Janeiro, conventillos de Buenos Aires).
La prospérité économique a suscité l’essor de nouvelles classes urbaines aisées, tournées
résolument vers l’étranger et la modernité et qui veulent disputer à l’ancienne oligarchie leur
hégémonie. Ces classes moyennes urbaines en développement ne se reconnaissait
qu’imparfaitement dans ses formes politiques spécifiques. En Colombie, par exemple, elles
composent l’armature du vieux parti libéral. Dans le cône sud, en revanche, elles se retrouvent dans
le réformisme du Partido Colorado de José Battle y Ordoñez en Uruguay. En Argentine, alors que
la jeunesse estudiantine lance à l’opinion éclairée le manifeste de Cordoba, les couches moyennes
et inférieurs suscitent la création du parti radical. Le principal dirigeant du parti radical, Hipolite
Yrigoyen qui avait tenté un certains nombre de coup de force contre le gouvernement, devient
président de 1916 à 1919 et de 1928 à 1930. Nonobstant ses déclarations d’intentions de 1916,
son premier mandat est marqué par la répression sanglante du mouvement ouvrier de 1919. Lors
de sons second mandat, il se heurte à la crise économique et à l’hostilité déclarée et agissante des
groupes dominants. Une proclamation des militaires le contraint à la démission.
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L’Amérique latine au XXe siècle
Chapitre II
L’Amérique latine de 1930 à 1960
L’époque “nationale-populaire”
Les décennies du milieu du siècle sont marquées en Amérique latine par une réaction contre la
dépendance économique, politique et même culturelle à l’égard de l’Europe et des États-Unis. Au
Mexique, cette réaction artistique prend la forme du muralisme, art issu de la révolution, à la fois
mexicain et universel. En Argentine, des écrivains tel Ricardo Guïraldes qui met en scène le gaucho
Don Segundo Sombra, faisant d’un personnage typiquement argentin un héros. Cette production
artistique, intellectuelle se réclame et se revendique latino-américaine et non pas comme seule
transposition européenne en amérique. Cette nouvelle sensibilité, cette nouvelle option qui débute
dans les années 30 est caractéristique de la période “nationale-populaire”.
Mais il faut relativiser le phénomène est bien comprendre les divergences nationales, certains pays
échappant à la tendance pour la voir aboutir dans les années 80 (Panama), bref tous les pays latinoaméricains eurent des développements différent.
La manifestation et les effets de la crise des années 30
Durant les années 20, la forte agitation sociale en Argentine illustrait déjà les premiers signes de
faiblesses du modèle libéral-exportateur. Mais c’est la crise mondiale de 1929 qui en rélève
l’ampleur, cette crise révèle l’échec du modèle libéral.
1 - Un continent particulièrement troublé
Un signe qui révèle l’ampleur de la crise est sans aucun doute celui de l’emploi du café pour faire
fonctionner les locomotives au Brésil car le café ne se vend plus. Les économies latino-américaines
sont d’autant plus touché que la crise mondiale voit une contraction des échanges internationatiaux
et que les économies latino-américaines étaient tournées vers l’extérieur. Dans le grand ouvrage
qu’ils ont consacré à la dépendance latino-américaine, Cardoso et Faletto (Dépendance et
développement en Amérique latine, PUF, 1978) distinguent deux types de dépendance :
- selon que les principales activités d’exportation sont aux mains d’une bourgeoisie nationale
(plantations de café de Sao Paulo, viande argentine)
- ou au main d’entreprises étrangères (plantation d’Amérique centrale, mines du Pérou), nommé
économies d’enclaves
Paradoxalement ces dernières qui relèvent d’un taux de dépendance largement supérieur et donc
plus vulnérable sur le long terme ont été moins touché, car les entreprises étrangères ont pu
supporter une partie des pertes par des compensations alors que les économies au main d’une
bourgeoisie nationale n’ont pu compenser la crise à l’étranger (c’est le cas du café au Brésil).
Cette crise monnétaire renforce les institutions étrangères et particulièrement les Banques ÉU car les
États ont été obligé de contracter des prêts par lesquels les banques ont pu prendre contrôle des
douanes et de la fiscalité afin d’assurer le remboursement de la dette. La GB qui était libreéchangiste depuis 1846 a du mettre fin à son système en 1932 (Accords d’Ottawa). La crise de 29
voit le renforcement des protectionnismes.
Du fait de leur grande dépendance à l’égard des exportations, les économies latino-américaines
furent particulièrement éprouvées par la crise. Le prix des exportations latino-américaines
s’éffondrèrent du tiers pour la laine et le caoutchouc, de moitié pour le café, le blé et l’étain et
des deux tiers pour le cuivre et l’étain. On dut procéder à la destruction pure et simple de millions
de sacs de café au Brésil et en Colombie, à l’abbatage de centaines de milliers de brebis et de vaches
au Chili et en Argentine.
La valeur des exportations chuta de 64,3 % entre 1929 et 1933. Cuba perdit plus de 70% de la
valeur de ses exportations, la Bolivie et le Chili, plus de 80%. À l’exception de l’Argentine, tous les
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L’Amérique latine au XXe siècle
états se déclarèrent en faillite et durent procéder en catastrophe à la dévaluation de leur monnaie.
Le chômage augmenta dans des proportions inconnus jusqu’alors : au point le plus grave, il
touchait jusqu’à la moitié de la population active. Outre les salariés, la crise toucha aussi durment la
petite bourgeoisie de l’artisanat et du commerce.
Il n’y pas de mise en place de véritable politique économique de sortie de crise. Paradoxalement, les
pays andins - Pérou, Colombie - croient trouver une solution en renforçant le contrôle des
institutions publiques et privées nord-américaines sur leurs finances.
En 1933, l’Argentine signe avec la GB le traité Roca-Runciman : elle accepte de vendre la viande à
un prix dérisoire afin de pourvoir continuer à avoir accès au marché britannique. Les années 30
voient d’ailleurs un certains renforcement des anglais et un retour des allemands particulièrement
dans le cône sud : au Brésil, en Uruguay, Au Paraguay (respecctivement 20, 24 et 24% des
exportations destinnées à l’Allemagne-. Mais aussi au Honduras et au Guatemala où les allemands
font main basse sur le pays.
II - Les réactions politiques : dans un 1er temps, le renforcement des
régimes autoritaires au service de l’oligarchie
Dans les années 30, dans beaucoup de pays, se développent des mouvement ultra-conservateurs,
autoritaires (au Honduras et au Guatemala, ils sont même fascistes). Un des exemples les plus
manifestes est celui du Guatemala ou se déroula une dictature particulièrement féroce au bénéfice de
la United Fruit Company et d’une oligarchie latifundiaire d’origine allemande.
Mais compte tnu de son importance et du fait qu’elle avait vu l’expérience d’une démocratie avec un
radicalisme relativement réussi au gouvernement, avec de nombreuses réformes, c’est l’Argentine
qui illustre le mieux ce véritable renversement avec une contre-révolution préventive menée par le
général Uriburu qui renverse le président radical Yrigoyen. Il s’en suivit une série de mesure inspirée
par le fascisme et l’Italie de Mussolini qui rétablissant l’oligarchie dans son pouvoir et dans ses
prérogatives, pourchassant le parti radical, interdisant le parti communiste, pourchassant les
syndicats alors que les dirigeants du parti socialiste s’accomodait de la situation, soutenant le
système.
III - Le Mexique de Lazaro Cardenas : une exception
Au Mexique, les élections de 1934 voyent la victoire de Lazaro Cardenas issu de la gauche
mexicaine qui se réclame dans la continuité des réformes de la Révolution politique, économique et
sociale. Il met en place un plan de 6 ans qui prevoit l’accomplissement des réformes promisent dans
la Constitution dont la Réforme agraire. Il essaye de promouvoir l’indépendance économique par la
limitation des prérogatives des grandes compagnies étrangères . Il promeut un programme sociale
en étendant les droits sociaux des salariés.
la droite du parti gouvernemental (PNR) mené par Calles essaya de renverser Cardenas en juin 1935.
La mobilisation syndicale (CTM) empêcha le coup de réussir. Cardenas restructura par la suite le parti
gouvernemental et le PNR devient PRM (Parti de la Révolution Mexicaine). qui est composé de 4
sections :
- section ouvrière où adhèrent tant des individus que des organisations
- section paysanne dont la Fédéracion National Campesina
- section “populaire” où adhère les secteurs intellectuels et la bourgeoisie
- section militaire.
L’Église n’est pas représentée dans le parti. La CTM (et le parti communiste dont Cardenas n’avait
pas voulu l’incorporation au sein du PRM) appuya la politique du gouvernement Cardenas dans la
mise en oeuvre de ses réformes : réforme agraire, nationalisation des chemins de fer (1937) et de
l’industrie pétrolière (1938). C’est un pays restructuré que Cardenas contrôle. Le Mexique soutient la
République espagnole et accueil en 39 les réfugiés. Dans la nationalisation du pétrole, le prétexte fut
pris d’une non respect de la législation mexicaine. Le gouvernement Roosevelt n’est pas intervenu à
la fois dansl’optique du bon voisinage et dans les mauvaise relations qu’entretenait Roosevelt et les
Compagnies pétrolières texanes.
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L’Amérique latine au XXe siècle
La réforme agraire du Mexique sous Cardenas
Si la réforme agraire voulue par Zapata avait été inscrite dans la constitution de 1917, on avait tenté
sous Obregon et surtout sous Calles d’en limiter la portée : en 1926, seulement 3 millions d’ha
avaient été distribués, soit 1,8 % du sol au bénéfice de 300 000 familles.
Cardenas relance le processus : dès 1934, on redistribuait 9 million d’hecctares pour 900 000
familles réparties en 4 000 ejidos ; son plan de 6 ans introduisait un code agraire. Celui-ci donnait
une définition précise de l’ejidos en insitant sur le caractère incessible et inaliénable du droit de la
propriété, sur le caractère collectif des nouvelles formes d’économie agraire. Chaque ejido devenait
“une sorte de petite république” (Pierre Léon) qui réunissait tous les membres de la communauté et
constituait une sorte d’exécutif de trois personnes (La comisariado) et un comité de vigilance. Alors
que dans les ejidos individuels chaque concessionnaire était maître de ses spéculations, dans les
ejidos collectifs, où non seulement la propriété mais aussi l’exploitation étaient communautaires, un
comité spécial dressait les plans de travail, organisait les équipes de travail, assurait les ventes et
répartissait les bénéfices (Pierre Léon).
De 1934 à 1940, plus de 20 milolions d’hectares furent redistribués :
- vaste lot individuels de 20 ha en moyenne voir à 40 ha dans les zones les plus sèches : 2 millions
de familles furent ainsi installées
- en 14 500 ejidos crées ou restaurés. La terre ejidale s’étendait sur 29 millions d’hectares.
Cardenas promut non seulement l’accélération de la redistribution des terres, mais aussi conscient
que celle-ci ne serait suffire, l’équipement des exploitations. Une banque de crédit ejidal fut créée afin
de prêter à court ou à long terme à des taux modérés. Des semences et du matériel agricol furent
envoyés aux coopératives.
A près Cardenas, le mouvement de réforme agraire fut considérablement ralenti sous des présidents
nettement moins sensible au sort des masses. Le mouvement reprit néanmoins une vigueur sous
Lopez Mateos de 1958 à 1962 : 10 millions d’hectares furent redistribués. En 1963, il y avait 18
000 ejidos sur 60 millions d’hectares soit le quart du territoire national. Des décrets “d’inaffectabilité”
luttaient contre le morcellement et protégeaient la propriété ejidale. Malgré ses lacunes, la réforme
agraire mexicaine avait valeur d’exemple sur le continent.
