Paris, le 1er juin 2015 Communiqué de presse © 2012 musée du Louvre / Olivier Ouadah Le Louvre et le patrimoine proche-oriental Face à l’actualité, le musée du Louvre, qui possède des collections d’antiquités orientales et d’art islamique parmi les plus riches au monde, se mobilise pour la sauvegarde du patrimoine mondial. Si le musée ne peut pas mettre fin aux destructions en Irak, en Syrie, en Tunisie ou ailleurs, il peut en revanche, s’engager toujours plus pour l’éducation, la formation et la transmission des savoirs. La collaboration avec les différents acteurs (scientifiques, chercheurs, conservateurs, institutionnels) s’intensifie. Pour montrer l’importance fondamentale de ce patrimoine mondial, le musée du Louvre prépare également une exposition au Louvre-Lens sur la Mésopotamie pour l’automne 2016. Le musée du Louvre et la Mésopotamie Le Louvre a des liens tout particuliers avec le Proche-Orient et l’Irak. Dès la création du Museum central des arts, nom donné au Louvre après la Révolution, quelques objets islamiques issus des collections royales sont exposés. Les fouilles effectuées par Émile Botta, Consul de France à Mossoul, mènent à la création au Louvre du premier musée assyrien au monde en 1847. À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, sous l’impulsion conjointe d’amateurs éclairés et d’historiens, les acquisitions s’accélèrent. Aujourd’hui, les deux départements des Antiquités orientales (6 500 œuvres exposées) et des Arts de l’Islam (3 000 œuvres exposées) couvrent avec éclat l’ensemble des civilisations qui se sont succédé sur le territoire dit de la Mésopotamie. Des relations anciennes, de nouveaux enjeux Le musée du Louvre se doit de tout mettre en œuvre pour protéger les œuvres d’art et les transmettre aux générations futures. Il est impératif de préserver leur intégrité où qu’elles se trouvent, car elles forment le patrimoine commun de l’Humanité. Les récentes destructions constituent des attaques à la raison d’être des musées, lieu de dialogue, de connaissance et de compréhension mutuelle. Ces vestiges inestimables doivent continuer à traverser les siècles afin d’éclairer le présent et l’avenir. Si les relations sont anciennes avec les interlocuteurs travaillant sur place, l’actualité oblige à repenser nos liens pour apporter les réponses adaptées à cette nouvelle donne. Direction des Relations extérieures Anne-Laure Béatrix, directrice Adel Ziane, sous-directeur de la communication Sophie Grange, chef du service de presse Contact presse Sophie Grange [email protected] Tél. 01 40 20 53 14 / 06 72 54 74 53 La mobilisation du monde scientifique Le président de la République François Hollande a annoncé le 18 mars dernier dans un discours prononcé au département des Antiquités orientales du Louvre, son souhait de confier au Louvre une mission d’expertise à Bagdad pour évaluer les moyens nécessaires à la préservation des trésors de ce pays. Les chercheurs et conservateurs irakiens et syriens travaillent en effet dans des conditions extrêmement difficiles depuis plusieurs années. Le musée du Louvre les accueille afin de leur permettre de continuer à travailler sur leur spécialité. Il s’agit aussi de constituer des inventaires qui puissent permettre d’identifier les œuvres disparues, abimées ou volées. Le dialogue entre homologues de musées dont les collections proviennent de ces régions, mais aussi avec les institutions internationales en charge de la protection du patrimoine (UNESCO, ICOM) est à l’œuvre actuellement au sein de groupes de travail. Seule la mobilisation de tous les acteurs peut enrayer la dispersion de ce patrimoine en danger. Faire connaitre ces collections du grand public Le grand public connait sans doute peu l’histoire et les productions de cette région du monde. L’exposition « Babylone » en 2009, l’ouverture du département des Arts de l’Islam en 2012 ont permis de révéler les richesses des artisans et artistes. Le musée organisera également à l’automne 2016 au Louvre-Lens, une grande exposition sur la Mésopotamie, renouant ainsi avec son histoire scientifique, intitulée « L’Histoire commence en Mésopotamie. De Sumer à Babylone ». Le département des Antiquités orientales du musée du Louvre Le Louvre a des liens tout particuliers avec le Proche-Orient et l’Irak qui remontent aux fouilles effectuées par Émile Botta, Consul de France, au XIXe siècle et qui menèrent à la création du premier musée assyrien au monde au Louvre en 1847. L’actuel département des Antiquités orientales réunit le premier « musée assyrien » du monde, les antiquités « asiatiques » (dont les collections rapportées par la Mission Renan au Levant dans les années 1860), le « musée judaïque » et les collections chypriotes. Taureaux androcéphales ailés. Vers 713 av J.