sur la sécurité alimentaire régionale : une étude de cas entre le

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L’incidence des marchés des produits alimentaires (notamment des céréales) sur la sécurité
alimentaire régionale : une étude de cas entre le Cameroun et les pays frontaliers.
I-
INTRODUCTION
L’Afrique Centrale demeure la région présentant le plus faible taux de commerce intra-régional en
pourcentage du commerce extérieur. Alors que la moyenne Africaine se situe autour de 10%, le commerce
intra-régional en Afrique Centrale se situe autour de 4% selon les statistiques communiquées par la région,
et même autour de 1% selon l’Annuaire statistique commun 2010 de la BAD, de la CEA et de l’UE.
Le Cameroun partage ses frontières terrestres avec six pays : le Nigeria à l’Ouest (sur plus de 1000 km), le
Tchad au Nord et au Nord-Est, la Centrafrique à l’Est, le Congo, le Gabon et la Guinée Equatoriale au
Sud. Son extension en latitude lui confère une variété de paysages, de zones géomorphologiques, et de
climats qui peuvent cependant être regroupés en cinq entités régionales ou zones agro écologiques
L’expérience de la crise alimentaire au Cameroun a confirmé l’existence de liens très étroits entre les
marchés du Nord Cameroun et ceux des pays voisins. La pertinence d’une analyse du marché des céréales
dans la partie Nord du Cameroun se justifie à plus d’un titre. Tout d’abord parce qu’il s’agit d’une région
dont l’alimentation est basée sur les céréales, et où la précarité de la situation alimentaire est récurrente 1.
Les aléas climatiques, combinés à la réduction progressive de la fertilité des sols ainsi qu’aux techniques
culturales peu productives, conduisent fréquemment à des niveaux de production insuffisants pour couvrir
les besoins alimentaires des populations de la région. Les indicateurs des niveaux prévisionnels des
récoltes ont ainsi souvent servi de support à la décision pour la mobilisation des aides alimentaires en
faveur des zones sinistrées.
Dans un sens plus large, l’expérience de la crise alimentaire de l’exercice 2004/2005 a confirmé2
l’existence de liens très étroits entre les marchés du Nord Cameroun et ceux du Nord du Nigeria, du Tchad
et du Niger. Une bonne compréhension de ces interactions serait ainsi nécessaire pour l’amélioration :
i)
du suivi de la production et de la sécurité alimentaire ;
ii)
de la programmation de l’appui en période de crise.
C’est dans ce cadre que le FEWS Net, le Programme Alimentaire Mondial (PAM) et ses partenaires, ont
initié une étude sous régionale des marchés, le PAM étant chargé du volet Nord Cameroun et interactions
avec les pays voisins, ainsi qu’avec la partie méridionale du pays.
En matière de produits vivriers et notamment de céréales, les observations de l’étude et les statistiques
disponibles montrent que le Nord du Cameroun constitue un centre important d’approvisionnement pour
les pays voisins. Cette situation s’expliquerait, pour le Nigeria par la pression démographique, et pour le
Tchad par les contraintes d’un milieu naturel moins favorable dans sa partie septentrionale. Les
commerçants et les consommateurs provenant de ces deux pays font d’ailleurs déjà partie intégrante du
décor des marchés céréaliers du Nord du Cameroun.
En cas de pénuries alimentaires au Tchad et au Nigeria, les acheteurs (locaux ou originaires de ces pays)
pénètrent jusque dans les zones rurales du Cameroun où ils proposent des prix plus incitatifs aux
producteurs ou aux collecteurs.
Dans l’hypothèse d’un accroissement de la demande dans ces pays (la plus plausible étant celle des
populations tchadiennes suite par exemple à une redistribution des revenus du pétrole), on pourrait bien
assister à une pression supplémentaire sur les marchés camerounais. La faible corrélation entre les niveaux
de production et les prix pratiqués sur les marchés locaux ne pourrait alors que s’accentuer, ce qui
contribuerait également à redéfinir les stratégies des acteurs locaux.
1
2
Abakachi, 2000.
Cf. TDR de l’étude
II- FLUX DES PRINCIPAUX PRODUITS CAMEROUNAIS SUR LA SECURITE
ALIMENTAIRE REGIONALE.
Signalons déjà que plusieurs définitions existent dans la littérature pour désigner un état de sécurité alimentaire.
Nous retiendrons l’une de celles proposées par la FAO qui est structurée en quatre volets à savoir :
i)
l’accessibilité physique,
ii)
l’accessibilité économique,
iii)
la stabilité de l’offre,
iv)
l’efficacité de l’alimentation.