Cardenas avait achevé l’incorporation des paysans et des ouvriers au projet national. En même
temps, et malgré la référence réthorique sans cesse affirmé à la Révolution, il s’agissait malgré tout
de dépolitiser les masses. Les “pactes corporatistes” mis en oeuvre par les régimes populistes
brésiliens et argentins sont allés bien plus loin dans cette volonté.
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L’Amérique latine au XXe siècle
Les populismes latino-américains
1 - L’avènement des mouvements populistes
À la fin des années 30 et durant les années 40, il se produisit en Amérique latine un phénomène
politique que l’on nomme généralement et de façon quelque peu abusive “populiste”. Il s’agit d’une
façon formelle d’expression politique qui se veut nationale et réformiste. Elle est
fondamentalement liée au développement de nouvelles couches moyennes urbaines : petite
bourgeoisie, employés et fonctionnaire.
Peuvent y être rattachés tant l’APRA au Pérou que le MNR de Bolivie, l’Accion Democratica
vénézuelienne et bien sur les régimes de Getulio Vargas au Brésil et de Peron en Argentine. En
revanche, le gouvernement de Cardenas au Mexique s’inscrit plutot dans la tradition de la révolution
mexicaine elle-même, à laquelle le président essaie de redonner ses couleurs sociales et nationales.
Le succès de cces partis s’explique par plusieurs facteurs. L’idée du front unique constitué par
“toutes les classes de travailleurs” parût séduire tout comme la proclamation des réformes.
Malgré leur sociologie plutôt populaire, les partis “populistes” représentent en fait essentiellement les
intérêts des groupes de la bourgeoisie nationale non liée au capital étranger. C’est le sens de leur
soutient à l’État. Leur idéologie est fondée sur un nationalisme d’État teinté d’idéal socialisant
plus ou moins affirmé, selon les cas (plutôt davantage dans le cas de l’APRA péruvienne de Victor
Haya de la Torre, nettement moins dans le cas de Vardas ou de Peron). mais aussi non dénué
d’une certaine sympathie pour certains traits du fascisme, nottament le culte du chef et le goût de
l’ordre (surtout chez Peron). En même temps, elle se présent comme un rempart contre certains
groupes, expressement fascistes. Enfin, ces références nationales, constantes, expriment le refus
viscéral de toute référence à la lutte des classes : d’où la légitimation de leur lutte constatne contre le
marxisme socialiste et communiste compensée par une démagogie certaine.
Pourtant, incontestablement, ces mouvements ont su intégrer de larges parties des masses urbaines
- ce qui justifie d’une certaine manière leur désignation. Ce sont notamment les nouveaux
immigrants, venus des campagnes, sans lien aucun avec le mouvement ouvrier (déjà organisé) et
surtout désireux d’améliorer individuellement leur condition qui ont fourni les plus gros bataillons
électoraux et la masse critique lorsqu’il fallut à l’occasion apporter son soutien au chef. Sans que
l’on puisse tracer les contours précis à un concept politique et historique aussi vague que celui de
“populisme”, il est possible d’y inclure, par exmple le gouvernement de Lopez Contreras (19351941) et de Medina Anguita (1941-1945) au Venezuela, de José Maria Velasco Ibarra en
Equateur (de 1935 à 1956 avec des interruptions) du général Ibanez au Chili (1952-1958).
En raison de l’importance du pays concerné et de la personnalité des chefs deux expériences
doivent être soulignées.
II - Le Brésil de Getulio Vargas (1930 - 1945 et 1950 - 1954)
1. La prise de pouvoir par Getulio Vargas
En octobre 1930, de larges secteurs de la petite bourgeoisie des États du Minas Gerais et du Rio
Grande do Sul alliés à des officiers, forment l’Allianza Liberal et lancent le mouvement tenentiste qui
promet de “résoudres la question sociale”. Soutenu par cette coalition, Getulio Vargas se décide au
coup d’État en novembre 1930. En 1932, l’oligarchie tenta de récupérer le pouvoir lors de la
“révolution constitutionnelle”. Avec la nouvelle constitution Vargas mettait en fait fin à l’hégémonie
de l’oligarchie caféière de Sao Paulo. C’était également la volonté de mettre fin à l’autonomie des
états au profit du pouvoir fédéral. Inversement en 1935, le “tenentisme de gauche (Alianza
libertadora nacional) essaya à sont tour de renverser Vargas. L’ALN (coalition regroupant aussi bien
la petite bourgeoisie de gauche que les socialistes et les communistes) reprochait à celui-ci d’avoir
oublier d’entreprendre les réformes sociales. Deux élements constituaient son programme : la lutte
contre l’impérialisme et l’expropriation des plus grands latifundios. Mais l’Alianza nacional
libertadora manquait de soutiens dans les campagnes et le gouvernement put en venir à bout assez
facilement. A partir de 1935-1937, le régime de Vargas s’oriente de plus en plus nettement à droite.
Le discours de Vargas est anti-anglais, anti-américain. Mais le régime est surtout anti-comuniste.
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L’Amérique latine au XXe siècle
2. L’Estado Novo
En 1937, Getulio Vargas lançait son programme d’Estado Novo ur le plan économique, il s’agit de
réduire la monoculture caféièez d’une part et de renforcer le capital nationalet de stimuler l’industrie
d’autre part.
Sur le plan politique et social, il s’agissait clairement d’établir une sorte de corporatisme. A cette
époque, le régiome entretient des relations aves les États fascistes. Vargas dissout les partis
politiques et les syndicats. La population est intégré dans les corporations organisées par l’État, il
s’agit bien de remplacer les syndicats existant d’orientation communiste, anarchiste ou socialiste par
un mouvement ouvrier apolitique dans un modèle d’harmonie et de collaboration des classes
sociales substituées à l’affrontement des classes. Les syndicats deviennent “des organes
consultatifs techniques dans l’étude et la solution par le gouvernement fédéral des problèmes
économques et sociaux liés aux intérêts de la classe”.
En 1943, le Brésil change de politique extérieur fin 1943 - il fournit désormais en matières premières
stratégiques aux EU, gêne les manoeuvres de Vichy aux Antilles sans pour autant autoriser à
nouveau syndicats et partis.
EN 1944, cependant, Vargas autorise à nouveau les partis (y compris le parti communiste clandestin
depuis 1922 : son dirigeant Luis Carlos Prestes “les prisonnier politique le plus connu d’Amérique
latine” est libéré) et les syndicats et crée par ailleurs son propre parti : le Parti travailliste brésilien. Mais
l’oligarchie brésilienne et l’ambassadeur des États-Unis, Adolf Berle, qui feignent de croire au
rapprochement entre Vargas et les communistes soutiennet le coup d’État militaires qui le renverse
en octobre 1945 au profit du général Dutra. Celui-ci organise bien des élections mais interdit le parti
communiste et la Confédération des travailleurs brésiliens, centrale syndicale commune aux
communistes et aux socialistes.
3. Le “second Vargas” et la présidence Kubitschek (1959
En 1950, les élections présidentilles ramènent au pouvoiur Getulio Vargas. Les milieux conservateurs
s’emploient à contester les méthodes de gouvernement du président qu’ils soupçonnent de vouloir
rétablir une dictature, mais surtout tentent de s’opposer à sa politique économique et sociale. Ils
accusent sa planification, le protectionnisme et les nationalisations de plonger le pays dans la
récession et l’intégration des masses de faire le lit du communisme. En 1954, un “mémorandum
des colonels” s’en prend à Vargas et à son ministre du travail Joa Goulart. Goulart démissione et
frappé d’une procédure d’impeachement après l’assassiant d’un journaliste de l’opposition. Vargas
se suicide le 24 aout 1954.
La réaction populaire paralyse les ambitions de la droite civile et militaire. Après des présidences
intérimaires jalonnées de menaces putschistes, les élections de 1955 amènent à la présidence
Juscelino Kubitschek et à la vice-présidence Goulart.
Le nouveau président engage résolument le pays dans le “développementisme”, la planification,
l’industrialisation et la modernisation (dont la construction d’une nouvelle capitale ex-nihilo : Brasilia).
Sans doute, cette modernisation oubliait les campagnes et la question de la réforme agraire, sans
doute également, la croissance de 10% par an que connut le Brésil sous Kubitschek ne fut pas sans
entraîner de nombreux cas de népotisme et d’abus de pouvoir. Mais le salaire minimum atteint alors
des sommets historiques qu’ile ne retrouva plus par la suite. On comprend mieux pourquoi pour
beaucoup Kubitschek demeura le président qui avait su impluser la croissance économique dans un
régime relativement peu démocratique.
III - Peron et l’Argentine (1945 - 1952/55)
1. La junte militaire et Peron (1943 - 1945)
À la fin des années 30, l’oligarchie argentine est divisée entre pro-britannique et pro-nord-américain
tandis que dans l’Armée, l’Allemagne nazie gagne de l’influence.
Dans ce contexte, le président Roberto Ortiz, bien que promut par les militaires tente une
démocratisation du régime en organisant des élections libres en 1940 qui coit se constituer comme
une sorte de Front Populaire anti-fasciste. Mais il est contraint de céder le pouvoir à son vice( 15 )
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L’Amérique latine au XXe siècle
président Castillo, représentant de la droit ultra et des intérêts de l’armée. Castillo augment le budget
de l’armée (22,8% en 1942 et 27% en 1943) et crée la Direction Générale des Fabrications militaires,
appelée à jouer un rôle moteur non seulement dans le développement de l’industrie de guerre, mais
aussi dans le développement de l’industrie nationale. Le pouvoir militaire acquiert une dimension
économique.
Il va s’emparer du pouvoir politique direct pour s’opposer à la contestation sociale dont rendent
compte les immenses manifestations du 1er mai 1943, il se crée un groupe d’Officiers Unis. Le
putsch militaire du 4 juin 1943 instaure une dictature militaire dont le chef en titre est le général
Rawson. Le Parlement est dissous, les syndicalistes et les militants de gauche - et particulièrement
les communistes - sont pourchassés. Le budget de l’Armée est porté à 34,4%. Toutefois, le
secrétaire d’État au Travail et à la Prévision sociale est Juan Domingo Peron, il fait augmenter les
salaires, instaure la journée de 8 heures, crée des assurances pour les accidents du travail. Il obtient
également la promulgation d’un statu pour les ouvriers agricoles, les peones, établit des conventions
collectives et agit comme médiateur lors des conflits.
Au moment même où le syndicalisme est proscrit (la CGT clandestine ou CGT2), il s’appuie sur une
CGT officielle (CGT 1) de structure verticale, à l’immitation des corporations italiennes, il acquiert
une grande popularité tant auprès de larges couches populaires, tandis que son nationalisme
intransigeant et anti-anglo-saxon le fait apprécier de nombreux d’officiers. À la faveur du
remaniement de janvier-février 1944, Peron devenu ministre de la Guerre occupe le poste le plus
important du gouvernement.
