SOMMAIRE Organisateur : Y. PANIS (Clichy) Modérateurs : G. PORTIER (Toulouse) Y. PANIS (Clichy) 1- Quel bilan pour décider d’une exérèse locale ? G. MEURETTE (Nantes) 2- Les différentes techniques d’exérèse locale (transanale, Tem) - avec films L. MAGGIORI (Clichy) 3- Résultats et place de la chirurgie de rattrapage Q. DENOST (Bordeaux) 4- Traitement local après radio-chimiothérapie : quelle place ? J. LEFEVRE (Paris) FCC 2 – Traitement local des lésions rectales : quelle place ? QUEL BILAN AVANT EXERESE LOCALE D’UN CANCER DU RECTUM G. Meurette, Nantes Introduction : Depuis les 10 dernières années, les progrès dans la prise en charge du cancer du rectum ont permis d’envisager en sécurité de limiter l’agressivité du geste opératoire en particulier pour les petites tumeurs. L’exérèse locale fait aujourd’hui partie des options thérapeutiques pertinentes pour des cas sélectionnés. Le bilan préopératoire, plus encore que pour les traitements conventionnels, est indispensable pour caractériser la tumeur, son degré d’infiltration pariétale son risque d’envahissement ganglionnaire. Si l’exérèse locale est une option valable pour les tumeurs limitées (T1) dans certains cas, la chirurgie de rattrapage a quand à elle un pronostic souvent préjudiciable pour le patient ! Tout repose donc sur une évaluation préopératoire optimale Investigations préopératoires et staging tumoral Dans l’optique d’une exérèse locale, il faut que toutes les conditions soient réunies pour une intervention dans de bonnes conditions. Pour en juger 3 examens sont indispensables : - Le toucher rectal - L’échoendoscopie rectale - L’IRM rectale Le scanner thoraco-abdomino-pelvien aura pour objectif d’écarter les lésions métastatiques, comme dans tous les cas. 1/ Le toucher rectal Cet examen est fondamental pour apprécier l’accessibilité de la tumeur, sa topographie exacte (face antérieure parfois plus difficile à traiter), le caractère fixé de la tumeur sur le plan de la musculeuse (1). Cette dernière caractéristique est souvent signe d’envahissement profond (qui contre-indique l’approche locale) mais parfois, en cas de tentative de résection endoscopique ayant précédé le geste, la mise en évidence d’une ombilication ponctuelle peut si elle est de petite taille être traitée par voie locale. Dans ce dernier cas, le toucher est vraiment fondamental à visée pré-thérapeutique. Lorsque la tumeur est plus haut située sur le rectum et non accessible au doigt, les indications sont plus restrictives et dans ce cas, la rectoscopie au tube rigide est un appoint intéressant notamment pour préciser la topographie de la tumeur, sa taille et sa mobilité du plan profond. Enfin, dans certaines circonstances, lorsque le toucher rectal ne permet pas une appréciation assez précise de la tumeur, il faut effectuer un examen sous anesthésie FCC 2 – Traitement local des lésions rectales : quelle place ? générale. Sans envisager le geste d’exérèse, qui est discuté à ce stade de la prise en charge, l’examen sous AG a l’intérêt de mettre l’opérateur en situation de chirurgie d’exérèse. Cet appoint est particulièrement utile lorsqu’une chirurgie microscopique par voie transanale est envisagée ; et que la morphologie de la région anale (proximité des ischions, béance anale) rend incertaine la possibilité technique de réaliser le geste. 2/ L’echoendoscopie C’est le meilleur examen pour apprécier l’envahissement de la paroi rectale (sensibilité 87%)1. Cet examen est incontournable (3), en association avec le toucher rectal. En effet, le pronostic de l’envahissement ganglionnaire, et donc du cancer du rectum au stade débutant est directement lié au degré d’envahissement de la sous-muqueuse (statut sm). En cas de lésion sm1, le risque d’envahissement ganglionnaire est quasi nul. En cas de lésion sm3, il avoisine les 20%. Lorsque la lésion est sm2, le chiffre de 8% est généralement retenu. L’examen échoendoscopique ne permet pas une analyse aussi précise que l’examen anatomopathologique, mais il est efficace pour dépister l’envahissement de la musculeuse, et donc contre-indiquer l’exérèse locale. Concernant le dépistage des adénopathies, l’examen est beaucoup moins performant. On considère des critères de taille (5mm) et de morphologie (ronds et hypoechogènes) comme étant des facteurs de risques d’adénopathies envahies. La sensibilité est autour de 65% dans ce cas. 3/ L’IRM rectale Examen de référence pour la description de la profondeur de l’atteinte pariétale pour les tumeurs avancées, l’IRM permet également de calculer la clearance latérale lors de la chirurgie. Cet