Vigne et réchauffement climatique,
biologie de l'oïdium
Sommaire
1
/
Réchauffement climatique
-
Vers une modification de la phénologie et des ennemis de
la vigne
-
Quelle
évolution de la maladie
?
3/ Lutte anti
-
oïdium
Bernard Molot
: «
On ne le voit pas donc on n’y fait pas attention
!
»
DOSSIER OÏDIUM
Réchauffement climatique
Vers une modification de la phénologie et des
ennemis
de la vigne
Il est incontestable que le réchauffeme
nt climatique s’est accéléré ces trente dernières
années.
A court terme, les vignobles en profitent
mais
pour
ceux du Sud
, des signes
inquiétants c
ommencent à
apparaître
.
A
plus long terme, l’ensemble des vignobles
connaîtront de profondes mutations. L’évo
lution des
agresseurs de la vigne
fer
a
partie de
ces changements
.
«
C
es 30 dernières années, et surtout ces
10
dernières, la vigne est la culture qui a été
l
a
plus
marquée par le réchauffement des températures
»,
souligne
Bernard Seguin, chercheur à l’I
NRA
d’Avignon et spécialiste de la question du réchauffement climatique en France.
Si la vigne est
en effet
une production
souvent mentionnée lorsqu’on évoque
ce
sujet, c’est parce qu’elle
est
le «
meilleur
indicateur
» de ce phénomène
,
selon
le chercheur.
«
C’est la production pour laquelle la qualité finale
du produit,
résultant de
la vendange
et de
sa composition,
a la plus
grande importance et qui
est
fortement corrélé
e
avec
le
climat
».
De plus, les références en viticulture ne manquent pas
pour
illust
rer le réchauffement des températures
et surtout celui, plus
marqué
,
observé
depuis
la fin
des
années 1980
(voir graph
ique 1
)
.
La date des vendanges est
l’indicateur
le plus
souvent mis en avant.
«
Sur la vigne, on a constaté
depuis
les années 1950
une avancée
de la date de vendanges d
e
trois semaines à
un
mois
selon les
régions
»
, indique
Bernard Seguin
.
Les experts se sont accordés sur le fait qu’un degré
supplémentaire
de température
impliqu
ait
une précocité de 10 jours
du cycle vé
gétatif
, ce qui a été
effectivement relevé
«
sur le terrain
»
dans de nombreuses régions viticoles depuis les années 1980
.
Dans les
Côtes
-
du
-
Rhône
par exemple
,
à
Châteauneuf
-
du
-
Pape, l’Institut
rhodanien
a
relevé
une
avancée de
quatre
semaines de la da
te de
s
vendange depuis les année
s
1945,
«
sans qu’a priori cela
ne puisse s’expliquer, sinon pour une faible part, par des considérations de pratiques culturales
»
(voir
graphique 2)
, précise le chercheur
.
Evolution de la température moyenne en France métropolit
aine sur la période 1900
2007
Graphique 1
Source Météo France
http://onerc.org
«
Le réchauffement
des températures
moyennes est très net.
Jusqu'au mi
lieu des
années 1980, l'écart
est le plus souvent
négatif
: la
température moyenne
annuelle est le plus
souvent inférieure à la
moyenne de la période
1971
-
2000. A partir de
la fin des années 80,
les températures
moyennes
augmentent
rapidement et l'écart
es
t pr
esque
systématiquement
positif
» (source
météo France)
L’étude des dates d
es autre
s
stades phénologiques
comme
la floraison ou la
véraison
,
et
pour
de
nombreuses régions
viticoles
, mêmes les plus septentrionales,
fait
également
ressortir
cette
même
avancée du calendrier viticole. En Champagne
par exemple
, les stades de la florai
son et des
vendanges ont lieu en moyenne deux semaines plus tôt qu’il y a vingt ans.
