La mécanique sous le véhicule

publicité
La mécanique sous le véhicule
L’ergonomie
Comment éviter et diminuer
les TMS aux membres supérieurs
Pourquoi vos articulations vous font-elles souffrir ?
De nombreux travailleurs souffrent de troubles musculo-squelettiques (TMS) comme des tendinites à l’épaule,
des épi­con­dylites au coude et d’autres problèmes au poignet.
Dans l’industrie des services automobiles, en plus des quelque 150 lé­sions profes­sion­nelles déclarées aux membres
supérieurs chaque année, de nombreuses autres personnes ont des douleurs aux articulations.
Qu’est-ce qu’un TMS ?
Un TMS est un état dans lequel
les fonctions des articulations
sont perturbées, diminuées
ou anormales.
Qu’est-ce qui peut
le provoquer ?
L’apparition d’un TMS s’explique
par la présence de facteurs de risque
au travail comme des efforts impo­
rtants, des mouvements répétitifs,
ou le maintien de postures difficiles
sur une longue période. Ces facteurs
affectent les muscles et les tendons,
et diminuent leur capacité à résister
aux contraintes du métier.
Inconfort
Fatigue
Détresse (inconfort)
ressentie seulement
pendant le travail
Détresse persistant
après le travail
Douleur
Sensation désa­gréa­ble
précédant géné­rale­
ment une lésion
physique
Les étapes d’apparition d’un TMS (trouble musculo-squelettique).
Effort
important
Une force excessive
peut dépasser
la tolérance des tissus.
Postures et
mouvements
contraignants
Répétition
Durée prolongée
Repos insuffisant
Un effort prolongé ou répété,
combiné à un manque de récupération,
diminue la tolérance des tissus.
2
Pourquoi certaines postures
sont-elles difficiles à maintenir ?
Les contraintes sur les articulations de l’épaule et des membres supérieurs sont principalement dues au moment
de force et à la longueur des muscles.
Le moment de force
L’influence de la longueur des muscles
L’évaluation du moment d’une force (que l’on peut
comparer au couple de serrage d’un boulon) dépend de
la force appliquée et du bras de levier. Lorsque l’épaule
est en flexion importante, l’évaluation de ce moment
doit aussi tenir compte de l’angle entre deux segments.
Lorsqu’il y a une flexion importante au niveau
de l’épaule, les muscles agonistes se raccourcissent.
En se raccourcissant, ceux-ci développent moins de force,
tandis que les muscles antagonistes créent une force
supplémentaire sur l’articulation. Cela rend donc plus
difficile l’application d’un moment de force.
Comment diminuer
les contraintes
sur les articulations de l’épaule
et des membres supérieurs
Effet combiné
tension – longueur
et moment de force
Il faut agir sur deux fronts comme le montrent
les illustrations suivantes.
–– La situation du haut, peu présente lors de tra­
vaux sous le véhicule, est la plus contraignante.
Poids du bras
Comme le bras est à l’horizontale, son poids
et celui des outils se trouvent loin du tronc.
Flexion importante de l’épaule
Le moment de
force nécessaire
est donc très
Effet tension – longueur
Effet moment de force
important. De plus,
comme le bras
est tendu vers
l’avant, les muscles
Grand
bras de levier
agonistes (ceux à
Poids
l’avant) sont très
du bras
contractés et
peuvent diffi­
Distance réduite
cilement fournir
Poids du bras
la force musculaire
nécessaire.
Flexion modérée de l’épaule
Flexion importante de l’épaule
–– Les deux situations
du centre sont
un peu meilleures
puisqu’il reste une
Meilleure situation
des deux sources de contraintes.
À gauche, on con­serve la contrainte due
à la flexion importante de l’épaule, tandis
qu’à droite on conserve celle due au grand
Distance réduite
bras de levier.
–– La situation du bas s’approche de l’idéal,
Poids du bras
puisqu’on maintient le bras près du tronc
et qu’on réduit la flexion de l’épaule.
Les muscles travaillent dans de meilleures
conditions et sont donc moins sollicités.