élément est pronostic pour la récidive locale des tumeurs du rectum (2). Elle est moins intéressante en cas de petite lésion. Pour notre cas d’exérèse locale, son intérêt est plus discutable. Sa sensibilité pour le dépistage des atteintes ganglionnaires est voisine de celle de l’échoendoscopie (2). Pour ce point, l’association echo-endo et IRM peut donc être intéressante. Plus informatif est la précision topographique de la lésion, l’épaisseur du meso en regard dans l’hypothèse d’une résection locale, la proximité du cul de sac de Douglas qu’il faudra éviter d’ouvrir en cas de chirurgie microscopique transanale pour une tumeur haute dans le rectum. En résumé Le bilan préopératoire avant exérèse locale d’une tumeur du rectum a un double objectif : faire un staging le plus précis de la tumeur et du risque d’envahissement ganglionnaire d’une part, faire le bilan de la topographie de la tumeur et de son accessibilité par un abord local FCC 2 – Traitement local des lésions rectales : quelle place ? d’autre part. En associant toucher rectal (avec rectoscopie), echoendoscopie et IRM, les 2 objectifs peuvent être atteints dans la majorité des cas. La sensibilité n’est toutefois pas de 100%. En cas de discordance, ou d’incertitude de mener à bien cet approche, l’examen sous anesthésie générale peut apporter des d’informations complémentaires précieuses. Références : 1. Surgical treatment for rectal cancer: an international perspective on what the medical gastroenterologist needs to know. Lindsetmo RO, Joh YG, Delaney CP. World J Gastroenterol. 2008 Jun 7;14(21):3281-9 2. Accuracy of magnetic resonance imaging in prediction of tumour-free resection margin in rectal cancer surgery. Beets-Tan RG, Beets GL, Vliegen RF, Kessels AG, Van Boven H, De Bruine A, von Meyenfeldt MF, Baeten CG, van Engelshoven JM. Lancet. 2001 Feb 17;357(9255):497-504 3. Imaging paradigms in assessment of rectal carcinoma: loco-regional and distant staging. Liang TY, Anil G, Ang BW. Cancer Imaging. 2012 Oct 2;12:290-303. doi: 10.1102/1470-7330.2012.0034 FCC 2 – Traitement local des lésions rectales : quelle place ? RESULTATS ET PLACE DE LA CHIRURGIE DE RATTRAPAGE Q. Denost Service de Chirurgie Colorectale Hôpital Saint-André CHU Bordeaux Introduction La résection rectale constitue actuellement le traitement de référence du cancer du rectum. L’exérèse locale de la tumeur par voie transanal laissant en place le rectum et le mésorectum représente une alternative thérapeutique validée pour les cancers T1 infiltrant la partie superficielle de la sous muqueuse (Sm1) [Bretagnol 2007]. En revanche, la préservation d’organe, surveillance rapprochée (Wait and See) et/ou exérèse locale, est un nouveau concept dans le traitement des cancers du rectum localement avancé [Habr-Gama 2004] [Baxter 2007]. Développer ce concept impose de prendre en considération les notions de réponse tumorale aux thérapies néo-adjuvantes et de risque d’envahissement ganglionnaire, ainsi que la morbi-mortalité précoce et tardive de la chirurgie rectale. I- Place de la chirurgie de rattrapage après tumorectomie rectale I-a. Notion de réponse tumorale En Europe et aux États-Unis, la radiothérapie néoadjuvante est indiquée pour les tumeurs T3-T4 et/ou N+ car elle améliore le contrôle local de la maladie [Kapiteijn 2001] [SebagMontefiore 2009]. Le taux de réponse complète (stérilisation tumorale, pT0) ou sub-complète (pT1) après radiothérapie néoadjuvante varie de 10% à 20% [Hartley 2005] et apparait significativement améliorée dans l’essai EORTC 22921 par la réalisation d’une chimiothérapie concomitante [Bosset 2005]. D’autres facteurs tels que la dose d’irradiation [Gerard 2004], le type et la séquence d’administration des chimiothérapies [Calvo 2006] [Habr-Gama 2009] et le délai entre la fin du traitement néoadjuvant et la chirurgie [Tulchinsky 2008], peuvent améliorer le taux de réponse tumorale. I-b. Risque d’envahissement ganglionnaire Une corrélation entre les réponses tumorale et ganglionnaire a été rapportée par une équipe américaine sur une population de 644 patients après traitement néoadjuvant [Read 2004]. Les auteurs rapportaient un taux d’envahissement ganglionnaire du mésorectum de 2%, 4%, 23%, 47% et 48% pour respectivement des tumeurs classées pT0, pT1, pT2, pT3 et pT4. Après bonne réponse tumorale (pT0-pT1), le risque d’envahissement ganglionnaire est à analyser en référence au taux de mortalité post-opératoire (2% à 4%) de la résection rectal. FCC 2 – Traitement local des lésions rectales : quelle place ? I-c. Risque de récidive locale Les facteurs de risque