En 1945, le vent paraît tourner : l’ambassadeur des États-Unis, Spruille Braden, ne cache pas son
hostilité à Peron qui refuse d’engager l’Argentine aux côtés des alliés, tandis que d’autre part, la
Junte militaire inquiète de son évolution vers le centre gauche et de sa popularité le relève de ses
fonctions et l’incarcère le 9 octobre 1945. Mais les protestations populaires - l’immense
manifestation desdescamisados des faubourgs organisé par Evita Peron - firent libérer Peron le 17
octobre. La popularité de celui-ci ne fit que s’accroître.
2. Peron, Evita et le “justicialisme”, 1945-1952/55
Les élections de février 1946 sont un triomphe pour Peron, soutenu par les dirigeants syndicaux, le
parti travailliste et le parti radial, tandis que la Union Democratica avait tenté avec le soutien de
l’ambassadeur des États-Unis mais sans succès d’organiser l’alliance des partis classiques modérés,
des socialistes et ... du parti communiste.
Peron lui même fonde le parti “justicialiste”. Le programme de Peron se caractérise par des slogans
destinés à marquer tels que “la nouvelle Argentine”, “la justice”, etc... Peron promet l’indépendance
économique et politique, le développement, la limitation du capital impérialiste, les lois sociales. Il
s’agit, dit-il, de fonder une “troisième voie” entre le communisme et le capitalisme, de promouvoir
l’harmonie sociale et la coopération au lieu de l’égoïsme et de la lutte des classes (en vertu de quoi le
droit de grève n’est pas inscrit dans la Déclaration des droits des travailleurs qu’il fait proclamer).
La forme argentine du populisme, le péronisme, eut de l’influence parmi les ouvriers. C’est un
processus qui a atteint là un degré sans équivalent ailleurs. Il s’explique par l’extrême rapidité de la
croissance du nombre d’ouvriers dans la banlieue de Buenos Aires (plus de 300 000 de 42 à 45) : il
s’agit de population tout juste urbanisé, pas du tout politisées auparavant ; les descamisados sont
ifascinés par le personnage de Peron et plus encore par celui de son épouse Evita. L’autre appui du
péronisme ce sont les employés de l’État (142 000 en 1942, 250 000 en 1945 et 400 000 en
1947) et l’armée (200 000 EN 1947).
Sous Peron au pouvoir, les masses ouvrières gagnèrent l’instauration de la sécurité sociale, la
semaine de 48 heres et des congés payés. Autant de mesures inconnues ou quasiment inconnues
ailleurs en Amérique latine. Le chômage diminua et les salaires augmentèrent. En revanche, la
réforme agraire demeura lettre morte.
En même temps, le péronisme signifait surtout la mise de la population sous contrôle de l’État, et
profitait surtout au capitalisme national.
Après 1950, les difficultés économiques apparaissant les aspects sociaux du régime s’estompèrent
nettement. Peron s’appuya de plus en plus sur l’armée et donna libre cours aux aspects coercitifs
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L’Amérique latine au XXe siècle
voir répressifs du régime. Le décès d’Evita en juillet 1952 lui ôta une bonne part du soutien
populaire dont il avait joui jusque-là. Ayant durci le ton face à l’oligarchie et à l’Eglise (abandon de
l’instruction religieuse obligatoire dans les écoles, légalisation du divorce et de la prostitution) afin de
compenser l’abandon de sa politique sociale, Peron se heurte à l’armée qui en 1955 le contraint à
l’exil.
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L’Amérique latine au XXe siècle
La nation et le “développement auto-centré”
Trois points expliquent la généralisation du nationalisme économique au milieu du siècle en
Amérique latine :
- La crise consécutive au Karch de 1929 avait montré la faillité des politiques économiques fondées
sur l’exportation des ressources agricoles et minières. Vers la fin des années 30, des politiques de
sortie de crise fondées sur la substitution des imoorations et l’intervention de l’État, menées au
Mexique et au Brésil (+ 2,3% de croissance), avaient paru, au contraire indiquer une voie susceptible
de renouer avec la prospérité.
- Par ailleurs,, durant la 2ème guerre mondiale, les capitaux internationaux se détournèrent de
l’Amérique latine.
- Le soutien d’une partie de la bourgeoisie nationale et celui des masses populaires urbaines.
I - En toile de fond, la croissance démographique et l’urbanisation
La croissance démographique et ses effets cumulés est sans contexte un phénomène massif de
l’histoire contemporaine du continent. Le taux de croissance annuel de la population est de 2,3%
durant la décennie 1940-1950, de 2,7% pour 1950-1960, de 2,9% pour 1960-1970 et encore,
2,7% pour 1970-1980.
La population totale est de 160 millions en 1955, 275 millions en 1970 et de 352 millions en 1980
et de 540 millions en 2000.
Il faut noter que cette croissance n’est pas homogène selon les grandes zones sous-continentales :
- ainsi, alors que durant le demi-siècle antérieur, les pays du cône sud tempéré avait connu grâce à
l’immigration, la croissance la plus élevée, ce sont eux qui désormais, du fait d’une fécondité et
d’une natalité plus faible, progressent le moins.
- une autre zone à faible croisssance est la zone caribéenne : l’explication est à chercher soit dans
des acteurs positifs comme à Porto Rico ou à Cuba -politiques de limitation volontaire des
naissances - soit dans des facteurs négatifs telle la persistance d’une forte mortalité infantile comme
à Haïti et dans une moindre mesure en République Dominicaine.
- Les zones à très forte croissance sont d’une part le Mexique et l’Amérique centrale (Le Mexique
voit sa population passer de 26 millions à 68 millions entre 1950 et 1970 et à plus de 110 millions à
la fin du siècle) Et l’amérique tropicale, le Vénezuela connaît une progression annuelle supérieur à
4% entre 1950 et 1970, de même pour le Brésil qui passe de 52 à 93 millions, il atteint 120 millions
en 1980 et près de 200 millions en 2000.
Cette croissance a provoqué celle des villes et des agglomérations et accru les tensions entre
mondes urbains et ruraux. Avant la guerre, seuls l’Argentine et l’Uruguay pouvaient être considérés
comme des pays urbanisés. Les décennies d’après-guerre ont vu les villes littéralement grossir sous
l’effet de leur propre croissance et surtout d’un fantastique et ininterrompu exode rural. En outre, le
phénomène a touché bien davantage que les centres intermédiaires, les capitales et parfois deux ou
trois autres agglomérations : au Mexique (Guadalajara, Puebla ), au Brésil (Sao Paulo, Belo
Horizonte, Porto Alegre) et en Colombie (Medellin). Le gigantisme de ces mégalopoles (Mexico dès
les années 80 est la plus grande agglomération du monde, Sao Paulo la troisième) pose des
problèmes d’implantation et de gestion des infrastructures. D’immenses bidonvilles (dont les
célèbres favelas de Rio de Janeiro) peuplés parfois de quatre à cinq millions d’habitants, en marge
du tissu urbain et bien souvent des lois, marquent le paysage latino-américain.
II - “L’obssession industrialiste” (Marcello Carmagnani)
1. La nationalisme économique
Le nationalisme économique se manifeste par des mesures de lutte contre le capital étranger.
Les mesures les plus spectaculaires et emblématiques furent les nationalisations avec
indemnisations de compagnies étrangères.
1) La nationalisation pionnère fut celle du pétrole mexicain en 1938. D’autres nationalisation de
compagnies pétrolières suivirent en Argentine en 1946, au Venezuela, Romulo Betencourt ne put
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s’opposer frontalement au capitalisme étranger, mais réussie tout de même en 1959 à réformer le
système des concessions mis en place au début du siècle par Gomez et qui donnait puissance sans
limite aux compagnies : une “corporation venezuelienne des pétroles” put dans une certaines
mesure, contrôler les sociétés.
2) Nationalisation des chemins de fer : au Mexique en 1940, en Argentine en 1946, au Brésil de 46
à 50, au Chili en 51 et au Pérou ensuite.
3) Les États se heurtèrentà de plus en plsu sérieuses résistances dans les télécommunications, celle
de l’ITT en particulier. Malgré tout, nationalisations totales ou partielles au Mexique, en Argentine, au
Brésil, au Chili.
5) Luttes plus féroces pour l’électricité : le Brésil et l’Argentine se heurtèrent aux monopoles
canadiens et états-uniens, dont celui de la Light.
6) C’est encore plus difficile aves les trust miniers : au Chili, le gouvernement démocrate-chrétien de
Frei eut toutes les peines du monde à imposer une participation de 25% dans le capital du trust du
cuivre de l’Anaconda Cooper Cy.
7) En 1947, l’Argentine nationalisait le Banco Centrale, dont les capitaux étaient détenus par intérêts
anglais et états-unienes. Au Mexique, au Brésil, dans les États andins on s’efforça également de
développer les banques d’États, et avec peu de succès, les banques privées à capitaux nationaux.
En complément de ces transferts de propriété, les États s’efforcèrent également de réglementer les
investissements étrangers :
- une législation anti-trust étaient institutée par l’Argentine en 46-48 : elle visait en particulier le
groupe Bamberg dont 16 sociétés étaient interdites. En 1952, le Brésil exigeait des sociétés
anonymes que 51% au moins de leurs capitaux soient souscrits soit par l’État soit par des
particuliers brésiliens ; en même temps, il limitait à 20% par an le rapatriement des capitaux et à 8%
le transfer des intérêts et dividendes. En 1962, on interdit à des entreprises contrôlées par des
résidents “extérieurs” de recourir au crédit des institutions publiques.
L’éviction deds compagnies étrangères favorisa la création et le développement d’entreprises
nationales, publiques (dont la Pemex, cie de Pétrole mexicaine fut longtemps le modèle) ou semipublique comme Petrobras ou Electrobras, cies du pétrole et de l’électricité du Brésil. Comme ces
dernières, les sociétés nationales peuvent être en situtation de monopole ou de quasi-monopole.
Elles peuvent également représenter l’acteur majeur d’une branche ou d’un secteur, telle la
Companhia Siderurgica Nacional au Brésil ou Enami dans le secteur minier au Chili.
Un des objectifs assigné aux compagnies nationales était de stimuler et de porter la croissance
économique globale. Que peut-on en dire ?
2. Les grandes tendances de l’évolution économique
Durant les années 40 et jusque vers 1953-1955, l’activité économique est soutenue par la reprise
des exportations. La période suivante est marquée par la stagnation voir le déclin de cet
indicateur.
Une première crise frappe les années 64-65, surtout la crise mondiale des années 70 touche de plein
fouet les économies latino-américaines qui apparaissaient comme plus florissantes.
1945 - 1955 : PNB = + 4,7%
PNB/hab = + 2%
agriculture et élevage : + 3,5%
mines :
+ 6,9%
industrie :
+ 6,0%
3. Des structures agraires qui changent peu
La relative stagnation de l’agriculture latino-américaine durant les années 50 n’est pas simplement
due à la fermeture du marché européen des céréales et de la viande (qui affecte l’Argentine et
l’Uruguay) dès la fin des années 40 et à celle plus modérée du marché du sucre par exemple un
peu plus tard. Elle est liée également au manque général d’investissement dans le secteur sensible
depuis al fin des années 20. Faiblesse de l’investissement qui s’explique par la persistance de
structure agraire, qui n’incitent pas à mobiliser le facteru de production capital, alors que le facteur
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terre et le facteur travail sont quasi-abondants, mais sous-utilisés du point de vue de la rentabilité
capitaliste.
