"Une Europe verte qui jette des tonnes de nourriture, est-ce

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"Une Europe verte qui jette des tonnes de nourriture, est-ce raisonnable?" dans Le Soir
(17 juin 1983)
Légende: Le 17 juin 1983, le quotidien belge Le Soir critique le mode de fonctionnement de la politique agricole
commune (PAC) qui conduit notamment à la destruction massive des excédents de fruits et de légumes.
Source: Le Soir. 17.06.1983, n° 140; 140e année. Bruxelles.
Copyright: (c) Rossel & Cie SA - LE SOIR, Phodoc, Brussel, 2008
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Date de dernière mise à jour: 16/09/2012
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Une Europe verte qui jette des tonnes de nourriture, est-ce raisonnable?
Qui jette son pain en aura faim! En 1975, le Marché commun agricole a détruit 800.000 tonnes de pommes
et 175.000 tonnes de poires. En outre, cette opération a coûté au budget européen quelque quatre milliards
cinq cent millions de francs belges. Est-elle sérieuse l’organisation de cette Europe des fruits et légumes qui
aboutit à de tels scandales?
Scandale? Oui lorsqu'on examine les progrès de la faim dans le monde. Non si l'on va au-delà des
apparences, répond-on avec sérénité dans les bureaux du Berlaymont à Bruxelles. En effet «l'Europe verte»
en matière de fruits et légumes est une organisation travaillant essentiellement avec des produits périssables.
Entre la récolte de ces produits et le moment où l'on constate leur caractère excédentaire du temps s'est
écoulé. D'abord pour constater que les marchés sont saturés, que les cours se sont effondrés à un niveau
irrattrapable, toutes choses restants égales. Ensuite, on a servi tous les bénéficiaires sociaux et fourni, au
maximum des possibilités, l'industrie de transformation qui fait des conserves, des jus de fruit, de l'alcool de
fruit, etc. Malgré tout cela, certaines années comme 1975, on a encore des monceaux d'excédents car Dame
Nature s'est avérée tout à coup trop généreuse (en 1975, il y a eu dans la Communauté 30% de pommes en
plus que l'année précédente). Alors? Le temps de transporter ces excédents dans le tiers monde, de trouver
comment les y stocker et surtout, comment les distribuer, tout sera pourri, explique-t-on au Marché
commun. Et d'ajouter: de tous temps, on a laissé pourrir les fruits au verger quand on ne pouvait les vendre
mais, comme à présent, l'agriculture est organisée au niveau de deux cent soixante millions d'habitants, tous
ces phénomènes prennent une ampleur à laquelle on n'est pas encore habitué.
Travailleurs de l'éphémère
«Nous sommes des travailleurs de l'éphémère» dit-on au F.E.O.G.A. à propos de l'organisation du marché
des fruits et des légumes. De ce fait, cette organisation gère pratiquement deux marchés. D'abord celui des
produits frais; ce sont les fruits et légumes tels qu'ils ont été récoltés suivant les caprices climatiques et
météorologiques. Ce marché essentiellement saisonnier: le temps des cerises, des fraises, des chicons, etc.
…
Une fois la saison passée, que manger en matière de fruits et légumes? Autre chose d'abord, car les saisons
de récolte s'échelonnent en Europe, mais c'est malgré tout relatif. On peut stocker les produits quand la
chose est possible, produire sous serres ou importer. Dans ce dernier cas, on développe encore la
dépendance de l’Europe des Dix vis-à-vis de l'extérieur car elle doit en effet importer, en temps normal,
quelque 20% des fruits frais et un peu plus de neuf pour cent des légumes qu'elle consomme. Un de ses
principaux fournisseurs est le bassin méditerranéen. C'est dire toute l'importance que revêt, dans ce secteur,
l'entrée de l'Espagne et du Portugal dans la Communauté européenne. Le deuxième marché tente de
remédier à cet aspect saisonnier: c'est celui des produits transformés, conserves, congélation, alcoolisation,
transformation en jus, séchage de fruits...
Comment fonctionne pratiquement ce secteur pour garder son aspect de marché commun?
Les produits qu'il s'agit de réglementer sont multiples. Ils concernent quelque deux millions de producteurs.
La régulation de ce secteur si divers se fait suivant trois méthodes, selon les produits.
D'abord, pour les choux-fleurs et les tomates, d'une part, et les oranges, mandarines, citrons, raisins de table,
pommes, poires et pêches, on autorise les groupements de producteurs à retirer certaines quantités de ces
produits si leur afflux sur le marché fait baisser les prix en dessous d'un certain niveau appelé prix de retrait.
Ce retrait, en diminuant l'offre, doit rétablir les prix. En outre, une certaine somme est versée aux
producteurs, via le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, pour les dédommager des produits
retirés du marché. Si cette ponction ne suffit pas et que les prix du marché continuent de s'effondrer, les
pouvoirs publics interviennent. Pour chaque produit a été fixé, lors des fameux marathons agricoles du
printemps, un prix de base qui donne l'indication du niveau normal des prix du marché et un prix d'achat
nettement inférieur. Si les prix du marché dégringolent à son niveau, les pouvoirs publics rachètent (avec
l'argent européen) à ce prix-là aux producteurs autant de produits qu'il est nécessaire pour rééquilibrer le
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marché.
Deuxième méthode de régulation des marchés: un régime de protection renforcée vis-à-vis de extérieur.
Cette méthode est utilisée pour les produits cités pour l'application de la première méthode, sauf les chouxfleurs, mais aussi pour les cerises, les prunes et les concombres... Cette protection procède d’un droit de
douane, éventuellement, de taxes compensatoires.
Le troisième système est formé, lui aussi, par des droits de douane d'un niveau assez bas et qui est, dans de
nombreux cas (les pays associés par exemple) modulé de manière à ne s'appliquer qu'au moment où la
production de ces pays pèse vraiment sur l'organisation interne du marché.
Ces diverses procédures permettent ainsi de dominer relativement un marché composé de produits aussi
fluctuant que les fruits et les légumes.
SERGE de WAERSEGGER
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