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Paris, le 1er juin 2015
Communiqué de presse
© 2012 musée du Louvre / Olivier Ouadah
Le Louvre et
le patrimoine proche-oriental
Face à l’actualité, le musée du Louvre, qui possède des
collections d’antiquités orientales et d’art islamique parmi les
plus riches au monde, se mobilise pour la sauvegarde du
patrimoine mondial. Si le musée ne peut pas mettre fin aux
destructions en Irak, en Syrie, en Tunisie ou ailleurs, il peut en
revanche, s’engager toujours plus pour l’éducation, la formation
et la transmission des savoirs. La collaboration avec les
différents acteurs (scientifiques, chercheurs, conservateurs,
institutionnels) s’intensifie. Pour montrer l’importance
fondamentale de ce patrimoine mondial, le musée du Louvre
prépare également une exposition au Louvre-Lens sur la
Mésopotamie pour l’automne 2016.
Le musée du Louvre et la Mésopotamie
Le Louvre a des liens tout particuliers avec le Proche-Orient et
l’Irak. Dès la création du Museum central des arts, nom donné au
Louvre après la Révolution, quelques objets islamiques issus des
collections royales sont exposés. Les fouilles effectuées par Émile
Botta, Consul de France à Mossoul, mènent à la création au Louvre
du premier musée assyrien au monde en 1847. À la fin du XIXe
siècle et au début du XXe siècle, sous l’impulsion conjointe
d’amateurs éclairés et d’historiens, les acquisitions s’accélèrent.
Aujourd’hui, les deux départements des Antiquités orientales (6 500
œuvres exposées) et des Arts de l’Islam (3 000 œuvres exposées)
couvrent avec éclat l’ensemble des civilisations qui se sont succédé
sur le territoire dit de la Mésopotamie.
Des relations anciennes, de nouveaux enjeux
Le musée du Louvre se doit de tout mettre en œuvre pour protéger
les œuvres d’art et les transmettre aux générations futures. Il est
impératif de préserver leur intégrité où qu’elles se trouvent, car elles
forment le patrimoine commun de l’Humanité. Les récentes
destructions constituent des attaques à la raison d’être des musées,
lieu de dialogue, de connaissance et de compréhension mutuelle. Ces
vestiges inestimables doivent continuer à traverser les siècles afin
d’éclairer le présent et l’avenir.
Si les relations sont anciennes avec les interlocuteurs travaillant sur
place, l’actualité oblige à repenser nos liens pour apporter les
réponses adaptées à cette nouvelle donne.
Direction des Relations extérieures
Anne-Laure Béatrix, directrice
Adel Ziane, sous-directeur de la communication
Sophie Grange, chef du service de presse
Contact presse
Sophie Grange
[email protected]
Tél. 01 40 20 53 14 / 06 72 54 74 53
La mobilisation du monde scientifique
Le président de la République François Hollande a annoncé le 18
mars dernier dans un discours prononcé au département des
Antiquités orientales du Louvre, son souhait de confier au Louvre
une mission d’expertise à Bagdad pour évaluer les moyens
nécessaires à la préservation des trésors de ce pays. Les chercheurs
et conservateurs irakiens et syriens travaillent en effet dans des
conditions extrêmement difficiles depuis plusieurs années. Le musée
du Louvre les accueille afin de leur permettre de continuer à
travailler sur leur spécialité.
Il s’agit aussi de constituer des inventaires qui puissent permettre
d’identifier les œuvres disparues, abimées ou volées.
Le dialogue entre homologues de musées dont les collections
proviennent de ces régions, mais aussi avec les institutions
internationales en charge de la protection du patrimoine (UNESCO,
ICOM) est à l’œuvre actuellement au sein de groupes de travail.
Seule la mobilisation de tous les acteurs peut enrayer la dispersion
de ce patrimoine en danger.