Au milieu des années 60, les grands domaines couvrent encore 37% de la surface agricole en
Argentine, 45% en Équateur, 50% en Colombie, 60% au Brésil, 80% au Pérou, 82% au Chili. Ces
domaines immenses sont contrôlés par 700 familles en Argentine, à peu près 2000 personnes en
Equateur, une douzaine de milliers en Colombie et au Chili, deux dizaines de milliers au Brésil.
Inversement les très petits producteurs et les paysans sans terre représentent 60% de la population
rurale de l’Argentine ou du Chili, 70% au Brésil ou en Colombie, 86% en Equateur. Pour ces 5
États, on compte plus de 20 millions de petits producteurs et de paysans sans terre, dont plus de la
moitié forme la main d’oeuvre temporaire des grands domaines.
Les réformes agraires menées à la fin des années 40 et au début des années 50, incomplètes et vite
interrompues n’ont eu que des résultats limités : au Guatemala, ce furent 6000 familles seulement
qui reçurent des terres, en Argentine, Peron ne redistribua des terres qu’a moins de 6000 famille.
Seules les réformes boliviennes et surtout cubaine présentent quelque ampleur. Durant les années
60, à l’initiative de l’alliance pour le progrès lancé par Kennedy, et afin de calmer certain
mécontentement et éviter la propagation des exemples précédents, onze pays d’Amérique latine
(Brésil, Chili, Colombie, Costa Rica, Rép. Dominicaine, Equateur, Guatemala, Nicaragua, Panama,
Pérou et Venezuela) approuvent dans l’urgence des projets de réformes agraires, une des conditions
posées pour bénéficier des subventions de l’Alliance. Mais là encore, les résultats furent médiocres
(seulement 44 000 ha sur les 350 000 prévus en Colombie par exemple). A l’exception ancienne du
Mexique et nouvelle de Cuba, la réforme agraire est encore à faire à la fin des années 60. Les
gouvernements qui tenteront de s’y atteler sérieusement au Pérou, au Chili en paieront le prix fort.
3. Le développement industriel : “la réalité d’un mythe collectif” (Marcello
Carmagnani)
Le nationalisme économique des régimes tels que ceux de Vargas ou de Peron, et dont se
reclamèrent bon nombre d’autres dirigeants jusqu’aux années 70 reposait sur la tentative de concilier
le développement des exportations et le protectionnisme. Le résultat devait être l’établissement d’un
appareil industriel autochtone substitutif des importations.
De fait entre 1945 et 1955, le produit industriel des pays latino-américain est multiplié par deux : la
part de la production industrielle dans le produit intérieur global passe de 28 à 31% en Argentine, de
20 à 22% au Mexique, de 16 à 22% au Brésil de 15 à 20% en Uruguay, de 14 à 17% au Pérou. A
l’échelle de l’Amérique latine en son entier, la contribution des biens industriels équivalait à celle de
l’agriculture dans la formation du PIB totale en 1955.
Formation d’un prolétariat : 1,8 millions d’ouvriers de fabrique (hors secteurs miniers et services
publiques) en 1935, près de 4 millions en 1950 alors qu’à la même époque, on estime à un peu
plus de 4 millions les employés du commerce et de l’artisanat, mais à plus de 12 millions les salariés
agricoles.
En revanche, la période 1955-1965 est marquée par un ralentissement de la croissance et surtout
des disparités régionales : si la croissace se poursuit pratiquement au même rythme au Brésil, au
Mexique, au Pérou, au Vénézuela ; l’Argentine, l’Urugueay et le Chili peinent à trouver un second
souffle. La période 1965-1975 voit la stagnation de l’industrier latino-américaine, qui ne parvient
pas, sauf danns trois pays (Argentine, Brésil et Mexique) à acquérir une certaine taille critique
quantitativement et proportionnellement aux autres activités.
Par ailleurs, la structure de la production industrielle se fragilise. L’industrie latino-américaine
concerne pour plus de la moitié de la production des biens de type traditionnel (agro-alimentaire,
meubles, tabas, boissons) les industries des secteurs dynamiques (chimie, métallurgie,
constructions automobiles) ne sont réellement présentes qu’en Argentine, au Brésil, au Mexique et
dans une mesure bien plus faible en Uruguay ou en Colombie. Surtout, partout (y compris en
Argentine ou au Brésil) la part des biens d’équipements dans la consommation des ménages est
bien trop faible.
En somme, les traits de l’industrie latino-américaine sont :
- faiblesse de l’investissement privé ;
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- faiblesse de la technologie incorporée à la production ou techniques élémentaires
- productivité du travail faible
- profits garantis par le protectionnisme et les investissements directs (dans la sidérurgie en
Argentine, dans la chimie de bas au Brésil par exemple) ou indirects de l’État.
Pourtant l’idéologie desarollista (idéologie du développement), quelles que fussent les régimes qui la
promouvèrent et les solutions concrètes proposées, parfois presque radicalement distinctes, soutint
les discours et parfois les actes des gouvernements durant plus de 3 décennies. Elle est
indissociable de la référence national-populaire qui caractérise les discours et politiques de l’époque,
jusqu’à ce que le choc de la crise des années 70 en montre dramatiquement les limites.
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“Démocraties”, voies nouvelles du réformisme. Révolutions.
À la fin de la guerre et avec l’arrivée de Truman à la Maison Blanche, les États-Unis reprennent une
poltiiqeu active en Amérique latine. Celle-ci est à la fois réservoir de matières premières et un
débouché pour les industries états-uniennes. Sur le plan politique, si entre 44 et 46, il s’agit pour les
États-Unis de promouvoir une certaine démocratisation, à partir de 47, il s’agit surtout dans le cadre
de la guerre froide de lutter contre le communisme : c’est l’idée de la “défense continentale” (sur ce
phénomène de flux et reflux de la démocratie, voir O. Dabène). Avec le soutien des oligarchies
locales, bon nombre de mouvement démocratiques ou sociaux sont assez vite accusés de faire le lit
du communisme. La Conférence interaméricaine de Rio de Janeiro de septembre 1947 et la création
de l’OEA (organisation des États Américains) à Bogota en avril 48 sont les signes de cette volonté.
I - Impasse et échec des expériences “réformistes” :
Plusieurs états connaissent durant les années 44-47, l’expérience de régomes démocratiques : le
Pérou avec l’élection de José Luis Bustamante soutenu par l’APRA ( mouvement réformiste puissant
et violemment anti-communiste), le Vénézuela avec celle de Romulo Betencourt, le Costa Rica où le
président est soutenu par les communistes. Mais ces expériences tournent court : au Pérou et au
Venezuela un coup d’état renverse le président en 48, au Costa Rica, l’acte additionnel à la
constitution de 48 interdit le parti communiste (comme au Brésil, à Cuba, au Chili et au Pérou entre
autres). Dans des contextes différents, l’histoire de la Colombie, du Guatemala et de la Bolivie
témoignent de l’impossibilité de s’engager sur des voies réformistes à l’instar par exemple des
expériences européennes contemporaines. L’expérience populiste de gauche du Pérou des années
60 en est une illustration supplémentaire.
1. Gaitan et le bogotazo en Colombie
Ospina Perez représentant de la droite conservatrice gagne les élections de 46 alors que le chômage
et la vie chère favorisent la croissance du nombre des manifestations. Le gouvernement y répond
par la répression légale et la violence terroriste exercée conjointement avec des milices au service des
grands latifundiaires. L’opposition libérale de gauche s’organise à sont tour. La violencia devient le
maitre mot de la vie politique en Colombie. jorge Gaitan, dirigeant de l’aile gauche du parti libéral
cristallise sir son nom toutes les aspirations démocratiques et révolutionnaires. En 1947, il exige la
réforme agraire, une politique économique industrialisante et nationale, une réforme bancaire et
l’élimination de la corruption. Il reçoit le soutien des syndicats. Le 9 avril 1948, il est
mystérieusement assassiné. Les jours suivants, ses partisans déclenchent une émeute populaire qui
tien la ville sous son contrôle pendant quelques temps (au moment ou se tient la conférence
panaméricaine, obligée de suspendre sa séance). Ce soulèvement spontané est rapidement écrasé.
La répression contre les démocrates s’étendit par la suite sur plusieurs mois (Gabriel Garcia Marquez
donne une description de Gaitan et du Bogotazo dans son premier ouvrage, ses mémoires dont le
titre français est Vivre pour la raconter). En 1949, le président Ospino Perez proclamait l’état
d’urgence, dissolvait le parlement et suspendait toutes les libertés publiques.
2. La répession contre la révolution guatémaltèque
Les années de l’après-guerre sont marquées par l’établissement d’in régime démocratique. Après
que les États-Unis, eurent en 1944 contraint à la démission le dictateur Ubico ; un soulèvement
démocratique exigea des élections. Celles-ci furent gagnées par Juan Arévalo représnetatnt de la
gauche démocratique et réformiste. Le droit de vote aux femmes et aux analphabètes (80% de la
populatoin à l’époque). On promulgua un code du travail et établit la semaine de 48h. Le
gouvernement entama une grande campagne d’alphabétisation et créa une banque nationale de
crédit. Les latifundios allemands furent démantelés, mais les grands propriétaires nationaux
conservèrent intacts leurs domaines.
Arévalo s’était réclamé du socialisme humaniste qu’il opposait au socialisme matérialiste. Or, il au
pouvoir, il tenta de promouvoir une “démocratie fonctionnelle”, censée assurer la coordination des
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intérêts des différentes classes sociales. Les problèmes devaient être résolus dans le cadre de
conférences locales, régionales et nationales. Une première conférence nationale n’eut pas de suite.
Les conflits de classe ne pouvaient être ainsi estompés.
Les élections de 51 furent gagnés par Arbenz qui avec le soutien des partis réformistes, des
syndicats et des communistes entama enfin la réforme agraire. Une réforme agraire au demeurant
modérée, qui ne touchait que les domaines de plus de 300 hectares et qui permit à plus de 100 000
familles d’accéder à l’exploitation. Les élections de 1933 furent un vrai succès pour le gouvenement.
Mais en juin 54, avec l’appui de l’OEA et des états dictatoriaux voisins, inquiets de l’exemple
guatémaltèque et prétexant la dérive marxiste, le colonel guatémaltèque Armas envahissait le pays
depuis le Honduras et obtenait de l’armée qu’elle dépose le président Arbenz. Une terrible répression
contre les forces démocrates s’ensuivit.
3. La “révolution réformiste” en Bolivie, 1952-1954 : un type nouveau de
populisme
La Bolivie est le pays le plus indien de l’Amérique du sud, le pays le plus retardé aussi. C’est un pays
de monoproduction, la chute du cours de l’étain en 52 a provoqué un déséquilibre important.
Au lendemain de la 2nd Guerre mondiale, la Bolivie est encore un pays frustré par le traumatisme de
la guerre du Chaco. Dans une société où les indiens sont majoritaires et où les structures sociales
sont les plus archaïques de toutes l’Amérique du Sud, l’oligarchie est destabilisé par la brusque
chute des cours décidé par les États-Unis au moment de la guerre de Corée.
Une insurrection des mineurs porte au pouvoir le MNR (Movimiento nacionalista revolucionario) en
52; L’idéologie du MNR est passablement vague. Ce qui la rapproche des mouvements populistes.
Mais le culte du chef n’y est point poussé comme au Brésil et a fortiori comme en Argentine. Dans
son combat contre l’oligarchie, le MNR est très largement soutenu par les Indiens, les mineurs et les
ouvriers, les classes moyennes et même paradoxalement par le parti communiste et les jeunes
officiers progressistes des Forces Armées.