Et l’avenir devrait
amplifier ce phénomène
:
les proj
ections réalisées
par les experts
montrent que la température
moyenne du globe d
’ici 2100 pourrait varier de +2°C /
2
,5°C à +3°C/3,5°C, avec +4°C ou +5°C l’é
selon si
l’
on se situe dans un scenario optimiste ou pessimiste
«
La véraison de la
S
yrah, qui avait
lieu aux alentours du 15 août dans le courant du 20
ème
siècle, se situe désormais début août
,
constate
Bernard
Séguin.
Elle
devrait se produire autour du 15 juillet en 2100 si
l’
on prend l’hypothèse d’un
réchauffement de +4°C
!
»
.
Au sujet du débourrement, les conséquences du
réchauffement sont moins évidentes
:
«
Il pourra
être soit légèrement avancé
,
soit
ret
ardé à cause de l’effet antagoniste du froid
», précise le
chercheur. Des hivers plus doux entraînent
en effet
une levée de dormance plus tardive.
Le
risque de
gel associé
n’est
donc pas évident, d’autant plus que le nombre de jours de gel tend également à
diminuer.
Evolution des dates de vendanges en Côtes
-
du
-
Rhône méridionales
Graphique 2
: (source InterRhône
http://onerc.org
)
L'évolution des dates
de début de
vendan
ges pour l’A
OC
Tavel sur la période
1951 à 2008 et pour
l’A
OC
Châteauneuf
-
du
-
Pape sur la
période 1945 à 2008.
On remarquera qu'en
l'espace de 50 ans, et
quelle que soit
l'appellation, les
vendanges ont
avancé
de trois semaines et
que ce phénomène
s'intens
ifie d
epuis le
début des années
1990.
Météo France a
par exemple
relevé qu’en
moye
nne
, ce nombre de jours de gel baissait
de
l'ordre de 4 jours tous les 10 ans à Toulouse et
de 5 jours tous les 10 ans à Nancy.
L’indice de
fraîcheur des nuits est
également à l’étude car la
fluctuation des températures jour/nuit est
extrêmement importante dans la synthèse des
composés phénoliques. Or cette fluctuation tend
également à s’amenuiser
.
L’augmentation des températures
et du taux de CO2
favorisent l’eff
icience
de la photosynthèse
,
donc
la
production
de biomasse et
la
vigueur de la vigne
(©JC)
Plus de vigueur donc plus d’humidité relative
Un autre
«
signe
» de ce réchauffement
est
l’augmentation du titre alcoométrique des vins
: en
Champagne
par exemple
, le
Comité
interprofessionnel des vins de Champagne (
CIVC
) a
fait part,
depuis 1987,
«
d’une augmentation des
rendements agronomiques observés tandis que la maturité à
la vendange a gagné 0,8% vol. d’alcool probable
».
Remarque confirmée
par Bernard Seguin
: «
Il est
aujourd’hui fréquent de rencontrer des vignerons avec des vins titrant à 14°vol.
,
voire 15°vol.,
particulièrement dans le Sud...
Pour le moment positive, cette évolution interroge à plus long terme
sur la possibilité de conserver
la typicité de ces vins
».
«
Cette progression du degré alcoolique
s’est
produit
e
à la faveur d'une maturation décalée su
r des
journées plus longues, plus chaudes
»
,
explique
le chercheur
.
Pour le futur, il faudra aussi tenir
compte de teneurs de CO2 plus élevées, améliorant l’efficience de la photosynthèse.
Selon lui, o
n
peut estimer cette progression
à +20%
ou
+30% dans l’
hypothèse d’une concentration en CO2
doublée d’ici la fin du siècle, suivant les cultures et
les
conditions de milieu,
avec à la clé
une
augmentation de la biomasse résultante de +15%
ou
+20%
.
Et q
ui dit plus de
«
biomasse
»
,
dit plus
de
«
vigueur
»
. En Bo
urgogne, le poids moyen des grappes a progressé de +50% en 10 ans
, mais là
encore, le
lien n’a pas pu être «
scientifiquement
» établi.