Faire connaitre ces collections du grand public
Le grand public connait sans doute peu l’histoire et les productions
de cette région du monde. L’exposition « Babylone » en 2009,
l’ouverture du département des Arts de l’Islam en 2012 ont permis
de révéler les richesses des artisans et artistes.
Le musée organisera également à l’automne 2016 au Louvre-Lens,
une grande exposition sur la Mésopotamie, renouant ainsi avec son
histoire scientifique, intitulée « L’Histoire commence en
Mésopotamie. De Sumer à Babylone ».
Le département
des Antiquités orientales
du musée du Louvre
Le Louvre a des liens tout particuliers avec le Proche-Orient et
l’Irak qui remontent aux fouilles effectuées par Émile Botta,
Consul de France, au XIXe siècle et qui menèrent à la création
du premier musée assyrien au monde au Louvre en 1847.
L’actuel département des Antiquités orientales réunit le
premier « musée assyrien » du monde, les antiquités
« asiatiques » (dont les collections rapportées par la Mission
Renan au Levant dans les années 1860), le « musée judaïque »
et les collections chypriotes.
Taureaux androcéphales ailés. Vers 713 av J.-C.,
Irak © musée du Louvre, dist. RMN / Thierry
Ollivier
Il présente 6 500 œuvres qui couvrent une période allant de la
préhistoire au début de l’époque islamique et un territoire dont
les confins vont, pour certaines périodes, de l’Afrique du Nord
à l’Asie centrale et de la mer Noire à l’océan Indien, couvrant
toute la péninsule arabique.
L’ampleur de ces collections permet une présentation générale
de toutes les civilisations de l’Orient ancien et replace ce vaste
patrimoine dans une cohérence historique globale. Ces
civilisations furent toutefois toujours reliées, dans l’Antiquité,
par un réseau d’échanges politiques, économiques et culturels
qui leur donne une cohérence et une unité historique.
La diversité des collections du département des Antiquités
Orientales lui donne un prestige particulier parmi les autres
grands musées du monde. En effet, aucun autre musée ne peut
recréer une séquence historique aussi complète. Cette richesse
permet une mise en valeur et une étude des collections
reposant sur une approche chronologique et comparative.
Quatre œuvres majeures du département des Antiquités
orientales du musée du Louvre
Statue de l’intendant Ebih-Il
De nombreux fidèles ont déposé des statues à leur effigie dans les
temples de Mari, en Syrie, perpétuant ainsi leur prière devant la
divinité. Ces statues d'orants et d'orantes les représentent, la plupart
du temps, les mains jointes et vêtus d'un vêtement appelé kaunakès.
La statue de l'intendant Ebih-Il est, sans conteste, un chef-d'œuvre
par la qualité de son exécution, par son état de conservation et par le
caractère expressif de son style.
Statue de l'intendant Ebih-Il. vers 2800-2340 av
J.-C., Syrie © 2011 musée du Louvre / Raphaël
Chipault
Les fouilles menées dès 1933 par André Parrot sur le site de Mari, en
Syrie, ont permis de mettre au jour des temples consacrés à
différentes divinités (Ishtar, Ishtarat, Ninizaza...), datant des environs
du milieu du IIIe millénaire av. J.-C. La statue de l'intendant Ebih-Il
a été découverte dans le temple de la déesse Ishtar, premier
sanctuaire fouillé à Mari. Ebih-Il est assis sur un tabouret en
vannerie. Il est torse nu et porte une jupe longue de kaunakès,
vêtement fait d'une peau de mouton ou de chèvre ou encore d'un
tissu imitant par ses longues mèches la toison de l'animal. La
manière dont sont traitées les mèches laineuses du kaunakès d'EbihIl, ainsi que la présence d'une queue à l'arrière de ce vêtement,
confirment bien qu'il s'agit d'un vêtement en peau d'animal, rendu ici
avec un réalisme rare. Notre personnage a le crâne rasé et arbore une
longue barbe qui devait être incrustée dans un autre matériau. Seuls
les yeux ont conservé leurs incrustations de coquille et de lapislazuli enchâssés dans une monture de schiste, l'ensemble étant
maintenu par du bitume.