Le gouvernement du MNR procède à la nationalisation des mines d’étain et à la création d’un
organisme public pour les gérer (la Comibol). Paz Estenssoro (président de 52 à 56 et de 60 à 64)
promet la disparition des latifundios et l’affranchissement des Indiens. La réforma agraire,
relativement importante, de 1953 s’inspire de la Révolution mexicaine. Si les terres des vallées les
plus modernes et capitalistes ne furent pas concernées, près de 10 millions d’hectares des altiplanos
furent distribués à plus de 200 000 familles.
Dans le domaine politique, le MNR établit le suffrage universel, autorise et encourgae la création de
centrale syndicale (la COB); mais surtout, il organise les ouvriers et paysans en milices chargées de
défendre les acquis de la révolution.
La fin des années 50 vit les difficultés apparaître puis s’amplifier :
- des divisions apparurent entre révolutionnaires, entre partisans de la poursuite du processus
révolutionnaire et nationalisateur et ceux et qui pensaient que le pays devait se rapprocher des ÉtatsUnis afin de bénéficier des subsides que le gouvernement de Washington promettat dans le cadre
de l’alliance pour le progrès.
- la situation économique, due aux tensions sur le marché de l’étain dégrada les conditions de vie
des ouvriers et les paysans étaient déçus des résultats de la réforme agraire.
- depuis leur défaite en 52, les forces armées avaient entrepris de se rendre plus populaire
notamment grâce au général Barrientos, un homme neuf.
Paz emportait les élections de 64, mais son vice-président le général Barrientos le renversait le 4
novembre et les forces armées inauguraient une longue période de dictature militaire au demeurant
très instable jusqu’à l’arrivée du général Hugo Banzer au début de la décennie 70. (De 64 à 70,
succession de coup d’état militaire).
4. L’expérience réformiste du général Velasco Alvarado au Pérou 68 - 75
Le 3 octobre 1968, un coup d’état porte au pouvoir le général Velasco Alvaredo. La volonté de
l’Armée péruvienne en son ensemble est de mettre uin terme à l’ordre oligarchique à qui il est
notamment reproché d’avoir bradé le pétrole péruvien à la compagnie Nord-américaine IPC. Le
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nouveau pouvoir nationalise le pétrole et d’autres grandes compagnies. En quelques années, le
secteur public représente 50% du PNB, Velasco engage une réforme agraire contre indemnisation,
notament des sociétés nord-américaines. Mais les paysans sont mécontents parce que la terre n’a
pas été distribuée mais pour une large part affectée à des coopératives dirigées administrativement
par l’armée.
Dans l’industrie, on essaie de promouvoir des “communautés de travail”. L’objectif est de surmonter
la lutte des classes par une sorte de cogestion. Mais ce projet mal engagé se heurte en outre aux
réticences de l’aile gauche radicale de la classe ouvrière et à l’hostilité du patronat. En aout 75,
Velasco est destitué par ses pairs. Il s’ensuit une période de pouvoir militaire nettement contrerévolutionnaire.
II - La révolution cubaine
1. Une révolution nationaliste progressite
Depuis 1934, à la suite d’un soulèvement, Fulgencion Batista est l’homme fort de Cuba, sous son
propre nom ou derrière ceux des hommes qu’’il porte à la présidence. À partir du coup d’État de 52,
il renforce son pouvoir personnel et celui d’une mince oligarchie. La traditionnelle relation de
dépendance à l’égard des ÉU est renforcée.
C’est dasn ce contexte qu’a lieu en 53, la première tentative révolutionnaire de Fidel Castro, jeune
avocat nationaliste qui se réclame de José Marti, le héros de la guerre d’indépendance. Son objectif
est de libérer le pays de la corruption et du pouvoir des “secteurs aisés et conservateurs”, c’est-à-dire
la haute bourgeoisie et le remettre au peuple qui regroupe dans sa conception tant la petite
bourgeoisie (artistes, commerçants, enseignents, ingénieurs,...) que le prolétariat rural et urbain.
Arrêté et jugé (“l’histoire m’acquittera”), condamné à 19 ans de prison, il est ensuite amnistié et se
réfugie au Mexique. Il y prépare avec un groupe de 24 hommes dont l’argentin Ernesto “Che”
Guevara le débarquement du 2 décembre 1956 dans la Sierra Maestra.
En deux ans, le noyau originel va se transformer en véritable armée rebelle et prendre La Havane,
d’où Batista s’est enfui le 1er janvier 1959. Cette rapide victoire s’explique par la conjonction de
plusieurs facteurs :
- La capacité de Castro à rassemble les paysans pauvres en distribuant immédiatement les terres des
grands domaines dans les régions qu’il contrôle.
- La petite bourgeoisie des villes et les étudiants soutiennent le mouvement qui lutte contre une
dictature vénale, corrompue et inféodée aux ÉU.
- La situation très difficile du peuple cubain : 600 000 chômeurs sur une population de X millions
d’habitants, le rend très réceptif.
Cette victoire revêt une importance tout à fait exceptionnelle. Pour la première fois en Amérique latine,
une guérilla parvient à mettre en déroute une armée professionnelle. Ce triomphe a un immense
retentissement dans tout le continent. Son importance est d’autant plus grande que le castrisme va
être à l’origine d’une expérience révolutionnaire en Amérique latine par l’instauraition dès 61 d’un
régime socialiste.
2. L’évolution du régime à partir de 1961
Le 17 mai 1959 est promulguée la Réforme agraire. Il s’agit encore s’une réforme modérée, avec
indemnisation. Le fait remarqualbe c’est qu’elle transforma la moitié tesstes en coopérative plutôt
que de la distribuer en trop petits lôts. Cela aété plus facile ici qu’ailleurs, parce que les paysans des
plantations de sucre étaient davantage des propriétaire ruraux que de véritables paysains ayant faim
de terre.
Dès cet instant, ils se constitue un front anti-révolutionnaire formé des partisans de l’oligarchie des
grands propriétaires - dont les nord-américains qui possédaient 50% des terres, de certaines
fractions de la moyenne bourgeoisie qui possédaient des intérêts dans l’industrie sucrière et dont
l’émigration de milliers de membres des calles aisées est le signe. Dans un discours prononcé à
l’ONU en septembre 1960 Castro répond que Cuba ne peut accepter les exigences d’Eisenhower de
voir les indémnisations payées immédiatement et en dollars. Les ÉU menacent l’île d’embargo qui
dépendaient à 80% pour les produits industriels d’importation et à 90% pour les exportations de
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sucre.
C’était sans compter avec la détermination de Castro. Cuba signe avec l’URSS un accord
commercial portant sur 20% de la production de sucre, puis un second accord qui prévoit l’échange
sucre-pétrole. En mars 1960, un bateau explose dans le port de la Havane. En octobre, la
socialisation de l’économie s’accentue avec la nationalisation des banques, puis l’expropriation des
grandes entreprises industrielles ; par ailleurs, la loi de Réforme urbaine interdit à une personne privée
de percevoir mensuellement plus de 600 dollars de loyer et institue un système qui vise à rendre
tous les locataires prorpiétaires de leurs logements. À la fin de 1960, l’URSS offre de défendre
militairement Cuba.
Le 16 avril 1961, la tentative de débarquement sur la Baie des Cochons est un fiasco pour les ÉU.
Le même jour, Castro proclame le caractère socialiste du régile. Les tâches prioritaires sont désignées
à l’ardeur des militants sont la lutte pour l’éducation et la santé.
En 1962, sous la pression des ÉU, Cuba est exclu de l’OEA. En octobre, la “crise des fusées” place
Cuba au coeur des tensions internationales.
En 1965, la création du nouveau parti communiste a pour objectif de réunir les membres de l’ancien
parti communiste et les révolutionnaires castristes issus du mouvement de la Sierra Maestra.
III - L’expérience socialiste au Chili, 1970-1973
Le Chili s’était signalé au début du siècle par une assez longue expérience du régime parlementaire
de 1897 à 1925-27. Toutefois, en l’absence de SU et sous un régime fortement censitaire, la vie
politique était réduite au silence. En outre, la période fut placée sous la dépendance à l’égard de
l’étranger, aussi bien sur le plan économique que politique et culturel.
Comme d’autres pays, les difficultés avaient porté une première fois les militaires au pouvoir. Le
retour du pouvoir civil ouvre une période de pousée de la gauche qui aboutit en 1938 à la
candidature du Front Populaire. Dans le climat de guerre froide mondiale, le Front populaire est
rompu en 47. En 52, le général Ibanez entameun programme populiste et nationaliste sur le modèle
péroniste. En 1958, la candidature de la droite Jorge Alessandri emporte les élections. Sa politique
ne parvient pas à surmonter les déficiences structurelles de l’économie et de la société chilienne. En
1964, c’est le candidat de la démocratie chrétienne, Eduardo Frei l’emporte devant le socialiste
Salvador Allende. Le parti démocrate chrétien qui se réclame de l’Alliance pour le progrès veut
enclencher des réformes tendant à instituer d’avantage d’égalité dans la société afin de lutter contre
l’influence communiste. La réforme agraire, notamment, n’a pu installer que quelques milliers de
paysans. Freu se refuse à nationaliser les mines de cuivre et à toucher aux profits des compagnies
étrangères tout en créant de nouvelles sociétés où l’État détiendrait 51% du capital. Les réformes en
fait furent suffisament hardies pour effrayer les milieux conservatuers qui l’avaient soutenu en 64 et
bien trop timides pour contenter les milieux populaires.
En 1970, la droite ne veut plus soutenir Frei et présente son propre candidat Alessandri. En revanche
Salvador Allende, socialiste, candidat de l’Unité Populaire reçolit le soutien du parti communiste et de
bon nombre d’organisation de gauche (dont l’aile gauche de la DC) et de l’extrême gauche. Avec
une courte majorité relative, Allende est élu président le 4 septembre 1970.
L’objectif affiché de l’Unité Populaire est d’instaurer le socialisme par des voies pacifiques en
demeurant dans le cadre de la légalité de la démocratie bourgeoise.
La volonté d lutte du gouvernement contre l’oligarchie et l’impérialisme économique s’exprieme
notamment par l’important train de nationalisation. Celles-ci touchent notamment les grandes
compagnies oligopolistiques, surtout nord-américaines (en 69, 40% des actifs des sociétés
anonymes industrielles sont contrôlées par le capital étranger, à proportion de 35% dans l’agriculture
et de 73,3% dans le secteur minier).
L’objectif politique et social du gouvernement était de rallier les classes moyennes aux masses
populaires et à son programme et comptait pour cela sur la neutralité de la Démocratie-chrétienne.
Mais, au contraire, la fraction la plus conservatruce de la DC, représentée oar Frei et Alwyn, l’emporta
et aux côtés de la droite encouragea à partir de 71 le sabotage économique mis en oeuvre par bon
nombre de petits et moyens patrons et dont le mouvement des camonieurs d’octobre 72 fut
l’illustration.
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L’Amérique latine au XXe siècle
Parallèlement, l’extrême-gauche (principalement le Movimiento de la Izquierda Revolucionaria)
poussait le gouvernement à durcir le processus de transformation de l’ordre économique et social et
lui reprochait ses scurpules légaliste face à la multiplication des tentatives de coup d’état au cours de
l’été 73.
Cependant, au début de septembre, 800 000 personnes manfestent leur soutien au gouvernement.