-C., Irak © musée du Louvre, dist. RMN / Thierry Ollivier Il présente 6 500 œuvres qui couvrent une période allant de la préhistoire au début de l’époque islamique et un territoire dont les confins vont, pour certaines périodes, de l’Afrique du Nord à l’Asie centrale et de la mer Noire à l’océan Indien, couvrant toute la péninsule arabique. L’ampleur de ces collections permet une présentation générale de toutes les civilisations de l’Orient ancien et replace ce vaste patrimoine dans une cohérence historique globale. Ces civilisations furent toutefois toujours reliées, dans l’Antiquité, par un réseau d’échanges politiques, économiques et culturels qui leur donne une cohérence et une unité historique. La diversité des collections du département des Antiquités Orientales lui donne un prestige particulier parmi les autres grands musées du monde. En effet, aucun autre musée ne peut recréer une séquence historique aussi complète. Cette richesse permet une mise en valeur et une étude des collections reposant sur une approche chronologique et comparative. Quatre œuvres majeures du département des Antiquités orientales du musée du Louvre Statue de l’intendant Ebih-Il De nombreux fidèles ont déposé des statues à leur effigie dans les temples de Mari, en Syrie, perpétuant ainsi leur prière devant la divinité. Ces statues d'orants et d'orantes les représentent, la plupart du temps, les mains jointes et vêtus d'un vêtement appelé kaunakès. La statue de l'intendant Ebih-Il est, sans conteste, un chef-d'œuvre par la qualité de son exécution, par son état de conservation et par le caractère expressif de son style. Statue de l'intendant Ebih-Il. vers 2800-2340 av J.-C., Syrie © 2011 musée du Louvre / Raphaël Chipault Les fouilles menées dès 1933 par André Parrot sur le site de Mari, en Syrie, ont permis de mettre au jour des temples consacrés à différentes divinités (Ishtar, Ishtarat, Ninizaza...), datant des environs du milieu du IIIe millénaire av. J.-C. La statue de l'intendant Ebih-Il a été découverte dans le temple de la déesse Ishtar, premier sanctuaire fouillé à Mari. Ebih-Il est assis sur un tabouret en vannerie. Il est torse nu et porte une jupe longue de kaunakès, vêtement fait d'une peau de mouton ou de chèvre ou encore d'un tissu imitant par ses longues mèches la toison de l'animal. La manière dont sont traitées les mèches laineuses du kaunakès d'EbihIl, ainsi que la présence d'une queue à l'arrière de ce vêtement, confirment bien qu'il s'agit d'un vêtement en peau d'animal, rendu ici avec un réalisme rare. Notre personnage a le crâne rasé et arbore une longue barbe qui devait être incrustée dans un autre matériau. Seuls les yeux ont conservé leurs incrustations de coquille et de lapislazuli enchâssés dans une monture de schiste, l'ensemble étant maintenu par du bitume. Le lapis-lazuli, provenant d'Afghanistan, témoigne des relations établies sur de longues distances, dès cette époque ancienne au Proche-Orient. L'albâtre translucide, parfaitement poli, dans lequel cette œuvre est façonnée, donne beaucoup de subtilité au modelé du buste. Statue de Gudea Prince du royaume de Lagash, en Mésopotamie (Irak actuel), à la fin du IIIe millénaire avant J.-C., Gudea est connu pour sa piété et son intense activité de bâtisseur de temples. Cette statuette constitue le seul exemplaire complet d'une série de représentations en diorite (roche noire) de ce prince. Une inscription gravée sur le pagne indique qu'elle était consacrée au dieu Ningishzida. Une statue de Gudea complète Cette statue provient des fouilles de la ville de Girsu, capitale du royaume de Lagash, d'où elle fut exhumée en deux temps : la tête fut découverte en 1877 ; le corps en 1903. Les fouilleurs français possédaient alors bon nombre de ces statues en diorite, au corps massif, représentant un personnage tantôt assis, tantôt debout. Pour tous ces exemplaires, les archéologues n’ont toujours retrouvé que des corps sans têtes. On peut supposer que les dynasties successives ont choisi de couper les têtes, symbole du pouvoir. Statue de Gudea. IIIe millénaire av J.