Le lapis-lazuli, provenant d'Afghanistan, témoigne des relations
établies sur de longues distances, dès cette époque ancienne au
Proche-Orient. L'albâtre translucide, parfaitement poli, dans lequel
cette œuvre est façonnée, donne beaucoup de subtilité au modelé du
buste.
Statue de Gudea
Prince du royaume de Lagash, en Mésopotamie (Irak actuel), à la fin
du IIIe millénaire avant J.-C., Gudea est connu pour sa piété et son
intense activité de bâtisseur de temples. Cette statuette constitue le
seul exemplaire complet d'une série de représentations en diorite
(roche noire) de ce prince. Une inscription gravée sur le pagne
indique qu'elle était consacrée au dieu Ningishzida.
Une statue de Gudea complète
Cette statue provient des fouilles de la ville de Girsu, capitale du
royaume de Lagash, d'où elle fut exhumée en deux temps : la tête fut
découverte en 1877 ; le corps en 1903. Les fouilleurs français
possédaient alors bon nombre de ces statues en diorite, au corps
massif, représentant un personnage tantôt assis, tantôt debout. Pour
tous ces exemplaires, les archéologues n’ont toujours retrouvé que
des corps sans têtes. On peut supposer que les dynasties successives
ont choisi de couper les têtes, symbole du pouvoir.
Statue de Gudea. IIIe millénaire av J.-C., Irak
© 2010 Musée du Louvre / Angèle Dequier
Gudea, prince de Lagash
Le règne de Gudea, ainsi illustré par cette série de représentations,
est par ailleurs relativement bien connu. Suite à la chute de la
domination d'Agadé, des cités du Sud mésopotamien établirent des
dynasties indépendantes : Gudea succéda à son beau-père Ur-Ba'u,
fondateur de la seconde dynastie de Lagash. Il se consacra à
l'édification de temples pour les grands dieux de Girsu : Ningirsu et
Nanshe, Ningishzida et Geshtinanna. La statuaire correspondant à
son règne, surtout constituée de ses propres représentations, est
empreinte de cette piété qui contraste avec les thèmes belliqueux de
l'art de la période akkadienne.
Une représentation royale
Coiffé d'un turban royal orné de bouclettes stylisées, le visage glabre
de Gudea est calme et souriant ; ses yeux en amandes sont dominés
par de grands sourcils conventionnellement figurés en arêtes de
poissons. Il porte un manteau drapé et orné de franges, déjà connu de
la période akkadienne, laissant apparaître un bras à la musculature
marquée ; ses mains sont jointes en signe de piété. L'attitude
tranquille et puissante du prince est renforcée par l'aspect sombre de
la diorite, commune à toutes ses représentations. Les proportions,
enfin, étonnent par leur fantaisie : la tête, du fait de l'absence de cou,
semble démesurée et engoncée dans un corps trop petit. L'indéniable
qualité de la facture excluant par ailleurs l'hypothèse d'une
maladresse de l'auteur, il faut voir dans cette singulière silhouette
une tradition sculpturale propre à l'époque ou encore le résultat d'une
contrainte technique liée à l'utilisation de blocs de pierre à l'état
naturel.
Code d’Hammourabi
Le Code d’Hammourabi est l'emblème de la civilisation
mésopotamienne. La haute stèle de basalte érigée par le roi de
Babylone au XVIIIe siècle av. J.-C. est une œuvre d'art, un ouvrage
historique et littéraire et le recueil juridique le plus complet de
l'Antiquité, antérieur aux lois bibliques. Transporté par un prince du
pays voisin d'Élam en Iran, au XIIe siècle av. J.-C., le monument fut
exposé sur l'acropole de Suse au milieu d'autres chefs-d'œuvre
mésopotamiens prestigieux.