Pour réduire les risques de douleurs, voire
de troubles musculo-squelettiques, on cherchera
le plus possible à contrôler ces deux facteurs,
afin d’abaisser la contrainte musculaire.
Flexion réduite de l’épaule
Pour une même tâche, le fait de rapprocher le bras et de réduire
la flexion de l’épaule permet de diminuer la demande musculaire,
et donc les risques de douleurs musculo-squelettiques.
Définitions
Muscle agoniste : muscle qui effectue le mouvement
Muscle antagoniste : muscle qui s’oppose au mouvement
La mécanique sous le véhicule – Comment éviter et dimimuer les TMS aux membres supérieurs
3
Quatre facteurs de risque associés
au travail sous le véhicule
La charge statique
La charge statique est présente lorsque la position du corps ou
la tenue d’un outil implique que les muscles doivent développer
un effort soutenu et prolongé. Même lorsque la contrainte
est faible, cette charge statique peut surcharger les structures
musculaires, car elle perturbe la circulation du sang à l’intérieur
des muscles et peut causer une sensation d’inconfort.
Pour l’épaule, par exemple, l’importance de cette charge statique
est fortement influencée par :
–– la force de rotation exercée par le poids des segments
et des outils qui sont maintenus loin du corps ;
–– l’amplitude de l’angle de flexion de l’épaule.
Lorsqu’un technicien doit maintenir ses bras au-dessus de la tête
durant une période prolongée, la flexion à l’épaule est très
importante et les muscles fléchisseurs de l’épaule doivent utiliser
plus d’énergie pour produire la tension musculaire requise.
Les efforts répétés
Lors du travail sous le véhicule, le retrait de cer­taines pièces
est difficile. Pour les déloger, on recourt parfois à des outils
de fortune comme le marteau ou on frappe de toutes ses forces.
Cela peut constituer un facteur aggravant à cause notamment :
–– des impacts importants et répétés aux articu­la­tions des
membres supérieurs, dont le poignet, le coude et l’épaule ;
–– de l’adoption de postures contraignantes.
La lutte contre la gravité
Beaucoup d’efforts développés sous le véhicule sont réalisés en luttant contre
la gravité. Même lorsqu’il ne soulève pas d’outil, le travailleur doit maintenir
les bras élevés.
Lors de travail sur un plan horizontal (ex. : clouer à plat), la gravité contribue
à faire descendre la tête du marteau pour enfoncer les clous. Par contre, lors
de travaux sous le véhicule, l’emplacement d’une pièce peut obliger le travailleur
à utiliser un outil vers le haut, contre la gravité. Cela engendre une posture très
contraignante au niveau de l’épaule qui se retrouve en abduction au-delà de 90°.
À cause de la contraction musculaire, les tissus sont alors très peu alimentés
en sang.
De plus, lors de l’utilisation du marteau, deux des muscles responsables de la
rotation externe de l’épaule subissent une tension musculaire importante lors
de la phase de freinage du mouvement contre la gravité. Ce stress musculaire
important se retrouve aussi au niveau des muscles extenseurs du poignet.
Ces mouvements prédisposent à l’apparition de deux types de TMS : les tendinites
à l’épaule et les épicondylites au coude. Enfin, lors du contact du marteau avec la
pièce, un contrecoup peut être retransmis aux membres supérieurs impliqués.
La vision
Il est difficile de bien voir la tâche, à cause notamment des facteurs suivants :
–– le véhicule fait ombrage et empêche l’éclairage général d’atteindre
la zone de travail ;
–– la zone de travail est difficilement atteignable.
La mécanique sous le véhicule – Comment éviter et dimimuer les TMS aux membres supérieurs
4
Quelques solutions intéressantes
Il faut améliorer les postures et réduire les mouvements contraignants pour réduire la charge musculaire et donc
les risques de TMS. Pour cela, on peut apporter des ajustements aux techniques courantes. Voici donc, pour chacun
des facteurs de risques identifiés, quelques pistes de solutions.