-C., Irak © 2010 Musée du Louvre / Angèle Dequier Gudea, prince de Lagash Le règne de Gudea, ainsi illustré par cette série de représentations, est par ailleurs relativement bien connu. Suite à la chute de la domination d'Agadé, des cités du Sud mésopotamien établirent des dynasties indépendantes : Gudea succéda à son beau-père Ur-Ba'u, fondateur de la seconde dynastie de Lagash. Il se consacra à l'édification de temples pour les grands dieux de Girsu : Ningirsu et Nanshe, Ningishzida et Geshtinanna. La statuaire correspondant à son règne, surtout constituée de ses propres représentations, est empreinte de cette piété qui contraste avec les thèmes belliqueux de l'art de la période akkadienne. Une représentation royale Coiffé d'un turban royal orné de bouclettes stylisées, le visage glabre de Gudea est calme et souriant ; ses yeux en amandes sont dominés par de grands sourcils conventionnellement figurés en arêtes de poissons. Il porte un manteau drapé et orné de franges, déjà connu de la période akkadienne, laissant apparaître un bras à la musculature marquée ; ses mains sont jointes en signe de piété. L'attitude tranquille et puissante du prince est renforcée par l'aspect sombre de la diorite, commune à toutes ses représentations. Les proportions, enfin, étonnent par leur fantaisie : la tête, du fait de l'absence de cou, semble démesurée et engoncée dans un corps trop petit. L'indéniable qualité de la facture excluant par ailleurs l'hypothèse d'une maladresse de l'auteur, il faut voir dans cette singulière silhouette une tradition sculpturale propre à l'époque ou encore le résultat d'une contrainte technique liée à l'utilisation de blocs de pierre à l'état naturel. Code d’Hammourabi Le Code d’Hammourabi est l'emblème de la civilisation mésopotamienne. La haute stèle de basalte érigée par le roi de Babylone au XVIIIe siècle av. J.-C. est une œuvre d'art, un ouvrage historique et littéraire et le recueil juridique le plus complet de l'Antiquité, antérieur aux lois bibliques. Transporté par un prince du pays voisin d'Élam en Iran, au XIIe siècle av. J.-C., le monument fut exposé sur l'acropole de Suse au milieu d'autres chefs-d'œuvre mésopotamiens prestigieux. Une tradition juridique Cette stèle de basalte a été érigée par le roi Hammourabi de Babylone (1792-1750 av. J.-C.) probablement à Sippar, en Irak, la ville du dieu-soleil Shamash, divinité de la Justice. Recueil juridique le plus important du Proche-Orient ancien puisqu'il a été rédigé avant les lois bibliques, le code se définit comme l'aboutissement de ces essais. Le texte, qui occupe la majeure partie de la stèle, constitue la raison d'être du monument. La scène figurée qui le domine représente le roi recevant l'investiture de Shamash. Remarquable par son contenu juridique, cette œuvre est aussi une source exceptionnelle pour notre connaissance de la société, de la religion, de l'économie et de l'histoire événementielle de cette époque. Code d’Hammourabi. XVIIIe siècle av J.-C., Irak © RMN (Musée du Louvre) / Franck Raux Le contenu du Code Le texte est rédigé en écriture cunéiforme et en langue akkadienne. Il se divise en trois parties : un prologue historique relate l'investiture du roi Hammourabi dans son rôle de "protecteur du faible et l'opprimé", ainsi que la formation de son empire et ses réalisations ; un épilogue lyrique résume son œuvre de justice et prépare sa perpétuation dans l'avenir ; ces deux passages littéraires encadrent près de trois cents lois ou décisions de justice, se référant à la réglementation de la vie quotidienne dans le royaume de Babylone. Regroupés en chapitres, les sujets abordés couvrent les droits pénal et civil. Les plus importants concernent la famille, l'esclavage, le droit professionnel et commercial, agricole et administratif. Des mesures économiques fixent les prix et les salaires. Le chapitre concernant la famille, fondement de la société babylonienne, est le plus important : il traite des fiançailles, du mariage et du divorce, de l'adultère et de l'inceste, des enfants, de l'adoption et de l'héritage, des devoirs de la nourrice. La cour Khorsabad Dans la cour Khorsabad du musée du Louvre sont présentés les impressionnants vestiges provenant du palais que le roi Sargon II a fait édifier à Khorsabad, au nord de l’Irak actuel, et qu'il inaugure en 706 avant J.