La sécurité alimentaire dans le Grand Nord
Les provinces du Nord et de l’Extrême-Nord du Cameroun sont celles où les problèmes de sécurité alimentaire se
posent avec le plus d’acuité. En se basant sur les revenus tirés de l’exploitation agricole, ABAKACHI (2001)
distingue trois systèmes de culture différents qui déterminent la sécurité alimentaire de leurs adeptes dans la
province de l’Extrême-Nord..
Figure : Système de culture et insécurité alimentaire à l’Extrême Nord du Cameroun
Systèmes de culture
Hypothèses
considérées
Basse : céréales
uniquement
Système coton + vivrier
en culture manuelle avec
ou sans petit bétail
Haute : céréales
associé
associées aux
légumineuses
Superficie
cultivée en
quart
S4
Type A
Petites exploitations
agricoles pluriactives, en
déficit alimentaire
S3
3S4
Type B
Système coton + vivrier
en culture attelée avec
ou sans petit bétail et
élevage bovin associés.
La différence
d’autoapprovisionnement
en vivres entre les
deux hypothèses
n’est significative
S  2,5
Exploitations agricoles en
situation d’autosuffisance
2,5  S 3,5
3,5  S  8
Type C
Système coton + vivrier
en culture attelée +
cultures maraîchères
avec ou sans petit bétail
et élevage bovin
associés.
S3
Hypothèse unique :
céréales associées
aux légumineuses
sur terres Karal
3S4
Exploitations, en situation
de capitalisation et
dégageant des excédents
céréaliers
4S8
Source : ABAKACHI (2001) : les déterminants de l’insécurité alimentaire dans la province de l’Extrême Nord du Cameroun.
Le modèle de ABAKACHI se propose d’illustrer tout simplement que de manière structurelle, il existe
en tout temps des personnes :
 en insécurité alimentaire (Type A);
 en équilibre alimentaire (Type B) ;
 en excédent alimentaire (Type C).
C’est dire que même en situation de production excédentaire, certaines couches de la population ne
pourront pas disposer d’une alimentation suffisante pour subvenir à leurs besoins alimentaires tout au
long de l’année.
Les groupes de populations concernés sont ceux qui n’ont pas les moyens de produire ou d’acheter des
quantités suffisantes d’aliments. En d’autres termes, l’insécurité alimentaire rime avec le niveau de
pauvreté.
De manière spécifique, les mouvements de chacune des spéculations en objet peuvent être décrits de la
manière suivante :
Le sorgho
Les quantités partant du Mayo Rey étant revues à la baisse, la précarité alimentaire s’accentue dans les
zones ayant une production plus modeste. On peut dans ces cas de figure signaler quelques fois la
présence de Mil/sorgho en provenance du Tchad, et entré par l’Est de la Bénoué (Adoumri, Padarmé,
etc.). Mais dans l’ensemble, les marchés urbains (Garoua Notamment), jouent le rôle de centrale
d’approvisionnement pour les zones déficitaires.
Les quantités mises en marché sont centralisées à Mada, Maltam, Moutourwa, Yagoua, et Kouyape,
d’où elles prennent la destination du Tchad (via Kousseri et Blangoua), du Nigeria (via Amchide et
Fotokol), et Maroua. Des exportations de proximité sont aussi observées tout le long de la frontière
avec le Tchad.
En période de soudure, les principaux flux ci-dessus restent alimentés par la zone Sud-Est de la
province (Yagoua, Kaélé, moutourwa). Les échanges de proximité changent de direction et vont du
Tchad vers le Cameroun.
En cas de crise alimentaire, il est d’abord important de déterminer si le sinistre s’est étendu jusqu’au
Sud du Tchad. Le cas échéant, les exportations de proximité en direction du Tchad vont reprendre
quels que soient les niveaux des prix. La raison évoquée par les acteurs serait liée à une meilleure
capacité de stockage au Cameroun.
De manière plus générale, tous les consommateurs de la région vont dépendre de la gestion des stocks
disponibles au Cameroun pour assurer leur approvisionnement alimentaire.
On remarque à ces occasions, un net accroissement de la circulation du riz importé et surtout du maïs.
Le maïs
A partir des zones de production, le maïs est acheminé dans les marchés classiques de regroupement
de la province, avant d’être convoyé vers le sud du pays (provinces du Centre, de l’Ouest et du
Littoral), l’Extrême Nord, l’Adamaoua, le Tchad ou le Nigeria.
Dans la province de l’Extrême Nord, la production reste modeste, particulièrement concentrée dans le
département du Mayo Tsanaga, sur les berges du Lac Tchad, ainsi que dans les îles situées à l’intérieur
de ce lac. La production des îles et des rives du Lac Tchad ressort sur Mada (via Blangoua) pour être
acheminée vers Ndjamena (via Kousseri), et le Nigeria (via Fotokol), tandis que celle du Mayo
Tsanaga passe par Maroua ou Kouyape pour atteindre le Nigeria (via Amchide).