Le 11 septembre 1973, avec le soutien des milieux conservateurs, celui, décisif de la CIA, l’armée
donne l’assaut au palais présidentiel. Après avoir résisté, Salvador Allende se suicide, Santiago est
livré à la plus terrible repression de l’histoire chilienne.
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L’Amérique latine au XXe siècle
Chapitre III
L’Amérique latine de 1960 à nos jours
La fin des modèles nationaux :
L’Amérique latine et la mondialisation
La lutte contre la Révolution : la décennie des dictatures
I - La contre-révolution en Amérique latine
1. Le cadre général : la lutte contre la révolution sociale
Les dictatures conservatrices n’avaient jamais disparu du continent, même durant les années 44-48,
où l’heure semblait davantage propice aux régimes populistes d’une part et aux expériences
démocratiques (au demeurant fragiles et éphémères) d’autre part. Ainsi parmi les plus répressives et
plus longues celle de la famille Somoza au Nicaragua (propriétaire du 1/4 des terres du pays), celle
de Trujillo en république Dominicaine. Passées les années de l’immédiat après-guerre, où la Maison
Blanche les avait tenu à l’écart, les dictateurs avaient vu leur pouvoir consolidé. Sans doute, en partie
grâce à la CIA qui voyait en eux d’excellentes sentinelles contre le communisme, mais également
avec l’aval des oligarchies locales et sous l’effet, non négligeable des luttes de clans internes aux
différentes ckasses dirigeantes et à l’armée. La révolution cubaine a incontestablement effrayé les
forces conservatrices et a servi de prétexte tant aux coups d’états contre les moindres expériences
réformistes qu’aux interventions préventives.
Au milieu des années 60, de l’aveu même de Lyndon Johnson, il apparaît que l’Alliance pour le
progrès a échoué. Le désir de réaction sociale d’importants groupes des oligarchies locales prend
comme justification la volonté de s’opposer de façon plus énergique au communisme. Lors de la
conférence tricontinentale de La Havane en janvier 1966, Castro, ilest vrai, appelle les peuples
d’Amérique latine à la révolution sociale tandis que Che Guevara développe sa théorie du foco (foyer
révolutionnaire) et mène la guerilla en Bolivie.
En fait, le mouvement de reprise en main autoritaire et oligarchique avait débuté bien avant en
Argentine et le coup d’État militaire de 64 au Brésil en était le revélateur. Par ailleurs, les putschistes
faisaient preuve d’une conception très élargie du danger “subversif” s’il leur incombait de mener la
lutte contre les guérillas révolutionnaires en Colombie, au Pérou et plus tar au Guatemala, au
Salvador et au Nicaragua, ils s’élevèrent ave la même volonté contre les expériences socialistes
comme au Chili ou plus simplement “populistes réformistes” comme au Brésil ou au Pérou ; parfois
même comme en Uruguay ou en Argentine en 76, le coup d’état était clairement préventif.
A la fin de la décennie 1970, le bilan est sombre. Si on excepte le Costa Rica et compte tenu de la
confiscation de la vie politique par le PRI au Mexique et de la parodie de système représentatif en
Colombie, tous, tous les pays d’Amérique latine viveitn sous un régime très autoritaire voir dictatorial
au contenu fort conservateur.
Examinons quelques cas les plus importants et représentatifs.
2. Des militaires ultraconservateurs contrôlant le pourvoir en Argentine
Le renversement de Peron en Argentine en 1955 peut être interpétré comme une réaction
conservatrice. L’expérience du général Lonardi de “péronisme sans Peron” tourne court en 1956 : le
général Aramburu a pour objectif de faire disparaîtres toutes les dispositions, toutes les lois et tous
les organismes issus du péronisme, en particulier en matière sociale. Mais la combativité ouvrière et
syndicale empêchera les militaires libéraux et nettemement pro-nord-américains (ceux qu’on appelle
en Argentine les “gorilles”) de réaliser leur objectif. Le régime d’apparence démocratique rétabli (Le
radical Frondizi est élu président en 1958) est en fait fragile dans un contexte dominé par l’armée.
Les fractions dominantes au sein de l’armée assimilent au communisme le péronisme. et même le
radicalisme de Frondizi. Malgré les concessions qu’il n’a cessé de faire aux militaires, l’armée le
renverse en 1962 tout comme sons successeur en 1966. Les Forces militaires Armées désignent
directement le président Ongania qui monopolise tous les pouvoirs. Ongania et la junte militaire qui
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L’Amérique latine au XXe siècle
l’entoure dissolvent tous les partis politiques et donnent comme objectif au pouvoir la défense par
tous les moyens des valeurs de l’occident chrétien et menèrent une politique économique ultralibérale.
Le projet échoue ntant économiquement que socialement (manifestation de Cordoba en 69) et
politiquement (subversion armée des péronistes de gauche : les Montoneros, manifestations
populaires et élection de Peron à la présidence en 73 avec 62% des voix).
3. Un signal : le coup d’État militaire au Brésil de 1964
Après que le successeur de Kubitschek : Janio Quadros eut démissionné en 1963, les conditions de
l’affrontement de 1954 se dessinent à nouveau : d’un côté Goulart, soutenu par le mouvement
populaire et nationaliste ainsi que par de larges fractions de l’Église ; de l’autre, les conservateurs,
une partie des libéraux et une partie de la hiérarchie catholique et l’armée.
Les partis politiques libéraux et traditionnels semblants impuissants, les États-Unis se décide à
soutenir les putschistes en acril64 et amènent au pouvoir le général Castelo Branco.
Après la réussite du coup d’État, tous les partis politiques et syndicats existant sont dissous. Le
régime crée son propre parti : l’Alliance rénovatrice nationale. À partir de 1969, le régime militaire
se durcit : les libertés politiques sont suspendues, la répression est accrue sur les miliants de
gauche, les intellectuels et même les membres de l’Église catholique engagés dans la lutte contre la
dictature.
Au début, de la présidence du général Ernesto Geisel (1974 - 1979) s’amorce une timide
révolution : les tortures et assassinats politiques diminuent.
4. La prolifération des dictatures militaires et conservatrices
Alain Rouquié établit de substantielles distinctions d’analyses du rôle des forces armées dans la
vie et l’histoire politique des États latino-amércains. Selon les périodes et selon les objectifs, le
contenu et le mode d’expression des divers expériences de pouvoir militaire :
° Critère politique
- Les régimes militaires provisoires, installés pour rendre le pouvoir au civil (Chute de Vargas
en 45, Chute de Péron en 55)
- Les révolutions militaires réformistes, dont la forme la plus achevée mais non unique est
le Pérou de Velasco Alvarado (68-75)).
- Ceux qui ont des objectifs constituants : une militarisationde la vie politique.
° Critère socio-économique
- Les dictatures familiales (Somoza au Nicaragua, Stroessner au Paraguay)
- Les régimes bureaucratiques : Brésil de 65, Argentine de 66 à 70
- Les régimes terroristes et néo-libéraux : Chili, Uruguay et Argentine des 70’.
II - Le paroxysme de la terreur d’État durant les années 70
1. Le coup d’État et la dictature sanglante de Pinochet au Chili
Le coup d’État du 11 septembre 1973 préparé par la CIA et les Forces armées a reçu le soutien de
l’oligarchie mais aussi des classes moyennes et de l’Église. Le général Augusto Pinochet qui
s’empare du pouvoir a pour objectif d’éradiquer le communisme et le socialisme athées. La
répression sanglante qu’il fait subir au pays tue plusieurs miliers de personnes dans les semaines
qui suivent le putsch.
L’ampleur de la répression est telle que le cardinal-primat déplore en avril 74 les détentations
arbitraires et le climat de peur dans le pays.
Condamné à l’ONU, Pinochet se donne une légitimité en organisant à son profit un plébiscite en 78
qui lui assure tous les pouvoirs dans la constitution militaire de 1980. À partir de 1983,
l’opposition clandestine parvient à organiser des manifestations (interdites biens entendu) de
mineurs du cuivre puis une protesta dans les quartiers populaires (les poblaciones). L’Armée
procède à une 2nde vague répressive mais l’opposition à laquelle s’est jointe de larges secteurs de
l’Église ne plie pas.
En octobre 1988, pensant contrôler sans problème le scrutin, Pinochet organsie un nouveau
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L’Amérique latine au XXe siècle
plébiscite afin de pérenniser son pouvoir jusqu’en décembre 1996, mais c’est le non qui l’emporte.
Pinochet refuse de partir. Mais en décembre 1989, sous la pression populaire, il est contraint
d’organiser des élections présidentielles. C’est le candidat démocrate-chrétien Patricio Aylwin
qui l’emporte au nom de l’union de l’opposition contre le candidat de Pinochet et des chefs
d’entreprises enrichis durant la période ultra-libérale du pouvoir militaire. Mais, Pinochet refuse de
quitter son poste de commandant en chef de l’armée. Il est en position ainsi de surveiller cette
démocratie contrôlée par l’armée.
2. La dictature des militaires en Argentine
À son retour au pouvoir en 1973, Péron manifeste l’intention d’appliquer la même politique de
conciliation des classes qu’il avait mené avant 1955. Mais la situation a beaucoup évolué.
Politiquement, la crise économique que travers le pays ne lui permet pas de pratiquer la même
politique sociale généreuse du justicialisme des années 40 ou de procéder à des nationalisations
avec indemnisations. En même temps, la jeunesse et la gauche péroniste penche pour une
évolution du justicialisme vers le socialisme tandis que la droite du parti prône au contraire une
conciliation avec l’oligarchie. Peron choisit clairement de soutenir la droite du parti.
Une orientation encore renforcée après sa mort par sa deuxième femme, Isabel, qui devient
présidente en 1974 et le ministre Lopez Rega. Pour faire face à la guerilla des Montoneros, ils
décrètent l’état de siège et laissent faire les escadrons de l’AAA ( Alliance Anticommuniste
Argentine). Malgré tout, la lutte contre la “subversion” semble trop molle et l’orientation libérale pas
assez nette aux militaires qui s’empare à nouveau du pouvoir le 24 mars 1976.
Cette fois-ci, la junte militaire dirigée par le général Jorge Videla n’a pas l’intention de simplement
contrôler le pouvoir, mais bien, comme au Chili, de l’exercer directement. La répression fut
d’une rare violence, pire qu’au Chili sans doute : plusieurs dizaines de milliers de disparus et de
torturés, notamment dans les locaux de l’École de mécanique de la Marine.
III - Des politiques économiques monétaristes
Sans doute, le modèle développementaliste “national” et interventionniste mis en oeuvre avec plus
ou moins de bonheur à partir des années trente subit-il au cours de la décennie une sensible crise
d’adaptation, mais il est indéniable que les dictatures militaires qui s’installent sur le continent durant
les années 70 ont pour objectif clair de rompre avec ces politiques économiques pour des raisons
qui sont davantages sociales qui strictement économiques.
Pinochet fait venir au Chili des disciples de Milton Friedman, professeur d’économie à Chicago, et
chantre de l’ultralibéralisme. On assiste au démantèlement de la politique économique menée par
l’Unité populaire mais aussi de bon nombres d’éléments structurant de l’économie chilienne.
Les entreprises publiques sont privatisées. L’ouverture du marché chilient est assurée par
l’abolition des douanes et l’offre de conditions très avantageuses aux investissements étrangers.