-C. La monumentalité de l'architecture et l'organisation de son décor sculpté sont évoquées grâce aux bas-reliefs placés dans leur position d'origine. La cour Khorsabad © 2010 musée du Louvre / Angèle Dequier Des génies protecteurs, appelés aussi Shêdu ou lamassu, taureaux ailés à tête humaine, étaient les gardiens de certaines portes de la ville et du palais. Symboles issus de la combinaison entre homme, taureau et oiseau à laquelle les cornes donnent un caractère divin, ils assuraient une protection contre tout ennemi éventuel. Lorsque que Sargon II fonda sa nouvelle capitale Dur-Sharrukin, l'actuelle Khorsabad, vers 713 av. J.-C., il l'enferma, avec plusieurs palais, dans une immense enceinte en brique crue percée de sept portes. Des génies protecteurs, gardiens des portes, étaient disposés de part et d'autre des ouvertures. Ils constituaient aussi un élément architectural à part entière, puisqu'ils recevaient une partie du poids des voûtes. Les fouilles entreprises par Paul-Emile Botta, à partir de 1843, permirent de dégager le site et de mettre au jour une partie des œuvres qui furent envoyées au Louvre. Ce génie protecteur formait le montant gauche de la porte K du palais. Taillé dans un seul bloc à l'origine, il mesure plus de quatre mètres de haut sur quatre mètres de large sur une épaisseur d'un mètre. Il est sculpté en ronde-bosse pour la tête et en haut relief pour le reste du corps. Cette technique du haut relief est très prisée à l'époque de Sargon II, où le modelé prend de l'ampleur. Les taureaux, motifs d'inspiration syrienne, sont des éléments caractéristiques du décor des palais assyriens. Ils apparaissent à Nimrud, sous le règne d'Assurnasirpal II et perdurent jusqu'au règne d'Assurbanipal Le département des Arts de l’Islam du musée du Louvre Le département des Arts de l’Islam conserve l’une des plus belles collections au monde. Près de 3 000 œuvres y sont exposées, couvrant 1 200 ans d’histoire et un territoire qui s’étend de l’Espagne à l’Inde. Elles témoignent de la richesse et de la diversité des créations artistiques des terres de l’Islam. Les premiers objets islamiques qui arrivent au Louvre dès 1793, sont issus des collections royales. Parmi eux, on compte un prestigieux bassin de métal incrusté probablement réalisé en Syrie au XVIe siècle et connu sous le nom de Baptistère de Saint Louis. Grâce à la générosité de collectionneurs et d'amateurs, à une politique d’achats prestigieux et au dépôt de matériel archéologique, les collections se sont enrichies d’œuvres exceptionnelles. Bassin dit « Baptistère de Saint Louis » Égypte ou Syrie, première moitié du XIVe siècle © musée du Louvre, dist. RMN /Hughes Dubois Le Proche-Orient est particulièrement bien représenté, depuis les débuts de l’Islam jusqu’à la période ottomane, dans les collections qui reflètent ainsi les rapports privilégiés de la France et du Louvre avec cette région. Ainsi, le département possède une série de neuf relevés grandeur nature des mosaïques de la cour de la Grande mosquée de Damas, dégagées en 1928 sous la direction d’Eustache de Lorey, alors Directeur de l’Institut Français de Damas. Le site de Samarra, en Irak, essentiel à la connaissance du califat abbasside, est également représenté à travers un échantillonnage du matériel archéologique issu des fouilles allemandes de Herzfeld, mais surtout par un ensemble de stucs provenant des fouilles françaises antérieures d’Henri Viollet au tout début du XXe siècle, et enfin par un exceptionnel vantail de porte. Le département des Arts de l’Islam recèle également des trésors du Proche-Orient médiéval des XIIe-XVe siècles, principalement des objets luxueux en métal cuivreux incrusté d’argent et