Une tradition juridique
Cette stèle de basalte a été érigée par le roi Hammourabi de
Babylone (1792-1750 av. J.-C.) probablement à Sippar, en Irak, la
ville du dieu-soleil Shamash, divinité de la Justice. Recueil juridique
le plus important du Proche-Orient ancien puisqu'il a été rédigé
avant les lois bibliques, le code se définit comme l'aboutissement de
ces essais. Le texte, qui occupe la majeure partie de la stèle,
constitue la raison d'être du monument. La scène figurée qui le
domine représente le roi recevant l'investiture de Shamash.
Remarquable par son contenu juridique, cette œuvre est aussi une
source exceptionnelle pour notre connaissance de la société, de la
religion, de l'économie et de l'histoire événementielle de cette
époque.
Code d’Hammourabi. XVIIIe siècle av J.-C., Irak
© RMN (Musée du Louvre) / Franck Raux
Le contenu du Code
Le texte est rédigé en écriture cunéiforme et en langue akkadienne. Il
se divise en trois parties :
 un prologue historique relate l'investiture du roi Hammourabi
dans son rôle de "protecteur du faible et l'opprimé", ainsi que la
formation de son empire et ses réalisations ;
 un épilogue lyrique résume son œuvre de justice et prépare sa
perpétuation dans l'avenir ;
 ces deux passages littéraires encadrent près de trois cents lois ou
décisions de justice, se référant à la réglementation de la vie
quotidienne dans le royaume de Babylone.
Regroupés en chapitres, les sujets abordés couvrent les droits pénal
et civil. Les plus importants concernent la famille, l'esclavage, le
droit professionnel et commercial, agricole et administratif. Des
mesures économiques fixent les prix et les salaires. Le chapitre
concernant la famille, fondement de la société babylonienne, est le
plus important : il traite des fiançailles, du mariage et du divorce, de
l'adultère et de l'inceste, des enfants, de l'adoption et de l'héritage,
des devoirs de la nourrice.
La cour Khorsabad
Dans la cour Khorsabad du musée du Louvre sont présentés les
impressionnants vestiges provenant du palais que le roi Sargon II a
fait édifier à Khorsabad, au nord de l’Irak actuel, et qu'il inaugure en
706 avant J.-C. La monumentalité de l'architecture et l'organisation
de son décor sculpté sont évoquées grâce aux bas-reliefs placés dans
leur position d'origine.
La cour Khorsabad
© 2010 musée du Louvre / Angèle Dequier
Des génies protecteurs, appelés aussi Shêdu ou lamassu, taureaux
ailés à tête humaine, étaient les gardiens de certaines portes de la
ville et du palais. Symboles issus de la combinaison entre homme,
taureau et oiseau à laquelle les cornes donnent un caractère divin, ils
assuraient une protection contre tout ennemi éventuel.
Lorsque que Sargon II fonda sa nouvelle capitale Dur-Sharrukin,
l'actuelle Khorsabad, vers 713 av. J.-C., il l'enferma, avec plusieurs
palais, dans une immense enceinte en brique crue percée de sept
portes.
Des génies protecteurs, gardiens des portes, étaient disposés de part
et d'autre des ouvertures. Ils constituaient aussi un élément
architectural à part entière, puisqu'ils recevaient une partie du poids
des voûtes. Les fouilles entreprises par Paul-Emile Botta, à partir de
1843, permirent de dégager le site et de mettre au jour une partie des
œuvres qui furent envoyées au Louvre. Ce génie protecteur formait
le montant gauche de la porte K du palais.
Taillé dans un seul bloc à l'origine, il mesure plus de quatre mètres
de haut sur quatre mètres de large sur une épaisseur d'un mètre. Il est
sculpté en ronde-bosse pour la tête et en haut relief pour le reste du
corps. Cette technique du haut relief est très prisée à l'époque de
Sargon II, où le modelé prend de l'ampleur.