Malgré ce qui a pu être dit à une époque sur le “miracle chilien”, les résultats, y compris du strict
point de vue économique sont très contrastés. L’économie est touchée par une très sévère crise en
1975 puis en 1982. À partir de 1984, certains indicateurs économiques paraissent donner de bons
résultats :
- + 20% d’augmentations des exportations grâce à la hausse du prix du cuivre
Le pays bénéficient de larges crédits extérieurs. Les classes moyennes profitent de la libéralisation
des importations sur bon nombres de produits étrangers. Mais en même temps, le PIB par habitant
et la consommation par habitant dans les milieux populaires diminuent.
En Argentine Martinez de la Hoz, ministre de l’économie, seul civil du gouvernement de la Junte
militaire est issu de l’oligarchie agraire et est très lié au capital étranger. Les principes qu’il compte
appliquer sont :
- liberté des prix
- liberté des investissements
- liberté du marché des changes et des taux d’intérêts
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L’Amérique latine au XXe siècle
- liberté des exportations et des importations
- liberté des baux et loyers ruraux
- suppression des tarifs préferentiels et des prix subventionnés pour les services publics et
le combustible
- liberté des salaires
Il s’agit de revenir au modèle qui avait fait la prospérité de l’Argentine à la fin du XIXe en promouvant
la croissance de la production agricole et en accroissant la rente foncière.
Le secteur agro-exportateur est effectivement dopé par la mise en oeuvre de cette politique. Mais
l’industrie mise sur pied parfois difficilement durant les décennies antérieurs, livrée à la concurrence
est fortement pénalisée.
- En trois ans le salaire réel a diminué de 50%,
- L’inflation atteint 170%,
- Le chômage touche 1 500 000 personnes en 1981,
- L’endettement extérieur est passé de 9 à 30 milliards entre 76 et 81.
Martinez de la Hoz est limogé en 1981. Mais aucun de ses successeurs ne parvient à résoudre la
crise. L’inflation devient véritablement galopante : 250% en 1983. Les syndicats mais aussi les
industriels réclament une relance de la consommation, mais une telle politique entrerait en conflit
avec les consignes du FMI dont l’Argentine est tributaire.
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L’Amérique latine au XXe siècle
De 1982-85 à nos jours :
L’Amérique latine et la “mondialisation” néo-libérale
I - Les dictatures désavouées
La bonne nouvelle des années 80 fut la disparition de la plupart des dictatures les plus répressives
du continent. Selon Olivier Dabène, il y a là un remarquable phénomène de convergence.
La disparition des dictatures est due sans doute à la combinaison des oppositions : LÉglise et la
théologie de la libération qui relaie les protestation populaires, celle du mouvement syndical qui
peu à peu renaît, celle des intellectuelles. Mais elle s’explique également par le changement
stratégique des États-Unis qui ne souhaitent plus soutenir des régimes peu compatibles avec leurs
nouveaux discours sur les Droits de l’Homme (L’exemple de Noriega en 1989 est patent).
Pour autant, les “sorties de dictature” empruntèrent des voies différentes selon les conditions
spécifiques à chaque pays et selon “les circonstances” ( Au Chili par exemple, les forces armées
gardent un contrôle et une influence sur la vie politique).
Ainsi en Argentine ce fut très directement la Guerre des Malouines du 2 avril au 14 juin 1982
qui précipita la fin du régime de la Junte militaire. Les succès argentins des premières semaines
purent faire croire que les généraux allaient recréer les illusions des la victoire argentine lors de la
coupe du monde de football de 1978. Mais l’ampleur de l’échec militaire et diplomatique face à la
GB contraint le général Galtieri à la démission. En juillet, la Junte était dissoute mais les militaires
conservaient encore le pouvoir.
Cependant le mouvement populaire qui avait tenté de se maintenir sous les conditions extrêmement
dangereuses de la dictature (syndicats clandestins, mouvement des mères de la place de Mai)
s’enhardit et organisa à la fin de l’année d’importantes manifestations. Les partis politiques
renaissaient. Les militaires durent concéder l’organisation d’élection pour octobre 1983.
Celles-ci furent gagnées par le radical Raul Alfonsin. La question des disparus et des
responsabilités de la répression allait néanmoins peser sur le mandat d’Alfonsin qui dut en outre faire
face à de nouvelles tentatives de putsch.
Au Brésil, à partir de la fin des années 1970, une certaine opposition modérée (Mouvement
démocratique brésilien) fut tolérée. Les luttes d’opposition à la dictature s’intensifient. En 1978,
l’amnistie est proclamée, l’habeas corpus rétabli et la censure supprimée. Une certaine vie
politique est rétablie mais elle reste limitée aux partis strictement contrôlés. Sous la présidence de
Joao Figueiredo (1979-1985) le régime dictatorial s’affaiblit tandis que se consolide le mouvement
anti-autoritaire.
EN 1985, la campagne populaire pour l’élection au suffrage direct du président se heurte au refus du
congrès et des militaires mais l’élection, au suffrage indirect, de José Sarney, pourtant issu de
l’appareil politique durégime militiare, marque le début d’une véritable transition démocratique.
Cependant la mandature de Sarney (1985-1988) est marquée par des hésitations politiques et la
gabegie étatique. Sarney lance avec un certain succès le “plan cruzado” qui doit éliminer l’inflation
galopante en gelant les prix et les salaires. Mais la situation se déteriore et les partis d’opposition
dont le Parti des Travailleurs, en parti héritier du Vargime et du socialisme, accroît son influence en
remportant la mairire de Sao Paulo aux élections municipales en 1988.
Une Assemblée constituante est élue en octobre 1988. La nouvelle constitution modifie le mode
délection du président (au SU à 2 tours) tout en renforçant le rôle du Congrès face à l’exécutif
fédéral. De même est mise en vigueur une réforme fiscale renforçant les finances des États et des
municipalités qui renouent dans une certaine mesure avec le fédéralisme
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L’Amérique latine au XXe siècle
II - Des politiques économiques libérales
1. La crise du modèle économique national-interventionniste
La politique développementaliste menées durant les décennies précédentes ont permis une sensible
croissance de la production industrielle. Mais dès les annèes 1970 on s’interroge sur leur efficacité.
a) Une crise structurelle
D’une part du point de vue économique, la crise est une crise de l’accumulation du capital des
entreprises nationales. “La substiution des importation” s’était portée sur l’industrie légère, plus
rarement sur l’industrie lourde (au Brésil notamment). Sauf exception les économies industrielles
manquent d’industrie d’équipement. Les équipements doivent être achetés par les revenus de
l’exportation de matières premières ou agricoles or la tendance est à la baisse des pric. Bon nombre
des entreprises industrielles, qu’elles soient authochtones voire nationalisées ou bien
transnationales, protégées par des tarifs douaniers et autres prohibitions ont pu se développer sur
les marchés intérieurs sans se soucier ni du prix de vente des produits ni de la qualité. De fait,
presque toutes se trouvèrent en situation extrêmement difficile lors de l’ouverture des marchés à la
compétition internationale. Manque de compétitivité du marché nationale or celui-ci n’est pas
extensible.
D’autre part, la participation de l’État à l’économie ne parvint par à diminuer les écarts abyssaux
concernant la répartition des revenus. D’une certaine façon, au contraire. Les inégalités sociales,
héritées des structures sociales de l’époque coloniale et de l’appropriationdes terres collectives
indigènes au XIXe, se sont trouvé s ainsi renforcés par le revenus tirés de l’activité industrielle, les
groupes dirigeants traditionnels bénéficiant comme fonctionnaires ou comme actionnaires des
sociétéss privées. L’extrême fracture sociale qui caractérise le continent n’est pas comblée : 5% des
plus riches concentrent 35% de la richesse alors que 40% des plus pauvres ne disposent que de
5%. Mais cette moyenne continentale masque des écarts qui peuvent être bien plus grands : au
Brésil notamment et tout particulièrement dans le Nordeste où l’ordre social inégalitaire est garanti
par la répression privée des grands propriétaires couverte par la répression gouvernementale.
b) La crise conjoncturelle : la crise mexicaine de 1982
Le Mexique de 1970’ avait paru s’inscrire dans un renouveau de la tradition Cardeniste. Aprèsla
répression qui avait frappé la contestation étudiante de 1968, l’accession à la présidence de Luis
Echevarria (70 - 76) avait paru signifié lavolonté de renouer avec l’esprit révolutionnaire et
l’expérience du président Cardenas : la politique économique est placée sous le signe du
“développement partagé” ; l’État renforce son rôle dans les secteurs jugés prioritaire, en outre, des
efforts significatifs sont faits en faveur de l’éducation.
Le mandat d’Échevarria est également marqué par l’affirmation du Mexique comme non-aligné et
par la rhétorique tiers-mondiste. Il se rapproche de Cuba, affirme son soutien à Allende et rompt les
relations diplomatiques avec le Chili en 73. Il s’efforde d’atténuer la dépendance économique du
Mexique par rapport aux ÉU en développant les échanges avec les autres États latino-américiains.
Mais la situation économique du pays se dégrade rapidement au début des années 1980. La
hausse du cours du pétrole et la découverte de nouveaux gisements avaient poussé dans les année
70 la Pemex a contracter de très lourds emprunts d’équipement. En 1981, la dette du Mexique
s’élève à 80 milliards de $, la 2nd du monde. Comme le pays tire l’essentiel de ses devises de la
vente des hydrocarbures, l’effondrement brutal du prix du brut le met dans l’impossibilité d’honorer
ses remboursements : d’autant plus que compte tenu de la hausse brutale des taux d’intérêts, le
service annuel de la dette s’élève à 1,1 milliards de $. La récession aux ÉU qui contracte les
exportations vers ces pays et la fuite massive des capitaux mexicains vers les EU (35 Milliards de $)
aggravent la situation et pousse le président Lopez Portillo à nationaliser les banques privées
mexicaines et à instaurer le contrôle des changes. En 1982,le gouvernement mexicain procède à
deux dévaluations successives du peso en février et avril de 60% et de 68% et instaure un
programme d’austérité qui ampute de 70% le pouvoir d’achat des salariés.
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L’Amérique latine au XXe siècle
2. Le renversement des politiques économiques
C’est sans doute l’histoire du Mexique qui témoigne le mieux du retournement général. La
présidence de Miguel de la Madrid (82 - 88) signifie un changement qui ira en s’amplifiant par la
suite, tant sur le plan économique que sur le plan idéologique et géopolitique (l’abandon des
références à la Révolution et des discours tierds-mondistes par le gouvernement au cours des
années 80 le rapproche des États d’Amérique centrale traditionnellement lié à Washington comme le
Panama par exemple).
a) La question financière
En contrepoint de l’obtention en 84 d’un rééchelonnement des remboursements de la dette, Miguel
de la Madrid prend des mesures d’austérité budgétaire sévères. Les conditions de vie des travailleurs
mais également d’une bonne part des classes moyennes se détériorent. Le mécontentement social
s’exprime au travers de la candidature de Cuaunhtémoc Cardenas aux élections de 1988 et qui
recueille 31% des suffrages.
Pour le candidat de PRI, Carlos Salinas de Gortari (88 - 94) élu avec seulement 50,35% des
suffrages va engager décidément le Mexique dans la voie du néolibéralisme que son prédecesseur
avait ouverte et rompre avec plus d’un demi-siècle de tradition national-populaire et interventionniste.