Quid de l’impact du réchauffement sur les insectes et les maladies de la vigne
?
Par contre, les observations
«
terrain
»
témoignent de changeme
n
ts. Une enquête récente de
l’Institut français de la vigne et du vin et des
V
ignerons indépendants (
V
if
) indique que 64% des
vignerons ont relevé un «
impact significatif
» du réchauffement sur l’expression des maladies et
parasites sur le terrain. Ils so
ulignent à 42% l’apparition ou la disparition des maladies et 32%
estiment que celles
-
ci se développent à des stades inhabituel
s au cours du cycle végétatif.
Bernard
Seguin mentionne également que
«
le réchauffement des températures peut favoriser l’arrivé
e de
nouveaux insectes inconnus jusqu’à maintenant,
avec la présence de populations invasives venant
des pays chauds. Certaines maladies ou ravageurs peuvent être véhiculés par les moyens modernes
de transport et s’installer dans des régions où les conditi
ons climatiques le leur permettront
».
L’oïdium s’est montré particulièrement agressif ces dernières années dans les vignobles
septentrionaux où il est habituellement considéré comme secondaire. Le
CIVC
(
Comité
interprofessionnel des vins de Champagne) a
notamment relevé en Champagne des fréquences
d’attaques de mildiou et d’oïdium à la hausse depuis 2004, mais aussi l’apparition récente de
pathogènes jusque
-
là inexistants dans le vignoble, comme le black rot, ou d’autre
s
ravageur
s
comme
l’eudémis, en ext
ension également.
Toujours en 2004, l’oïdium avait également fait de gros dégâts
dans les vignobles de
Bourgogne,
du
Beaujolais
et
du
Bordelais.
En 2006, il a fait parl
er
de lui dans le
s
vignoble
s
de Cognac
, de Bordeaux et
du
Val
-
de
-
Loire
.
«
Les maladies n
’ont plus la même
épidémiologie qu’avant
»,
remarquait
Dominique Moncomble, directeur des services techniques de
l’interprofession champenoise, lors d’une conférence sur le réchauffem
ent climatique à Dijon en
2007.
«
L’
impact du réchauffement climatique
sur les insectes et les maladies reste encore
mal cerné à l’heure actuelle
, précise Bernard
Séguin, de
l’INRA
d’Avignon.
Donc le lien
n’est
pas
complètement établi entre les
deux
»
, ajoute
le chercheur
. «
La réponse
n’est pas simple, car la température ne fait
pas tout. La présence d’insectes peut être
régulée par d’autres facteurs
.
On peut
néanmoins
supposer que l’augmentation des
températures a un impact sur les insectes
présent
s, en favorisant le nombre de
générations
».
Vient de paraître
-
«
Coup de chaud sur l’agriculture
»
Bernard
Seguin
, chercheur à l’INRA d’Avignon,
est l’auteur
d’un ouvrage intitulé «
Coup de chaud sur l’agriculture
», paru
aux éditions Delachaux et Niestlé
(
Collection Changer d'ère
)
en 2010.
L’auteur
y aborde les conséquences du
changement climatique sur
l’agriculture mondiale. A la fin du siècle, la productivité agricole
pourrait varier de
50 % pour les pays de l’hémisphère Sud à + 15 %
pour ceux de l’hémisphère Nord. Les régions tempérées seront ainsi
favorisées par le réchauf
fement climatique et les autres en subiront
des conséquences négatives.
Pour l’auteur, si le réchauffement se limite à +2° C ou + 3° C, le
minimum prévu par les experts internationaux, l’agriculture sera
capable de s’adapter. Les inquiétudes s’aggravent av
ec les scénarios
les plus pessimistes, dans le cas où le réchauffement atteindrait + 4 à
5° C.
L
ouvrage, de 224 pages,
est
vendu au prix
de 19
1 / 8 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !