Influence du paysage sur les communautés de micromammifères comme hôtes de maladies vectorisées par les tiques. Perez Grégoire1,2, Bastian Suzanne2, Rantier Yann1, Plantard Olivier2 et Butet Alain1 UMR 1300 BioEpAR : UMR EcoBio 6553 CNRS - Université de Rennes 1, Rennes, France et 2 : UMR BioEpAR 1300 ONIRIS – INRA, Nantes, France 1 Contexte La majorité des maladies émergentes ou ré-émergentes des dernières décennies sont des zoonoses qui, en raison de leurs conséquences sanitaires et/ou économiques, suscitent une préoccupation croissante des institutions de santé publique. Parmi ces maladies, beaucoup, en zone tempérée, sont vectorisées par les tiques. Le cycle des tiques et la transmission des maladies qu’elles véhiculent dépendent fortement du paysage. En effet, la structure du paysage détermine la répartition des habitats, les communautés d’hôtes (réservoirs potentiels d’agents infectieux) et leur probabilité de contact avec les tiques. Bocage ouvert Problématique Dans le cadre d’un projet ANR qui vise à la construction d’un Outil de Simulation Cartographique à l’échelle du paysage Agricole du Risque acarologique (OSCAR), nous cherchons à comprendre comment le paysage structure les communautés d’hôtes, de tiques, et la transmission d’agents infectieux. Particulièrement, notre étude vise à comprendre l’influence du paysage sur les prévalences et la diversité des parasites du genre Babesia qui sont des protozoaires responsables de piroplasmoses chez l’homme et l’animal. Ces prévalences sont étudiées dans les communautés de micromammifères, hôtes majeurs des stades juvéniles des tiques, et les tiques (Figures 1). L’étude est menée sur deux sites d’étude (Zone Atelier Armorique et Vallons et coteaux de Gascogne). Paysage Interactions écologiques Micromammifères infectés Tiques saines Infection Repas sanguin (b) Mue (e) (d) Mue Risque de piroplasmose chez les ongulés domestiques et l’homme Infection (c) (a) (d) Repas sanguin Cœur de forêt Gestion des troupeaux d’ongulés domestiques Ongulés infectés (larves ou nymphes) Repas sanguin Micromammifères sains Lisière de forêt Pratiques agricoles Utilisation des terres, ect. (a) Bocage dense Repas sanguin Tiques infectées Figure 2 : Vue aérienne d’une des deux zones d’étude (la Zone Atelier Armorique) avec la localisation des secteurs paysagers pris en compte dans notre étude et des sites d’échantillonnages de micromammifères. Les zones jaunes délimitent les secteurs paysagers et les points rouges la localisation des sites de piégeage de micromammifères. Les 90 points de collecte de tiques, dont 24 sont communs avec les micromammifères ne sont pas représentés. Principales hypothèses • Structure du paysage Le paysage est une mosaïque d’habitats modulant la diversité, les déplacements et le comportement des espèces hôtes. Cela peut se traduire par des différences dans le taux de contact avec les tiques, elles mêmes dépendantes de ces habitats, et des agents infectieux qu’elles transmettent. • Effet de « dilution » Ongulés sains (nymphes ou femelles adultes) La diversité des hôtes diminue la probabilité pour une tique infectée de se nourrir sur une espèce d’hôte compétente pour un agent infectieux donné, induisant une baisse de sa prévalence. Cycle de transmission des Babesia Figure 1 : Cycle de transmission des Babesia dans un paysage agricole. • Effet d’« amplification » Une tique peut acquérir des Babesia sur un hôte porteur à chaque repas sanguin et donc devenir infectieuse au repas suivant. Les photos montrent : (a) : mulot sylvestre infesté de tiques, (b) : nymphe d’Ixodes ricinus, (c) : femelle adulte d’Ixodes ricinus, (d) : ongulés domestiques sain ou porteur et (e) : des érythrocytes contenant des piroplasmes (Babesia spp.). L’abondance des hôtes permet de nourrir plus de tiques, ce qui favorise l’accroissement de leurs populations, augmente les probabilités de rencontre entre hôtes réservoirs et vecteurs et amplifie la transmission d’agents infectieux. Matériels & méthodes Notre plan d’échantillonnage s’étend sur un gradient de paysages ayant un divers degrés de fragmentation de l’habitat boisé : la forêt, le bocage dense et le bocage ouvert (Figure 2). Nous ciblons le cœur, la lisière de forêt et les interfaces bois/prairie et haie/prairie du bocage. Ces milieux sont des lieux de rencontre entre faune sauvage et domestique où les conditions microclimatiques (milieux boisés) permettent la survie des tiques à l’état libre (hors hôte). 90 transects de 10 fois 10x1m sur 300m Lignes de piégeages 34 pièges sur 100m 2 relevés en 48 heures Autres analyses du programme OSCAR Tiques collectées Figure 4 : Comparaison des abondances relatives des deux espèces dominantes, Apodemus sylvaticus et Myodes glareolus (98 % des captures) par secteur paysager au printemps 2012 et 2013 en Zone Atelier Armorique. (Adultes et nymphes) Extraits d’ADN Micromammifères Géo-référencement des données et extraction de variables paysagères par SIG Caractéristiques paysagères Nous constatons d’ores et déjà des variations spatiales, à plusieurs échelles (zone d’étude, secteur paysager, écotones) et temporelles d’abondance et de diversité en micromammifères (Figure 4) et en tiques (non représenté). La technique biomoléculaire de détection des Babesia est en cours de mise au point. Elle permettra de mesurer la prévalence de ce parasite chez les micromammifères et chez les tiques et d'analyser ses variations en fonction des caractéristiques paysagères. Identification (espèce), sexage, mesures biométriques des micromammifères Abondance, richesse et diversité spécifique Structure des populations (stades, sex-ratio) PCR gène 18S (spécifique des Babesia ; ~600pb) Détection et identification des Babesia Diversité et prévalence Figure 3 : Schéma des différentes étapes de collecte et d’analyse des échantillons jusqu’à l’obtention des données de prévalence des agents infectieux. Les données enregistrées sur le terrain sont géoréférencées et ajoutées sous un logiciel de Système d’Information Géographique (SIG). Elles nous permettront de tester statistiquement des relations entre (1) communautés d’hôtes (abondance et diversité), (2) abondances et diversité des vecteurs et (3) prévalences et diversité en Babesia avec des variables relatives à la composition et la connectivité du paysage (Figure 3). 60 Les secteurs paysagers correspondent pour CF au cœur de forêt, LF à la lisière de forêt, BD au bocage dense et BO au bocage ouvert. 50 Animaux capturés Collectes de tiques Premiers résultats 40 30 20 10 0 CF LF BD Printemps 2012 BO CF LF BD Printemps 2013 BO Espèce Remerciements Ces recherches sont financées par la région Bretagne, l’Agence National de la Recherche via le programme de recherche OSCAR (appel à projet « Agrobiosphère »), le Centre National de la Recherche Scientifique, l’Institut National de Recherche Agronomique, l’Université de Rennes 1 et l’école vétérinaire Oniris, Nantes. Les auteurs remercient tous les participants aux campagnes de terrains OSCAR. Contact : [email protected]