Les taureaux, motifs d'inspiration syrienne, sont des éléments
caractéristiques du décor des palais assyriens. Ils apparaissent à
Nimrud, sous le règne d'Assurnasirpal II et perdurent jusqu'au règne
d'Assurbanipal
Le département
des Arts de l’Islam
du musée du Louvre
Le département des Arts de l’Islam conserve l’une des plus belles
collections au monde. Près de 3 000 œuvres y sont exposées,
couvrant 1 200 ans d’histoire et un territoire qui s’étend de
l’Espagne à l’Inde. Elles témoignent de la richesse et de la diversité
des créations artistiques des terres de l’Islam. Les premiers objets
islamiques qui arrivent au Louvre dès 1793, sont issus des
collections royales. Parmi eux, on compte un prestigieux bassin de
métal incrusté probablement réalisé en Syrie au XVIe siècle et connu
sous le nom de Baptistère de Saint Louis.
Grâce à la générosité de collectionneurs et d'amateurs, à une
politique d’achats prestigieux et au dépôt de matériel archéologique,
les collections se sont enrichies d’œuvres exceptionnelles.
Bassin dit « Baptistère de Saint Louis »
Égypte ou Syrie, première moitié du XIVe siècle
© musée du Louvre, dist. RMN /Hughes Dubois
Le Proche-Orient est particulièrement bien représenté, depuis les
débuts de l’Islam jusqu’à la période ottomane, dans les collections
qui reflètent ainsi les rapports privilégiés de la France et du Louvre
avec cette région. Ainsi, le département possède une série de neuf
relevés grandeur nature des mosaïques de la cour de la Grande
mosquée de Damas, dégagées en 1928 sous la direction d’Eustache
de Lorey, alors Directeur de l’Institut Français de Damas.
Le site de Samarra, en Irak, essentiel à la connaissance du califat
abbasside, est également représenté à travers un échantillonnage du
matériel archéologique issu des fouilles allemandes de Herzfeld,
mais surtout par un ensemble de stucs provenant des fouilles
françaises antérieures d’Henri Viollet au tout début du XXe siècle, et
enfin par un exceptionnel vantail de porte.
Le département des Arts de l’Islam recèle également des trésors du
Proche-Orient médiéval des XIIe-XVe siècles, principalement des
objets luxueux en métal cuivreux incrusté d’argent et d’or, dont
certains ont été réalisés à Mossoul, ou à Damas et au Caire par des
artistes venus de Mossoul, pour les sultans ayyubides, alors maîtres
de l’Egypte et de la Syrie.
Depuis septembre 2012, de nouveaux espaces, délicatement insérés
entre les façades restaurées de la cour Visconti, accueillent le
département. L’œuvre des architectes Rudy Ricciotti et Mario
Bellini – un écrin surmonté par une couverture de verre dorée et
tissée d’un fin réseau métallique ondulant –, met en lumière l’une
des collections d’art islamique les plus riches du monde.
La muséographie offre sur 3 000 m², un panorama des réalisations
artistiques du VIIe siècle jusqu’au début du XIXe siècle : éléments
d’architecture, objets d’ivoire, de pierre, de métal, de verre ou de
céramique, textiles et tapis, arts du livre...
L’espace, ouvert sur deux niveaux, met en avant la confrontation des
différentes cultures et les échanges permanents entre les régions du
monde islamique.
Quatre œuvres majeures du département des Arts de l’Islam
du musée du Louvre
Relevés des mosaïques de la Grande mosquée de Damas
La Grande mosquée de Damas, élevée en 705-715 par le calife omeyyade al-Walid, est un monument phare des
débuts de l’Islam, célébrée pour son éblouissant décor de marbres et de mosaïques par les auteurs orientaux dès le
IXe siècle au moins. Elle a survécu jusqu’à nous malgré les péripéties de l’Histoire.