La charge statique
Adapter la hauteur du véhicule
L’amplitude de flexion à l’épaule nécessaire au travail sous
le véhicule est fortement dépendante de l’espace de
dégagement. Une voiture surélevée de façon exagérée
comparativement à la taille du travailleur, oblige d’exécuter
la tâche à bout de bras. Ainsi, en abaissant le véhicule
de 15 cm, l’angle relatif à l’épaule diminue de 42º.
En conséquence, nous formulons les recommandations
suivantes :
–– Ajuster la hauteur du pont élévateur pour abaisser
le véhicule le plus près possible de la tête du travailleur.
Lorsqu’on travaille en équipe, la hauteur du véhicule doit
donc être ajustée le plus possible à la taille de chacun.
–– Si nécessaire, ajuster la hauteur selon la zone de travail
sous le véhicule (il y a généralement plus de dégagement
à l’arrière du véhicule qu’à l’avant).
–– Réduire l’espace de dégagement de la tête au minimum
afin de diminuer l’amplitude de flexion nécessaire
à l’épaule du travailleur. La hauteur peut devoir être
ajustée suite à un changement de zone de travail
(de l’avant du véhicule à l’arrière, généralement
plus haut).
Ci-haut. Un poste de travail trop haut oblige
le technicien à travailler à bout de bras et à garder
les épaules en flexion.
En bas. Abaisser le pont élévateur permet
au technicien de réduire les douleurs à l’épaule et
les risques de TMS.
La mécanique sous le véhicule – Comment éviter et dimimuer les TMS aux membres supérieurs
5
Choisir des outils
mieux adaptés à la tâche
Le travail sous le véhicule nécessite souvent
l’utilisation de différents outils.
Dans le cas de la boulonneuse, on peut utiliser
une rallonge afin de rapprocher l’outil
du travailleur.
En effet, en installant une rallonge, on diminue
la flexion nécessaire à l’épaule lors de l’exécution
de tâches de boulonnage sous le véhicule.
Cela entraîne une diminution du coût musculaire
nécessaire. Or, lorsque les muscles sont très
sollicités – surtout de façon statique – la circu­
lation du sang est fortement restreinte, ce qui
contribue à l’apparition de TMS. On cherchera
donc à diminuer l’angle à l’épaule.
Pour utiliser la boulonneuse sans rallonge,
il faut avoir l’épaule en flexion.
Un autre phénomène important est les
contrecoups engendrés par l’outil à la fin du
boulonnage. Ces contrecoups engendrent un pic
de contraction musculaire excentrique très élevé.
Même si ce pic est très bref, il peut, à long terme,
entraîner des lésions.
Lorsqu’on travaille sans rallonge, l’épaule est
en extension et le bras est tendu ; il peut donc
difficilement résister au contrecoup. En utilisant
une rallonge, le bras est mieux placé pour bien
résister au contrecoup.
Enfin, en tenant l’outil à deux mains,
le contrecoup est réparti sur les deux bras
et est ainsi mieux absorbé.
En conséquence, nous formulons les
recommandations suivantes :
En utilisant une rallonge, le technicien peut
diminuer de près de 40° l’angle de l’épaule.
La solli­ci­ta­tion musculaire est alors moindre.
–– Si la tâche le permet, utiliser une rallonge
de façon à ramener l’outil plus près du tronc,
et ainsi diminuer l’extension de l’épaule.
–– Tenir l’outil à deux mains pour que l’effort
et surtout les contrecoups soient également
répartis sur les deux bras.
En tenant l’outil à deux mains,
les contrecoups sont mieux absorbés.
La mécanique sous le véhicule – Comment éviter et dimimuer les TMS aux membres supérieurs
6
Les efforts répétés
et la lutte contre la gravité
Une des principales caractéristiques du travail sous le véhicule est qu’il faut effectuer une grande partie des efforts
contre la gravité. En plus d’accomplir son travail, le technicien doit donc développer les efforts nécessaires
pour soutenir les outils.
Modifier la méthode de travail
Certaines méthodes de travail gagnent à être
modifiées pour diminuer les risques de troubles
musculo-squelettiques Une bonne approche
consiste à diminuer les effets de la gravité
à l’aide d’équipements de soutien,
de vérins ou de tables mobiles.
Voici un exemple d’application pratique.
Exemple. L’enlèvement d’un silencieux
La méthode traditionnelle consiste à détacher
les attaches au chalumeau et à tirer le
silencieux de l’autre main pour amortir
sa chute. Cette opération occasionne un stress
énorme sur la musculature des membres
supérieurs, surtout lorsqu’on tire sur la pièce
et qu’on amortit sa chute (voir ci-contre).
On pourrait toutefois utiliser un chariot
pour diminuer les contraintes et donc
les risques de TMS.
–– Approcher le chariot près de la zone
de travail.
–– Détacher les attaches à froid, puis utiliser
le chalumeau pour couper celles qui restent
et séparer les éléments.
–– Raccrocher le chalumeau sur son chariot
de transport, puis déposer les éléments
découpés sur un chariot ou une table
élévatrice. Ensuite, retirer le silencieux
à deux mains.
La mécanique sous le véhicule – Comment éviter et dimimuer les TMS aux membres supérieurs
7
Ne pas utiliser de masse ni de marteau
lorsqu’un autre outil serait plus approprié
La masse ou le marteau sont souvent utilisés pour
décoller des pièces récalcitrantes. Cette pratique
entraîne plusieurs contraintes au niveau des membres
supérieurs et peut mener au déve­loppe­ment de TMS.
On peut pourtant privilégier des méthodes moins
brusques comme les suivantes (selon la situation).
–– Utiliser avec modération un liquide pénétrant
(l’aire de travail doit être ventilée).
Il est généralement préférable d’utiliser
peu de liquide et de lui laisser le temps d’agir
plutôt que d’en abuser.
–– Utiliser un outil approprié, comme un extracteur.
–– Utiliser un pied-de-biche ; le bras de levier permet
au technicien de diminuer la contrainte musculaire.
La mécanique sous le véhicule – Comment éviter et dimimuer les TMS aux membres supérieurs
8
L’éclairage
L’éclairage typique illumine davantage le toit du véhicule que la zone de travail.
Il faut donc envisager des solutions novatrices.
S’assurer de bien éclairer la zone de travail
Selon la nature du travail, plusieurs solutions
peuvent être apportées.
Lors de la conception d’un atelier
–– Installer l’éclairage autour de la zone de travail
plutôt que directement au-dessus du véhicule.
S’assurer aussi que le plancher est pâle
pour réfléchir le plus possible la lumière.
–– Installer de l’éclairage près du sol, de chaque
côté du véhicule et dirigé de façon à éclairer
le dessous du véhicule lorsqu’il est soulevé.
Cet éclairage d’appoint doit être conçu
pour ne pas éblouir le travailleur et doit
être contrôlé séparément.
Lors du travail
–– Utiliser une baladeuse conforme aux exigences
du Code du bâtiment, section V – Électricité
pour les baladeuses utilisées dans les garages.
Les baladeuses à diodes électroluminescentes
(DEL) ont l’avantage d’être brillantes,
compactes et de consommer peu d’énergie.
Elles peuvent donc être alimentées
à l’aide de piles rechargeables. À cause
de leur petite taille, on peut les placer
plus près du point de travail.
–– Utiliser une lampe frontale. Légère, la lampe
frontale à DEL permet de projeter la lumière
directement sur la zone de travail tout en
laissant libres les deux mains du technicien.
Crédits
Rédaction
Denis Marchand, UQÀM
Alexis Brien-Breton, UQÀM
Coordination
Charles Gagné, IRSST
Jocelyn Jargot, Auto Prévention
Le texte de ce document a été écrit à la suite de projets
financés par l’IRSST :
R-645 : Les risques de troubles musculo-squelettiques aux
membres supérieurs dans le secteur des services à l’automobile
– étude exploratoire
R-726 : Contraintes biomécaniques exercées aux membres
supérieurs lors de l’utilisation de petits outils dans le secteur
des services à l’automobile
Révision et mise en page
Michel Gagnon, Auto Prévention
Remerciements
Merci aux membres du comité de suivi ainsi qu’aux entreprises et
aux centres de formation qui ont participé aux différentes étapes
du projet.
2013-05
Téléchargement