d’or, dont certains ont été réalisés à Mossoul, ou à Damas et au Caire par des artistes venus de Mossoul, pour les sultans ayyubides, alors maîtres de l’Egypte et de la Syrie. Depuis septembre 2012, de nouveaux espaces, délicatement insérés entre les façades restaurées de la cour Visconti, accueillent le département. L’œuvre des architectes Rudy Ricciotti et Mario Bellini – un écrin surmonté par une couverture de verre dorée et tissée d’un fin réseau métallique ondulant –, met en lumière l’une des collections d’art islamique les plus riches du monde. La muséographie offre sur 3 000 m², un panorama des réalisations artistiques du VIIe siècle jusqu’au début du XIXe siècle : éléments d’architecture, objets d’ivoire, de pierre, de métal, de verre ou de céramique, textiles et tapis, arts du livre... L’espace, ouvert sur deux niveaux, met en avant la confrontation des différentes cultures et les échanges permanents entre les régions du monde islamique. Quatre œuvres majeures du département des Arts de l’Islam du musée du Louvre Relevés des mosaïques de la Grande mosquée de Damas La Grande mosquée de Damas, élevée en 705-715 par le calife omeyyade al-Walid, est un monument phare des débuts de l’Islam, célébrée pour son éblouissant décor de marbres et de mosaïques par les auteurs orientaux dès le IXe siècle au moins. Elle a survécu jusqu’à nous malgré les péripéties de l’Histoire. En 1928, de larges pans de mosaïques sont dégagés de l’épais enduit qui les avait recouvert à la période ottomane (portique nord et ouest, bayt al-mal), sous la direction d’Eustache de Lorey, alors Directeur de l’Institut Français de Damas. Celui-ci avait également fondé l’Ecole des arts arabes modernes, installée dans le palais Azem. Des élèves de cette école, supervisés par leur professeur Lucien Cavro, exécutent alors en 1928 et 1929 des relevés méticuleux – grandeur nature. Leurs noms figurent sur certains relevés : Nazmi Khair, Fehmi Kabbani, Kamal Kallass. Eustache de Lorey publiera ensuite une étude sur ces mosaïques avec Marguerite van Berchem, qui avait été à l’origine du projet. Ces relevés furent par la suite légués par De Lorey au Louvre. Deux autres relevés, réalisés dans un second temps aux frais de De Lorey, étaient restés entre les mains de Lucien Cavro ; ils ont été acquis par le DAI en 2009. Cet ensemble, restauré dans la perspective d’une présentation dans les nouveaux espaces du DAI, constitue un document très précieux sur l’état initial des mosaïques au moment de leur « redécouverte » en 1928, car les mosaïques in-situ ont été par la suite restaurées, parfois de manière peu respectueuse des techniques et du style original. Héritage également d’Eustache de Lorey, des petits fragments de ces mosaïques sont conservés au département. Relevé des mosaïques de la Grande mosquée de Damas © musée du Louvre, dist. RMN / Hervé Lewandowski Vantail de porte S’étendant sur plus de 50 kilomètres le long du Tigre, la ville de Samarra était composée d’un noyau central, le Dar al-Khalifa. Ce complexe palatial de 125 hectares était divisé en deux parties : l’une publique, appelée Dar al-‘Amma, l’autre privée, le Jawsaq alKhaqani. Le vantail de porte en bois du Louvre proviendrait du Dar alKhalifa ; sa hauteur souligne l’importance de l’accès qu’il commandait. Un vantail du musée Benaki, à Athènes, est le pendant de celui-ci. Tous deux présentent un décor organisé en trois panneaux rectangulaires, disposés verticalement. Chaque panneau est orné de motifs profondément biseautés et en très fort relief, spécificité décorative de la sculpture ornementale abbasside. Partant du haut, un motif en éventail ou en queue de paon, flanqué de deux puissantes bossettes, s’achève par une feuille à cinq lobes dont les deux derniers se retournent en volutes vers la tige. Cette dernière est courte et large, et souligne l’étroite continuité des deux corps qui composent le motif. Vantail de porte du palais du Dar al-Khalifa de Samarra Irak, IXe siècle © musée du Louvre, dist. RMN / Hughes Dubois Plat au porte-étendard Ce plat est bien représentatif de la production irakienne de céramique à décor de lustre métallique monochrome du Xe siècle. Elle intègre à cette période des décors figurés ; ici un