En 1928, de larges pans de mosaïques sont dégagés de l’épais enduit qui les avait recouvert à la période ottomane
(portique nord et ouest, bayt al-mal), sous la direction d’Eustache de Lorey, alors Directeur de l’Institut Français de
Damas. Celui-ci avait également fondé l’Ecole des arts arabes modernes, installée dans le palais Azem. Des élèves
de cette école, supervisés par leur professeur Lucien Cavro, exécutent alors en 1928 et 1929 des relevés méticuleux
– grandeur nature. Leurs noms figurent sur certains relevés : Nazmi Khair, Fehmi Kabbani, Kamal Kallass. Eustache
de Lorey publiera ensuite une étude sur ces mosaïques avec Marguerite van Berchem, qui avait été à l’origine du
projet.
Ces relevés furent par la suite légués par De Lorey au Louvre. Deux autres relevés, réalisés dans un second temps
aux frais de De Lorey, étaient restés entre les mains de Lucien Cavro ; ils ont été acquis par le DAI en 2009.
Cet ensemble, restauré dans la perspective d’une présentation dans les nouveaux espaces du DAI, constitue un
document très précieux sur l’état initial des mosaïques au moment de leur « redécouverte » en 1928, car les
mosaïques in-situ ont été par la suite restaurées, parfois de manière peu respectueuse des techniques et du style
original.
Héritage également d’Eustache de Lorey, des petits fragments de ces mosaïques sont conservés au département.
Relevé des mosaïques de la Grande mosquée de Damas © musée du Louvre, dist. RMN / Hervé Lewandowski
Vantail de porte
S’étendant sur plus de 50 kilomètres le long du Tigre, la ville de
Samarra était composée d’un noyau central, le Dar al-Khalifa. Ce
complexe palatial de 125 hectares était divisé en deux parties : l’une
publique, appelée Dar al-‘Amma, l’autre privée, le Jawsaq alKhaqani.
Le vantail de porte en bois du Louvre proviendrait du Dar alKhalifa ; sa hauteur souligne l’importance de l’accès qu’il
commandait. Un vantail du musée Benaki, à Athènes, est le pendant
de celui-ci. Tous deux présentent un décor organisé en trois
panneaux rectangulaires, disposés verticalement. Chaque panneau
est orné de motifs profondément biseautés et en très fort relief,
spécificité décorative de la sculpture ornementale abbasside. Partant
du haut, un motif en éventail ou en queue de paon, flanqué de deux
puissantes bossettes, s’achève par une feuille à cinq lobes dont les
deux derniers se retournent en volutes vers la tige. Cette dernière est
courte et large, et souligne l’étroite continuité des deux corps qui
composent le motif.
Vantail de porte du palais du Dar al-Khalifa de Samarra
Irak, IXe siècle © musée du Louvre, dist. RMN / Hughes
Dubois
Plat au porte-étendard
Ce plat est bien représentatif de la production irakienne de
céramique à décor de lustre métallique monochrome du Xe siècle.
Elle intègre à cette période des décors figurés ; ici un porteétendard, personnage de cour lié au pouvoir.
Plat au porte-étendard, Irak, Xe siècle
© musée du Louvre, dist. RMN / Hughes Dubois
Cet objet est un des exemples les plus célèbres de la céramique
abbasside à décor de lustre métallique monochrome figuré. Cette
technique décorative est mise au point par les potiers abbassides au
IXe siècle en Irak. De réalisation virtuose et coûteuse, elle est
destinée à une clientèle d’élite.
Le décor est peint sur une pièce glaçurée, cuite au préalable, à l’aide
d’oxydes métalliques de cuivre et d’argent. Il est ensuite cuit dans
une atmosphère oxydante puis réductrice (c'est-à-dire privée
d’oxygène) afin de susciter une réaction chimique qui permet aux
éléments métalliques de pénétrer la surface vitreuse de la glaçure et
de s’y intégrer.