reconnus de récidive locale après tumorectomie sont une lésion pT1sm3/pT2, peu différencié, présence d’envahissement lympho-vasculaire et marge de résection positive. Dans une série récente de 45 patients traités par excision local pour des tumeurs du bas rectum classées ypT1, les auteurs rapportaient un taux de récidive local de 2% [Borschitz 2008], confirmant ainsi les résultats rapportés dans des études antérieurs sur la faisabilité oncologique de l’exérèse locale pour des tumeurs T2/T3 ayant bien répondu aux thérapies néoadjuvantes [Kim 2001] [Read 2004] [Bonnen 2004] [Lezoche 2005] [Caricatto 2006] [Nair 2008]. L’exérèse locale est la seule procédure permettant une évaluation optimale de la réponse tumorale. Dans un essai Polonais récent, un résidu tumoral était retrouvé chez 38% des patients ayant eu une réponse tumorale évaluée complète, alors que 33% des patients ayant eu une réponse tumorale évaluée incomplète présentaient en fait une stérilisation tumorale [Bujko 2013]. I-d. Morbi-mortalité de l’exérèse rectale La mortalité et la morbidité post-opératoire après résection rectale varient respectivement de 2% à 4% [Kapiteijn 2001] [Sebag-Montefiore 2009] et de 20% à 30% [Pahlman 2007]. Cette mortalité varie avec l’âge et les comorbidités des patients, 3% si <65 ans, 6% si entre 65 et 75 ans et 12% si >75 ans. Par ailleurs, 25% à 50% des patients rapportent des troubles de la continence anale et/ou de la fonction sexuelle après exérèse totale du mésorectum [Petters 2005] [Marijnen 2005]. I-e. Quand proposer une chirurgie de rattrapage après tumorectomie L’ensemble de ces arguments doit permettre d’identifier plusieurs situations selon les caractéristiques du patient, les caractéristiques de la tumeur et la morbidité de l’exérèse rectale de rattrapage. Ainsi, pour un cancer à haut risque T1 ou T2, une chirurgie de rattrapage sera proposée à un patient jeune (<65 ans) sans comorbidité alors qu’elle pourra être non-justifiée chez un patient agé (>75 ans) avec des comorbidités cardiovasculaire ou pulmonaire. Le rôle du chirurgien est d’apporter à la discussion ce ratio bénéfice/risque. Dans tous les cas, cette chirurgie devra être réalisée dans le mois suivant la tumorectomie [Madbouly 2005] [Hahnloser 2005]. II-Résultats de la chirurgie de rattrapage après tumorectomie II-a. Faisabilité technique et morbi-mortalité Peu d’étude ont comparé la faisabilité et la morbi-mortalité opératoire de l’exérèse rectale après tumorectomie transanal à l’exérèse rectale première. Dans une série récente, des auteurs Danois ont apparié 25 patients ayant bénéficié d’une exérèse rectale après FCC 2 – Traitement local des lésions rectales : quelle place ? tumorectomie à 25 patients ayant bénéficié d’une exérèse rectale d’emblée [Levic 2013]. Les auteurs n’ont pas rapporté de différence en termes de durée d’intervention, de perte sanguine ou de complication peropératoire. La morbidité post-opératoire était également similaire entres les deux groupes. II-b. Résultats oncologiques La plus grosse série rapportée dans la littérature reste celle de la Mayo clinique publiée en 2005 [Hahnloser 2005]. Les auteurs rapportent une série de 52 patients ayant bénéficié d’une chirurgie de rattrapage dans le mois suivant la tumorectomie. La chirurgie de rattrapage était réalisée pour T2-T3 (n=44), marges de résection positives (n=5) et invasion lymphovasculaire (n=3). Le taux d’envahissement ganglionnaire dans cette population était de 23% et 29% des patients présentaient un résidu tumoral sur la pièce de protectomie. Les résultats oncologiques, récidive locale et survie à 5 ans, étaient similaires entre les patients ayant bénéficié d’une tumorectomie, d’une tumorectomie suivie d’une chirurgie de rattrapage dans les 30 jours et une exérèse rectale d’emblée. La chirurgie de rattrapage après tumorectomie apparaît donc sûre à court et long terme. Cette chirurgie doit être réalisé rapidement après le geste de tumorectomie pour ne pas impacter le résultat oncologique [Baron 1995]. Références : Baron PL, Enker WE, Zakowski MF, Urmacher C. Immediate vs. salvage resectionafter local treatment for early rectal cancer. Dis Colon Rectum. 1995 Feb;38(2):177-81. Baxter NN, Garcia-Aguilar J. Organ preservation for rectal cancer. J Clin Oncol 2007;25:1014-20. Bonnen M, Crane C, Vauthey JN et al. Long-term results using local excision after preoperative chemoradiation among selected T3 rectal cancer patients. Int J Radiat Oncol Biol Phys. 2004;60:1098-105. Bosset JF, Callais G, Mineur L et al. 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