porteétendard, personnage de cour lié au pouvoir. Plat au porte-étendard, Irak, Xe siècle © musée du Louvre, dist. RMN / Hughes Dubois Cet objet est un des exemples les plus célèbres de la céramique abbasside à décor de lustre métallique monochrome figuré. Cette technique décorative est mise au point par les potiers abbassides au IXe siècle en Irak. De réalisation virtuose et coûteuse, elle est destinée à une clientèle d’élite. Le décor est peint sur une pièce glaçurée, cuite au préalable, à l’aide d’oxydes métalliques de cuivre et d’argent. Il est ensuite cuit dans une atmosphère oxydante puis réductrice (c'est-à-dire privée d’oxygène) afin de susciter une réaction chimique qui permet aux éléments métalliques de pénétrer la surface vitreuse de la glaçure et de s’y intégrer. Ces décors ont la propriété optique de présenter, sous un angle bien particulier, un vif changement de couleur associé à des reflets métalliques d’une forte intensité lumineuse. Ils intègrent pour la première fois des thèmes figurés. Ici, un personnage masculin debout, frontal, tient à deux mains un étendard. Il est traité de manière schématique, dans un style bien caractéristique du Xe siècle. À sa droite, un paon de profil et à sa gauche deux vigoureuses demies palmettes. Les zones laissées vides sont comblées par des motifs de remplissage. Le bord de la coupe est souligné par un feston continu. Sous la base, un large trait circulaire enferme trois coups de pinceaux radiants ; on a supposé qu’il s’agissait de marques d’atelier. On connaît plusieurs pièces de ce type, exaltant tantôt des thèmes militaires (guerriers), tantôt des thèmes de banquet (musiciens, buveurs). Deux lignes d'épigraphie rythment le large étendard ; on y a lu les formules baraka (chance) et al-mulk (souveraineté), mais il semble plus raisonnable de reconsidérer la question. Les métaux incrustés de l’école de Mossoul Aiguière signée Ibn Mawaliya, Mossoul, début du XIIIe siècle, (K 3435) Aiguière au nom du sultan Salah al-Din Yusuf, Damas, 1258, dit Vase Barberini (OA 7428) À partir des années 1220, l’art du métal incrusté, attesté en Iran oriental dès le milieu du XIIe siècle, se répand vers l’ouest et plus particulièrement au nord de l’Irak, en Jézireh, dans la ville de Mossoul, qui devient un centre de production et d’exportation très réputé. Vers le milieu du XIIIe siècle, les inscriptions présentes sur les œuvres indiquent que ces artisans de Mossoul se sont installés en Syrie et en Egypte sous domination des sultans ayyoubides (1171-1260). Leurs signatures se retrouvent ensuite jusqu’à la fin du XIIIe siècle sur des œuvres exécutées au Caire sous les sultans mamlouks. Les artistes dinandiers et incrusteurs signent volontiers leurs œuvres. Ces artistes « de Mossoul » ont créé un nouveau style au service d’une iconographie extrêmement variée et narrative. Profondeur, volumes, raccourcis apparaissent. Scène de labour, d’enseignement, de commerces viennent enrichir un répertoire déjà foisonnant de scènes de cour, des chasses et joutes équestres, de figurations astrologiques qui paraissent toutes liées à la figure princière et à l’exercice du pouvoir. Aiguière au nom du sultan d'al-Malik al-Nâsir, Salâh al-Dîn Yûsuf , dit « Vase Barberini » Syrie, XIIIe siècle © musée du Louvre, dist. RMN / Hughes Dubois Une aiguière signée du maître Ibn Mawaliya « al-Mawsili » (« de Mossoul »), illustre cette nouvelle tendance. Très certainement réalisée à Mossoul même au début du XIIIe siècle, elle porte, dans son style comme dans l’utilisation abondante des incrustations de cuivre rouge, l’héritage des œuvres réalisées auparavant en Iran oriental. Dans les territoires sous domination ayyoubide, les artistes de Mossoul signent des objets à destination des celliers des sultans et sont également liés à des œuvres ornées de thèmes chrétiens. Le département des Arts de l’Islam possède un très bel ensemble de ces productions. Ainsi, une aiguière réalisée pour le sultan al-Malik al-Salih Yusuf porte une inscription contenant la signature d’un artiste de Mossoul, qui l’a réalisée à Damas en 1258. C’est sans doute dans cette même ville et par un artiste mossoulien qu’a été réalisé pour le même prince l’exceptionnel Vase Barberini.