Ces décors ont la propriété optique de présenter, sous un angle bien
particulier, un vif changement de couleur associé à des reflets
métalliques d’une forte intensité lumineuse. Ils intègrent pour la
première fois des thèmes figurés. Ici, un personnage masculin
debout, frontal, tient à deux mains un étendard. Il est traité de
manière schématique, dans un style bien caractéristique du Xe
siècle. À sa droite, un paon de profil et à sa gauche deux
vigoureuses demies palmettes. Les zones laissées vides sont
comblées par des motifs de remplissage. Le bord de la coupe est
souligné par un feston continu. Sous la base, un large trait circulaire
enferme trois coups de pinceaux radiants ; on a supposé qu’il
s’agissait de marques d’atelier. On connaît plusieurs pièces de ce
type, exaltant tantôt des thèmes militaires (guerriers), tantôt des
thèmes de banquet (musiciens, buveurs).
Deux lignes d'épigraphie rythment le large étendard ; on y a lu les
formules baraka (chance) et al-mulk (souveraineté), mais il semble
plus raisonnable de reconsidérer la question.
Les métaux incrustés de l’école de Mossoul
Aiguière signée Ibn Mawaliya, Mossoul, début du XIIIe siècle,
(K 3435)
Aiguière au nom du sultan Salah al-Din Yusuf, Damas, 1258,
dit Vase Barberini (OA 7428)
À partir des années 1220, l’art du métal incrusté, attesté en Iran oriental
dès le milieu du XIIe siècle, se répand vers l’ouest et plus
particulièrement au nord de l’Irak, en Jézireh, dans la ville de Mossoul,
qui devient un centre de production et d’exportation très réputé.
Vers le milieu du XIIIe siècle, les inscriptions présentes sur les œuvres
indiquent que ces artisans de Mossoul se sont installés en Syrie et en
Egypte sous domination des sultans ayyoubides (1171-1260). Leurs
signatures se retrouvent ensuite jusqu’à la fin du XIIIe siècle sur des
œuvres exécutées au Caire sous les sultans mamlouks.
Les artistes dinandiers et incrusteurs signent volontiers leurs œuvres.
Ces artistes « de Mossoul » ont créé un nouveau style au service d’une
iconographie extrêmement variée et narrative. Profondeur, volumes,
raccourcis apparaissent. Scène de labour, d’enseignement, de
commerces viennent enrichir un répertoire déjà foisonnant de scènes de
cour, des chasses et joutes équestres, de figurations astrologiques qui
paraissent toutes liées à la figure princière et à l’exercice du pouvoir.
Aiguière au nom du sultan d'al-Malik al-Nâsir,
Salâh al-Dîn Yûsuf , dit « Vase Barberini » Syrie,
XIIIe siècle © musée du Louvre, dist. RMN / Hughes
Dubois
Une aiguière signée du maître Ibn Mawaliya « al-Mawsili » (« de
Mossoul »), illustre cette nouvelle tendance. Très certainement réalisée à
Mossoul même au début du XIIIe siècle, elle porte, dans son style
comme dans l’utilisation abondante des incrustations de cuivre rouge,
l’héritage des œuvres réalisées auparavant en Iran oriental.
Dans les territoires sous domination ayyoubide, les artistes de Mossoul
signent des objets à destination des celliers des sultans et sont également
liés à des œuvres ornées de thèmes chrétiens. Le département des Arts
de l’Islam possède un très bel ensemble de ces productions. Ainsi, une
aiguière réalisée pour le sultan al-Malik al-Salih Yusuf porte une
inscription contenant la signature d’un artiste de Mossoul, qui l’a
réalisée à Damas en 1258. C’est sans doute dans cette même ville et par
un artiste mossoulien qu’a été réalisé pour le même prince
l’exceptionnel Vase Barberini.
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