La dette (105 milliards de $) dont le service représente en 89 60% du budget national est la
principale préoccupation de Salinas qui engage à cet effet des négociations avec ces créanciers qui
aboutissent à la réduction du nominal de la dette commerciale et à un nouvelrééchelonnement
plus supportable pour l’économie mexicaine : 14 milliards de $ affectés au service de la dette en 9091. Cependant certains experts nord-américains ont calculé qu’en 10 ans, le Mexique avait déboursé
118 milliards de $ sans que la dette ait diminué.
Salinas engage une très vaste campagne de privatisation (on passe de 11 000 entreprises
publiques à seulement 200) qui a pour objectif immédiat de fournir au Trésor des liquidités destinées
à satisfaire ses engagements vis à vis de ses créanciers, et pour objectif structurel le retrait de
l’État et l’adoption du libéralisme.
b) L’intégration aux marché mondiaux
Après l’adhésion du Mexique au GATT, l’aboutissement de cette démarche est la signature le 12août
1992 du traité de commerce avec les ÉU et le Canada.
L’intégration est particulièrement marquée pour le Mexique. Déjà, au début des années 90 les EU
représentent 83% des exportations et 70% des importations mexicaines. Sous la mandature du
président Salinas de Gortari, l’intégration du Mexique au système commercial des ÉU et les choix
libéraux du gouvernement sont accentués.
L’ALENA entre en vigueur le 1er janvier 1994. Le traité prévoit de supprimer progressivement les
barrières douanières entre les 3 états membres en attendant de s’ouvrir à d’autres partenaires
comme le Chili. Le traité facilite également la circulation des capitaux. C’est ainsi que les firmes nordaméricaines ont désormais le droit d’investir dans les services portuaires ou le secteur énergétique
mexicains. Les filliales de la PEMEX sont privatisées en 96. En revanche, la circulation de la main
d’oeuvre demeure soumise à contrôle : des accords complémentaires au traité prévoient d’organiser
et de réguler l’immigration mexicaine aux ÉU.
Au sud du continent, le Mercosur créé lors du traité d’Asuncion en 1991 regroupe le Brésil, le
Paraguay, l’Uruguay et l’Argentine. Le Chili et la Bolivie sont membres associés. L’ensemble
représente plus de 65% de la richesse latino-américaine a non seulement intensifié les échanges
entre les pays mais surtout intégré les pays aux marchés mondiaux (en vertu des avantages
comparatifs).
3. Le rôle des institutions financières internationales
Le renversement des politiques économiques, dont on a vu qu’il était la manifestation de choix
économiques et sociaux et la conséquence de mauvaises situations financières s’est accompagné
d’une soumission certaine aux institutions financières et économiques internationales. Celles-ci en
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L’Amérique latine au XXe siècle
effet soumettent leur prêts éventuels à l’adoption de politiques dites d’ajustement. Elles ont pour
principal support et objectif la réduction drastique des dépenses publiques et comme instrument la
privatisation la plus complète possible des entreprises et des services.
Pérou, Argentine et Mexique
Au Pérou, la malheureuse conjonction des ratées de l’Ancien système hérité de la période nationale
et la mise en oeuvre des mesures de libéralisation du début des années 80 entraîne une crise sociale
sans précédent au Pérou : 70% des habitants vivent dans la pauvreté.
Le Président Alan Garcia, premier président issue de l’APRA, tente en 1984 de mener une politique
en dehors des exigences du FMI et va même jusqu’à nationaliser les banques. Il se heurte alors à
une campagne de presse qui lui aliène les classes moyennes. En décembre 1987, Garcia se soumet
et adopte une série de mesures conformes aux injonctions du FMI : dévaluation sélective et sévère
politique salariale, sans pour autant se concilier les bonnes grâces des conservateurs/
Dans un climat alourdit par la guerille du Sentier Lumineux et du Tupac Amaru, c’est un candidat
sans parti mais doué d’un sens certain de la manipulation et de al démagogie : Alberto Fujimori
qui accède à la présidence contre la gauche socialiste et contre la droite ultra-libérale de Mario
Vargas Llosa.
Cependant Fujimori accepte le plan d’ajustement draconien de l’économiste Hernadi de Soto et du
FMI. Face au mécontentement populaure, Fujimori s’appuie sur l’armée pour faire passer de force
un programme ultra-libéral de privatisations, d’ouverture ommerciale et d’appel aux investissements
étrangers. Les conséquences sociales (tel l’exode rural qui fait doubler la population de Lima)sont
telles que l’Église demandent un calmement. Les prêtres sont mis au pas. Le programme
économique est poursuivi tandis que le régime est de plus en plus soutenu par l’armée et les
services secrets (qui luttent sans merci contre la guerilla) alors que le trafic de drogue devient une
activité importante du pays.
L’Argentine est à bien des égards un cas d’école. De 1989 à 2001, elle a suivi à la lettre toutes les
recommandaitions du FMI.
Si au Chili, le modèle libéral des Chicago Boys n’avait donné les résultats escomptés, en Argentine,
le libéralisme des militaires et de Martinez de la Hoz avait donné des résultats catastrophiques :
- 300% d’inflation en 1983, 700% en 1982, 1000% en 1986. Et un déficit budgétaire égal à 14%
du PIB, la dette extérieur est multpilié par six.
En l’absence de nouveaux crédits, les autorités argentines démocratiques vont devoir mettre en
place les politiques d’ajustement préconisées par le FMI : le plan Austral du nom de la nouvelle
monnaie. L’Argentine rembourse ses dettes - le transfer financiers est négatif, estimé à 3 milliards de
$ en 83, 6 en 86, 4 en 89- Mais les salaires s’effondrent, le chômage explose, l’inflation un temps
stoppée repart. En 1988 un nouveau plan, plus sévère comprenant la réduction drastique du déficit
et des privatisations entre en vigueur. Profitant du mécontantement social, les péronistes emportent
les élections en mai 1989.
Mais le président carlos Menem va conformément aux injonctions du FMI engager le pays dans la
voie de la déreglementation, des privatisations (pétrole, télépphone, mines, électriques, eau,
autoroute, chemins de fer, métro, poste, santé, enseignement° etdu champ libre aux effets de
marché : en mons de 2 ans, la conversion de l’Argentine péroniste, entamée sous la dictature
militaire et poursuivi par le radical Alfonsin a été achevé par ... un péroniste, entouré, il est vrai de
technocrates venus des banques états-uniennes et de représentants de l’oligarchie. Toutes
entreprises, les infrastructures, les services sont remis au secteur privé (en l’occurence au Cies nordaméricaines et espagnoles). Le commerce extérieur est entièrement libéralisé, le contrôle des changes
supprimé. Licenciements de dizaines de milliers de fonctionnaires, retraites diminuées.
En mars 1991, le ministre des Finances Cavallo établit la libre convertibilité de l’austral et du $.
L’orthodoxie libérale est récompensé par le retour des crédits des istitutions financières
internationales. Le taux d’inflation chute de 4521% en 89 à 3,0% en 94. Buenos Aires devient une
place financière imporante. On parle alors de la remarquable réussite de l’Argenine libérale, citée
comme exemple par les experts des institutions internationales.
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L’Amérique latine au XXe siècle
Le FMI exige la privatisation de la Banque centrale et l’ajustement des finances provinciales, le
démantèlement des oeuvres sociales gérées par les syndicats. Mais en décembre 2001, c’est encore
la question de la dette qui va provoquer une crise sans précédent. Crise financière (apère la fuite
massive des capitaux des possédants puis tentative du gouvernement d’interdire les retraits
bancaires à la population) et crise sociale (émeutes généralisées qui fon 30 morts) et politique après
la démission des ministres des Finances successifs, démission de deux présidents en quelques
semaines.
Au Mexique, la crise du peso de décembre 1994 est stoppée au prxi de la soumission aux
injonctions du FMI. Mais la crise du asiatique de 97 porte un nouveau coup à la monnaie et à
l’économie mexicaine. Les équilibres macro-économiques sont atteints. Le nouveau cours de
l’économie et l’intégration dans l’ALENA a permis l’enrichissement de secteurs non négligeables des
classes moyennes et la mise à leur disposition de quantités de buens de consommation durables ou
semi-durables importés. Mais parallèlement la chute du pouvoir d’achat des masses populaires et de
certains secteurs de la petite classe moyenne est indéniable. Aux élections municipales de 97
Cuauhtémoc Cardenas devient maire de Mexico. mais il ne parvient pas à remporter les élections
présidentielles de 2000.
Pour la première fois de puis la Révolution, le Parti Révolutionnaire à la fois contesté pour sa
politique économqie et sociale nouvelle et désavoué moralement à cause de la corruption généralisée
perd le pouvoir. Mais c’est le candidat de la droite,membre du PAN (Parti d’action nationale) Vicente
Fox, ancien président de Coca Cola Mexique, ,qui l’emporte. Fox est non seulement un chantre du
libéralisme, mais aussi un fervent partisan de la rechristianisation du pays. Sa condamnation de tout
le XXe siècle mexicain est totale. Ultra-conservatrisme social et néo-libéralisme sont clairement les
deux piliers du gouvernement en place jusqu’en 2006.
III - “Un nouveau cycle “ (Ignacio Ramonet) ?
Un “nouveau cycle”, c’est ainsi qu’intitulait l’éditorial d’introduction au numéro spécial que consacré
Manière de voir à l’Amérique latine en juin et juillet 2003.
A ses yeux le signe en est l’élection du représentatn du parti des travailleurs Luis Inacio Lula da Silva
dit Lulu à la présidence du Brésil en octobre 2002 : pour la première fois, l’immense Brésil, 170
millions d’habitants, 10eme PiB du monde est gouverné dans des conditions démocratiques par un
représentant de la gauche radicale fort critique à l’égard de la mondialisation libérale.
Cette élection inaugure-t-elle un nouveau cycle ? après la décennie des révoltes armées et des
dictatures militaires et le cycle précédent 83-2003 marqué par
- l’extinction des guérillas à l’exception des FARC en Colombie et la très singulière et non violente
EZLN du sous-commandant Marcos.
- La généralisation des régimes démocratiques dont l’élection de Sarney avait donné le signal
- L’expérimentation systématique de politiques économqies néolibérales, l’exclusion bien entendu
de Cuba.
La contestation de l’ordre social conservateur et des politiques néo-libérales, longtemps anesthésiée
par la crise des modèles socialistes (échec des sandinistes au Nicaragua) et socio-démocrates n’avait
semblé devoir être représentée que par des mouvements intrinsèquement oppositionnel et
marginalisé comme la rébellion des indiens du Chiappas menée par Marcos depuis 94.
Il faut attendre la fin du siècle pour repérer les premier frémissements de cette contestation au niveau
politique national. L’accession au pouvoir d’Hugo Chavez au Venezuela en 98 en est le premier
signe. Chavez engage son pays dans un important programme de réformes sociales, relance
alphabétisation et élabore une stratégie de croissance inspirée des programmes développementistes
des années 50 à 60. La rébellion des paysans indigènes d’Equateur en janvier 2000 et l’élection en
novembre 2002 du candidat des pauvres Lucio Gutierrez ; au Pérou, la démission forcée de Fujimori
au Pérou en novembre 2000 en sont autant d’indices? On peut y ajouter également, dans une
certaine mesure l’élection du socialisete Ricardo Lagos au Chili (bien qu’il ne s’agisse pas d’un
socialisme comme avec Allende.
Mais le Vénezuela a du précisément essuyé une tentative de coup d’État en avril 2002 et l’entreprise
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L’Amérique latine au XXe siècle
de Lula n’a pour l’instant rien de probant.
Conclusion
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