Dans la province de l’Adamaoua, le maïs est la première spéculation compte tenu du volume de
production. La culture est surtout pratiquée dans le Mayo Baléo, mais les acteurs locaux estiment que
près de 50% de la production est vendue au Nigeria. Ces mêmes acteurs estiment que la demande reste
pourtant supérieure à l’offre interne, ce qui conduit, en période de pénurie, à des importations de la
provenance du Nord.
Le paddy
Le riz est essentiellement cultivé dans la province de l’Extrême Nord, et plus particulièrement le long
de la frontière avec le Tchad. Il est regroupé à Yagoua d’où il part directement vers le Nigeria (via
Amchide) ou à Zimado où il transite par Kousseri pour aller au Nigeria en passant par Fotokol.
Les capacités de transformation étant concentrées au Nigeria, les flux envers ce pays ne connaissent
pas de modification sensible au cours de l’année.
L’arachide
Les quantités offertes sur les marchés sont cependant renforcées par un apport massif du Tchad, en
passant principalement par Kousseri, Padarmé, et Yagoua. En plus de l’approvisionnement des
marchés de consommation locaux, ce produit est acheminé vers le Sud du pays et le Nigeria.
La circulation de cette denrée, que ce soit à l’intérieur du Cameroun ou en direction du Nigeria ne
semble pas subir de perturbations particulière, bien qu’on puisse relever la fluctuation saisonnière des
cours, et des cas de faible production. Une grande partie de la production du Niébé produit dans le
Nord et l’Extrême nord prend la destination du Nigeria en passant par les voies de sorties usuelles.
Le bétail
Les échanges transfrontaliers de bétail sont essentiellement alimentés par les animaux en provenance
du Tchad (dans le Nord et l’Extrême Nord), et de RCA (dans l’Adamaoua). En période de
transhumance, l’afflux des animaux en quête de pâturages au Cameroun donne lieu à des ventes, non
seulement pour rechercher des revenus, mais également pour réduire la taille du cheptel à faire
paître.Dans ce parcours, des points de vente ont été créés qui servent aussi bien à l’approvisionnement
du marché de consommation local, qu’à la réexportation vers le Nigeria. Les principaux points de
sortie du bétail vers ce pays sont Amchide et Fotokol, bien qu’un grand nombre d’éleveurs emprunte
des pistes clandestines pour échapper aux taxes.
Pour les marchés locaux de bétail, on note une activité importante pendant la période dite de présoudure.
CONCLUSION
La région d’afrique centrale notamment le Cameroun devrait tirer pleinement profit des
avantages que lui confère sa contiguïté avec les quatre autres régions du continent d’Afrique
du Nord, d’Afrique de l’Est, d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique Australe pour être l’espace de
convergence et de relai de la plupart des programmes intégration du continent, notamment
ceux relatifs aux infrastructures, de transport, à l’interconnexion des réseaux électriques et de
télécommunication pour faciliter le commerce des biens et services. En clair, ce qui est en jeu
ici est la capacité de la région à assurer pleinement sa responsabilité géographique pour
faciliter l’avènement du marché commun africain et tout retard pris dans le chantier de
l’intégration ne pourra que se répercuter sur cette dynamique d’ensemble.
L’un des défis par lesquels j’aimerais terminer mon intervention est le défi démographique.
La vitalité démographique de l’ensemble des pays de la région leur impose d’anticiper non
seulement sur les besoins immédiats et à venir d’une immense population jeune en termes
d’emplois, de biens de consommation et d’une urbanisation maîtrise. Si des politiques
volontaristes ne sont pas mises en avant, les ruptures de la paix et la conflictualité qui sont
déjà des traits dominants de la région ne vont que se renforcer étant donné que les batailles
pour la survie et la captation des ressources vont devenir recrudescentes et plus meurtrières
que jamais.
Toutes les projections sur l’évolution de la région à l’horizon 2050 présentent de grands
déplacements de populations consécutives aux effets du changement climatique et de
l’urbanisation mal maitrisée de l’intérieur vers les côtes et plus particulièrement autour du
grand ensemble constitué de l’Angola, du Gabon, du Cameroun et de la Guinée Equatoriale.
En l’absence de politiques régionales volontaristes qui facilitent les brassages de populations
pour évacuer la peur de l’étranger, comment l’Afrique Centrale si hétérogène va-t-elle faire
face à ces défis ?
BIBLIOGRAPHIE
ABAKACHI ; 2000, Les déterminants de l’insécurité alimentaire dans la province de l’Extrême-Nord du
Cameroun.
MEDOU, Jean Claude, 2002, Etude de la commercialisation et de a compétitivité des produits
agricoles au Cameroun (FAO).
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